... Vous avez bien raison, madame, dit l'Abbé. Ce sont deux passions qui tourmentent en pure perte tous ceux qui ne sont pas nés pour savoir penser. Il faut distinguer cependant l'envie de la jalousie. L'envie est une passion innée dans l'homme ; elle fait partie de son essence : les enfants au berceau sont envieux de ce qu'on donne à leurs semblables. Il n'y a que l'éducation qui puisse modérer les effets de cette passion que nous tenons des mains de la Nature. Mais il n'en est pas de même de la jalousie considérée par rapport aux plaisirs de l'amour. Cette passion est l'effet de notre amour-propre et du préjugé. Nous connaissons des nations entières où les hommes offrent à leurs convives la jouissance de leurs femmes, comme nous offrons aux nôtres le meilleur vin de notre cave. Un de ces insulaires caresse l'amant qui jouit des embrassements de sa femme : ses compagnons l'applaudissent, le félicitent. Un Français, en même cas, fait la moue : chacun le montre du doigt et se moque de lui. Un Persan poignarde l'amant et la maîtresse ; tout le monde applaudit à ce double assassinat. " (1)
" ... Enfin, mon cher Comte, vous commenciez à vous sentir fatigué de mes refus, lorsque vous vous avisâtes de faire venir de Paris votre bibliothèque galante, avec votre collection de tableaux dans le même genre. Le goût que je fis paraître pour les livres et encore plus pour la peinture vous fit imaginer deux moyens qui vous réussirent. " Vous aimez donc, Mademoiselle Thérèse, me dîtes-vous en plaisantant, les lectures et les peintures galantes ? J'en suis ravi : vous aurez du plus saillant ; mais capitulons, s'il vous plaît : je consens de vous prêter et de placer dans votre appartement ma bibliothèque et mes tableaux pendant un an, pourvu que vous vous engagiez de rester pendant quinze jours sans porter même la main à cette partie qui, en bonne justice, devrait bien être aujourd'hui de mon domaine et que vous fassiez sincèrement divorce au manuélisme. Point de quartier, ajoutâtes-vous, il est juste que chacun mette un peu de complaisance dans le commerce. J'ai de bonnes raisons pour exiger celle-ci de vous : optez ; sans cet arrangement, point de livres, point de tableaux. " (1)
Il y a tout d'abord ce livre là, scandaleux paraît-il, licencieux, et pourtant amoureux de l'amour, mais c'est là grand danger pour les sectateurs de la mort. Il y a ce livre venu du Siècle Divin, et qui circule encore en pleine lumière et bientôt sur les ondes d'intelligence de France Culture. C'est bien là, bonne chose.
Mais au défi du texte, se joint celui de la parole, il est un homme qui a saisi et retrouvé les tessitures cachées de la parole, ses résonances secrètes, sa musique complexe et multiple, son rythme troublant qui fouille les profondeurs de la parole et explose en mille étoiles dans le ciel de la ville aux martinets.
Sur la scène de la cour du Musée Calvet, le maître raconte cette folle aventure, l'actrice le regarde avec dans les yeux cette profonde reconnaissance du disciple, une fois de plus sa présence est unique aussi profonde que la richesse de ses envolées amoureuse des mots. Mais il faut savoir entendre, il savoir savoir écouter, en musique dit-il, et oui en musique, cette actrice là, est une musicienne, il serait douloureux de ne pas s'en rendre compte.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Thérése philosophe / Jean-Baptiste de Boyer, Marquis d'Argens / GF Flammarion / spectacle radiophonique pour deux voix présenté en public le 7 juillet à Avignon / adaptation Anatoli Vassiliev / avec les voix de Valérie Dreville et Stanislas Nordey / musique : Kamil Tchalaev / chant : Ambre Kahan / prise de son, montage, mixage et réalisation ; Jean-Louis Deloncle, Manuel Couturier, Jacques Taroni / production France Culture / diffusion sur France Culture le 20 juillet à 20 heures /
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