Retour nécessaire à Roland Barthes. A l'entrée Français, de son Roland Barthes par Roland Barthes il écrit :
" Français par les fruits (comme d'autres le furent "par les femmes") : goût des poires, des cerises, des framboises ; déjà moindre pour les oranges ; et tout à fait nul pour les fruits exotiques, mangues, goyaves, lichees."
L'écrivain se fait japonais, il dessine, et devient traceur de haïku. En cet hiver provençal je suis moi aussi au centre de la pensée du "poème lié", dans ce "moins, c'est plus", moins de fruits, ou peut-être seulement ces fruits là, découverts adolescent et qui éclairent ma mémoire.
Pour le plaisir de l'attente de l'été : " Une fois la lampe éteinte / Les étoiles fraîches / Sont entrées par la fenêtre. " Natusme Soseki (1)
Français par les femmes, évidemment, ces "folies françaises" qui ne sont pas que musicales, pour leur regards vifs et leurs manières lumineuses, français par la langue, qui pourrait en douter.
Plongée vertigineuse :
" Le plaisir, à la fin, nous chavira. Nous nous levâmes et nous nous regardâmes gravement. Madame Edwarda me fascinait, je n'avait jamais vu de fille plus jolie - ni plus nue. Sans me quitter des yeux, elle prit dans un tiroir des bas de soie blanche : elle s'assit sur le lit et les passa. Le délire d'être nue la possédait : cette fois encore, elle écarta les jambes et s'ouvrit ; l'âcre nudité de nos deux corps nous jetait dans le même épuisement du coeur. Elle passa un boléro blanc, dissimula sous un domino sa nudité : le capuchon du domino lui couvrait la tête, un loup à barbe de dentelles lui masqua le visage. Ainsi vêtue, elle m'échappa et dit :
- Sortons ! " (2)
mais aussi ailleurs :
" Ce qu'on a vu est à revoir d'un regard plus aigu, au risque d'en surfaire l'horreur ou la beauté " (3)
et enfin :
" Et le français dans tout ça ? " Langue royale ", dit Céline, qui en était dévoré, pas toujours pour son bien, mais avec la puissance du rire (lisez les Entretiens avec le professeur Y, chef-d'oeuvre comique, aussi décapant que Molière ou Voltaire). " Langue royale, et foutus baragouins tout autour. " Je n'y peux rien : le fançais m'habite, me précède, m'écoute, me souffle. Est-il content de moi ? Je crois. " (4)
Il en va de même des femmes, même royauté du mot et de la peau, même baragouins tout autour, le plus souvent, même souffle parfois, à condition de bien entendre. Les femmes sont-elles contentes de moi ? Je le crois.
Passion française, des noms (nous n'en diront pas plus ce soir, silence ! )des visages, des musiques : Jean Philippe Rameau par exemple, des peintres, Picasso, et Cézanne, l'un face à l'autre pour le plus grand bonheur de la joie, c'est rare !
Philippe Chauché
(1) Zen / Manuela Duran Mascetti / Evergreen editeur
(2) Madame Edwarda / Georges Bataille / 10/18 1973
(3) Pas à pas jusqu'au dernier / Louis-René Des Forêts / Mercure de France 2002
(4) Un vrai roman / Mémoires / Philippe Sollers / Plon (on peut se reporter au site pileface.com et à mon texte "Sollers sur tous les fronts" qui sera peut-être un jour publié ici.
lundi 14 janvier 2008
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