samedi 22 septembre 2012

L'Observateur









" Il faut (donc) se mettre devant la Nature, devant son mystère. Il faut, pour la pénétrer, donner sa vie ou une grande partie de sa vie. Ainsi, ce que l'on apprend d'elle on le retient, car on le fait sien. Et si l'on comprend quelque chose, c'est un don de créateur que la nature s'est laissée ravir. Les observations faites devant la nature sont votre création, création au regard de l'impuissance générale et non de la Nature elle-même. Puis, si vous faites d'autres observations, c'est le secret même de la nature que vous découvrez à nouveau. " (1)

" Formons donc notre outil par la longue observation des lois de la Nature, par la méditation, par la réflexion. C'est un grand bienfait de ne pas saisir ces lois du premier coup : la compréhension trop facile ne prend pas racine. Et c'est un pauvre don que la facilité, car la patience laborieuse peut seule faire un bon outil. Le bénéfice de ce travail est grand : il nous rend la Nature familière. Et le jour vient où la Nature se laisse aisément ravir ses secrets par le bon outil du bon ouvrier. Surtout si cet ouvrier a le silence pour compagnon, car le silence aide beaucoup : il apporte. " (1)







Tout observateur de qualité, tout curieux avisé et discret, sérieux, silencieux, vif et parfois sidéré, ne manquera pas d'appliquer à la lettre les observations et les règles de Rodin à ses attachements particulier pour une femme, cette femme particulière, que lui seul connaît, ou pour le moins, le seul à s'employer à voir ainsi,  de loin, à approcher, pour saisir de plus près, et à s'éloigner pour mieux la saisir - la bonne distance de l'admirateur dit beaucoup de chose  de ce qu'il est, la beauté éclatant toujours à cette bonne distance, oh combien éloignée de la pornographie bavarde et dominante -, avec la même attention que le sculpteur, il s'agit de se mettre devant elle, donner une grande partie de sa vie pour la pénétrer, cela n'est ni de tout repos, ni donné à tout un chacun ; il se souvient d'un temps passé, qui dura le temps d'une chanson sentimentale,  à admirer un visage d'étrange beauté qui s'accordait au grain troublant de sa voix, et d'avoir ce soir là fait à la fois provision de beauté et de silence, que finit par clore un éclat de rire, mille fois plus gracieux que ceux qu'en ces temps d'impuissance générale on nous abreuve.
L'observateur galant qui a appris à voir, ne perdra jamais la vue. 

à suivre

Philippe Chauché  



(1)  Auguste Rodin / Éclairs de pensée / Écrits et entretiens / Éditions du Sandre / 2012

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez un commentaire