lundi 3 août 2009

La Courbe du Temps (18)




Il se disait : Être c'est Écrire et Écrire c'est s'accorder à la Courbe du Temps.
Il pensait : J'écris dans l'absolue vibration du renversement de l'éternité.
Il écrivait : Le bonheur de voir Miryam-Marie-Maria danser sur le bord du fleuve et sous les arbres transmute ma peau.
Il lui disait : Voilà, regardez comment naissent les miracles, comment fleurissent les narcisses, comment vous transformez radicalement mon regard et mes phrases.
Il écrivait aussi : Point de trouble, aucune raison de douter, les flammes ne me consumeront pas.

Soirée, la lumière décline, le jour s'imagine finir, ce n'est qu'une illusion pensait-il, un autre jour encore plus lumineux naît de la chaleur de la pierre, il plongeait à nouveau dans son cadran solaire admiré, " les heures d'aimer ", permanentes pensait-il, ces heures qui ne fuient pas, comme on veut nous le faire croire, les heures retrouvées font briller ma peau, éclairent chacune de mes pensées, illuminent le mouvement de ma main qui accompagne le croisement et le décroisement des mains de la danseuse rouge, éblouissement des gestes envolés de Miryam-Marie-Maria, éblouissement de l'invisible aussi, pensait-il.

" Dans la brise du soir
les roses blanches
bouges toutes " (1)

" Quand les pivoines fleurissent
il semble qu'il n'est plus
d'autres fleurs autour d'elles " (2)

" Calme -
une feuille de châtaigner
glisse dans l'eau claire " (3)

" La précoce violette, je l'ai grondée :
" Dis-moi, tendre voleuse, ton doux parfum
Ne vient-il pas des lèvres de mon amour ?
Et la couleur de tes joues, ton orgueil,

Du sang de ses artères ? " J'ai condamné le lys
Qui te vole une main, et de la marjolaine
Les touffes, tes cheveux. Apeurées, les roses
Se cuirassaient de leurs épines : l'une

Rougissante de honte, une autre blanche
De désespoir. Et ni rouge ni blanche, une troisième
Avait volé ces deux voleuses, et au larcin
Ajoutait celui de ton souffle ; mais te vengeait
Un ver qui en rongeait l'orgueil, à en mourir.

J'ai remarqué d'autres fleurs. Mais aucune
Qui ne t'eût pris son parfum, sa couleur. " (4)

Il écrit : je vais traverser un espace où vibre les Langues, entendre ces envolées du verbe, flirter avec les déplacements de voyelles, je vais aussi plonger mes mains dans le sable, me couvrir d'écume et les poissons d'or me donneront des nouvelles des fées et des déesses, courir dans les vagues, embrasser les algues, et m'endormir sous les frondaisons de la Lune.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Shiki / Haïkus / Anthologie / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Kiichi / d°
(3) Shôhaku / d°
(4) Shakespeare / Les Sonnets / traduct. Yves Bonnefoy / Poésie / Gallimard

1 commentaire:

  1. Le soleil se levait sur le camp. Il concentra tous ses efforts sur le pied droit. Mettre un pied devant l'autre, recommencer, n'était-ce pas encore le meilleur moyen d'avancer pour s'extraire enfin du bourbier ? Dans un bruit de ventouse le pied resta collé au sol comme un malabar au palais des papes.

    La Tourbe du Camp (5433)

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