" Le JE NE SAIS QUOI, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne ne le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ces termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est, en un mot, la perfection de la perfection même ( c'est moi qui souligne ), et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. " (1)
L'évidence de la beauté lorsqu'elle vous saisit, note-t-il, produit des effets étranges, et transforme sur l'instant le regard que vous portez sur le mouvement de l'art. Ce qui est apparu dimanche matin dans l'ovale de Nîmes est ce lustre du brillant, si bien mis en lumière par l'éclatant Baltasar Gracián, il est à mille lieux de ce qui habituellement se joue dans une arène, la tauromachie suit au jour le jour son petit chemin d'ennui, avec parfois quelques éclats - fleurs du printemps qui - se fanent en été - et en deux heures et demie elle se voit réduite à son blabla et son chichi par un héros qui possède non seulement tout le savoir du toreo mais aussi toute la saveur de la beauté de l'art, José Tomás Román Martín, est un torero du réel absolu, ce réel - un taureau, une cape, une muleta, une épée, un torero - qu inscrit sa grâce dans trois actes fondamentaux - oubliés ? - tocar, mandar, templar - qui jamais ne les oublie mais qui les accorde à ce qu'il est par essence : un artiste, un artiste qui produit de la beauté et rien que de la beauté, et cette beauté d'une essence naturelle, se trouve là, par le miracle de l'art, pense-t-il, transformée en oeuvre permanente qui vous saisit et vous accompagne dans ce mouvement - visible comme jamais ce dimanche à Nîmes - celui du Temps et de son dépassement.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le Héros / Baltasar Gracián / traduc. Joseph de Courbeville ( 1725 ) / Distance / 1993
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