samedi 5 janvier 2013

Bestiaire


Passer de la terreur au rire, voilà bien matière romanesque, rien de nouveau toutefois - ce qui est nouveau est déjà vieux, et les apôtres du nouveau ressemblent à des veaux que l'on conduit à l'abattoir - et c'est heureux. L'auteur dont, note-il, il ne connaît que quelques dessins riches de couleurs et de formes ont l'audace d'être fidèles aux grandes lignes classiques, ce qui en ces temps est non seulement peu courant, mais d'une belle audace, face aux charlatans du vide qui inondent le monde de leurs laids bricolages artistiques ; l'auteur disais-je, propose ici quelques nouvelles - art romanesque du trait vif - non du monde mais des mondes, portraits dressés d'hommes qui effraient ou amusent, de monstres, autrement dit d'hommes ordinaires, tueurs, violeurs, fous querelleurs, et autres fades dragueurs, qui échappent à tout sauf à la mémoire qui va un soir s'inviter et réveiller les fantômes de ce bestiaire contemporain . Le geste est précis, le dessin clair, l'humour - noir - permanent, et la phrase parfois joueuse et souvent terrifiante. Lisons :

" Ces belles années aux contours bien dessinés, à nulles autres comparables, ont été vécues avec insouciance et humilité. J'avais laissé Oissel derrière moi, le passé sommeillait, je vivais à mon rythme et sans entraves. Jamais le souvenir de Claire ne se montrait assez fort pour troubler mon bonheur et ma légèreté. Elle n'existait plus, ou bien alors celui qui avait commis ce crime était un autre. "

" La belette voudrait bien, malgré tout, en savoir plus. Je me réfugie dans l'amour de l'art, capturé que je suis par la barbouille qui m'empêche de vivre ailleurs qu'aux bouts de mes pinceaux. Je passe ma vie collé aux toiles comme d'autres la passent le dos au mur. Je la joue ermite, rivé à l'instant, soumis à la ligne et à la couleur. Je ne sais rien du monde, je n'écoute plus la radio, je n'ai pas beaucoup d'amis, je ne suis bien qu'ici ( et de balayer d'un geste large la pièce qui nous entoure... ) Je botte en touche, repousse le plateau mine  de rien. Je remettrais bien un petit coup maintenant que j'ai refait du jus. Je n'écoute plus que mon corps requinqué. "

" Quelques jours plus tard, un vendredi après-midi, j'ai volé quelques heures à la boîte et je suis allé promener mes deux P38 en forêt de Brotonne. Je me suis écarté des chemins fréquentés, me suis aventuré parmi les vieux chênes et les hêtres avec mon sac en bandoulière. J'ai attendu mon heure, l'oreille aux aguets, pour être sûr que le coin ne soit pas sujet aux balades puis j'ai sorti le premier pistolet. " 




à suivre

Philippe Chauché






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