jeudi 17 septembre 2009

La Courbe du Temps (41)



Il se dit en regardant une nouvelle fois la Tapisserie, les éclats du Temps brillent dans son regard. Il ajoute aussi, ses yeux illuminent ma peau lorsqu'ils changent de couleur, ses mains éclairent mes mots, et le monde se transforme. Il note aussi sur son écritoire, la rondeur rouge de son épaule est une vague où je nage, ses seins irriguent mes phrases, et il ajoute, j'écris de mieux en mieux dans ses bras qui se croisent et se décroisent sur les bords du fleuve et sous les arbres. Nos nuits sont plus belles de leurs jours, lui a-t-elle dit, et nos jours diffractent la douleur, et de tout cela répond t-il, naît une improvisation inouïe, une note bleue qui embrase ses bras.

" Je vécus tout ce printemps sous le signe du rouge. En sortant du métro à Cluny-La Sorbonne, maintenant, la voix de la montagne Sainte-Genevière, à chaque fois, je la saluais : " REVEILLEZ-VOUS L'AVENTURE ! " Oui, tourner autour d'une tapisserie, gorger ses journées de phrases et trouver des occasions de féerie avec Soyeuse, c'est cela un réveil, me disais-je : une improvisation pour décoller de la surface endormie des choses. " (1)

Il a traversé la nuit de sa Ville Blanche, embrassé la pierre et les vierges au repos, glissé entre les étoiles qui montaient des pavés, écouté la musique du mouvement du Temps, et laissé sa Courbe donner à sa voix un autre éclat, il s'est dit que cette nuit résonne de ses mots, qu'ils se posent sur son cadran solaire amoureux, il pense aussi que les humanoïdes devraient la connaître, lui offrir des livres et un baiser sur l'épaule au réveil.

" Elle dort encore, elle n'est pas pressée de retrouver le jour, son corps lui plaît comme ça, replié sous le drap, profil gauche sur l'oreiller à peine visible. On est sur l'île de la Cachette, maintenant, celle de Calypso. Je vais te préparer ton thé, ta tranche de melon, ton yaourt bio, ta croquette. Et puis j'irai te réveiller en t'embrassant une main, le front, l'épaule, le cou. Avant, je couperai une rose pour toi dans le jardin, une des roses rouges des trois tiges grimpantes.
- Quelle heure ?
- Neuf heures.
- Il fait beau ?
- Très beau
- Comme hier ?
- Plus beau. (2)

Il reste allongé seul dans le matin qui s'éveille, les yeux fixés sur le plafond blanc de sa chambre, il a laissé la lumière éclairer petit à petit chacune de ses particules, son odeur a laissé sur sa peau une frise rouge, comme un mascaret de bonheur.

à suivre

Philippe Chauché


(1) A mon seul désir / Yannick Haenel / Réunion des Musées Nationaux / Argol
(2) L'étoile des amants / Philippe Sollers / Gallimard

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