lundi 24 juin 2013

¡ Si Señor !


L'histoire est toujours amusante, et celle de la presse ne manque jamais de piment, rouge ! En 1987 le quotidien Libération ouvre ses colonnes à un écrivain taurin rare, son nom : Jacques Durand, et tous les jeudi il va donner à ce quotidien sans savoir et sans saveur un parfum unique de jasmin.  L'aventure va se poursuivre jusqu'au printemps 2012, le quotidien va alors se séparer de l'écrivain, sans dire ses raisons, mais personne n'est dupe, l'arrivée quelques mois plus tôt de Nicolas Demorand, le rasoir raseur, y est pour beaucoup. La corrida a mauvaise presse tant à gauche qu'à droite, on murmure qu'elle sent le souffre, la réaction,  le franquisme, ou d'autres balivernes, elle est indéfendable, il ne manque que la parole aux taureaux pour la condamner définitivement. La conscience, la pensée animale animent le blabla des philosophes alter-mondialistes de bazar qui sont en bonnes places dans la gazette, mais en berne de pensées. Peu importe si en son temps Simone de Beauvoir mis Jean-Paul Sartre en situation de comprendre ce qui se joue dans les arènes. " Les corridas m'enchantent et concrètement les toros Miura. Après ma mort j'aimerais me réincarner dans l'un d'eux. "
Jacques Durand a contre lui son style, et le style, c'est l'ennemi, il n'est pas acceptable pour ces zozos qui vendent du mauvais papier. Son style : une épure, un art vif, précis, net et amusé, il a comme d'autres avant lui - l'admirable Jean Cau qui lui aussi sent le souffre - compris que pour faire juste, il faut faire court : trois phrases comme trois derechazos de Manzanares, ¡ Si Señor !

" Avec pañero , toro manso à la pique puis bravo, vindicatif, exigeant c'est passes de la gauche, de la droite, passes de poitrine et par-ci par-là trinchera. L'essentiel. "

" Sa faena ? Trois séries de quatre, cinq derechazos, deux séries de la gauche, le tout sans perdre un pas, en aspirant la charge du toro, en l'envoyant derrière sa hanche pour le reprendre. Chaque série paraphée avec un remate différent : passe de pecho, passe du mépris, farol, kikiriki. "

"  Sa tauromachie ? Lente, passionnelle, bellissime, débridée, sincère, spontanée, templée, jamais préfabriquée. Tauromachie de pieds enfoncés dans le sable, de coeur et de corps offert à un toro collé aux planches et pour vaincre sa réticence. Un combat fusionnel et toujours " al compas " où il semblait se vider pour remplir la Monumental d'émotions déchirantes. "

" Ne pas reculer, jamais, s'offrir poitrine en avant au toro, baisser la main, pour toujours soumettre l'adversité, rester toujours sur ce territoire de comanche où le toro a le devoir de vous prendre, toujours toréer du fond du coeur, ne jamais relâcher sa tenue avec une tauromachie en bras de chemise. "

" Sa stratégie est celle du sachet de thé. Il ne plonge pas brutalement dans l'eau du combat ; il ne torée pas en vrac ; il libère peu à peu sa théine dans une liturgie soignée. "

" De Paula : " je suis tragique. Quand je torée le mieux, il me semble que mon coeur va sortir de ma bouche. Quand je me suis senti bien en toréant, c'est lorsque je me suis senti envahi par cette " fatiga " cet épuisement ". Ailleurs, il évoque pour ses états de grâce torera une " fatiga de muerte " et ajoute : " je ne suis pas fait pour jouer de castagnettes ".

" Il sera enterré le 7, jour de San Fermin. Le 11 juillet dans la chapelle du saint de l'église San Lorenzo, en compagnie d'Orson Wellles, de Deborah Kerr d'Alexandra Stewart et du maire de la ville, Ordoñez fera dire un messe en sa mémoire.
En juin, la municipalité a célébré le cinquantième anniversaire de la mort de " mister Way " comme lui criaient les gamins de Pamplona. "

Suerte torero !

à  suivre

Philippe Chauché








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