" J'assiste au secret des secrets, mais sans pouvoir le percer. " (1)
Il lui a donné rendez-vous dans un café de la ville où un temps il séjourna, à un regard de l'océan, paquebot embarqué dans une dérive qui mène à une scission qui délivre de la douleur des temps, lumière luxueuse, coupes de champagne, belles femmes assises qui attendent que leurs amoureux les surprennent avant qu'elles ne les quittent, un livre ouvert, il se glisse à ses côtés. Il lève les yeux, et le regarde en silence. Merci d'être venu cher complice. J'ai un livre pour vous. Il me traverse comme une vague glacée.
" Parole d'attente, silencieuse peut-être, mais qui ne laisse pas à part silence et dire et qui fait du silence déjà un dire, qui dit dans le silence déjà le dire qu'est le silence. Car le silence mortel ne se tait pas. " (2)
Je suis, cher ami, dans cet état de parole d'attente : " le regard qui n'est plus regardé s'éteint ", " c'est dans l'absence qu'un visage se déchire ", mais aussi, " le déchirement révèle mon vrai visage ". Seule réponse à donner pense-t-il, retourner les phrases, lui offrir un autre éclat du Temps de l'Instant : " le regard un jour aimé, le reste à jamais ", mais aussi " c'est la Joie qui délivre du déchirement ", " de l'absence naît une autre résonance ", " si toute parole est une parole d'attente, tout corps perdu est un corps qui va renaître " et " dans le délabrement misons sur le verbe du corps ". Je vois, lui dit-il, que vous êtes infatigable, je vous admire, je sais tout cela, en un temps vous m'auriez même entendu dire des choses semblables, mais je vous avoue qu'aujourd'hui le renversement que je subis, si fort éloigné de celui dont vous me parliez il y a peu, est un déchirement qui diffracte mon coeur, ma peau et mon âme. Avant de nous quitter je vous laisse ces reproductions, lisez, écoutez, ce que disent ces toiles, vous comprendrez mieux de quoi il est question.
Il a quitté notre café des bords de la terre, comme il le faisait à chaque fois, sans se retourner. Il a ouvert le catalogue qu'il venait de lui offrir (3), l'écrivain s'y expliquait :
" Je peins comme j'écris. Pour trouver, me retrouver, pour trouver mon propre bien que je possédais sans le savoir. Pour en avoir la surprise et en même temps le plaisir de la reconnaître. Pour faire ou voir apparaître un certain vague, une certaine aura où d'autres veulent ou voient le plein. " (3)
Il s'est dit, il vivait comme j'écrivais, il me reste à lui faire entendre qu'il devra écrire comme je vis.
à suivre
Philippe Chauché
(1) L'infini turbulent / Henri Michaux / Mercure de France / 1964
(2) L'écriture du désastre / Maurice Blanchot / Gallimard / 1980
(3) Henri Michaux / Peintures 1975-1984 / Villa Béatrix Enéa / Anglet / jusqu'au 6 février 2010
mardi 15 décembre 2009
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Emouvant moment.
RépondreSupprimerIl n'y a pas de mal d'être, mais que des êtres qui vivent, mal.
Vivre mal c'est être, depuis le premier cri, sorte de parole perdue d'un temps idyllique...
A ben lèu moun ami,
Lou Sèrgi
....peindre comme on écrit pour signifier l'invisible
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