lundi 1 février 2010
L'Infini
" Je ne connais pas d'autre grâce que celle d'être né. Un esprit impartial la trouve complète. " (1)
Signe du temps, Lautréamont.
Il n'est pas interdit de penser se dit-il, que cette dernière livraison arrive à temps, qu'il fallait à nouveau écrire ce nom sur le bandeau rouge de la revue, Lautréamont. Exercice de haute voltige poétique, loin, très loin de la poésie qui s'affiche ici ou là, dans sa terrifiante abstinence littéraire. Voltige, répète-t-il, voltige de l'écrivain, exercice d'acrobatie sur le trapèze de la phrase. En 1966, Marcelin Pleynet écrivait son " Lautréamont " dans la collection " Écrivains de toujours ", son exemplaire a lui aussi traversé le Temps, crayonné, corné, décoloré. Lisons :
" La situation de Lautréamont paraît à tous points de vue paradoxale. Sans lui notre culture reste incomplète et comme inachevée, notre littérature tout entière tournée vers une image nostalgique, un projet de pure répétition. Et cependant il ne peut trouver sa place au sein de cette culture qu'en la contestant jusque dans ses fondements, il ne peut provoquer cette littérature dans un procès où il est cause et partie, qu'en la fixant dans sa manie. " (2)
Marcelin Pleynet revient une nouvelle fois, sur l'enjeu Lautréamont, à l'occasion de la parution dans la Pléiade d'une nouvelle édition des Oeuvres de Lautréamont, et comme toujours avec Pleynet, l'acte d'écrire sur ces situations d'écriture est non seulement un acte d'écrivain, mais aussi d'historien, les dates ont leur histoire et leur importance, c'est ce qu'il pense dans la lumière éclatante de ce matin de janvier.
" Et dans les " Notes pour mon avocat "... " mon unique tort a été de compter sur l'intelligence universelle et ne pas faire une préface où j'aurais posé mes principes littéraires et dégagé la question si importante de la Morale ". (...) Mais il était impossible de faire autrement un livre destiné à représenter L'AGITATION DE L'ESPRIT DANS LE MAL (...) " DÉSORMAIS ON NE FERA QUE DES LIVRES CONSOLANT ET SERVANT A DÉMONTER QUE L'HOMME EST NE BON, ET QUE TOUS LES HOMMES SONT HEUREUX -, abominable hypocrisie ! " (3)
Éclats du Temps, Lautréamont.
" On ne me verra pas, à mon heure dernière ( j'écris ceci sur mon lit de mort ), entouré de prêtres. Je veux mourir, bercé par la vague de la mer tempétueuse, ou debout sur la montagne... les yeux en haut, non : je sais que mon anéantissement sera complet. D'ailleurs, je n'aurais pas de grâce à espérer... Vents, qui me soutenez, élevez-moi plus haut ; je crains la perfidie. " (1)
Évidence, se dit-il d'une connivence (3) avec Nietzsche, évidence de la connivence d'hommes qui savent voir ce qui se joue dans la société, et donc dans les mots.
" Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de lire Lautréamont si l'on n'entretient quelques connivences et complicités avec le dernier Nietzsche..." (3)évidence écrit-il : " Pour qu'il y ait de l'art, pour qu'il y ait un acte et un regard esthétique, une condition physiologique est indispensable : l'ivresse. Toutes sortes d'ivresses, quelle qu'en soit l'origine, ont ce pouvoir, mais surtout l'ivresse de l'excitation sexuelle, cette forme la plus ancienne et la plus primitive de l'ivresse. " (4)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Poésies I / Isidore Ducasse comte de Lautréamont / Oeuvres Complètes / Fac similés des éditions originales / La Table Ronde / 1970
(2) Lautréamont / Marcelin Pleynet / Écrivains de toujours / Seuil
(3) Situation : Lautréamont / Marcelin Pleynet / L'Infini / N° 109 / Gallimard
(4) Crépuscule des Idoles / Frédérich Nietzche / traduc. Jean-Claude Hemery / Gallimard
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