" Ce n'est pas un acte de foi qui a décidé de l'aventure singulière, délibérément hors cadre, qui se manifeste dans ce livre, et va désormais s'exposer. Tout est venu d'un questionnement, d'une fascination, du vertige également qui ne peut qu'emporter ceux qui désirent évoquer, penser, comprendre, figurer un phénomène aussi troublant, aussi dérangeant, aussi insensé que celui de l'extase... Comment représenter ce qui ne se peut voir ? Comme faire images de chairs qui aspirent à se désincarner ? Comment capter les traces, les effets, les lumières, les ombres, les soupirs ou les cris d'expériences ineffables ? Comment restituer par le trait de tels transports, de tels excès, de telles effractions sublimées ? " ( 1 )
Elles se dressent, cathédrales de papier, Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila, Marie de l'Incarnation, Madame Guyon, elle se dressent, corps d'extases, corps sublimes dans le gris, le blanc et le noir de la main du peintre, elles se dressent en suspension dans un bassin miroir qui renvoie l'image éblouie de leurs corps souffrant et jouissant, car c'est bien de cela qu'il s'agit, l'extase, une rencontre invisible.
Elle se dressent comme des tours de papier, s'élancent vers la voûte de la chapelle, réunis pour la première fois, corps séparés et mêlés, corps en résonances, corps de la nuit et du jour, éclats d'extase, communion secrète, dialogue permanent avec leur divin.
Le peintre l'affirme, c'est la rencontre avec Picasso qui le décida à passer la rivière, à devenir ce qu'il est aujourd'hui, artiste inclassable, dessinateur de la rue, du divin, du sacré, de l'acte, du corps dans un mouvement permanent, du drapé lumineux. Les bras s'allongent, les mains se croisent, les yeux vous scrutent, le dessin retrouve sereinement sa juste place, toujours Picasso, regardez ce qu'il a peint, ou plutôt écoutez cette musique du corps, fermez les yeux, mettez-vous au centre de la scène, et brusquement c'est toute la peinture du monde qui vous envahit.
Regardez ce qu'il dessine, placez-vous au centre de la chapelle saint Charles, fixez longuement les sept femmes divines, écoutez ce qu'elles vous disent, et brusquement c'est toute l'histoire du dessin qui vous envahit, c'est ce dialogue permanent entre l'extase et le mouvement silencieux du dessinateur qui illumine votre regard.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Extases / Ernest Pignon-Ernset / André Velter / Gallimard et en ce moment à la Chapelle saint Charles d'Avignon.
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