lundi 6 juillet 2009
La Courbe du Temps (5)
Comment après une telle nuit se réveiller ? par un autre saut dans le temps ! c'est ce que j'ai tenté dans le Mouvement du Temps. L'écho du sifflement des martinets a ouvert un nouvel espace, mes yeux, surpris par tant de feuilles noircies qui se croisaient et se décroisaient sur le parquet, prirent, je l'ai senti, une autre teinte, orangée, comme si la nuit avait légèrement dissolue le rouge du canapé où je m'étais endormi, en me levant j'ai esquissé deux pas, pour délivrer mes muscles de l'endormissement du temps des rêves. J'ai ramassé une à une les feuilles où naviguaient mes phrases, au hasard, ne sachant ce qu'elles recélaient, sachant seulement, que je les offrirait telles quelles à Miryam-Marie-Maria, lorsque nous nous reverrons près du fleuve et sous les arbres.
J'ai allumé une cigarette en préparant un café, très noir comme cette absence du Temps où j'avais voulu m'ensevelir. J'ai souri en y pensant, allumé la radio : Mozart. Quel accueil me suis-je dit ! Mozart à son tour volait dans l'appartement, accompagné par le tempo solaire des Martinets. Mozart, le concerto n°3 en sol majeur, l'évidence même du baiser de la danseuse blonde, ai-je pensé, même danse. Quelle allégresse. Quelle joie dans la mélodie du violon. Même suspension des hautbois. Je me suis demandé si nous étions vraiment nombreux à écouter Mozart en ce matin du mois de juillet, dans une ville minérale, qui ignore qu'une lumière s'ouvre parfois à elle, lorsqu'elle se souvient qu'un fleuve la courtise, et que des arbres dissimulent une danseuse qui croise et décroise ses mains. Quelle tension aussi, me suis-je dit. Fils de notes qui tissent le Temps et déploient sa Courbe. Alors les phrases des livres de la nuit, qui s'étaient croisées et décroisées, sont revenues, comme s'ils elles voulaient par leur présence accompagner cette nouvelle journée blanche, jaune et rouge :
... le Sud, école de guérison...
... c'est d'ici que tout repart, d'ici que rayonnent - il faut se taire - trop de raisons de mêler dans le récit tous les temps du verbe être...
... un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et comme la nouvelle harmonie...
C'était cela me suis-je dit, une nouvelle harmonie, Mozart et son concerto me le rappelaient lumineusement. J'avais la journée pour m'y préparer, me préparer à cette nouvelle harmonie qui allait éclater, je n'en doutais pas une seconde, sur les bords du fleuve et sous les arbres. L'écriture est revenu nettement, l'écriture en rouge et blanc, dans ce nouvel espace vif de la Courbe du Temps, accordée au mouvement inouïe de Miryam-Marie-Maria que je retrouverai bientôt dans l'espace libéré des bords du fleuve et sous les arbres. J'ai une nouvel fois ouver le livre de l'écrivain chamanique :
" Est-ce que je pensais encore à Anna Livia ? Bien sûr. Je la voyais partout. Une silhouette brune dans la rue, c'était elle. Un corps ondulé dans la nuit : encore elle. J'ai suivi une femme qui poussait un landeau boulevard Saint-Michel. On a longé les thermes de Cluny. Je me disais : Anna Livia a un enfant, elle ne l'a pas dit, toute sa vie est secrète, une autre vie, ailleurs. Et puis, devant le cinéma Espace Saint-Michel, alors qu'elle regardait les photos du film Les Amants réguliers, j'ai posé ma main sur son bras, elle s'est retournée, ce n'était pas elle.
Une autre fois, c'est un drap mauve. J'avais passé la fin de soirée à Saint Jean, à Abbesses. Il faisait chaud, tout le monde était ivre et nonchalant. A comptoir, il y avait trois jeunes Danoises qui disaient : " Il n'y a plus d'Hamlet, les hommes ne sont pas assez fous. " (1)
La chaleur s'installait, j'ai fait glissé les volets de bois devant les fenêtres de l'appartement, et ouvert les yeux comme jamais je ne les avais ouverts. La lumière du Sud me traversait comme le baiser de la danseuse m'avait traversé sur la place du Palais des Papes.
à suivre
Philippe Chauché
(1)Yannick Haenel / Cercle / L'Infini / Gallimard
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... alors mettre du Mozart, appuyer sur start, écouter et relire, suspendre le temps... prolonger le plaisir...
RépondreSupprimerBien à vous
C.
Suspendre le Temps pour mieux s'en saisir.
RépondreSupprimerBien à vous Constance.
Ph