vendredi 10 février 2012

Ma Librairie 32





" Dyk ne nourrissait pas non plus d'antipathie particulière à l'égard des étudiantes des beaux-arts. C'étaient les gens dans leur ensemble qui l'importunaient. Certes, plus ils étaient jeunes, plus ils l'agaçaient, selon cette loi élémentaire que plus leur date de naissance était proche, plus longtemps ils dépareraient le monde de leur existence. Les vieux n'étaient pas plus ragoûtants, mais ils avaient des circonstances atténuantes : ils ne feraient plus les mariolles trés longtemps. " (1)

" Les pires étaient tous ces boutonneux. Autrefois dénommés jeunesse, hagarde avant-garde de ses devanciers dorénavant garde arrière ; plus tard, avec le changement de régime, jeunesse avait été remplacée par " jeunes ", terme répondant mieux aux temps nouveaux car plus soucieux de l'individu et de ses aspirations. " Vous êtes pour les jeunes ? " Nein ! " Vous aimez les jeunes ? " Nein !! " Vous avez kékchose contre les jeunes ? " Jawohl !!! " (1)

" Le quartier devait aussi sa tranquillité à la présence du parc. Il ne convenait pas à la prostitution, était trop éloigné du centre pour les revendeurs de drogue. N'était le nombre croissant d'aliénés qui s'adonnaient aux premières heures du jour à une activité dénommée Djo-Guing, laquelle avait remplacé les exercices de gymnastique devant la fenêtre ouverte avec vue sur l'usine, pour un regard hâtif, bien peu de choses témoignaient du fait qu'ici aussi, la roue de l'Histoire avait tourné. " (1)

" Né quelques siècles plus tôt, il aurait pu devenir François d'Assise ou Bartholomée de Las Casas ; dans la Tchécolovaquie communiste du début des années soixante-dix du siècle vingtième de son ère, il passait invariablement pour un con. " (1)

Un banc public, note-t-il, comme poste idéal d'observation, d'où l'on peut à loisir - tant que la police politique n'y voit rien à redire - se laisser aller à toutes les banalités d'usage, les remarques les plus désagréables sur quelques humanoïdes de son entourage, les plaisanteries les plus mal venues,  les méchancetés les plus piquantes sur le désordre social ambiant,  bref, ajoute-t-il, c'est d'un banc public que se font et se défont les théories de l'organisation de la société communiste, que l'on résout les crimes les plus obscurs, et que l'on écrit parfois les livres les plus méchants du moment, dans un éclat de rire réjouissant,  la chose est trop rare pour être passée sous silence.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Classé sans suite / Patrick Ourednik / traduc. Marianne Canavaggio / Allia / 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire