jeudi 30 mai 2013

La Danse de l'Ecrivain


Toute écriture est une danse qui ne dit pas son nom, il va de même du rapport invisible qui unit la danse à l'écriture. Précisons : j'écris, dit-il, et cela danse entre mes doigts et sur le grand cahier à couverture grise, cela danse dans mes nerfs et sur ma peau, cela vibre dans ma tête, et cela n'est pas si éloigné finalement du corps à corps entre deux corps. Ajoutons : la danse n'a jamais à s'excuser, comme l'écriture.

" Il y a deux danses comme il y a deux royaumes.
La première danse précède la naissance, où elle tombe.
La seconde danse reproduit, joue, mime, transpose, rechiffre, traduit comme elle le peut, la natation perdue dans le liquide amniotique, la dilatation perdue dans la poche perdue en amant de la détresse natale.
Quand je déplie le système des arts européens, je suis devenu incapable de distinguer Danse, Mime, Musique, Masque, Tragédie. Je suis devenu incapable de les arracher à la transe chamanique. Incapable de les délimiter, de les opposer les uns aux autres, de les articuler entre eux.
Il me faut désormais renoncer au système des arts qui a fait notre tradition.
J'inclus dans la définition de la danse les gestes, haut et bas, obscurité et lumière, les silhouettes, les ombres projetées. J'y ajoute, au bout d'un certain temps, les pas, mais jamais les visages. "

Tout écrivain, qui mérite de notre attention, ajoute-t-il, est un danseur solitaire, nous le voyons dans la nudité étrange de son rythme, de ses envolées, de son silence musculaire, de sa permanente disparition, de son chevauchement du Temps, de sa jouissance dont il ne dit mouvement, de mille déplacements minuscules comme mille fictions, rien ne se voit mais tout s'écrit, à la seule et sage condition que ce qui s'écrit s'offre à la beauté.
 
Pour l'écrivain toute danse est une naissance à un monde, tout monde devient une danse.
" Il faut danser en martelant ses pieds sur cette nuit souveraine et perdue, somnambuler-chanter-exulter-tournoyer, continuer de crier afin de provoquer l'apparition de la lumière, continuer de pousser la parole à jaillir afin que le cri vivant résonne encore dans la langue maternelle ( acquise plusieurs années plus tard ) alors qu'elle est devenue comme consubstantielle au corps tellement abandonné dans le jour qu'il a même oublié le plus souvent qu'il procède tout entier de la vie animale et muette à l'intérieur de l'ombre utérine. "

Tout lecteur, est un danseur solitaire, mille déplacements d'un oeil, mille mouvements invisibles, et mille raisons de n'en rien dire ou d'en dire la sagesse invisible.
à suivre
 
Philippe Chauché

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