Il s'imagine Antoine Blondin à la terrasse d'un café de Malaucène, entre deux verres et un maillot jaune, ne doutant pas une seconde que sa littérature se joue aussi dans les lacets de la montée vers le Ventoux, il se souvient d'Ernest Hemingway glissant une nouvelle fois ses mains dans des gants de boxe rouges et esquissant face à un miroir le dernier round de sa vie, de Thomas A. Ravier attentif aux éclats de McEnroe, de Frédéric Schiffter louant l'art ordonné et troublant d'une surfeuse délicieuse, d'Orson Welles filmant cigare aux lèvres des joueurs à main nue sur le fronton d'Espelette, de Cassuis Clay - il persiste à préférer son premier nom - qui invente la danse du ring, d'un ballon ovale qui s'offre à la volupté gourmande de trois-quarts ailes débordants de métaphores jusqu'à la ligne blanche de l'essai. L'imagination se mêle aux souvenirs, comme parfois la littérature à l'esquive sportive, et cette livraison de Desports s'y accorde de belle manière. Florilège :
" Arthur Cravan est un poète tout à fait à part : pugiliste critique, homme d'aucun courant sinon le sien qu'il se targue de ne partager avec personne, omnipotent directeur de l'éphémère et géniale revue Maintenant à laquelle André Breton paiera sa dette dans son Anthologie de l'humour noir : " L'auteur de ces pages ( Cravan ) fait véritablement figure de précurseur ; dans le sens où il agissait alors, il est incontestable qu'il était seul. ".... Franc-tireur du monde des lettres, particulièrement acerbe, sans concession, n'épargnant personne, le poète-boxeur connaît son Nietzsche sur le bout des doigts et déboulonne à coups de marteau les malheureuses idoles de la littérature française, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars et André Gide. "
" Usure, d'une certaine façon, le cyclisme se meut entre le temps et l'éternité. "
" Dans les anciens phares, je crois, toutes les vitres sont peintes en bleu pour que la lumière passe au travers. Et en fait, les dimanches, ce sont les zones où la peinture s'est écaillée ou n'a pas été bien faite. Alors une autre lumière passe à travers... Alors elle laisse passer un peu de jour, voilà ce qu'on appelle les dimanches.... Cette espèce de rareté, d'aléatoire qu'il peut y avoir. "
" Les Berlinois sont au stade ou devant leur poste de radio. En fermant les yeux, le Noir et le blond sont si proches qu'ils pourraient inventer un joli numéro de claquettes, sur une scène de New York ou Chicago. Long s'élance le premier et retombe à 7,54 m. Owens déroule à 7,74 m. Long lui répond sur le même ton : 7,74 m. Il prend même la tête du concours à son cinquième essai : 7,87 m, quand Owens retombe dans ses travers et mange la planche. Retour de la farce : Owens se souvient parfaitement des conseils du jeune homme et retrouve ses marques : 7,94 m ! "
Il traverse Barcelone, là dans le ruedo de la Plaza aujourd'hui vide de sens, deux hommes ont croisé leurs gants de cuir, le temps se suspend à ses doutes, et les doutes à ses joies, à distance il embrasse celle qui - c'est ainsi qu'il la baptise - et pense que les fâcheux brailleurs n'ouvriront pas Desports, et c'est tant mieux, gardons pour nous le meilleur pense-t-il.
à suivre
Philippe Chauché
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