lundi 18 janvier 2010
L'Année des Délices (11)
Henri Matisse 1869-1954
Harmonie en jaune, c'est le nom qu'il lit sous la reproduction du tableau de Matisse, alors il pense à un livre d'harmonies, il lit :
" Elle tourne lentement sur elle-même, on dirait sur un socle mobile, une poupée mécanique qui se dévide, déroule le film de ses sensations : Shanghaï, near your sunny sky / I see you now, soft music on the breeze / Singing through the cherry trees. Elle mumure, une fine voix de petite fille, un son vide, cling-clang !, elle semble perdue dans ses souvenirs, recherche d'un parfum oublié, un son, un visage : Dream of delight / You and the tropic night. Ca y est, elle l'a retrouvé : Shanghaï, Longing for you all the day through / How could I know I did miss you so. Elle est radieuse, elle a arrêté de tourner sur elle-même, bras et mains articulés. Maintenant elle est pleine de vie, une femme, la voix ample, sensuelle, tout est présent en elle ... " (1), il se dit, " cette voix en se trouvant, délivre ", il se dit aussi, " cette voix radieuse conduit à l'éclosion du Temps, à une permanence de sa Courbe ", il pense, " je suis au centre de cette voix lorsqu'elle m'apparaît ". Harmonie, le mot s'offre à son regard, il le répète plusieurs fois, ce mot devient par le miracle de cette répétition, une phrase qui l'enveloppe comme ses bras savent si bien le faire, une phrase qui devient une harmonie, c'est ce qu'il pense en écoutant la sonate Opus 58 de Frédéric Chopin, par Martha Argerich (2), il se dit, " cette Année des Délices sera aussi celle de l'harmonie ", il met le mot au singulier, mais se dit-il, je pourrais aussi l'écrire au pluriel, le pluriel du mot fait naître d'autres phrases, comme chez Chopin, la phrase fait apparaître d'autres phrases, et ainsi la musique s'harmonise avec le regard de celui qui l'écoute. Il pense que le mot harmonie lui va bien, il le choisit pour la soirée, elle sera d'harmonie se dit-il, " harmonie de ses mains qui se croisent sur son regard, harmonie de ses jambes qui montent les marches de marbre, harmonie de son regard, harmonie de ses lèvres, harmonie de ses seins, harmonie du Temps embrassé dans la nuit, harmonie absolue, comme un miracle du mot. " Un mot ainsi écrit est un miracle, pense-t-il, " un corps ainsi aimé est un miracle, une phrase ainsi offerte est un miracle, un regard qui glisse dans la nuit est un miracle, une voix qui s'offre comme une musique est un miracle, les phrases qu'elle déclenche sont des miracles d'harmonie. "
Henri Matisse 1869-1954
à suivre
Philippe Chauché
(1) Ingrid Caven / Jean-Jacques Schuhl / L'Infini / Gallimard
(2) Chopin / Martha Argerich / The Legendary 1965 Recording / Emi Classics
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Laissez un commentaire