mardi 23 août 2011

Ma Librairie (2)

" Qu'est-ce que j'écris ? " Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle le ciel " ( Leçons sur Tchouang-tseu )
La grande colline verte que le vent d'automne brûlera bientôt... et déjà dans ses reflets et ses fumées, le poudroiement des feuilles d'or.
Contemplant la grande colline, l'unique vision illustrée de l'Instant, la nature, l'évidence saillante et immuable de la nature, c'est ce que j'appelle le ciel...
Au XVIII° siècle, les jésuites voulaient traduire par " dieu " le caractère qui, pour les Chinois, désigne le ciel.
Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle dieu.
Ici, la grande colline dans la saison, sans pourquoi.
Devant le mont, la nature, l'évidence saillante, c'est ce que j'appelle le ciel... le plaisir, le bonheur qui se passe de mot... la parole (en silence, un apprentissage quotidien)... l'expérience la plus essentielle n'a pas de mot - je m'absente sans un mot, je ne suis que ce qui s'offre et se présente par amour et lumière pour les yeux... je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas.
Rien de plus libre, de plus vrai, de plus essentiellement vécu : Je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas. " (1)

Qu'écrire dans ce matin d'été ? se demande-t-il. Rien d'autre qui n'ait été écrit dans l'un des ouvrages de ma Librairie, mais dans le foisonnement d'un autre regard matinal, ce qui change tout. Le ciel est plus bleu que jamais, la chaleur renaissante fait taire les oiseaux, le blanc des pierres résonne de musiques italiennes, je prends le temps de ne rien faire, de pousser au centre du silence les phrases qui m'ont accompagnées toute la nuit. J'ouvre le livre et laisse le Temps et son Mouvement en tourner les pages, et derrière elles, miracle de l'imprimerie, miracle du regard de l'écrivain, miracle de ma Librairie, l'absence comme une résurrection. Le savoir, c'est se sauver.



à suivre




Philippe Chauché

(1) Le savoir-vivre / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard

1 commentaire:

  1. Prenez le temps de ne rien faire. Laissez faire les mots.
    "Un livre, c'est un navire dont il faut libérer les amarres", alors voguez...
    Mais revenez-nous demain!
    Maia

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