jeudi 27 octobre 2011

Question de Style



" Dès les premiers pas de son parcours et vraisemblablement jusqu'aux derniers, il aura emprunté un chemin tortueux hérissé d'obstacles, de préférence à toute route droite qui n'a pas l'attrait de l'imprévu, n'engendre tout au long qu'un insurmontable ennui. Honnie soit la rectitude insipide où il ne trouverait nulle part alentour ni au-delà à étancher sa soif d'aventure liée au plaisir de la découverte, non moins, il est vrai qu'au risque de s'égarer dans sa recherche opiniâtre d'une issue aussi insituable qu'un trésor enterré et dont l'existence même reste problématique dès lors qu'il n'en peut préciser la nature ni orienter sa quête en connaissance de cause, ce qui ne l'empêche pas, tout au contraire, de courir sa chance, fût-ce à tort et à travers, comme si l'enjeu n'était pas tant d'en saisir et l'exploiter au mieux que de persévérer aveuglément sans se laisser gagner par le doute, son plus mortel ennemi - inhibition, incertitude, mauvais discernement, chacun de ces mots pris isolément étant inapproprié. A quoi bon s'armer de patience et miser sur le peu de temps dont on dispose pour avoir raison des puissances maléfiques qui le tiennent à leur merci avec le plaisir ludique d'un chat torturant sa proie vivante ? " (1)

C'est toujours et plus jamais, note-t-il, la question du style qui se pose à chaque instant, dans chaque phrase, en chaque geste ; l'ennemi c'est son abandon, le laisser aller, le flottement, à chaque seconde et dans chaque situation allier, ajoute-t-il, fermeté guerrière et silence mystique tout en goûtant ses doutes et ses incertitudes ; le style en sera, pense-t-il, plus vif et plus troublant, et sans trouble point de style, ni de lendemain.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Pas à pas jusqu'au dernier / Louis-René Des Forêts / Mercure de France / 2001

2 commentaires:

  1. Tiens, en voilà un que j'avais complètement oublié!
    Nouveau tiroir.
    Et sur mon étagère ce lucide et tranchant rappel à l'ordre de des Forêts:
    "Allons, réveille-toi, secoue ta vieille carcasse et debout sans tarder, sinon prends garde de te rendormir cette fois pour de bon ; enfoui dès lors, claustré dans une nuit perpétuelle, comme il t'adviendra fatalement, mais évite autant que faire se peut d'en hâter l'échéance par apathie ou volonté insidieuse de perdition, ne sois pas le fossoyeur de toi-même dans l'idée puérile de demeurer jusqu'au bout le seul maître de ton destin, ce qui n'est en rien conforme à la vérité, aussi flagrante qu'en soit l'intention."

    Malgré l'injonction d'éveil ainsi évoqué, je vous souhaite tout de même une bonne nuit.

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  2. Vos tiroirs recellent-ils d'autres merveilles enfouies ?

    Belle journée.

    Philippe Chauché

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