dimanche 27 septembre 2009
La Courbe du Temps (45)
" J'ai embrassé l'aube d'été. " (1)
Il s'imbibe de la phrase du scissionniste. Elle fait son chemin en lui. Un beau chemin se dit-il, entre la peau et le muscle, au coeur même de la pensée de ses mains, au centre du mouvement de ses paroles. " J'ai embrassé l'aube d'été ", qui peut ainsi l'affirmer dans les éclats du jour sans sur l'instant convoquer la douleur de l'automne ou tout autre diablerie romantique. " J'ai embrassé l'aube d'été ", et cet été là est plus lumineux que tous vos hivers douloureux, c'est ainsi, aujoute-t-il, que va le Temps et sa Courbe éclatante. Pour le vérifier il pose de ses lèvres la phrase sur l'épaule tatouée de la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres. A son tour, elle s'en saisit, la fait sienne, la laisse imprégner son corps. Il pense que les phrases dévoilent une nouvelle jouissance.
La nuit est claire et douce, pas un murmure, seule la lente mélodie de sa respiration, il se laisse guider, et s'y accorde. Il pense que l'état de grâce est un façon bien heureuse de transpercer la mort, il ajoute sur son écritoire, tout ce que vous touchez se transforme en or.
Il reprend la lecture intérieure du livre. Les yeux fermés il voit avec une grande netteté les mots qui s'envolent, et écoute le mouvement régulier de sa respiration. Il se dit, que l'absolu réside dans ces instants bénis.
" Les amants sont évidents, mais personne ne les remarque. Amants, heureux amants, voulez-vous voyager, que ce ce soit aux rives prochaines, soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau, tenez-vous lieu de tout, tenez pour rien le reste. " (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Aube / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(2) L'Etoile des amants / Philippe Sollers / Gallimard
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