mardi 20 octobre 2009

Les Translatines (1)

" J'envie - sans bien savoir si je les envie vraiment - ces gens dont on peut écrire la biographie, ou qui peuvent l'écrire eux-mêmes. Dans ces impressions décousues, sans lien entre elles et ne souhaitant pas en avoir, je raconte avec indifférence mon autobiographie sans faits, mon histoire sans vie. Ce sont mes confidences, et si je n'y dis rien, c'est que je n'ai rien à dire. " (1)

Le texte existe, là sous nos yeux.
Le livre est visible, dans la voix. Les deux acteurs, porteurs du texte le livrent et s'y livrent dans les échos qu'il déclenche, ils s'y fondent, s'y frottent, s'y glissent, s'en amusent, et nous en amusent.
Le livre se faufile et vagabonde, les deux voix s'insinuent dans la page. Les mots, les mots, comme une nécessité.
C'est un exercice de haut vol que l'on nomme lecture publique, il ne peut s'accomplir que dans la totale concentration d'un corps libéré et tendu à la fois, cet exercice de haute valeur, ne peut s'épanouir que dans le savoir et la saveur du texte. (2)

" L'odorat est un bizarre sens de la vue. Il évoque des paysages sentimentaux que dessine soudain le subconscient. C'est quelque chose que j'ai éprouvé bien souvent. Je passe ans une rue ; je ne vois rien ou plutôt, regardant tout autour de moi, je vois comme tout le monde voit. Je sais que je marche dans une rue, et j'ignore qu'elle existe, avec ses deux côtés faits de maisons différentes, construites par des être humains. Je passe dans une rue ; voici que d'une boulangerie me vient une odeur de pain, écœurante par sa douceur même : et mon enfance se dresse devant moi, venue d'un certain quartier lointain, et c'est une autre boulangerie qui m'apparaît, sortie tout droit de ce royaume magique fait de tout ce que nous avons vu mourir. " (1)

Les voix font vivre les livres.

" Je relis, lentement, lucidement, morceau par morceau, tout ce que j'ai écrit. Et je trouve que ceal est nul, et qu'il aurait mieux valu ne jamais l'écrire. Les choses réalisées, que ce soient des phrases ou des empires, acquièrent, de ce seul fait, le pire côté des choses réelles, dont nous savons bien qu'elles sont périssables. Ce n'est pas cela, cependant, que je ressens et qui m'afflige, au cours de ces lentes heures où je me relis. Ce qui m'afflige réellement, c'est que cela ne valait pas la peine de l'écrire, et que le temps perdu à le faire, je ne l'ai gagné que dans l'illusion, maintenant évanouie, que cela en valait la peine. " (1)

Les corps silencieux épousent les voix, les phrases s'en trouvent bouleversées.

" Extase violette, exil du couchant finissant sur les cimes... " (1)

L'acte de lire haut est un miracle partagé.

" la seule façon de te procurer des sensations neuves, c'est de te construire une âme neuve. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Le Livre de l'Intranquilité / Fernando Pessoa / traduc. Françoise Laye / Christian Bourgois Éditeur
(2) Les Translatines 2009 / Lecture publique du Livre de l'Intanquilité / La nuit de l'Intranquilité par Alain Simon et Jean-Marie Broucaret / Bayonne / Samedi 17 octobre 2009

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