mercredi 23 septembre 2009
La Courbe du Temps (43)
" Ce sont les phrases qui vous mettent en vie, le corps suit. Une naissance surgit brusquement au détour d'une panne, elle orchestre pour vous son apparition, elle a lieu, rien d'autre que cela n'a lieu, et vous voilà traversé par l'émotion, une émotion sans pathos, un bouquet de vibrations qui vous rend subtil, ce soir, nuancé, luxueux, et pudique - pour rien. On se dit : j'écrirai de bonne phrases en rentrant, ou peut-être pas. " (1)
Il reprend à son compte la phrase, la fait tourner dans sa bouche, mais aussi et c'est cela se dit-il, le miracle, dans ses yeux, au creux de ses oreilles, sur la peau de ses mains, sur son ventre, il la fait tourner comme un petit bateau en papier dans un bassin, il la fait tourner, poursuit-il, sur ses lèvres, sur ses joues, dans ses veines, et la phrase se transforme, prend son envol, délivre de l'horreur dominante, des tristesses installées, des trahisons dominantes, et l'offre à la danseuse rouge à l'épaule tatouée, non comme un cadeau définitif, mais pense-t-il, comme un bouquet de violette, il dit aussi, qu'elle doit aimer les violettes la danseuse des bords du fleuve et sous les arbres, et cela le ravit.
La phrase qu'il vient de lire, en fait naître une autre, les phrases fleurissent sur sa peau, la sensation est exceptionnelle, une phrase qui vous apparaît est toujours exceptionnelle, les phrases diffractent le temps, et par un mouvement de vie, que certains pourraient définir comme magique, dessinent les contours de la Courbe du Temps.
Les phrases sauvent, il fait sienne cette autre phrase, mais ajoute-t-il sur son écritoire, les phrases livrées à la peau de la déesse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, les phrases posées sur son épaule tatouée, les phrases murmurées à ses bras, à ses mains qui se croisent et se décroisent dans le matin d'automne, les phrases qui se soulèvent comme une lave ardente, les phrases qui jouissent de leurs mots, de leur mouvement, de ce qu'elles font naître, les phrases qui sont l'aventure naissante d'autres phrases, les phrases sont l'éblouissement des corps, des corps qui finissent par tourner dans le même mouvement initié par les phrases.
Les phrases sauvent les corps, et les corps aimés inventent sur l'Insant de nouvelles phrases qui vont tourner comme les corps éblouis.
Il regarde aussi ce qu'il appelle l'après de la phrase, ce qu'elle dévoile, il note, l'après de la phrase fait apparaître l'arbre de vie, et c'est cet arbre de vie que je lui offre.
à suivre
Philippe Chauché
(1) A mon seul désir / Yannick Haenel / Réunion des Musées Nationaux / Argol
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire