Photo Sasha Stone |
" Un stabat mater résonne sous la nef. Une femme prend à pleine main un pan de la robe du Christ et la porte à ses lèvres. Elle est dans le vrai : l'épanouissement personnel ici-bas - le projet des Lumières.
Joie brusque, irréfléchie, et qui l'emporte.
Nada te turbe,
nada te espante,
todo se pasa...
Ce serait aussi bien les paroles d'une séguedille, me dis-je. J'aurai trop bu de manzanilla.
" La joie réelle n'est autre, en effet, qu'une vision lucide, mais assumée, de la condition humaine ; la tristesse en est la même vision, mais consternée. " Clément Rosset. " (1)
Il reprend les mots de Thérèse d'Avila, Nada te turbe, nada te espante, todo se pasa, Dios ne se muda... qu'il se plaît ainsi à traduire, rien ne te trouble, rien de t'effraie, tout passe, Dieu ne change rien... à l'affaire, le savoir pense-t-il, répond définitivement à la question qu'elle lui pose, il peut donc se consacrer à consteller sa peau de baisers, n'espérant pas la troubler, tout passe... et la situation le vérifie sur le motif, pense-t-il ; pourquoi voir un corps autrement que comme une nature inspirante, et si l'on préfère, une nature endormie :
" Sans la peinture, sans la littérature, un lieu, " haut " ou pas, n'est jamais qu'un maquis de légumes sanctifiables. La Provence n'existe plus que comme rythmes, souffles, couleurs surchauffées ailleurs, au-dessus de ses déterminations géographiques. Il est normal que les foules de touristes s'y ruent depuis les fins fonds les plus désolés, les plus glacés de l'Europe, pour y piétiner les miettes incandescentes. Le Sud est devenu tout entier sphère, cône, cylindre avec Cézanne ; flagelles et spirales, entortillement de vers de terre rouges, jaunes et mauve, par la grâce de Van Gogh ; champ de brumes solaires chez Bonnard ; sables mouvants, duvet sanglant et pollen blond à travers Renoir. On se gargarise depuis près d'un siècle avec l'idée de la mort de l'art, mais qui s'intéresse à la destinée des lieux concrets dont l'art a tiré ses images ? " (2)
Le corps, un autre lieu ?
" Sans la peinture, sans la littérature, un lieu, " haut " ou pas, n'est jamais qu'un maquis de légumes sanctifiables. La Provence n'existe plus que comme rythmes, souffles, couleurs surchauffées ailleurs, au-dessus de ses déterminations géographiques. Il est normal que les foules de touristes s'y ruent depuis les fins fonds les plus désolés, les plus glacés de l'Europe, pour y piétiner les miettes incandescentes. Le Sud est devenu tout entier sphère, cône, cylindre avec Cézanne ; flagelles et spirales, entortillement de vers de terre rouges, jaunes et mauve, par la grâce de Van Gogh ; champ de brumes solaires chez Bonnard ; sables mouvants, duvet sanglant et pollen blond à travers Renoir. On se gargarise depuis près d'un siècle avec l'idée de la mort de l'art, mais qui s'intéresse à la destinée des lieux concrets dont l'art a tiré ses images ? " (2)
Le corps, un autre lieu ?
à suivre
Philippe Chauché
(1) Maestranza / Jack-Alain Léger / L'Arpenteur / 2000
(2) Crépuscules des Lieux / Philippe Muray / Essais / Les Belles Lettres / 2010
" La joie réelle n'est autre, en effet, qu'une vision lucide, mais assumée, de la condition humaine ; la tristesse en est la même vision, mais consternée. "
RépondreSupprimerSerais-je hors norme si j'ai une vision lucide consternée? Ho nooooon ! pas ça ! pas hors normes pitié de grâce !
Cher Anonyme,
RépondreSupprimerParfois l'abattement de la joie nous saisit, comme nous illumine l'absolue tristesse de notre condition.
Je vous salue.
Philippe Chauché