lundi 9 juin 2008

Le Corps et la Voix

Valérie Dréville/ Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
" ... Il existe là une grande symétrie entre ces deux projets, La Divine Comédie et Partage de midi, Dante et Claudel. L'écart entre la personne et le personnage est une question récurrente que le théâtre pose à l'acteur. J'ai été confrontée à cette question en travaillant avec Anatoli Vassiliev sur Médée-Matériau de Heiner Müller. Qui, de la personne ou du personnage, arrive sur le plateau ? La question est posée aussi bien à l'acteur, au metteur en scène qu'au spectateur. Si j'entre en scène en me disant " Je suis Médée ", c'est absolument différent que si je me dis " Je suis Valérie Dréville ", actrice qui entre en scène. La ligne du rôle, ou du personnage, est distincte de celle de la personne de l'acteur. L'expérience de la représentation les fait se croiser. Une rencontre a lieu qui se lit sur le corps de l'acteur, et qui se transmet au spectateur. Chaque représentation d'un même spectateur. Chaque représentation d'un même spectacle remet en jeu l'expérience comme pour la première fois.
Pendant les répétitions, Anatoli Vassiliev travaille séparément la parole, la mise en scène et l'analyse du texte. Les différents éléments ne sont réunis que le jour de la représentation, ce qui lui donne un caractère unique, jamais répété. " (1)
Elle est là face à nous, splendide. Mouvement des mains, et c'est une voix que l'on entend, elle parle et c'est un corps qui résonne. Elle a inventé ça, le corps qui parle et la voix qui bouge. C'est unique. Elle a trouvé un autre rythme, d'autres résonances dans la voix, une autre musique, proche, si proche des mélodies soyeusement inventées par Ornette Coleman - pour le vérifier on peut écouter en boucle " Friends and Neighbors " - (2), et ce rythme, cette résonance, cette transparence brisée, nous transperce, nous retourne et nous entraîne dans un ailleurs du corps vibrant et de la voix en mouvement, cet acte là, est l'au delà du théâtre, son paradis, son enfer ou son purgatoire, c'est à vous de voir et d'entendre.
" Claudel est la rime qui répond à Dantes. De multiples façons. Parmi les références de Claudel d'abord, Dante est clairement présent. Rimbaud et Dante son ses deux figures phares. Entre La Divine Comédie et Partage de midi, on voit à l'oeil nu les correspondances. La grande correspondance est la femme, comme passerelle, comme isthme vers le divin. Comme traversée, qui est elle-même la traversée d'un monde vers l'inconnu. Et c'est aussi le trajet de Dante vers Dieu aux côtés de Béatrice. " (1)
Il y a quelques mois de cela elle apparaissait, radieuse, dans la lumière d'été du jardin de la Maison Jean Vilar, des livres dans les yeux, un ange écoutait, et je vibrais de l'absolu bonheur. C'est ainsi qu'est la vie, c'est ainsi que s'inscrit la poésie dans nos rêves éveillés, c'est ainsi que la joie s'invite. L'ange souriait, et la mort à jamais chassée disparaissait dans les cris lumineux des martinets.
" La lune tardive, au milieu de la nuit,
faisait paraître les étoiles plus rares,
pareille à un chaudron qui brûle sans cesse ;
elle remontait le ciel en parcourant les voies
que le soleil embrase au temps où les Romains
le voient se coucher entre Corse et Sardaigne. " (3)
Que mille voix chassent ta mélancolie
à suivre
Philippe Chauché
(1) Conversation pour le Festival d'Avignon 2008 / Valérie Dréville / Roméo Castellucci / Hortense Archambault / Vincent Baudriller / propos recueillis par Antoine de Baecque / 23 et 24 janvier 2008 / P.O.L. / et téléchargeable sur le site du Festival d'Avignon : http://www.festival-avignon.com/
(2) Ornette Live at Prince Street / BMG Music
(3) Dante / La Divine Comédie / Le Purgatoire / trad. de Jacqueline Risset / GF Flamarion



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