lundi 26 décembre 2011

Ma Librairie (31)


" Elle jouait toute droite, les mains comme rondes, et extrêmement fort. Chaque fois que Véri entendait Ann jouer - depuis l'enfance -, l'intérieur de son corps se mettait à trembler sous la peau. " (1)




" Survint un état d'apesanteur.
Étrange état où le corps s'éloigne légèrement de lui-même.
Où tout s'assèche dans le monde interne. Où la lucidité ou du moins le vide commence à se mouvoir dans l'espace du crâne.
Où, si la souffrance persiste, elle fait moins souffrir.
Où au moins la souffrance fait souffrir d'un peu plus loin qu'à partir du corps lui-même. " (1)





La Dame à la Licone - Le Goût
 
    Le vide est une renaissance et de lui naît le mouvement, le vide est incompréhensible, comme mouvement d'un corps libre, le vide, pense-t-il, est peuplé de phrases invisibles écrites à l'encre de la lucidité.



" Ceux qui ne sont pas dignes de nous ne nous sont pas fidèles.
Voilà ce qu'elle était en train d'écrire dans le rêve qu'elle était en train de faire.
Leur engagement à nos côtés n'entraînait pas leur peur ou leur fainéantise,
leur incurie, leur désoeuvrement, leur régression, leur bêtise.
Nous observons assis dans nos fauteuils, étendus dans nos baignoires,
couchés dans nos lits, des êtres engourdis ou absents pour lesquels nous
n'avons plus d'existence.

Ce n'est pas eux que nous trahissons en les abandonnant.
Leur inertie ou leurs plaintes nous ont abandonnés avant que nous songions
à nous séparer d'eux.
La nuit quitta le lac de Côme.

Elle traversa sa troisième frontière sans qu'elle connût de difficultés. " (1)



L'abandon n'est pas une fuite, mais un mouvement musical, note-t-il, en relisant Villa Amalia, la disparition s'écrit comme une fugue, le coeur est si loin que les yeux ne voient plus ce petit théâtre des opération, les yeux se tournent vers un ailleurs, la mer les comble ; les fleurs, les oiseaux se posent comme des croches sur la vie retrouvée, et la vie retrouvée est simplement la vie réelle, l'autre n'est qu'une farce, plus les sentiments s'éloignent, plus le corps se durcit, rare sont les romans du durcissent du corps.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Villa Amalia / Pascal Quignard / Gallimard / 2006











2 commentaires:

  1. La concordance de nos temps me surprend toujours.
    Avant de vous rendre visite je publie quelques photos d'un concert de musique de chambre donné dans la galerie de tapisseries anciennes d'une amie.
    Et je vous trouve, les sens par la musique en émoi, LA dame à la licorne posée au coin du blog!!
    Auriez-vous un don de clairvoyance, Philippe?
    "Quelquefois, à un moment du morceau, c'était si beau.
    La douleur se mêlait à la beauté intense.
    Je ne bougeais plus, je ne vivais plus.
    Les enfants commencent par être tétanisés par la beauté. Sidérés par elle. Mourant en elle." Un autre extrait en écho...
    Belle soirée Philippe

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  2. Belle nuit à vous Maïa, et merci de vos échos lumineux.

    Philippe Chauché

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