" Pas un de l'a vraiment connu. Peu ceux de son entourage qui ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas couché avec lui : au moins un fois. Ou du désir. Ou vécu une nuit de tous les possibles. Et (puis) s'enfuir avant la trappe.
Il était peintre. Performeur. Plasticien on dit. Pour vivre il a passé bien des chemins. De plongeur à Strip-Teaseur de voleur à gigolo de cameraman à nègre de rien à la politique, soldat acteur photographe prince des dance-floors footballeur chauffeur de place jardinier ou pour plaire à une femme il disait sans cesse qu'il avait la main verte moi quand je l'ai connu il ne savait plus il arrêtait tout il parlait à peine il souriait comme une personne sachant qu'elle a perdu toute intelligence de vie ... " (1)
Si vous leur demandez, ils vous parleront de Jan, si vous leur demandez, ils vous diront ce qu'ils savent de Jan, ce qu'ils peuvent dire de Jan. Ils convoqueront leur mémoire, les mots et les corps pour parler de Jan. Alors, ils s'avancent sur le plateau face au public, ils s'avancent un par un, ou à plusieurs, ils disent et se contredisent. Jan, qu'ils ont aimé, Jan, qu'ils ont perdu, quitté, Jan, qui les a quitté, impossible, possible, trouble, floue, tremblé, le corps de Jan et la voix de Jan.
Pour réussir cela il faut des voix et des corps, il faut inventer le mouvement qui nourrit l'espace, miser sur l'écoute des autres acteurs, il faut croire que chaque geste, que chaque mot, à nouveau invente le théâtre, il ne faut pas craindre de ne pas être à la hauteur de ce que l'on a envie de raconter, c'est un pari, mais Hubert Colas à la main verte, comme ses jeunes acteurs, ont eux aussi la main verte pour séduire le théâtre.
Pour réussir cela, il faut croire radicalement que le mot lancé par l'acteur fait naître l'acte théâtral, c'est aussi simple que cela.
Si vous lui demandez, il vous dira qu'il se souvient qu'à la télévision anglaise on a parlé de Jan, de ses chutes, et de cet instant où l'impossible fait naître le possible, cet instant entre l'équilibre et le déséquilibre, une seconde, deux secondes, ou beaucoup moins, cet instant suspendu d'avant la chute. Et si c'était cela aussi le théâtre, cet instant d'avant la chute ?
Il vous dira aussi sa disparition, la disparition de Jan, en mer, au large, seul, dans la masse lourde et noire, chute définitive. Qui s'en souvient, qui peut la porter cette chute, cette disparition ? Les corps et la voix, tous les corps et une seule voix.
Alors, il y aura du mouvement, du déplacement, des corps qui s'avancent, des voix offertes, des suspensions, des images vidéo, une mélodie anglaise, il y aura aussi des traces, et de la dérision, il y aura une vague d'acteurs qui roule sur la scène et qui porte le corps de Jan.
Théâtre mouvement, mouvement du théâtre, pour simplement dire : vous doutiez que nous le pouvions ? Vraiment ? Regardez, écoutez, après, bien après, nous verrons si l'espace se souvient de notre passage, se souvient de l'évocation, des mots, des corps, du passage de Jan.
à suivre
Philippe Chauché
(1)Le Livre d'or de Jan / Hubert Colas / Festival d'Avignon / jusqu'au 17 juillet / Cloître des Carmes / Texte à paraître aux Éditions Actes Sud-Papiers
dimanche 12 juillet 2009
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