lundi 4 janvier 2010

L'Année des Délices (3)


Edouard Manet 1832-id., 1883

Violette : n.f. - 1140 ; de l'ancien franç. viole, du la. viola.
Viole : n.f. - Déb. XII° ; anc. provençal viola, p.-ê. d'un dérivé du lat. vivus "vif", comme vielle (Guiraud)
Vif : qui a de la vie, agile, alerte, léger, brillant, éveillé, ouvert.

Tout un programme.
Harmonie : cette fleur est une viole. Il écoute les Partitas de Johann Sebastian Bach (1685-1750) par Glenn Gould. Merveille des merveilles, son oeil s'allume et volette.

Année des Délices : il mise sur les fleurs et cela se voit, sur l'art d'assembler les mots et cela s'entend. Des mots derrière les mots, des fleurs derrière les fleurs, un regard derrière son regard, une joie derrière sa joie.

" Elles se cachent derrière les fleurs
Les fleurs
Au mont Yashino " (1)

Année des Délices : miser sur le temps floral et musical. Un baiser pour une fleur, une fleur pour un baiser, un accord du Temps est un bouquet de violettes.
Il se dit, le Temps est éclat, vif, coloré, musical.
Embarquement immédiat.


Edouard Manet 1832-id., 1883

Voilà tout est simple, regardez bien ces deux roses, elles ouvrent sur une autre musique du Temps, c'est ce qu'il écrit. Mais aussi, tout est simple, vif et éclatant. Et, la vie vive est un mouvement de Délices, un mouvement qui ouvre sur la douceur des mots offerts dans un vase de cristal. Il écrit dans le mouvement de son corps accordé aux pétales jaunes et rouges. Tous les éclats d'une poésie vibrante embrassent l'espace de la vie qui n'a jamais été autant lumineux.

" Las de s'être contractés tout l'hiver les arbres tout à coup se flattent d'être dupes. Ils ne peuvent plus y tenir : ils lâchent leurs paroles, un flot, un vomissement de vert. Ils tâchent d'aboutir à une feuillaison complète de paroles. Tant pis ! Mais, en réalité, cela s'ordonne ! Aucune liberté dans la feuillaison... Ils lancent, du moins le croient-ils, n'importe quelles paroles, lancent des tiges pour y suspendre encore des paroles : nos troncs, pensent-ils, sont là pour tout assumer. Ils s'efforcent à se cacher, à se confondre les uns dans les autres. Ils croient pouvoir dire tout, recouvrir entièrement le monde de paroles variées : ils ne disent que " les arbres ". Incapables même de retenir les oiseaux qui repartent d'eux, alors qu'ils se réjouissaient d'avoir produit de si étranges fleurs. Toujours la même feuille, toujours le même mode de dépliement, et la même limite, toujours des feuilles symétriques à elles-mêmes, symétriquement suspendues ! Tente encore une feuille ! - La même ! Encore une autre ! La même ! Rien en somme ne saurait les arrêter que soudain cette remarque : " L'un ne sort pas des arbres par des moyens d'arbres. " Une nouvelle lassitude, et un nouveau retournement moral. " Laissons tout ça jaunir, et tomber. Vienne le taciturne état, le dépouillement, l'AUTOMNE."(2)

Il s'endort heureux sous une voûte de violettes et de roses.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Tôfu / Le Livre du haïku / Fourmis sans ombre / traduc. Maurice Coyaud / Phébus libretto
(2) Le Cycle des saisons / Le parti pris des choses / Francis Ponge / Tome Premier / Gallimard

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