dimanche 31 janvier 2010

Sprezzatura



" Mais j’ai déjà souvent réfléchi sur l’origine de cette grâce, et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu'il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l’on fait ou que l’on dit, c’est qu’il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine sprezzatura, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser. " (1)

Sprezzatura, nonchalance : un certain raffinement. Une distance bien heureuse qui permet de retrouver sa juste place, elle seule augure d'une vision savoureuse du Temps.

Il se dit, la rareté est toujours la bienvenue, la rareté est une vertu, les revues qui diffractent le Temps sont rares, en voici une. (2)

" La guerre que mène le monde contre les écrivains, les peintres, les sculpteurs, les musiciens, est toujours une guerre de tous contre un ou de tous contre quelques-uns. Même si elle fait des milliers, des millions de victimes. C'est un peu le massacre des Innocents tous les jours. Donc il s'agit d'éviter de s'engager dans une guerre de camps. " (2)

" Si la " victoire " n'est pas celle (de) la jouissance de toutes les dimensions, ce que les grecs appelaient oikonomia, l'ensemble des terres et des zones navigables connues - ça a donné " économie ", notons bien -, ce n'est la victoire de personne. " (2)

" La vraie vie est une question d'endurance. " (2)

" Même si on a déjà gagné, il y a de vraies batailles à donner. Ce que j'aime dans le projet de la revue, c'est le projet de publier ou de republier soit des traductions soit des inédits très importants qui sont des ressources au plus merveilleux sens de ce mot, une sorte de second souffle. " (2)

Il entend dans le mot ressource, en écho, secours, relèvement - quel mot ! -, rejaillir, - admirable -, se rétablir, resurgere, mais aussi richesse, tant de richesses pense-t-il s'offrent à nous, et nous ne les voyons pas.

C'est donc une revue rare, au nom étrange, aux propos vifs, pense-t-il, puisqu'il s'agit ni plus ni moins de rappeler que nous sommes en guerre, dernier épisode connu, le procès en sorcellerie romanesque intenté par Claude Lanzmann à l'encontre de Hannick Haenel, le soi-disant savoir qui attaque la réelle saveur. Les autres exemples affluent, il suffit simplement, se dit-il, de regarder, comment on vit, comment on lit, comment on écoute, comment on aime ! Dans cette guerre, qui comme le soulignait ailleurs, Philippe Sollers, est celle du Goût (3), il convient de sortir armé, et pour se faire, cette revue au nom étrange offre quelques éclairages, quatre écrivains d'un autre temps, Sun Tzu, Thomas Edward Lawrence, le Prince Charles-Joseph de Ligne et le Comte Raimondo de Montecuccoli, des fins stratèges dont la fréquentation concentrée est en ces temps fort utile.

" Dans l'urgence il apparut à l'auteur que la force des irréguliers se trouvait plus en profondeur qu'en surface. " (2)
" La victoire était acquise, et pouvait être démontrée noir sur blanc dès que l'on aurait compris le rapport entre l'espace et le nombre. La lutte n'était pas d'ordre physique mais moral, livrer bataille était donc une erreur. " (2)
" De même que l'on doit penser à la paix le premier jour de la guerre, on doit penser à la guerre le premier jour de la paix, et, pour l'éviter, paraître, le plutôt qu'on peut, en mesure. " (2)
" La vitesse fut la vertu particulière d'Alexandre et de César, et dans la vérité elle produit des effets merveilleux : l'ennemi ne se croit en sureté nulle part, et l'on saisit le moment de chaque conjoncture. " (2)
" Mais savoir garder un ordre merveilleux au milieu même du désordre, cela ne se peut sans avoir fait auparavant de profondes réflexions sur tous les évènements qui peuvent arriver. " (2)

C'est bien là, une étrange revue, au nom rare, se dit-il, une revue littéraire, qui se cache pour frapper, et qui avance dans la lumière pour rappeler qu'elle a gagné :

" Arc tendu de désir je veux être. " (2)


" C'est pourquoi bien se gouverner en ceci consiste, me semble-t-il, en une certaine prudence et un certain jugement dans le choix, et à connaître le plus et le moins qui s'accroît ou diminue dans les choses, pour les exécuter avec opportunité ou hors de saison. Et bien que le Courtisan soit de si bon jugement qu'il puisse discerner ces différences, ce n'est pas à dire qu'il ne lui sera pas plus facile d'obtenir ce qu'il cherche quand on lui aura ouvert l'entendement par quelque précepte, et montré le chemin et pour ainsi dire les lieux sur lesquels il doit se fonder, que s'il tenait seulement à des généralités. " (1)

à suivre

Philippe Chauché



(1) Baldassar Castiglione / Le Livre du Courtisan / traduc. Alain Pons d'après la version de Gabriel Chappuis ( 1580 ) / Éditions Gérard Lébovici / 1987
(2) Sprezzatura / Guerres irrégulières / N°1 - Automne-hiver 2009
(3) La guerre du goût / Philippe Sollers / Gallimard

samedi 30 janvier 2010

Vérités de l'Ecrivain

" l'écriture n'est autre chose qu'une forme de parole qui demeure encore après que l'homme a parlé " (1)

Il se dit, c'est amusant, l'écrivain (2) parle comme il écrit, il est là devant lui dans une vaste pièce bruyante, il ne parle pas pour ne rien dire, il parle pour dire ce que vont devenir ses livres, leur destin de planches, c'est ce qu'il pense en l'écoutant, leur destin d'écoute, leur destin de mots portés. Il lui dit, c'est étrange, lorsque l'on ouvre l'un de vos livres, on a du mal à ne pas les lire à haute voix, comme au théâtre pense-t-il, c'est leur destin s'amuse-t-il à penser. Les mots trouvent une autre vibration, un autre sens, un sens nouveau, un souffle nouveau, le théâtre c'est aussi la question du souffle se dit-il. L'écrivain poursuit, évoque le livre qui s'écrit en ce moment, - Un mage en été -, celui qui deviendra une polyphonie de voix, - Un nid pour quoi faire -, les autres aussi qui seront lus ici dans le bruissement consentant des cigales. Il se dit, les livres vont s'ouvrir sur le Temps, beau présage, comme celui du regard de l'aimée.



" Ecoutez-moi, car je suis un tel. Et n'allez surtout pas confondre. " (3)

" faire entendre des livres " (4)

" Elle dort, elle est constituée d'un grand nombre de cellules, elles-mêmes composées d'une multitude de particules atomiques, elle a l'air immobile, ses particules ne le sont pas, elles vibrent d'un mouvement énorme à une vitesse d'agitation de plusieurs kilomètres par seconde qui maintient sa température dans les limites du vivable, c'est ce qui est écrit, je lis ce qui est écrit, c'est ma spécialité. " (5)

" J'ai changé d'ange en changeant d'années, disait un écrivain, je luis dis ça, avec le ton, léger vibrato sur les an, c'est beau. " (5)

" Les petites choses partout unies dans des masses immenses. " (5)

" Vous savez la poésie c'est l'art de la mémoire de la prose, dit-il après un long moment où je n'avais plus rien écouté. " (5)



à suivre

Philippe Chauché

(1) Baldassar Castiglione / Le Livre du Courtisan / traduc. par Alain Pons d'après la version de Gabriel Chappuis (1580) / Éditions Gérard Lébovici / 1987
(2) Olivier Cadiot / artiste associé du Festival d'Avignon 2010
(3) Friedrich Nietzsche / Ecce Homo / traduc. Alexandre Vialatte / 10-18
(4) Olivier Cadiot / Avignon janvier 2010
(5) Retour définitif et durable de l'être aimé / Olivier Cadiot / P.O.L.

mercredi 27 janvier 2010

Vérité du Roman

Il se dit c'est toujours la même histoire, une guerre profonde, terrible, une guerre faite aux écrivains, elle est présente depuis longtemps, avec ses éclats d'obus qui visent à détruire les mots et donc le corps de l'écrivain. Il se dit il y a un roman " Jan Karski " de Yannick Haenel, lors de sa parution, il écrivait ici même :

" A l'origine il y a un nom, un corps, un visage, et une voix. A l'origine il y a un film, Shoah de Claude Lanzmann, qui traverse l'histoire du cinéma documentaire, comme La Recherche du Temps Perdu traverse l'histoire de la fiction romanesque, insaisissable, immense, renversant, fondateur, nécessaire, et ce nom Karski, et ce prénom Jan, ce corps, ce visage, cette voix vont féconder ce roman, Jan Karski, comme un jour une tapisserie la Dame à la licorne féconda A mon seul désir , grandeur de la fiction, renversement de la fiction, nécessité de la fiction, dites-moi ce que vous avez vécu, je l'écrirai, mais autrement, dans ma liberté totale, cette liberté que vous n'avez jamais cessé de porter.

A l'origine il y a ce visage, et ces mots, ce corps et ces mots que Lanzmann saisit et que Yannick Haenel regarde et écoute. Regard et oreilles aiguisés, regard et oreilles accordés d'écrivain :

" Les phrases de Jan Karski viennent de loin ; elles semblent perdues dans le temps, vouées à une répétition désespérée. Car la " conscience du monde ", comme il dit, a-t-elle vraiment été " ébranlée " ? Les deux hommes qui en 1942 disant à Jan Karski : " Peut-être ébranlera-t-on la conscience du monde " n'ont plus que ça, ils se raccrochent à cet espoir. Mais est-il possible d'ébranler la " conscience du monde " ? Et ce qu'on appelle le monde a-t-il encore une conscience ? En a-t-il jamais eu ? A ce moment du film, en écoutant la voix de Jan Karski, on sait que non. Soixante ans après la libération des camps d'extermination d'Europe centrale, on sait qu'il est impossible d'ébranler la conscience du monde, que rien jamais ne l'ébranlera parce que la conscience du monde n'existe pas, le monde n'a pas de conscience, et sans doute l'idée même de " monde " n'existe-t-elle plus. " Nous voulons, dit-il, une déclaration officielle des nations alliées stipulant qu'au-delà de leur stratégie militaire qui vise à assurer la victoire, l'extermination des Juifs forme un chapitre à part. " (1)

A l'origine il y avait la croyance dans les mots qui peuvent retourner le monde contre la barbarie, à l'origine il y avait deux hommes qui conduisaient un troisième, dans l'Enfer, deux Juifs qui parlaient à un Catholique du ghetto de Varsovie, ce lieu de mort qui dessinait les Camps de la Mort. Deux Juifs qui parlaient et qui montraient pour qu'il dise, lui le Catholique, pour qu'il parle de ce qu'il avait entendu et vu, de ce qu'il avait entendu et vu du ghetto et des Camps de la Mort, et que le monde se réveille enfin. A l'origine il y avait l'espoir d'un réveil, mais les phrases n'ont rien réveillé, mais la parole n'a rien libéré, la destruction des Juifs d'Europe tenait à ça, à une écoute réelle, à un défi, où se jouait autre chose que la Victoire contre l'Allemagne Nazi, ce qui se jouait était le sauvetage réel d'un peuple, qui se jouait était la liberté, alors que c'est le chantage qui l'a emporté, alors que c'est le marchandage de l'Europe qui s'est joué. A l'origine il y avait ceux qui croyaient dans les mots qui voient, et dans le regard qui parle, et il y avait des aveugles et des sourds vautrés dans leur handicap. A l'origine il y avait un homme qui allait traverser l'Europe dans tous les sens, porteur de tout le sang d'un peuple massacré, porteur de toute l'histoire d'un peuple que les nazis allaient détruire, rayé de la carte d'Europe centrale, les sourds et les aveugles savaient tout cela. A l'origine il y avait un Catholique porteur de tous les mots des Juifs, de toutes les phrases des Juifs, qui a parlé dans le désert glacé, qui a dit, qui a redit, à n'en plus finir, et les mots se sont envolées comme les fumées des Camps de la Mort.

" Un homme est debout, immobile, dans la rue. Jan Karski se fige pour nous le faire voir, il prend une pose de stupeur, bouche ouverte, yeux écarquillés : un homme " pétrifié ", comme il disait tout à l'heure. Mort ? Non, le guide dit qu'il est vivant. " Monsieur Witold, rappelez vous ! Il est en train de mourir. Il est mourant. Regardez-le ! Dites-leur là-bas ! Vous avez vu. N'oubliez pas ! " (1)

A l'origine il y a la mémoire, celle des yeux, celle du corps, la mémoire qui envahit Jan Karski, la mémoire de la peau et du verbe, la mémoire, parlez, lui dit-on, parlez, parlez, ne cessez de parler, cela est sans importance, on connaît la suite ! Terrible !

A l'origine il y a le récit de Jan Karski. Il a le corps et les mots de Jan Karski filmés par Claude Lanzmann, et que voit Yannick Haenel. A l'origine il y a les mots, qu'écoute et qu'entend Yannick Haenel, et de tout cela naît le roman, le roman des mots vus par Jan Karski, le roman des corps qui meurent, le roman de la cécité volontaire, comme on le dit de la servitude, et le roman de la surdité volontaire.

" D'un côté il y avait l'extermination, et de l'autre l'abandon - rien d'autre à espérer. C'était le programme du monde à venir, et ce monde, effectivement, est venu : tous nous avons subi cet abandon, nous le subissons encore. C'est ainsi qu'il m'est devenu absolument impossible de dormir : depuis le 28 juillet 1943, c'est-à-dire depuis plus de cinquante ans, je n'ai pas trouvé le sommeil. S'il m'est impossible de dormir, c'est parce que la nuit j'entends la voix des deux hommes du ghetto de Varsovie ; chaque nuit, j'entends leur message, il se récite dans ma tête. Personne n'a voulu entendre ce message, c'est pourquoi il n'en finit plus, depuis cinquante ans, d'occuper mes nuits. C'est un véritable tourment de vire avec un message qui n'a jamais été délivré, il y a de quoi devenir fou. Ainsi les nuits blanches s'ouvrent-elles pour lui, elles l'accueillent. " (1)

A l'origine il y a des mots que Jan Karski porte à travers l'Europe et l'Amérique, à l'origine il y a ces mots qui sont des silences, et puis il y a ces mots que porte Yannick Haenel, les mêmes, et pourtant si différents, ce n'est pas un témoignage, c'est des mots qui ont vus, l'écrivain à vu les mots qui ont vu de Jan Karski, l'écrivain a fait de ces mots un grand roman, le mot est inscrit sous le nom de l'auteur, et oui un roman. Un roman pour dire ce qui n'a pas été vu, et ce qui n'a pas été entendu. " Pas un mot à enlever, se dit-il. Il y a donc ce roman d'aujourd'hui, ce roman qui se saisit d'une histoire unique et de l'Histoire des juifs d'Europe, il y a un roman politique, qui renverse les croyances, et qui aujourd'hui est traîné dans la boue par un cinéaste-romancier Claude Lanzmann, dans une gazette populiste, lisons :

" ... je ne voyais pas comment on pouvait écrire un roman sur Karski, comme l'homme qu'il était, que j'avais connu, et la nature même de son témoignage, tels qu'ils apparaissent dans Shoah, pourraient donner matière à fiction... Certains appellent " hommage " ce parasitage du travail d'un autre. Le mot de plagiat conviendrait aussi bien... Ce que Haenel ignore et qui, s'il l'avait su, l'aurait peut-être retenu à se livrer à sa fade complainte de belle âme, c'est que, pendant les quarante-huit heures où j'ai tourné avec Karski, je lui ai posé toutes les questions capitales sur ses rencontres avec les leaders politiques, intellectuels ou religieux de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis et qu'il y a répondu, avec droiture et même enthousiasme, devant ma caméra... Yannick Haenel est sans doute trop jeune pour savoir que le plus grand des hommes peut avoir plusieurs visages, être double ou triple ou plus encore et son Karski inventé est tristement linéaire, emphatique donc, et finalement faux de part en part... Les juifs d'Europe n'ont pas été sauvés. Auraient-ils pu l'être ? Ceux qui, péremptoires, répondent aujourd'hui " oui " ne sont-ils pas eux aussi des lecteurs tâtonnants de leur propre temps ?... " (2)

Ce réquisitoire n'est pas nouveau, se dit-il, cet homme veut la peau d'un autre homme. Crime aboslu, avoir écrit un roman, un roman sur un homme d'exception, et tenté de délier les fils de l'illusion organisée et dominante du " Spectacle ", du fameux " on ne savait pas ! ", pensé et écrit ce roman en écrivain, en moraliste aussi, en sondeur du monde, de la surdité, et du mensonge organisé, et ajoute-t-il, c'est lui que l'on accuse aujourd'hui de mensonge, d'avoir commis " un faux roman ". Il se dit, je devrais en rire, mais parfois, le rire ne vient pas. Le procureur Lanzmann estime sûrement que l'histoire de Karski lui appartient, un " jeune " écrivain, n'a pas à s'en saisir, n'a pas à en faire une oeuvre romanesque, n'a pas à écrire un livre exceptionnel dont la portée, terrible, va dans l'au-delà du romanesque, et vrille le coeur du mensonge fatal et partagé, dont on sait les conséquences, la destruction des Juifs d'Europe.

Le venin va se dissoudre pense-t-il, restera le roman, la victoire de la vérité du roman, et cette vérité du roman vérifie en permanence la liberté de l'écrivain, et ce n'est pas un procureur d'un autre temps qui peut la changer.

Le roman réussi est une vérité qui fait trembler le monde, et c'est cette vérité qui effraie Lanzmann.


" Il n'est même pas possible de parler de " crime contre l'humanité ", comme on s'est mis à le faire dans les années soixante, lorsqu'on a jugé Eichmann à Jérusalem : parler de " crime contre l'humanité ", c'est considéré qu'une partie de l'humanité serait préservée de la barbarie, alors que la barbarie affecte l'ensemble du monde, comme l'a montré l'extermination des Juifs d'Europe, dans laquelle ne sont pas impliqués seulement les nazis, mais aussi les Alliés. " (1)



à suivre

Philippe Chauché

(1) Jan Karski / Yannick Haenel / L'Infini / Gallimard
(2) Marianne / N° 666 / Du 23 au 29 janvier 2010

samedi 23 janvier 2010

L'Année des Délices (13)


Pierre Auguste Renoir 1841-1919

" Des fleurs magiques bourdonnaient. " (1)

Avez-vous remarqué à quel point les corps lorsque l'on sait les voir ont des éclats de fleurs ?
Avez-vous remarqué à quel point les corps lorsque l'on sait les entendre résonnent comme des phrases ?
Avez-vous remarqué à quel point les corps lorsque l'on sait les toucher offrent des mélodies que personne ne peut transcrire ?
Avez-vous remarqué à quel point les corps lorsque l'on sait les sentir offrent des parfums à chaque fois nouveaux et enivrants ?
Avez-vous remarqué à quel point un corps libre, est un corps vu, entendu, touché, et senti ?
C'est dans vos bras que j'ai vu tout ce que vous dites là !
C'est dans vos bras que j'ai découvert cette permanence du Temps !
C'est dans l'écho de votre voix que s'est ouvert un chemin dont j'ignorais jusqu'à l'existence même !
C'est dans l'éclat de vos phrases que mon corps s'est lui aussi fait phrase !
C'est dans la permanence de ma passion que la liberté m'est apparue !
C'est dans l'Instant que la jouissance s'éprouve !

Ces phrases il les a entendues, il les a vues, touchées et senties. Il se dit " de telles phrases méritent du Paradis, et ce Paradis est là devant moi ", mais aussi, " de ces phrases naissent un corps nouveau, et ce corps nouveau est une phrase nouvelle ".

" Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m'ont précédé ; un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l'amour. " (1)

à suivre

Philippe Chauché


(1) Illuminations / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / Édition d'Antoine Adam / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard

vendredi 22 janvier 2010

Le Visage


Pablo Ruiz Y Picasso, dit Pablo Picasso 1881-1973

Comment regarder un tableau ? Comment regarder un visage aimé ? Où se placer ? A quelle distance ? Autant de questions qu'il se pose en ce matin naissant et qui ouvrent sur un autre espace, un autre Temps.
Il se plonge dans ce visage éclairé, vibration d'un regard, sourire qui glisse des lèvres aux yeux, des yeux aux tempes, et qui se prolonge dans l'invisible de ses pensées. Il se dit, son regard accroche la lumière, comme le fait le tableau qu'il a sous les yeux, il se dit aussi, son visage est une palette de couleurs, et c'est dans ces couleurs que naissent les Instants de joie absolue. Cette vibration du regard, il l'entend lorsque sa main se pose sur sa peau, lorsque ses mots glissent sur son visage, lorsque son visage embrase son regard. Il se dit aussi, le regard aimé prolonge les phrases, en fait apparaître de nouvelles. Il pense qu'un regard devient une phrase, et qu'une phrase est parfois un regard. C'est cela qu'il voit dans le jour qui se lève. Et ce regard porté sur un visage ou un tableau est traversé par les couleurs, le mouvement et l'éclat de l'un et de l'autre, ce regard devient ce visage et cette toile, ses vibrations deviennent les siennes par une surprenante transmutation de la peau et de la couleur.


Pablo Ruiz Y Picasso, dit Pablo Picasso 1881-1973

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 21 janvier 2010

Le Passage


Léonard de Vinci 1452-1519

Son regard s'est longuement posé sur le cercueil, puis il a glissé sur les nuques, avant de s'élever vers les vitraux bleus qui éclairaient l'église, puis à nouveau il a fixé le cercueil et la gerbe de fleurs qui le recouvrait. Mille mots lui venaient, des mots qui sauvent pensait-il. " Les mots qui ne sauvent pas sont des mots inutiles, seuls les mots qui donnent la vie méritent d'être prononcés, seuls les mots de vie terrassent la mort, seuls les mots offerts comme des baisers sont des mots qui délivrent et rendent le corps au Temps, ces phrases se sont elles aussi élevées en silence. Il a entendu un mot, c'est le prêtre qui l'a prononcé, Passage, il l'a entendu ce mot, et compris que cet instant était celui d'un passage pour le prêtre, de la vie à la mort et de la mort à Dieu. Il devait y tenir puisqu'il l'a prononcé plusieurs fois le mot passage, il a pensé au mot voyage et à Ulysse, de la vie à la vie s'est-il dit. Un passage de la vie à la vie et non de la vie à la mort comme on veut nous le faire croire, c'est ce qu'il a pensé en regardant le cercueil une nouvelle fois. Il y a un corps au coeur du bois, s'est-il dit, et ce corps va passer à travers la trame du bois. Pour déboucher sur quoi ? s'est-il demandé. Sur la mort, sur la " vie éternelle " dit-on ! Étrange, a-t-il pensé.

Il a entendu d'autres mots, des mots de vie qui s'élançaient et venaient se poser sur le cercueil, avant d'embrasser, s'est-il dit, le corps dissimulé. Il s'est dit, ces mots là disent l'amour, ils sont dits pour aujourd'hui, pour hier et pour demain, ces mots qui disent l'amour offert et partagé, sont des offrandes, des offrandes pour le passage, des offrandes pour le Temps.

Le mot passage, ne le quittait plus, il s'est dit, c'est une ouverture, un fragment qui dit l'oeuvre, une ouverture sur la vie retrouvée, c'est ce qu'il a pensé. D'un oeil il fixait le cercueil qui dissimulait le corps, de l'autre un autre corps en mouvement qui lui offrait des mots de vie, de la vie à la vie, à t-il une nouvelle fois pensé, des mots à l'amour, d'un geste à un regard, d'un enlacement à un embrasement, les mots naissent de là, de cette ouverture, de cette musique des corps sauvés par les mots, de ce passage. Il a également pensé, que les corps donnent vie aux mots, que les mots naissent des corps enlacés, et cet enlacement déjoue la mort.

" Le Sauveur a englouti la mort - tu ne dois pas rester dans l'ignorance -, car il a dépouillé le monde périssable, il l'a changé pour un Éon impérissable et il est ressuscite, ayant englouti le visible par l'invisible, et il nous a ouvert la voie de notre immortalité. " (1)

" Si tu possèdes la résurrection, mais que tu restes comme si tu devais mourir, alors que celui-là sait qu'il est mort, pourquoi donc te pardonnerais-je ton manque d'entraînement ? Chacun doit pratiquer l'ascèse de maintes façons. Ainsi il sera délivré de cet élément, en sorte de ne plus être dans l'erreur, mais de se reprendre à nouveau tel qu'il était d'abord. " (1)

" Les héritiers des morts sont eux-mêmes morts et c'est des morts qu'ils héritent. Les héritiers du vivant sont eux-mêmes vivants et ils héritent du vivant et des morts. Les morts n'héritent de personne. Comment en effet celui qui est mort pourrait-il hériter ? Le mort, s'il héritait du vivant, ne mourrait pas, mais c'est bien davantage qu'il vivrait, le mort. " (2)

" Ceux qui disent que le Seigneur est mort d'abord puis qu'il est ressuscité sont dans l'erreur, car il est ressuscité d'abord, puis il est mort. Si quelqu'un n'obtient pas d'abord la résurrection, ne doit-il pas mourir ? Par le Dieu vivant, celui-là ne doit-il pas mourir ? " (2)


Léonard de Vinci 1452-1519

Il s'est dit, la question n'est pas de croire ou de ne pas croire, la question réside dans les réponses qu'elle m'apporte et dans celles que j'offre sur l'Instant, dans l'effeuillement des mots et des corps, la réponse est dans l'éblouissement d'un regard, dans l'Instant d'un mouvement, dans la vie vive qui s'ouvre. La mort déteste tout cela. Je m'emploie, a-t-il écrit, à ouvrir mes mots et mon corps sur un passage de Joie.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Traité sur la résurrection / Écrits gnostiques / La bibliothèque de Nag Hammadi / traduc. Jacques-E. Ménard / Bibliothèque de la Pléiade/ Gallimard
(2) Évangile selon Philippe / Écrits gnostiques / La bibliothèque de Nag Hammadi /
traduc. Louis Painchaud / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard

mardi 19 janvier 2010

L'Année des Délices (12)


Antoine Watteau 1684-1721

Il se saisit du dessin de Watteau comme l'on se saisit d'un mouvement, d'un regard, d'un corps aimé. Saisissement se dit-il, et immédiatement éblouissement.
Il se saisit de la vie qui se grise de joie, c'est ce qu'il appelle les évidences de la Courbe du Temps, un saisissement qui devient un éblouissement.
Il pense à cette voix, saisissement encore, qui s'est posée sur son regard, une voix est un saisissement et un éblouissement pense-t-il, une voix qui est une éclaircie permanente.

Il pense que tout devient clair et lumineux lorsqu'un mouvement de mains s'offre à lui, il pense aussi, que tout s'éclaire et s'illumine dans l'élévation d'un corps, étrange se dit-il, que ce mot élévation, lui vienne ainsi ce soir, une élévation c'est non seulement un mouvement visible mais aussi invisible, un déplacement visible vers le large et un retour secret vers la côte, un voyage qui ouvre sur les Courbes du corps.

Saisissement, il se saisit du livre comme l'on se saisit d'un corps qui s'envole :

" Voyage... Odette, au téléphone ce matin... Chaque appel, chaque signe, chaque parole... et c'est encore le même fil rouge... tout un roman passé... Nous avons vécu dans la même maison ( qu'est-ce qu'une maison, ce volume, cette masse nerveuse avec ses hémisphères ?... les labyrinthes d'un cerveau ) il y a plus de cinquante ans. Sa voix est familièrement ( les voix des femmes ) la même, rien n'a changé, sentiment très enfoui de proximité, de tendresse, d'attendrissement juvénile, et plus encore. Une mémoire attachée, maintenant romanesque, présente, enfouie, cachée. Ce qui reste avec moi... encore ( en corps )... J'ai donc vécu. C'est une surprise cette présence... J'ai des souvenirs, des voisins, des amis...

Le voyage... déplacement en cours de route... le sans fin. " (1)

Le saisissement du voyage, c'est à cela qu'il pense, le saisissement du Temps, de sa Courbe, d'un regard, d'une peau, le saisissement d'un mot, saisir des mots pour les mêler, saisir des phrases pour les illuminer. J'illumine les phrases se dit-il, j'illumine les mots et la peau. Une magie blanche éclairante.
A un ami qui lui demandait ce qu'il préférait dans la vie, il répondit la vie. La vie, un saisissement comme un bouquet de violettes, comme une explosion de pages qui s'ouvrent dans ses mains, pages d'un livre qu'il effleure comme un peau, miracle de la transformation du papier imprimé en chair, comme dans le dessin de Watteau.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Le savoir-vivre / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard

lundi 18 janvier 2010

L'Année des Délices (11)


Henri Matisse 1869-1954

Harmonie en jaune, c'est le nom qu'il lit sous la reproduction du tableau de Matisse, alors il pense à un livre d'harmonies, il lit :
" Elle tourne lentement sur elle-même, on dirait sur un socle mobile, une poupée mécanique qui se dévide, déroule le film de ses sensations : Shanghaï, near your sunny sky / I see you now, soft music on the breeze / Singing through the cherry trees. Elle mumure, une fine voix de petite fille, un son vide, cling-clang !, elle semble perdue dans ses souvenirs, recherche d'un parfum oublié, un son, un visage : Dream of delight / You and the tropic night. Ca y est, elle l'a retrouvé : Shanghaï, Longing for you all the day through / How could I know I did miss you so. Elle est radieuse, elle a arrêté de tourner sur elle-même, bras et mains articulés. Maintenant elle est pleine de vie, une femme, la voix ample, sensuelle, tout est présent en elle ... " (1), il se dit, " cette voix en se trouvant, délivre ", il se dit aussi, " cette voix radieuse conduit à l'éclosion du Temps, à une permanence de sa Courbe ", il pense, " je suis au centre de cette voix lorsqu'elle m'apparaît ". Harmonie, le mot s'offre à son regard, il le répète plusieurs fois, ce mot devient par le miracle de cette répétition, une phrase qui l'enveloppe comme ses bras savent si bien le faire, une phrase qui devient une harmonie, c'est ce qu'il pense en écoutant la sonate Opus 58 de Frédéric Chopin, par Martha Argerich (2), il se dit, " cette Année des Délices sera aussi celle de l'harmonie ", il met le mot au singulier, mais se dit-il, je pourrais aussi l'écrire au pluriel, le pluriel du mot fait naître d'autres phrases, comme chez Chopin, la phrase fait apparaître d'autres phrases, et ainsi la musique s'harmonise avec le regard de celui qui l'écoute. Il pense que le mot harmonie lui va bien, il le choisit pour la soirée, elle sera d'harmonie se dit-il, " harmonie de ses mains qui se croisent sur son regard, harmonie de ses jambes qui montent les marches de marbre, harmonie de son regard, harmonie de ses lèvres, harmonie de ses seins, harmonie du Temps embrassé dans la nuit, harmonie absolue, comme un miracle du mot. " Un mot ainsi écrit est un miracle, pense-t-il, " un corps ainsi aimé est un miracle, une phrase ainsi offerte est un miracle, un regard qui glisse dans la nuit est un miracle, une voix qui s'offre comme une musique est un miracle, les phrases qu'elle déclenche sont des miracles d'harmonie. "



Henri Matisse 1869-1954

à suivre

Philippe Chauché

(1) Ingrid Caven / Jean-Jacques Schuhl / L'Infini / Gallimard
(2) Chopin / Martha Argerich / The Legendary 1965 Recording / Emi Classics

dimanche 17 janvier 2010

Ecrire c'est Aimer



Il s'est dit, " c'est son titre qui m'a poussé vers lui ", " c'est comme un prénom ", a-t-il ajouté, " un prénom qui vous saisit, et ce saisissement est un bouquet de fleurs qui vous accompagne et vous embrase ". Au dessus du titre en bleu, un beau bleu d'été, " L'Absence d'oiseaux d'eau ", il a pensé, il est troublant ce titre, et s'est demandé ce qu'il avait à dire de la littérature, ce titre là, au dessus du bleu, il y avait un nom d'un gris d'automne, " Emmanuelle Pagano ", il ignorait ce nom d'écrivain, il aimait être dans cette ignorance première, et plus bas, " Roman ". Il a traversé la rue avec ce roman de l'Absence d'oiseaux d'eau à la main, il s'était posé dans sa main droite, celle qui aime les livres, a-t-il pensé. Il y avait une note au tout début, une note d'auteur, un avertissement, un éclairage, il s'est dit, elle est aussi troublante que le titre cette note. La note l'avertissait que ce roman était : " à l'origine un échange de lettres avec un autre écrivain. Nous nous l'étions représenté comme une oeuvre de fiction que nous construisions chaque jour, à deux, et dans laquelle nous inventions que nous nous aimions. Nous ne savions pas jusqu'où le pouvoir du roman nous amènerait. Nous ne connaissions pas la fin de l'histoire. Il est sorti de ma vie brutalement, abandonnant ce texte en cours d'écriture. En partant, il a repris ses lettres. Il y a donc des vides, des ellipses dans ce roman, dans lesquels il faut imaginer ces lettres, qu'il publiera peut-être un jour, une autre fois, ailleurs, séparément. " Dès les premières pages, il s'est dit, " Écrire c'est Aimer " et il a pensé, " lorsque j'écris, j'aime ", ce roman de l'Absence d'oiseaux d'eau, s'accordait à cette Année des Délices : " Le livre et la vie se mélangent, sans couture, sans séparation. " " Le rythme de l'écriture prend appui sur ce métronome intime au corps de chaque écrivain. Le tien, on dirait le battement de l'eau sur des rochers. Le mien est détraqué. " " Serre-moi plus fort, prends ce risque-là, de brouiller les pulsations, les rythmes des phrases. " (1), il a pensé en lisant les premières pages de cet échange littéraire devenu solitaire, que cet écrivain là, avait un corps qu'elle exposait, un corps dans le mouvement de l'amour et de l'écriture, ce mouvement est celui de la Courbe du Temps. Il n'a pas cherché à imaginer ce que l'homme en face avait écrit, il s'est laissé gagné par le rythme de la phrase, par sa musique, il s'est dit, la musique d'un écrivain aimant est une belle musique, et l'écrivain qui écrit l'amour aimé ne sera jamais perdu, même s'il sombre, un ange le sauvera de la noyade, de l'absence des mots et des gestes de l'homme aimé. Il a tracé dans la marge blanche des pages de petits traits au crayon dur, et relu une deuxième fois ce qu'il avait ainsi souligné dans la légèreté de la première lecture :
" Je voudrais prendre les mots dans mains, et les tordre, les mots, jusqu'à ce qu'ils suivent les contours de ton corps, les malaxer jusqu'à ce qu'ils soient chauds, et qu'ils aient le bonne texture, qu'ils soient suffisamment tendres pour recouvrir ta chair d'une seconde peau. " (1)
" Tous les soirs, je t'envoie ce que tu attends de moi, des mots qui nous tiennent ensemble, des points de désir qui ponctuent mes lettres. " (1)
" J'aime savoir ça : puisque tu l'embrasses, mon ventre sera dans tes livres, puisque je te caresse, tu écriras ton plaisir, celui que je te donne. " (1)
" Je sais comment je te tiens, par les mots et par le sexe. " (1)
" Quand nous faisons l'amour, nous ne faisons qu'écrire encore les mues de nos écritures l'une dans l'autre et quand nous sommes éloignés, quand nous sommes loin et que nous n'écrivons pas, nous nous manquons comme on manque de mots, comme on est muets, aveugles, sourds. " (1)
" Est-ce qu'on peut rentrer dans un corps comme on entre dans un livre, totalement, en étouffant les bruits de l'extérieur, en calfeutrant l'espace ? " (1)

L'auteur s'est mis à la hauteur de son aventure, d'amour, de mots et de corps, il fallait pour la réussir l'accorder à la partition secrète de l'art littéraire. Il se dit s'est réussi.

Ces phrases l'ont ébloui, ces phrases et d'autres aussi, il les trouvent lumineuses et musicales, elles ne le surprenent pas, l'histoire oui, pas les phrases musiciennes. Il s'est dit, de telles phrases viennent d'un corps qui n'a pas peur de la jouissance, et un corps d'écrivain qui n'a pas peur de la jouissance est un corps qui sait écrire, il a souri en pensant cela, et sa souffrance, cette absence qui fige, n'abolira pas cet art d'être à la hauteur de l'amour, donc du hasard, qu'écrit et que vit l'écrivain, c'est ce qu'il a écrit dans le matin délicat qui lui souriait.

à suivre

Philippe Chauché

(1) L'Absence d'oiseaux d'eau / Emmanuelle Pagano / P.O.L.

samedi 16 janvier 2010

URGENCE HAITI

" Etc_caraibe compte parmi ses membres une douzaine d'auteurs haïtiens fortement touchés par la catastrophe qui s'est abattue sur eux, leur maison, leur pays, leur famille... Nous avons reçu des nouvelles de certains d'entre eux : Saint Just Louvenson va bien mais il n'a aucune nouvelle de sa famille qui vit sur Port-au-Prince, il ne parvient pas à rejoindre la capitale, les rues sont bloquées ; la famille de Guy Régis est sauve, celui-ci cherche à les rejoindre pour leur porter secours et assistance. Jean Durosier Desrivière venait de nous annoncer qu'il avait trouvé un poste au ministère de la culture auprès de Magalie Comeau Denis ; une heure plus tard, il n'y avait plus de ministère et nous sommes sans nouvelle d'eux.

Nous n'avons pas non plus de nouvelles des autres: Evelyne Trouillot, Emanuel St Hilaire, Jean Marc Voltaire, Jean Joseph, Francketienne, Charitable Ducchens, Dovilars Anderson, Dominique Batraville...

Toute l'équipe d'Etc_caraibe tient à leur assurer son soutien. Voilà pourquoi le bureau a décidé d'organiser une collecte de soutien auprès des auteurs d'Etc pour aider leurs amis et compagnons d'écriture d'Haïti. Nous nous engageons à remettre et répartir équitablement entre tous nos auteurs qui, sur place, se battent et aident leur famille à survivre. Nos vous tiendrons régulièrement informés des dons perçus et de la répartition mise en place. C'est une goutte d'eau dans l'océan mais c'est aussi un engagement, une solidarité nécessaire, d'auteurs à auteurs.

Bien cordialement, Danielle VENDE directrice et Bernard Lagier Président "

vende.danielle@hotmail.com

Une lecture de textes d'écrivains haïtiens se prépare à Avignon, plus de détails dans quelques jours.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 14 janvier 2010

L'Année des Délices (10)


Gustave Courbet 1819-1877 Jo l'Irlandaise

Il a la phrase en bouche, il la fait tourner dans ses lèvres, elle s'élève, elle se pose, puis s'envole, elle est là, évidence et nécessité. Il se dit, si vous aimez, écoutez les phrases, celles que l'on vous offre, celles qui délivrent, et donnent à voir. Les phrases donnent à voir, c'est ce qu'il se dit, et celle là plus particulièrement. Une phrase est une offrande. Une offrande est une musique, une phrase qui n'est pas une musique est une phrase morte. Une phrase qui n'ouvre pas sur la joie est une phrase perdue, une phrase perdue ne se retrouve jamais, c'est ce qu'il pense à cet instant, qui est celui du roman, de sa naissance, de ses premiers éclats, de ses premiers accords. Il faut, ajoute-t-il, accorder les phrases à la naissance du roman, et faire que ce roman à naître soit celui de la vie et de la joie d'avoir entendu cette première phrase qu'elle a donnée ce soir-là, qu'elle a offerte, qu'elle a embrassée. Ce roman, pense-t-il, sera celui de cette phrase inoubliable. Il se dit aussi, il ne faut jamais se défaire de cette phrase, il faut la garder sur sa peau comme une caresse solaire accordée aux éclats de lune de son regard, qui ce soir-là accompagnaient sa main qui se posait sur sa joue, sur ses seins, sur son ventre. Il a compris, se dit-il, qu'une phrase doit ainsi embraser un corps pour exister. Une phrase qui se livre sur l'Instant est un miracle, il se dit aussi, que l'Intant aimé porte la phrase sur la Courbe du Temps. Il pense aux éclairs qu'offre cette phrase, il pense aux livres qui s'offrent parfois comme une phrase, à un regard qui n'est autre qu'une phrase, encore, pense-t-il, faut-il s'en saisir. Se saisir d'une phrase, c'est se saisir d'un corps aimé. La phrase, ajoute-t-il est son secret, et se secret se lit dans son regard d'éblouissement. Il se dit aussi, que cette Année des Délices, sera celle d'une phrase un soir entendue, d'une phrase qui ouvre sur la liberté du Temps et sur son accomplissement. L'Instant est dans la phrase, et la phrase embrassée délivre de la mort.

à suivre

Philippe Chauché

mercredi 13 janvier 2010

Entrée des Fantômes



Le livre est posé sur son bureau, il l'accompagne depuis quelques jours, il relit ce qu'il notait ici : " Il a ouvert le livre et très vite, lu cette phrase : " La jeune fille était poreuse, la plaque hypersensible d'une pellicule TRI.X. ultrarapide : tout l'impressionnait, elle reflétait le temps tout le temps. " (1)
Il s'est dit quel livre qui ainsi s'annonce ! " Elle prit distraitement dans son sac un banal stylo laqué noir au capuchon sans agrafe et le tenant devant la bouche elle fit " Aaahhh ! ", à peine un soupir, et comme par une formule magique un oeilleton s'ouvre en son milieu : un centimètre, quatre rainures imperceptibles, un bout de laque se déboîte vers l'intérieur, coulisse sur le côté, comme un volet, découvrant une membrane translucide. Le mécanisme ne réagissait qu'aux fréquences sonores de rares nuances vocales. Il était peut-être resté sourd depuis toujours, comme un simple stylo, ses divers propriétaires n'ayant pas le timbre voulu. (1).
Voilà ça s'envole, s'est-il dit, le roman prend sa vitesse de croisière, il suffit d'avoir dans la voix la formule magique, l'éclat de voix qui découvre ce qui semble être caché, ce roman à peine ouvert sous la neige, a finalement la chance, pensa-t-il de paraître en cette Année des Délices. " Il poursuit, plonge dans l'histoire de Marge : " Elle avait inscrit le premier mot du SMS et on la finissait pour elle en mots fantômes. Son portable sous l'emprise d'un sortilège ? " (1)
Les fantômes irisent le téléphone portable de Marge, ils font plus que s'inviter, ils s'imposent. En quelques pages, l'écrivain esquisse une fiction qui en fait naître une autre, celle de l'auteur. " Moteur " comme l'on dit au cinéma !
Fiction ? ma vie est un roman ? " Je suis si romanesque " écrit-il à plusieurs reprises. Une vie vécue au centre des intérêts du Temps s'écrit là, vérification que vivre c'est écrire, et bien écrire au centre de la vie vive.
Ici, il y a une rencontre avec le cinéaste chilien Raul Ruiz qui offre à l'écrivain un rôle dans un film qui ne se fera peut-être jamais, mais qu'importe : " Je te propose de jouer le rôle du chirurgien dans les Mains d'Orlac ! " (1) Les mains du crime dans un corps d'artiste, amusante métaphore de l'écrivain en mouvement, un mouvement chaloupé, car l'auteur claudique, la faute à une hanche qui doute : " ... renversé dans son fauteuil, il a examiné la radio de mes os à la lumière de la lampe... " Mais c'est un Bacon ! Bacon, vous connaissez ? le peintre ! " (1) Voilà comment naissent les fictions réelles, ma vie est roman ! Et les fantômes se dit-il, ils vont s'inviter, dans les éclats de la ville des écrivains : " Croiser les fantômes est un luxe réservé à de riches oisifs aux nerfs fragiles et un peu hors du monde, je me disais dans le taxi que redéfilaient dans l'autre sens les rives du fleuve éclairé de loin en loin par les lumières balayantes. En plus, le face-à-face avec mon squelette, cette nuit où avaient ressurgi les souvenirs des créatures fantastiques du cinéma allemand, et de l'univers de Shakespeare hanté par les spectres, et même l'état dépressif, l'ornière où je me trouvais tout cela avait dû me mettre dans un état de réceptivité particulier. Et puis il y avait ce roman morbide chic que j'essayais d'écrire depuis bien longtemps, et à force d'écrire des choses étranges, ces choses étranges finissent par arriver. " (1)
Voilà et tout est ainsi. Il ajoute, ce roman arrive à temps, la neige lui va bien, comme d'ailleurs les intérêts du Temps, sa Courbe, et cette Année qu'il a baptisé des Délices, il se dit que l'année sera belle, lumineuse, joyeuse, amoureuse et écrite, ici ou ailleurs.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Entrée des fantômes / Jean-Jacques Schuhl / L'Infini / Gallimard

lundi 11 janvier 2010

L'Art d'Ecouter un Visage


source : www.yozone.fr



Il se souvient de Marie Rivière. De l'écrivain cinéaste qui écoutait. Il se souvient de cet art délicat du mot qui fait apparaître la lumière.



Il se souvient de l'art d'écouter un visage.

à suivre

Philippe Chauché

L'Année des Délices (9)

Il a ouvert le livre et très vite, lu cette phrase : " La jeune fille était poreuse, la plaque hypersensible d'une pellicule TRI.X. ultrarapide : tout l'impressionnait, elle reflétait le temps tout le temps. " (1)





Il s'est dit quel livre qui ainsi s'annonce ! " Elle prit distraitement dans son sac un banal stylo laqué noir au capuchon sans agrafe et le tenant devant la bouche elle fit " Aaahhh ! ", à peine un soupir, et comme par une formule magique un oeilleton s'ouvre en son milieu : un centimètre, quatre rainures imperceptibles, un bout de laque se déboîte vers l'intérieur, coulisse sur le côté, comme un volet, découvrant une membrane translucide. Le mécanisme ne réagissait qu'aux fréquences sonores de rares nuances vocales. Il était peut-être resté sourd depuis toujours, comme un simple stylo, ses divers propriétaires n'ayant pas le timbre voulu. (1). Voilà ça s'envole, s'est-il dit, le roman prend sa vitesse de croisière, il suffit d'avoir dans la voix la formule magique, l'éclat de voix qui découvre ce qui semble être caché, ce roman à peine ouvert sous la neige, a finalement la chance, pensa-t-il de paraître en cette Année des Délices. Il est béni, s'amuse-t-il à penser, comme sont bénis les instants éclatants que lui offre la danseuse rouge de la Courbe du Temps. Il disposera d'une partie de la nuit pour lire ce livre de l'Année des Délices.



Auguste Rodin 1840-1917

Dans le bleu du ciel, il écoute les sonates pour " Violin and Hardpsichord " de Johann Sébastien Bach par Jaime Laredo et Glenn Gould, et il pense à la phrase entendue ici, cette phrase de la délivrance. Bach offre des phrases qui ouvrent sur une même délivrance, pense-t-il. Il en va des phrases prononcées comme des musiques jouées, elles éclaircissent le Temps, ouvrent sur un autre espace éclatant, déchirent les diableries installées, la marchandisation des phrases qui opère partout, et finalement ridiculisent les âmes tristes qui ont le ridicule chevillé à leur pauvres phrases cancéreuses.

Il se dit, " j'assiste à la déclinaison du jour, la neige et le ciel se fondent, miracle des couleurs qui glissent dans la nuit, la nuit est un paradis en mouvement, et ce mouvement m'unifie à celui du Temps. "

à suivre

Philippe Chauché

(1) Entrée des Fantômes / Jean-Jacques Schuhl / L'Infini / Gallimard

dimanche 10 janvier 2010

L'Année des Délices (8)


Pablo Ruiz y Picasso dit Pablo Picasso 1881-1973 Trois danseuses 1924

Il écrit, " l'Année des Délices vérifie que l'Instant est un miracle, et ce miracle est né de la Courbe du Temps. D'un regard adoré. Du mouvement d'un corps qui embrase l'espace ". Il se dit aussi, " les phrases se coulent dans le bleu du ciel, et les éclats de la neige qui recouvre les vierges perchées de la ville des miracles ". " Chaque mouvement, chaque baiser, chaque espace, est sur l'Instant celui d'une musique incomparable ", c'est ce qu'il écrit. Il ajoute, " les envolées soyeuses de la danseuse rouge des bords du Fleuve et sous les arbres croisent celles du peintre de la vie vive. Son regard se lit dans les phrases qu'il écrit dans le matin nouveau. Chaque matin est nouveau, chaque rencontre, chaque baiser, chaque accord de peau, et ce miracle permanent délivre des douleurs imposées, des falsifications, des doutes, et des mensonges. Le corps délivré est un corps libre, c'est un roman permanent, qui danse dans le blanc de ce matin d'exception ". Il écrit aussi, " l'immortalité est un baiser, un sourire de joie, une jouissance qui envahie chaque grain de peau, chaque mouvement , chaque mot. Les mots sont des baisers, le corps s'élève dans le mouvement de la joie et offre l'immortalité à celui qui sait regarder, écouter et embrasser. "



copyrith Sylvie Roman

Dans cette permanence immortelle, il lit, et c'est une offrande :

" Une femme, j'écoute sa voix, et si l'on sait écouter il se passe des choses intéressantes... un corps humain est une aventure des cinq sens : le goût, le toucher, l'ouïe, l'odorat, la vue... les cinq sens peuvent marcher ensemble et c'est cela la poésie. Or l'éradication de la poésie, c'est-à-dire de la liberté ou de l'amour, de l'érotisme, qui est le contraire de la marchandisation des corps à laquelle nous assistons, est prévue au programme. La laideur programmée qui s'empare de la marchandisation sexuelle est le contraire de la liberté et de la poésie. " (1)

" Il écoute, il voit, il touche, il s'enivre de ses parfums, il goûte à sa peau, aux fleurs de son corps. " C'est la grande affaire, finalement toute simple, note-t-il, s'accorder aux cinq sens de la vie pour illuminer l'Instant, et c'est ainsi que l'immortalité saisit les corps enlacés.




Johann Sebastian Bach (1645-1695) - Variations Goldberg - Glenn Gould


à suivre

Philippe Chauché


(1) La littérature ou le nerf de la guerre / Discours Parfait / Philippe Sollers / Gallimard

vendredi 8 janvier 2010

L'Année des Délices (7)


Claude Monet 1840-1926 Giverny

Il se dit, ce n'est pas un jardin, c'est un incendie. La peinture est un incendie permanent, mais ces flammes loin de détruire ou de calciner la vie, l'offrent sur l'Instant. L'amour pense-t-il est un incendie qui fait s'élever en flammèches multicolores les corps enfin délivrés de la pesanteur sociale. Ne dit-on pas parfois, " elle m'enflamme ", belle expression à prendre à la lettre, ajoute-t-il, " elle m'enflamme, et je m'enflamme pour elle ", les femmes enflamment, les flammes des femmes sont des éclats de couleurs inouïes. Il pense qu'il faut être peintre pour aimer, et couvrir de couleurs ses yeux et sa bouche. Savoir aimer, c'est avoir la saveur des couleurs sur la peau et dans les yeux, aimer c'est peindre un ventre d'un incendie de couleurs.

Il se dit, ses yeux c'est Matisse, son ventre Miro, ses mains Picasso, sa bouche Monet, ses seins Wateau, ses cuisses Vinci, ses épaules Bonnard, ses cuisses Renoir, ses mots Michaux, son silence Courbet, sa joie Fragonard. C'est le plus beau musée du monde, un musée de la vie et de l'éblouissement, un musée qui ouvre sur l'Instant et sa Courbe.

Dans quelques heures pense-t-il la rue aura la blancheur de sa beauté, et la joie de le savoir le rend heureux, il va pouvoir s'endormir dans la saveur de la savoir là.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 7 janvier 2010

L'Année des Délices (6)


Pierre Auguste Renoir 1841-1919 Grand Bouquet

Il écrit, une fleur dans le regard, il écrit, un bouquet dans le coeur, il écrit aussi dans l'espace du Temps et de sa Courbe où une rose s'endort.

Les fleurs ouvrent sur un écart du Temps qui semble invisible, et pourtant lorsque l'on s'y glisse tout devient possible, c'est ce qu'il se dit.
Ces fleurs sont les phrases qu'il offre à la danseuse rouge des bords du Fleuve et sous les arbres.

Croisement de couleurs, croisement de mains, croisement de phrases, croisement de parfums, croisement de caresses et de baisers, croisement de vies libres.

Il mise sur l'Instant fleuri de l'année des Délices.
Il mise sur la couleur violette de sa respiration apaisée.
Il mise sur le silence et la musique de ses seins.
Il mise sur les phrases ouvertes de la vie vive.
Il mise sur les mots posés sur une joue.

Il écrit, un regard éclatant sur la peau, il écrit, un sourire lumineux dans le coeur, il écrit dans l'espace du mouvement du silence.

Il lit comme il n'a jamais lu, dans le mouvement ascendant des phrases, dans les éclats de diamant des pages, dans la vision éblouissante d'un miracle, dans l'abondance des couleurs du Temps.

" Ému, toujours, par les femmes qui regardèrent avec moi le jour tomber, qui regardèrent le jour tomber pendant que moi finalement je mettais mon visage dans leurs cheveux. " (1)

" J'écris de rue à rue, de corps à corps, de mouvement à mouvement, de vie à vie, j'écris sans rompre la trêve.
Je lis dans les éclairs du Temps. " C'est ce qu'il note en lettres d'or sur son écritoire.

" Alors elle s'allonge sur le transat et elle ferme les yeux, et je continue à parler en ayant l'impression de la bercer ou de lui raconter une histoire pour l'aider à s'endormir. Au bout d'un moment il est même impossible de savoir si elle dort, et je me tais. Il est environ quatre heures de l'après-midi, et on entend au loin des cris d'enfants et le bruit des vagues. " (1)


Léonardo Fibonacci, dit Léonard de Vinci v. 1175-apr. 1240

Le sommeil s'invite, il va changer de pièce et de siècle. Embarquement immédiat.
Il l'embrasse pour la joie, pour un regard offert un soir d'été, pour une lumière rayonnante un matin d'automne, pour un dévoilement un nuit d'hiver.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Journal de Trêve / Frédéric Berthet / L'Infini / Gallimard

mercredi 6 janvier 2010

L'Année des Délices (5)


Gérard van Spaendonck 1746-1822 Tulipes
Tulipe : n.f. ( 1611 ; tulipan ; turc tülbend "(plante) turban"
Tulipe, toutes couleurs, déclaration d'amour.

Il écrit : " tout s'illumine dans une phrase prononcée, tout apparaît dans un mot offert comme un bouquet de fleurs de joie ". " Les phrases ", ajoute-t-il, " sont des corps vivants ", mais aussi, " les phrases donnent une autre résonance au corps qui les prononce, les phrases ont parfois le rouge qui monte aux mots, et c'est de ces miracles que naissent les illuminations, et l'immortalité, cet état de vie vive permanent qui s'ouvre sur un temps qui ressemble à celui de cette Courbe qui donne à la vie une nouvelle floraison ". " C'est de cette floraison des phrases et des corps ", pense-t-il, " que naît l'instant sacré du regard, cet instant unique, d'exception, vécu une seconde, il s'accomplit dans le temps présent, passé et futur ". C'est bien cela la révélation de la phrase du corps et du corps de la phrase, l'un pense-t-il, ne va pas sans l'autre. Le savoir, sauve.

Cette année des Délices est aussi le prolongement invisible de la Courbe du Temps dont il s'éprend, un autre écho doux et éblouissant, et c'est dans cet éblouissement que tout devient possible, ajoute-t-il. La rue des Martinets est autre ce soir, note-t-il, elle s'envole sous ses pieds, elle embrasse son regard, elle a elle aussi ses mots à dire et ses phrases à graver sur sa peau, elle l'embrasse de pierres blanches et de pavés. Il marche sans marcher, il écrit sans écrire, il offre son regard au ciel de la nuit, au souvenir des étoiles qui se sont un temps absentées, au regard de la danseuse rouge des bords du Fleuve et sous les arbres.

Cette année des Délices est celle des mots offerts comme des caresses, avec cette lenteur qui habite les fleurs qui s'ouvrent comme des livres au matin d'été. Il lit en embrassant le regard éclairant :

" Le silence est promesse de vie, et c'est pourquoi, à prendre conscience de celui qui règne ici, je me sens gagné par un profond bien-être, une confiance, le pressentiment que des heures pleines me seront accordées. De brusques embardées se produisent, et quelles fantastiques distances on se trouve parcourir à l'intérieur de soi en quelques secondes. Mystère de cet inconnu qui se présente et dont les changeants visages me conduisent de surprise en émerveillement. " (1)

La vie révélée lui semble aussi naturelle que la musique de Bach, il l'écoute après son évasion nocturne dans les rues vides de la ville. " Les suites françaises " tournent autour d'un axe invisible, qui n'est jamais le même, qui a le bougé subtile du pinceau de Cézanne, et la couleur admirable d'un corps endormi. Un corps endormi est un miracle, et il sait qu'il peut accompagner d'un regard de joie le miracle endormi.

Il reprend ses lectures sous l'oeil complice de Bach et de Glenn Gould :

" Tout contact spirituel ressemble au contact d'une baguette de magicien. Tout peut devenir instrument magique. Que celui à qui les effets d'un tel contact, les effets d'une baguette magique semblent fabuleux et prodigieux, se souviennent simplement du premier attouchement de la main de l'aimée, de son premier regard significatif, de ce regard où la baguette magique est un rayon de lumière brisée, qu'il se souvienne du premier baiser, du premier mot d'amour, et se demande si le charme et la magie de ces moments ne sont pas également fabuleux et étranges, inexplicables et éternels. "
(2)



Cette année des Délices est un fabuleux bouquet de vie, il l'offre à distance à la danseuse rouge des bords du Fleuve et sous les arbres, comme il offre les mots de joie qui se glissent sous sa peau et dans son regard.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Dans la lumière des saisons / Charles Juliet / P.O.L.
(2) Fragments / Novalis / traduc. Maurice Maeterlinck / José Corti

mardi 5 janvier 2010

L'Année des Délices (4)


" Le Discours Parfait (Logos Teleios ) est un écrit hermétique grec du début du IV° siècle de notre ère, connu en latin comme l'Asclépius. On sait que saint Augustin, venu du manichéisme, l'a lu. " (1)

Il se dit tout d'abord, qu'il convient de rappeler que cet écrivain est en guerre. D'évidence il n'est pas le premier et heureusement pas le dernier à diriger ainsi ses livres, vaisseaux armés et musicaux sur l'ennemi, il sait aussi que l'on ne l'attaque jamais seulement de front, sauf dans certaines situations précises, mais qu'il est de toute grandeur guerrière de le harceler sur mille fronts ouverts, qu'il croît à jamais clos, " pour prendre les villes ", disait un chinois qui un temps fût amusant, " il faut tenir les campagnes ". Cette guerre est celle du Goût, et l'auteur, d'ailleurs ne s'en cache pas. (2)

Comme il sait qu'il ne manque pas de soutiens, il ouvre un vieux livre qui rajeunit chaque jour :

" On amuse l'ennemi par des gesticulations, et on profite de son assurance pour se rendre maître de la situation, selon la configuration de l'" Augmentation ", laquelle requiert d'agir avec douceur. " (3)

Place maintenant à ce " Discours Parfait " qui s'affiche ici, et il trouve amusant qu'il se décline dans cette Année des Délices, qui n'est pas née n'importe où et à n'importe quel Instant. Constat merveilleusement musical et floral. Les fleurs qu'il avance comme des cavaliers sur l'échiquier du Temps qui sont à l'honneur ici même depuis le début de cette nouvelle année chrétienne, ces fleurs s'invitent dans le livre dès les premières pages, ce n'est pas un hasard, se dit-il, où alors un hasard qui a lu Nietzsche, c'est finalement le moins que l'on puisse attendre de lui ! Lisons :

" J'essaie de voir, ou plutôt d'écouter et de respirer, le jardin où je suis. Après le printemps des pâquerettes, des giroflées, des roses, des mimosas et des lilas, c'est l'été des lavaters ( explosifs ), et puis de nouveaux des roses, des cannas, des géraniums, de la sauge ( pointue et discrète ), de la lavande ( merveille des narines ), des fleurs d'acacias blanches ou roses, des lilas d'Espagne, des roses trémières, du solanum, des lauriers rouges ou roses, des marguerites, des églantines, des bignonias, des althaeas. Un arbre mimosa est toujours là, les rosiers sont en train de revenir, rouges, blancs, roses, crème ( bonjour Ronsard ), des dizaines de papillons blancs flottent, se posent, butinent en même temps que les bourdons. Le verbe butiner ( butin, lutiner ) se profile en miel sur fond de néant. Un peu de musique ? Mais oui, Chérubin, dans Les Noces de Figaro, papillon d'amour, farfallone amoroso, Mozart lui-même avant qu'il devienne Don Juan. Et puis non, silence, ce silence-là, au bord de l'océan, un silence aux couleurs épanouies et vives. " (1)

Il se dit en observant les dessins épanouis et vifs de Gérard van Spaendonck ( 1746-1822 ) que ces fleurs sont les fleurs du Délice et des Délices. Qu'elles accueillent ainsi le lecteur attentif est une bien belle chose. Il se dit aussi, qu'il en va ainsi de l'amour, lorsque l'amour s'offre comme une fleur, miracle des miracles qu'il convient d'embrasser. Il pense alors qu'une fleur lui est aussi essentielle qu'un baiser, l'Année des Délices le prouve.

Il se relit et s'aperçoit que la guerre s'est éloignée, enfin c'est ce que l'on peut imaginer, et pourtant Montaigne, Baltasar Gracian y Moralès sont là, leurs armes ce sont leurs livres, ils sont toujours imprimés, l'auteur le sait et les lit, il en parle, à vous de voir s'ils vous importent.

" Individualiste, Montaigne ? Et comment ! La société de son temps est celle de tous les temps : fanatisme plus ou moins rampant, ignorance, massacres, assassinats, mensonges, illusions, dissimulations, " vacations farcesques ". La jalousie et l'envie, sa soeur, mènent le monde, et la jalousie est " la plus vaine et tempétueuse maladie qui afflige les âmes humaines ". Il s'ensuit un théâtre de la cruauté, mais " je hais cruellement la cruauté " ( formule sublime ). " (1)

" Gracian a toujours insisté pour que ses livres soient publiés en format de poche. Vous vous baladez avec lui, vous le lisez, vous le relisez, comme Nietzsche ou Tchouang-tseu. Vous tombez sur : " Tout doit être double, et plus encore les sources de profit, de faveur, de plaisir. " Ou bien : " Comprendre était autrefois l'art des arts. Cela ne suffit plus, il faut deviner. " Ou bien : " N'attendez rien d'un visage triste. " (1) Il se dit que cette vérité devrait inspirer les Temps Présents.

Alors il s'échappe vers la Table, il lit :

" Furieux Saint - Simon.
" Mouvement des Lumières.
" L'érotisme français.
" Exception.
" Nietzsche, miracle français.
" La Folie des Nuits.
" Ivresse de Claudel.
" Mauriac grand cru.
" Magique breton.
" Rire majeur.
" L'infini de Michaux.
" La voix de Beauvoir.
" L'intime radical.
" L'origine du délire.
" Des femmes.
" La mutation du divin.
etc. " (1)
C'est un roman permanent, comme on le dit d'une vie ou d'une année, un délice permanent, une vie de délices et une année du même nom.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Discours Parfait / Philippe Sollers / Gallimard
(2) La Guerre du Goût / Philippe Sollers / Gallimard
(3) Huitième Stratagème / Les 36 Stratagèmes / Manuel secret de l'art de la guerre / traduc. Jean Lévi / Rivages poche / Petite Bibliothèque

lundi 4 janvier 2010

L'Année des Délices (3)


Edouard Manet 1832-id., 1883

Violette : n.f. - 1140 ; de l'ancien franç. viole, du la. viola.
Viole : n.f. - Déb. XII° ; anc. provençal viola, p.-ê. d'un dérivé du lat. vivus "vif", comme vielle (Guiraud)
Vif : qui a de la vie, agile, alerte, léger, brillant, éveillé, ouvert.

Tout un programme.
Harmonie : cette fleur est une viole. Il écoute les Partitas de Johann Sebastian Bach (1685-1750) par Glenn Gould. Merveille des merveilles, son oeil s'allume et volette.

Année des Délices : il mise sur les fleurs et cela se voit, sur l'art d'assembler les mots et cela s'entend. Des mots derrière les mots, des fleurs derrière les fleurs, un regard derrière son regard, une joie derrière sa joie.

" Elles se cachent derrière les fleurs
Les fleurs
Au mont Yashino " (1)

Année des Délices : miser sur le temps floral et musical. Un baiser pour une fleur, une fleur pour un baiser, un accord du Temps est un bouquet de violettes.
Il se dit, le Temps est éclat, vif, coloré, musical.
Embarquement immédiat.


Edouard Manet 1832-id., 1883

Voilà tout est simple, regardez bien ces deux roses, elles ouvrent sur une autre musique du Temps, c'est ce qu'il écrit. Mais aussi, tout est simple, vif et éclatant. Et, la vie vive est un mouvement de Délices, un mouvement qui ouvre sur la douceur des mots offerts dans un vase de cristal. Il écrit dans le mouvement de son corps accordé aux pétales jaunes et rouges. Tous les éclats d'une poésie vibrante embrassent l'espace de la vie qui n'a jamais été autant lumineux.

" Las de s'être contractés tout l'hiver les arbres tout à coup se flattent d'être dupes. Ils ne peuvent plus y tenir : ils lâchent leurs paroles, un flot, un vomissement de vert. Ils tâchent d'aboutir à une feuillaison complète de paroles. Tant pis ! Mais, en réalité, cela s'ordonne ! Aucune liberté dans la feuillaison... Ils lancent, du moins le croient-ils, n'importe quelles paroles, lancent des tiges pour y suspendre encore des paroles : nos troncs, pensent-ils, sont là pour tout assumer. Ils s'efforcent à se cacher, à se confondre les uns dans les autres. Ils croient pouvoir dire tout, recouvrir entièrement le monde de paroles variées : ils ne disent que " les arbres ". Incapables même de retenir les oiseaux qui repartent d'eux, alors qu'ils se réjouissaient d'avoir produit de si étranges fleurs. Toujours la même feuille, toujours le même mode de dépliement, et la même limite, toujours des feuilles symétriques à elles-mêmes, symétriquement suspendues ! Tente encore une feuille ! - La même ! Encore une autre ! La même ! Rien en somme ne saurait les arrêter que soudain cette remarque : " L'un ne sort pas des arbres par des moyens d'arbres. " Une nouvelle lassitude, et un nouveau retournement moral. " Laissons tout ça jaunir, et tomber. Vienne le taciturne état, le dépouillement, l'AUTOMNE."(2)

Il s'endort heureux sous une voûte de violettes et de roses.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Tôfu / Le Livre du haïku / Fourmis sans ombre / traduc. Maurice Coyaud / Phébus libretto
(2) Le Cycle des saisons / Le parti pris des choses / Francis Ponge / Tome Premier / Gallimard

dimanche 3 janvier 2010

L'Année des Délices (2)


Gérard Van Spaendonck 1746-1822 Bouquet

Bouquet : n.m. - Déb. XV°. forme normanno-picarde, boucet, bouchet (XII°), de bosc "bois" ou (selon Guiraud) apparenté à botte du lat. pop. boticus.

Il écrit : " Je fais de ma vie un bouquet de mots, d'attentions, de caresses, de joie et de volupté, une vie de Délices, pour une année d'éclats soyeux, une vie d'éclats gracieux pour une année de Délices ". Il se dit aussi : " Les Délices sont là devant mes yeux, ils écoutent et vibrent, et délivrent le Temps de ses tremblements. J'emploie ma vie à les faire éclore. " Il ouvre le petit livre vert et s'y glisse :

" Qui connaît l'autre homme est intelligent,
qui se connaît est éclairé,
qui vainc l'autre homme est fort,
qui se vainc est énergique,
qui sait se contenter est riche,
qui s'efforce d'agir a de la volonté.

Qui ne s'écarte pas de sa place vit longtemps.
Qui est mort sans être disparu
atteint l'immortalité. " (1)

Un autre petit livre s'invite, un bouquet de fleurs de vie :

" Lenteur du temps qui porte la plénitude. En deçà des mots, le moindre mouvement intérieur est ravissement. Parce qu'au fond de moi des courants d'énergie ne cessent de se mêler, de s'étreindre, d'entrer en exultation, ronde et lisse est la joie qui naît, s'épanouit, me roule bientôt à l'intérieur de sa sphère. " (2)

Il se dit, les fleurs vivent dans son regard, les fleurs s'ouvrent dans ses mains, elles parfument chacun de ses mots, et le Temps s'en trouve changé.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Tao-tö king / Lao-tseu / traduc. Liou Kia-Hway revue par Etiemble / Philosophe taoïstes / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(2) Dans la lumière des saisons / Charles Juliet / P.O.L.

samedi 2 janvier 2010

L'Année des Délices


Gérard Van Spaendonck 1746-1822 Jacinthe

Jacinthe : Joie du coeur


Délice : n- 1120 ; du lati. delicium, neutre sing. tiré de deliciae.
N.m. ( lat. delicium ). Littér. Plaisir vif et délicat. Bonheur, félicité, joie, jouissance.

Dictionnaire ouvert - Le Grand Robert de la Langue Française -, il aime à savoir que Délice est entouré de Délicatesse et de Délicieusement, il se dit que l'année des Délices s'annonce. Malheureux qui ne le sait pas. Malheureux qui ne s'y accorde pas. Il poursuit son exploration du grand livre des mots, suivent Délicoter - débarasser de son licou un cheval ou un âne -, pourrait pense-t-il s'employer pour les hommes de qualité qui savent se débarrasser de toute servitude volontaire. Puis c'est, c'est Délictueux, ici point de délit, Délié, Déliement, Délier, Délignage, les mots bondissent et fleurissent sous son regard.
Offrez des mots et des fleurs à vos amoureuses, c'est ce qu'il écrit, offrez la joie et le bonheur, l'année le mérite, la vie le mérite.



à suivre

Philippe Chauché

vendredi 1 janvier 2010

Réponses de Janvier

Un livre lu et relu cette année ?
Les voyageurs du temps - Philippe Sollers - Gallimard
Un disque découvert et écouté sans arrêt ces derniers mois ?
Keith Jarret - Paris/London - Testament - ECM
Ce dont vous êtes le plus fier ?
Ma présence au Temps.
Ce que vous regrettez ?
Ne pas avoir assez écrit.
Ce que vous seriez prêt à recommencer l'an prochain ?
Ma présence au Temps.
Votre idée de la Joie en cette fin d'année ?
Un regard.
Votre idée de la littérature ?
Vive.
Votre idée du Bonheur ?
L'Instant.
Votre idée du Temps ?
Permanente.
Votre idée de la jouissance ?
Joyeuse.

mais aussi :

Le principal trait de votre caractère ?
Attentif ?
La qualité que vous appréciez chez un homme ?
Sa discrétion.
La qualité que vous appréciez chez une femme ?
Sa beauté joyeuse.
Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
Leur patience.
Votre principal défaut ?
......... ??? .........
Votre rêve de bonheur ?
Continuer d'être ce que je suis en m'en amusant.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Perdre la vue.
Ce que vous voudriez être ?
Ce que j'ai été, ce que je suis et ce que je serai.
La fleur que vous aimez ?
La rose.
L'oiseau que vous préférez ?
Le martinet.
Vos auteurs favoris en prose ?
Ils s'invitent régulièrement ici.
Vos poètes préférés ?
Cherchez vous les trouverez ici.
Vos héros dans la fiction ?
Point de héros.
Vos compositeurs préférés ?
Ecoutez, ils s'entendent parfois ici.
Vos peintres favoris ?
Regardez, vous les verrez ici.
Vos héros dans la vie réelle ?
Pas de héros, mais des admirations.
Vos héroïnes dans la vie réelle ?
Les admirations me suffisent.
Ce que vous détestez par-dessus tout ?
La vulgarité et le bruit.
Caractères historiques que vous méprisez ?
Les dictatures : Franco, Hitler, Staline et leur ombre : Vichy.
Le fait militaire que vous admirez le plus ?
L'appel du 6 juin 1944.
La réforme que vous admirez le plus ?
L'abolition de la peine de mort.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
Musicien.
Comment aimeriez-vous mourir ?
Vivant.
État présent de votre esprit ?
Léger.
Fautes qui vous inspirent le plus d'indulgence ?
Les négligences.
Votre devise ?
" Je suis toujours à la hauteur du hasard. " F. Nietzsche

mais aussi :


Vous regrettez l'année qui s'achève ?
Point de regrets.
Vous doutez de celle qui s'annonce ?
Pas une seconde.
Vous finissez l'année heureux ?
Oui, et vous ?
mais aussi :

D'où viennent ces premières phrases ?

" Tout va très vite, maintenant, en plein dans la cible. "
Les voyageurs du temps - Philippe Sollers
" J'aurai passé ma vie à chercher des mots qui me faisaient défaut. "
La barque silencieuse - Pascal Quignard
" Le désastre ruine tout en laissant tout en l'état. "
L'écriture du désastre - Maurice Blanchot
" On est entré dans une zone de chocs. "
L'infini turbulent - Henri Michaux
" Seul, sur le quai désert, en ce matin d'été,
Je regarde du côté de la barre, je regarde vers l'Indéfini,
Je regarde et j'ai plaisir à voir,
Petit, noir et clair, un paquebot qui entre. "

Ode Maritime - Fernando Pessoa
" C'est maintenant qu'il faut reprendre vie. "
Cercle - Yannick Haenel
" Par hasard, la fin du monde a commencé sous ma fenêtre. "
La Hache et le Violon - Alain Fleischer
" Il faut avoir été réellement incarné pour ne pas perdre sa chair et la retrouver enfin dans cette même enveloppe. "
Le savoir-vivre - Marcelin Pleynet
" Qu'y a-t-il de plus engageant que l'azur si ce n'est un nuage, à la clarté docile ? "
Le grand recueil - Francis Ponge
" Pour parler franc, là entre nous, je finis encore plus mal que j'ai commencé... "
D'un château l'autre - Louis-Ferdinand Céline
" Tel qu'en lui-même l'éternité le chante. "
Journal de Trêve - Frédéric Berthet
Qu'elle est la phrase qui cette année vous a ébloui ?
" Quand on glisse sa main un instant dans la mer, on touche à tous les rivages d'un coup. " P. Quignard - La barque silencieuse
Celle que vous avez écrite dont vous êtes le plus fier ?
" Il s'est dit, c'est une rose qui s'est dessinée entre ses seins, j'y pose mes lèvres et une nouvelle brèche s'ouvre. " La Courbe du Temps (60)

à suivre

Philippe Chauché