mardi 31 janvier 2012

Artifices


Betty Blythe
" Jouant donc avec les poils raides et piquants de son fameux buisson, laissant un doigt s'égarer à l'occasion un peu plus bas, à l'orée du con, je songeais vaguement, et mes pensées vagabondes s'enfonçaient loin dans le passé. J'avais presque l'impression d'être ce fameux père élu, jouant avec sa fille lascive dans la pénombre hypnotique d'une pièce surchauffée. Tout était faux et profond et réel en même temps. Pour peu que je joue le rôle qu'elle souhaitait - celui de l'amant tendre et compréhensif - la récompense ne faisait pas de doute. Elle me dévorerait d'abandon passionné. Je n'avais qu'à continuer à jouer la comédie : elle écarterait les cuisses avec une ardeur volcanique. " (1)

Tout les artifices l'amusent depuis longtemps, note-t-il, d'où qu'ils viennent et où qu'il aillent, révélateurs du réel qui y trouve matière à rebonds, l'artifice fait parfois rebondir le réel, et l'art du roman est la mise en artifice du réel - mon masque c'est mon visage dit-elle -, c'est d'autant plus éclatant, ajoute-t-il, lorsqu'il met en phrases le mouvement des corps et ce mouvement se dévoile, et d'un geste montre que dans toutes les situations, le réel l'emporte, c'est sa victoire, et il est des victoires qui sont des révélations et des révolutions ; artifices : éclosions où rebondit le réel.

" Dolmancé - Commencez à partir d'un point, Eugénie, c'est que rien n'est affreux en libertinage, parce que tout ce que le libertinage inspire l'est également par la nature ; les actions les plus extraordinaires, les plus bizarres, celles qui paraissent choquer le plus évidemment toutes les lois, toutes les institutions humaines ( car, pour le ciel, je n'en parle pas ), eh bien, Eugénie, celles-là même ne sont point affreuses, et il n'en est pas une d'elles qui ne puisse se démontrer dans la nature ; il est certain que celle dont vous me parlez, belle Eugénie, est la même relativement à laquelle on trouve une fable si singulière dont le plat roman de l'Ecriture sainte, fastidieuse compilation d'un juif ignorant, pendant la captivité de Babylone ; mais il est faux, hors de toute vraisemblance, que ce soit en punition de ces écarts que ces villes, ou plutôt ces bourgades, aient péri par le feu ; placées sur le cratère de quelques anciens volcans, Sodome, Gomorrhe périrent comme ces villes de l'Italie qu'engloutirent les laves du Vésuve ; voilà tout le miracle, et ce fut pourtant de cet évènement tout simple que l'on partit pour inventer barbarement le supplice du feu contre les malheureux humains qui se livraient dans un partie de l'Europe à cette naturelle fantaisie. " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Sexus / Arthur Miller / traduc. Georges Belmont / Buchet/Chastel / 1968
(2) La philosophie dans le boudoir / Marquis de Sade / P.O.L. / 1993

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