dimanche 20 janvier 2013

Le Jeu du Je


Commençons par quelques conseils : pour lire et bien lire ce petit livre, léger, musical, joyeux, saisissant, il convient de se débarrasser pour une fois, et souhaitons le pour toutes, des encombrements sociaux, des jalousies, des trahisons, des cris et des chuchotements, quitter le territoire commun pour le particulier, le je absolu, pour qu'il soit un jeu - par parenthèse et l'écrivain s'y attache dans ce livre, et l'auteur de ces lignes peut en témoigner, le jeu, le rire, sont pour lui, l'essence même de sa manière d'être accordé à son corps et au Temps. Travail de  moine s'il en est. Il a en mémoire les éclats de rire partagés dans une certaine conscience de la nudité rayonnante du corps et des mots avec une fée unique, qui comme l'on dit n'a pas froid aux yeux - et s'installer en belle compagnie musicale, qui mieux, pense-t-il, que de convoquer Bach, le piano de Glenn Gould dans les Golberg Variations de 1955, l'évidence musicale, comme il en est aussi de l'évidence littéraire de ce livre - que les ânes nomment bouquin -, il n'est pas interdit non plus d'y associer un verre de vin de Bordeaux, Château Haut-Brion de l'année de la naissance de la musicienne plus haut évoquée, bien s'asseoir face au ciel, solitaire, et laisser s'accomplir le miracle dantesque de la littérature, alors lisons ces portraits qui sont les belles étoiles de l'écrivain, étoiles qui indiquent le lieux où se joue la liberté libre :

" Ce que je veux dire est très simple : une femme est faite, ou non, pour vous confronter à la vérité physique, à son abîme, à son sillage, à ses éclosions. Le corps libre et antisocial d'Eugenia, acceptait le mien. C'est rare. L'une veut vous sortir, vous faire voyager, une autre veut vous épouser, une troisième espère un enfant, une quatrième veut vous utiliser dans le marché de l'animation culturelle, et je ne parle pas de toutes celles qui veulent absolument écrire, trois romans, dix recueils de poèmes, idéalisations, préciosités, romantisations. Celle-là, au contraire, a envie de moins s'ennuyer, aime la poésie vécue, les caresses, le repos, le sommeil, les fleurs, l'océan, les arbres. Les autres s'agitent, elle nage. En tant qu' " homme ", vous avez gagné, si, en plus de l'autorité souple qu'elle vous reconnaît, vous la faite rire, et si vous devenez son frère, son partenaire de jeu, et, subrepticement, son enfant. Faites-vous aimer comme un enfant, espèce d'homme. De là, viennent, parfois, des liens indéfectibles. "

Les femmes dont il est ici réponse - les femmes qu'il vous est arrivé d'aimer, de regarder en silence, de ployer sous leurs rires, ne posent pas de questions, mais donnent des réponses, il serait fort inutile d'ici les nommer - vous les avez déjà croisées dans d'autres livres du complice Girondin :

" Je te revois là, vivante et jeune, pas du tout fantôme, assise près de l'eau sur le banc de bois blanc, sous le pin parasol. "

" Écrire, marcher, dormir, et encore écrire et encore dormir. Les soleils couchants, à Venise, ciel rouge, eau mercurielle, mâts flambants de lumière dorée, mouettes inlassables, passage des paquebots et des remorqueurs, sont indescriptibles. Monteverdi et Vivaldi en parlent très bien, c'est la Gloria, la gloire. C'était comme ça au commencement, et toujours, et dans les siècles des siècles, amen. "

Comme toujours les identités sont visibles et invisibles - être toujours attentif à la police sociale - les corps musicaux, les peintres attentifs, et l'art de la phrase, la douceur rugueuse de la langue protectrice lumineusement accordée au roman. Pour le reste : silence !




Rien ne dit qu'un autre roman n'est pas en train de s'écrire, là à deux pas de vous, dans le sourire que vous êtes le seul à voir,  silencieux et joyeux, sous une légère pluie d'hiver, qu'efface la naissance d'une éclaircie qui naît de son rire, c'est aussi cela qui vous attend. 

à suivre

Philippe Chauché

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