samedi 18 juillet 2009

La Courbe du Temps (10)




Le bonheur est un luxe, et voyez-vous, me dit-il, ce luxe ne peut-être partagé qu'avec quelques belles personnes, très peu finalement, c'est une chance, une grande chance que nous avons là. Il en va de même ajoute-t-il de l'envolée du Temps, de tels propos, lâchés ailleurs que devant vous, m'attireraient immédiatement les foudres et la condamnation des humanoïdes, convaincus les pauvres, que seul le collectif fonde, soude, et conduit de facto à ce qu'ils croient être le paradis social, éclatant effet de la servitude volontaire, et là, mon cas ne pourrait que s'aggraver. Je poursuis l'écriture de la Courbe du Temps. Devant moi, me dit-il, des reproductions de tableaux et de dessins de Matisse. Je sens profondément que Miryam-Marie-Maria, vient aussi de là, du geste du peintre, de sa musique, de son accord inouïe à la danse des couleurs et des corps. Tenez cher complice, voici le nouvel épisode de cet amusant feuilleton de l'été. Il me tend deux feuilles pliées et enlacées d'un ruban rouge. A un de ces soirs cher ami. Il se lève, traverse notre café et disparaît dans la foule. J'ai posé les feuilles sur la table ronde de notre café, je reprends la lecture des quatrains :

" Tous les matins la rosée emperle les tulipes,
Toutes les violettes inclinent leur têtes, dans le jardin,
En vérité, rien ne me ravit comme le bouton de rose
Qui semble ramasser, autour de lui, sa tunique soyeuse. " (1)

et plus loin :

" Ne te livre pas aux soucis de ce monde injuste ;
N'évoque pas le souvenir en deuil des trépassés.
Ne donne ton coeur qu'à la fille des Péris, au seins de jasmin.
Aie toujours du vin ; ne jette pas ta vie aux vents qui passent. " (1)

Péris : du nom persan des fées, merveilleux, il pourra l'accoler à Miryam-Marie-Maria, ce nom deviendra une guirlande lumineuse, Miryam-Marie-Maria-Péris, nous en trouverons d'autres qui accompagneront la Courbe du Temps, qui lui est si précieuse, me dis-je. Je poursuis mon aventure :

" Le Printemps doucement évente le visage de la rose ;
Dans l'ombre du jardin, comme un visage aimé est doux !
Rien de ce que tu peux dire ne m'est un charme ;
Sois heureux d'Aujourd'hui, ne parle pas d'Hier. " (1)

Voilà, pensais-je, la phrase qui délivre, sois heureux d'Aujourd'hui, ne parle pas d'Hier, voilà la phrase qui ouvre sur toutes les phrases. Je m'empresse de la noter sur mon petit cahier gris.

" Quiconque arrose dans son coeur la plante de l'Amour
N'a pas un seul jour de sa vie qui soit inutile,
Soit qu'il cherche à aller au-devant de la volonté de Dieu,
Soit qu'il cherche le bien-être corporel et lève sa coupe. " (1)

C'est ce que je fais aux Péris qui illuminent le Temps, puis je déplie les feuilles où s'allonge l'écriture fine et bleue de l'aventurier du mot :

Le vent s'est levé sur la ville, nous allons pouvoir appareiller, monter les voiles, nous éloigner de la berge et des arbres. C'est ce qu'il se dit en traversant la place de la Synagogue, puis celle des Châtaignes, et le Palais, éclats jaunes et blancs du soleil qui l'élancent vers le bleu du ciel, miracle de l'accord entre la pierre et la vibration intense de la lumière. Je me prépare à un autre miracle, pense-t-il, retrouver la danseuse rouge sur les bords du fleuve et sous les arbres, dans le silence du jour. Elle est là, assise dans l'herbe, un livre en suspension dans les mains, le regard ouvert sur les mots qui passent du papier bible à ses yeux, à sa peau, à ses muscles, à son corps tout entier. Il pense, qu'il ne faut jamais déranger une femme qui lit ainsi, dans cet accord là, dans cette permanence du verbe. Mais aussi, qu'il ne faut jamais réveiller une femme allongée dans des pensées vibrantes. Le corps ne se livre pas dans ces instants là. Il faut être patient, donc vivre dans la liberté totale de l'attente, c'est ce qu'il pense en regardant de loin, Miryam-Marie-Maria, la danseuse rouge du bord du fleuve et sous les arbres.

à suivre

Philippe Chauché



(1) Les Quatrains d'Omar Khayyam / traduct. Charles Grolleau / Éditions Gérard Lébovici / 1991



2 commentaires:

  1. "Sois heureux d'aujourd'hui, ne parle pas d'hier" Je note aussi sur mon petit cahier gris. Merci.

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  2. - La Musique et l'instrument, leysso l'home coumo lou pren.
    Trad : La musique & l'instrument, laissent l'homme comme elles l'ont pris!

    - L'aygo gasto lou vin, la carreto lou camin, et la fremo l'homé.
    Trad : L'eau endomage le vin, la charette le chemin ;& la femme l'homme.

    - L'esperanço es lou pan deis misérables.
    Trad : l'espérance est le pain des misérables..!

    - La vertut enrechis l'homé pauré.
    Trad : la tertu enrichi l'homme pauvre

    Proverbes Provence XVII éme siècle.

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