lundi 28 janvier 2013

Φίλιππος


Il écrit qu'il se souvient de longues promenades sur les chemins qui conduisent à La Digue à la Mer, de cette après-midi de printemps, où son prénom Philippos s'est rappelé à sa mémoire, les chevaux blancs et gris tendaient leur coup au dessus de la clôture d'acier, l'oeil tendre et vif. Il a réussi a franchir la roubine qui les séparait, sa main s'est glissée entre les fils tendus, une main pour le crin, pour l'oeil, l'oreille, une main sur les naseaux, la peau, et le silence généreux qui lui traverse le corps.

Il songe au livre qu'il vient de lire, le temps d'un dressage savant et savoureux, s'y accordant dans le silence soyeux. Au pas, au trot et un instant au galop, décoiffé et transpirant, inspiré, comme il peut l'être sous l'attraction d'une main désirée, il songe au livre qu'il vient de refermer comme l'on confie à un lad son cheval, pensant naturellement qu'il le chevaucherait à nouveau le jour venu, le jour si bien venu, au risque d'être désarçonné. Une chute augure parfois d'une renaissance.

Brins d'herbes et brins de phrases qui déchirent le sens et le Temps :

" Un jour, au début de l'ère, le grand prêtre du Temple de Jérusalem confie six lettres à Saul pour les porter à la synagogue de Damas.
Le citoyen romain, clerc radical de religion juive, fondamentaliste, originaire de Tarse, Saul, chevauche toute la journée.
Soudain ( en grec exaiphnès ) une lumière tombe du ciel. Cette lumière l'enveloppe de clarté et il tombe de cheval.
ll est étendu par terre, sur le dos, entre les sabots de son cheval, au milieu de cette lumière.
Il quitte le nom de Saul pour celui de Paul. "

" On appelle anicroche l'instrument qui sert à accrocher le corps des cavaliers pour les arracher à leurs arçons afin de les tuer. "

" Un cheval, un cor, une épée, un pin. C'est le printemps 778. C'est le début de l'histoire de France. "

" Les alignements de Carnac sont des listes de morts qui s'enfoncent dans la mer. Les oiseaux dans leur migrations se regroupent sur les mêmes sites au moment de leur départ qui est aussi un chant. Leur envol unanime, soudain, paraît obéir à une même orientation pour eux pleine d'évidence. Les oiseaux sont les âmes qui, comme elles s'assemblent au terme de la terre, tout à coup prennent leur envol pour rejoindre leur pays qui se situe au fond du ciel. "

" L'homme doit regagner l'imprévisible comme sa patrie. "

" Nietzsche a écrit : " Un cheval te porte, telle est la métaphore. " Après les transferts qui transforment les aparlants qui crient très fort en prête-noms qui parlent sans fin, les métaphores définissent les chevaux qui font aller à toute vitesse au sein du langage, sautant de pierre en pierre, de visage en visage, de mot en mot, de texte en texte, d'image en image, comme dans les rêves. "

" L'étreinte est une crise du temps. "



à suivre

Philippe Chauché

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