mardi 17 avril 2012

La Belle Rivière


" Quand je viens dans la prairie
Quand je viens dans les champs, maintenant,
Je suis encore l'apprivoisé, docile,
Comme épargné par les épines,
Mon vêtement s'agite aux vents,
Comme l'esprit en moi joyeusement demande
Où se tient la profonde vie
Jusqu'aux jours de délivrance.

O devant cette douce image
Où les arbres verts se dressent,
Comme devant l'enseigne d'une auberge
Je peux à peine passer mon chemin.
Car le repos au jour tranquille
Semble très bien prescrit pour moi,
Là-dessus tu ne dois rien demander
S'il faut que je te réponde.

Mais du côté de la belle rivière
Je cherche une promenade
Qui, ainsi que dans une chambre,
Se glisse à travers la berge sauvage et creuse,
Où la passerelle va de l'autre côté,
Cela mène à la belle forêt, là-haut,
Où le vent souffle autour de la passerelle
L'oeil regard joyeusement.

Au sommet de la colline, là-haut,
Je suis assis mainte après-midi
Quand le vent siffle autour des cimes
Aux coups de cloche de la tour,
Et la contemplation donne au coeur
L'apaisement, quelle que soit l'image,
Et l'accalmie aux douleurs,
Qui accorde raison et ruse.

Gracieux paysage ! où la route
Au milieu va, très égale,
Où la lune monte, la pâle,
Quand le vent du soir se lève,
Où la Nature est très simple,
Où les montagnes se dressent, grandioses,
Je rentre enfin chez moi, ayant maison,
Là-bas pour veiller au vin d'or. " (1)




Le corps parfois se donne au verbe, comme le verbe soutient le corps qui tombe.

à suivre

Philippe Chauché


(1) La Vie Gaie / Derniers poèmes / Friedrich Hölderlin / traduc. Jean-Pierre Burgart / William Blake and Co. Éditeur / 2011

2 commentaires:

  1. Le verbe tombe avec le corps, puis le fait renaître.

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  2. Vous avez raison dans votre conclusion. Pour autant qu'il soit bien choisi, le verbe a des pouvoirs qu'on ne peut pas toujours mesurer. Bien choisir un mot semble être utiliser celui qui sera au point de convergence des représentations. Pas toujours pour les mêmes raisons d'ailleurs. Regardez les formules magiques. Pas sûr que le sens donné ou celui perçu soient les mêmes. Mais à mon sens, c'est sur le Divan que la force du verbe est la plus éclatante. Les mots émis travaillent à réparer les ravages d'un douloureux vécu. Il s'agit d'ailleurs parfois de ceux occasionnés par d' autres mots où la zone de convergence a été sérieusement chahutée. Alors, on s'applique à tisser la formule magique pansement.
    Et puis tiens, une preuve de la force des mots. Les dictons inventés par les riches pour les pauvres comme "bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée" (je l'aime particulièrement celui là !) ou, en l'occurrence on pourrait penser à "le silence est d'or et la parole est d'argent" (comprendre "tais toi donc, gueux, et tu deviendras puissant" ou "c'est bien ton acte de parler qui t'a poussé à ta perte"), il suffirait de leur répondre "non". Simplement.
    Enfin (peut-être est ce ce que vous vous direz d'ailleurs après cette interminable épître) vous avez raison quand vous dites que le verbe soutient parfois le corps qui tombe, car ne dit on pas "ces mots m'ont touché(e) ?
    Belle preuve, non?
    Encore que, si j'étais d'humeur chagrine je le verrais sous l'angle de touché coulé. Couler beaucoup d'encre pour pas grand chose au final .....

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