jeudi 25 juin 2009

Journal d'Eté (2)



" Convalescence -
mes yeux se fatiguèrent
à contempler les roses " (1)

Le mistral les avait éloignés. Ils sont de retour, striant le ciel, embrassant de leurs notes aigus tout l'espace de la rue, déroulant un fil invisible et courbé entre mes yeux et les feuilles au vert mouillé du platane qui ombre la Synagogue. Multipliant les échappées belles entre les Vierges et le cadran solaire épinglé sur le mur où ricoche mon regard, " Les heures d'aimer ", on devine la phrase, on finit par la voir, par l'entendre, concerto en si mineur RV 386 d'Antonio Vivaldi ( 1678-1741 ) par le Venice Baroque Orchestra d'Andréa Marcon et l'élégant et profond Giuliano Carmignola au violon baroque, elle s'ouvre comme une rose rouge d'été, elle vous possède, embrasse votre peau, votre regard en est changé, vous volez vers ce mur de la délivrance.
D'où vient-elle cette phrase ?
De quels Instants bénis ?
Les heures d'aimer ?
Qu'elle est cette main anonyme qui l'a gravée ?
Et ce pluriel troublant et nécessaire d'où vient-t-il ?
Les questions resteront sans réponse pour l'instant.
Le bleu du ciel : Matisse, tiens il est là, Matisse, scissionniste éclairant, le dessin et les couleurs, simplement cela, on devrait pouvoir s'en contenter. Défense permanente de l'Infini, de la légèreté, du corps en mouvement, de la pensée éclairée et éclairante, de la jouissance, de la nature explosant, coucher de soleil vitrail sur la mer dans une ville océane, précisions du détail, larges aplats du Temps, présence troublante de l'Instant, la peinture est-elle autre chose ? Il suffit de faire glisser la toile vers le mot, et l'inverse, le mot dans la toile, entre les couches de vie qui s'y sont accumulées. Bien choisir le mot, bien écouter les couleurs et le dessin, mettre son oreille intérieure à l'affût :

" Luxe, calme, volupté, Matisse n'abandonne jamais ce programme qui essentiellement qualifie son travail " de plus en plus largement apprécié ", qui lui rend " la vie plus facile ", ainsi qu'à sa femme et à ses enfants, et qui enfin fait qu'il se considère " avec raison, comme un homme heureux ". En 1941, alors qu'il réalise l'illustration de son Florilège des Amours de Ronsard, il écrit à André Rouveyre : " Mon cher Rouveyre, si je me laisse aller, l'ouvrage ne va-t-il pas devenir spécialement " galant "... A mon âge ! Dans ma condition, que va-t-on penser de moi ? (...) Ne peut-on garder jusqu'au bout une imagination jeune et ardente ? ... " (2)

Les heures d'aimer ! Voilà, vérifiez cette affirmation biblique en vous plongeant dans l'Infini au travail à la Chapelle de Vence.




Mes jours ressemblent à vos nuits
Et gravent au ciseau sur la pierre blanche
La mémoire de l'Instant.

C'est ce qu'il note sur son écritoire.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Shiki - 1866-1902 / Haïkus / Anthologie / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Henri Matisse / Marcelin Pleynet / Folio Essais / Gallimard

3 commentaires:

  1. Les mots que je n'ai pas su trouver ... Merci pour ce "blog" qui est bien plus que ça.
    (Envie de fusionner nos deux billets.)

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  2. N'hésitez pas, vos fleurs me réjouisssent et votre remarque m'enchante.

    Bien à vous Constance.

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  3. "Sic transit gloria mundi" - "Ainsi passe la gloire du monde"...

    L'été serait-il la saison de la vanité, de l'excès de lumière, de jour,...de nuits trop courtes???

    Hier St Jean, journée la plus longue de l'année, le feu a lancé un défi au soleil, il l'a vaincu! A partir d'aujourd'hui lente descente vers l'hiver, vers la nuit.

    Alors que croire son miroir, soi même...?

    On verra demain.

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