mercredi 31 août 2011
Ma Librairie (6)
" Ce serait bien d'acheter des livres, si l'on pouvait acheter le temps de les lire ; mais on confond souvent l'achat des livres avec l'appropriation de leur contenu.
Repetitio est mater studiorum. Il faut relire deux fois de suite chaque livre important, parce que, d'une part, on saisit mieux, la seconde fois, les choses dans leur ensemble, et que l'on comprend bien le commencement que lorsqu'on connaît la fin ; et, d'autre part, parce qu'on y apporte la seconde fois une autre disposition d'esprit et une autre humeur que la première, ce qui modifie l'impression. C'est comme si on voyait un objet sous une autre lumière. " (1)
Moins vous lirez de livres, lui dit-elle un jour, mieux vous m'aimerez.
Pour vous le prouver, je vous ouvre ma librairie !
à suivre
Philippe Chauché
(1) L'art de ne pas lire / Arthur Schopenhauer / Distance / 1992
mardi 30 août 2011
Ma Librairie (5)
photo Janosh Simon
" - Si votre devoir, lui dis-je, vous force à me repousser malgré vous, votre devoir donc vous est à charge : il est votre ennemi malgré. S'il est votre, ennemi, pourquoi le chérissez-vous, pourquoi lui accordez-vous la victoire ? Amie de vous-même, commencez par fouler aux pieds cet insolent devoir
- Cela n'est pas possible.
- C'est très possible. Pensez à vous-même ; recueillez-vous, et fermez les yeux.
- Comme cela ?
- Fort bien.
Je l'attaque alors vite dans l'endroit faible ; mais à peine y suis-je qu'elle me repousse, sans rudesse cependant, et d'un air moins sérieux. Elle me dit que j'étais le maître de la séduire, mais que si je l'aimais, je devais lui épargner cette honte. Je lui fais comprendre alors qu'une fille d'esprit ne pouvait être honteuse qu'en cédant à un homme qu'elle n'aimerait pas ; mais que si elle l'aimait, l'amour, prenant tout sur son compte, la justifiait de tout. " (1)
Peut-être, s'agit-il là, du grand roman du XVIII° siècle, du grand roman d'une Europe, si éloignée de la notre : reprenant sans le dire, cette remarque vive de Castiglione " l'écriture n'est autre chose qu'une forme de parole qui demeure encore après que l'homme a parlé ", ce qui n'est pas très éloigné, de ce que l'on peut appeler une parole divine, qu'il convient d'entendre, si l'on sait lire, comme parole vivante d'un homme sans qualité qui demeure après sa disparition. Parole de l'écrivain qui demeure, parfois comme jamais après sa disparition, c'est le cas du lumineux Casanova, d'autant plus lumineux que sa langue, le français, a été publiée et découverte pour la première fois en 1960, c'était hier !
Il y a d'un côté, ce livre qui amuse ses voisins de ma Librairie, aventure verticale et horizontale, de l'autre ce que le cinéma en a fait, fadaises lorsque vous gouvernez !
à suivre
Philippe Chauché
(1) Histoire de ma vie / Giovanni Giacomo Casanova de Seingalt / Bouquins / Robert Laffont
dimanche 28 août 2011
Ma Librairie (4)
" Ce matin au réveil j'ai toute la peinture et tous les livres...l'expérience intime et sensuelle, les couleurs de la vie... des rivières de romans derrière les yeux... derrière les yeux, le feu nourrit le feu, la terre s'augmente de son propre corps, l'éther ajoute à l'éther... et encore ce matin, proche et lointaine, mais la même, la Laura de Giorgone, la Vénus à la fourrure de Titien, et comme elle se présente... le Concert champêtre... la musique... Poussin, les Saisons... " La grappe de la Terre promise " derrière les yeux... la nuit et la lumière... et de l'une à l'autre... et la ville ce matin... et toutes les vies des anciens peintres... et la danse dans les yeux... et cette fixation, le regard, la main peinte de Manet en son Autoportrait à la palette... et tout ce qui se propose dans ce trait... " l'homme habite poétiquement " sur sa portée... Manet, sa palette et toute la musique peinte dans son jardin... la vie musicale, l'autoportrait comme monde... La Musique aux Tuileries... l'univers de Manet. " (1)
Le Roman seul, note-t-il, épuise l'épuisement, le Roman et la Musique, ma Librairie en occupe l'espace et le temps, le temps de la Musique et le temps du Roman, une autre manière de le conjuguer au présent.
Tout tremblement du corps est à bien y regarder un tremblement musical, un tremblement de phrase.
Dans le bleu du ciel quelques cirrus, notes tenues dont l'écho se propage, servant à tisser l'espace du temps.
Pour comprendre comment se transforme une phrase, il convient d'avoir souvent la tête en l'air, dans les nuages dit-on aussi.
" L'éblouissante conquête de la lumière en symphonies suprêmes, aux champs des Nymphéas, ne pouvait apparaître qu'en coup de théâtre, même après les préparations d'un long labeur. Il n'y fallait pas moins que le plein accord de la double maîtrise de l'oeil et de la main. L'oeil, d'audace géniale, brûlé de tous les flamboiements des choses, affolé des prodiges du monde au point de jouer toutes les ambitions de sa vie sur un coup de pinceau à l'approche de la mort. La main, dans la pleine possession de ses agilités d'art, en état d'obéir aux élans de sa sensation, en les modérant, en les ordonnant, en les liant, en les transposant dans les enchaînements de la vie universelle. Encore fallait-il que chaque touche de la prétendue " fixité " nous engageât sur la pente de ce qui était tout à l'heure à ce qui sera dans un moment. " (2)
L'oeil et la main, à ne jamais prendre à la légère !
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le savoir-vivre / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard / 2006
(2) Claude Monet " intime " / Georges Clemenceau / Parkstone
mercredi 24 août 2011
Ma Librairie (3)
" Sauvage prière que celle des taureaux
au Soleil, dont les chevaux
foulent déjà les confins de la Terre engourdie ;
il cache à la nuit ses trésors
- et à ses obéissantes troupes d'étoiles
il ordonne de se retirer ; l'Aurore,
par ses baisers éveillés,
il la vêt maintenant d'argent ;
vallées et rives,
il les couvre de brumes, et la déserte
marisma frémit sous les brises matinales. " (1)
" Filles de la Alfalfa, pimpants jeunes gens,
foulard noir à la taille
et crêpe au chapeau.
Deux veuves avec des oeillets
noirs dans leur noire chevelure.
Noire ceinture et cravate
noire, le justaucorps des toreros :
un ruban noir
sur l'or de la manche.
Huit chevaux tiraient
le corbillard de l'Espartero. " (1)
Souvent la nuit venue, il affronte sous les éclats de lune quelques livres bravos, et leur vole des naturelles invisibles, au risque d'y laisser sa mémoire.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La Toriada / Fernando Villalón Daoíz y Halcón / traduc. Jacques Issorel / mare nostrum Editions
mardi 23 août 2011
Ma Librairie (2)
" Qu'est-ce que j'écris ? " Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle le ciel " ( Leçons sur Tchouang-tseu )
La grande colline verte que le vent d'automne brûlera bientôt... et déjà dans ses reflets et ses fumées, le poudroiement des feuilles d'or.
Contemplant la grande colline, l'unique vision illustrée de l'Instant, la nature, l'évidence saillante et immuable de la nature, c'est ce que j'appelle le ciel...
Au XVIII° siècle, les jésuites voulaient traduire par " dieu " le caractère qui, pour les Chinois, désigne le ciel.
Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle dieu.
Ici, la grande colline dans la saison, sans pourquoi.
Devant le mont, la nature, l'évidence saillante, c'est ce que j'appelle le ciel... le plaisir, le bonheur qui se passe de mot... la parole (en silence, un apprentissage quotidien)... l'expérience la plus essentielle n'a pas de mot - je m'absente sans un mot, je ne suis que ce qui s'offre et se présente par amour et lumière pour les yeux... je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas.
Rien de plus libre, de plus vrai, de plus essentiellement vécu : Je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas. " (1)
Qu'écrire dans ce matin d'été ? se demande-t-il. Rien d'autre qui n'ait été écrit dans l'un des ouvrages de ma Librairie, mais dans le foisonnement d'un autre regard matinal, ce qui change tout. Le ciel est plus bleu que jamais, la chaleur renaissante fait taire les oiseaux, le blanc des pierres résonne de musiques italiennes, je prends le temps de ne rien faire, de pousser au centre du silence les phrases qui m'ont accompagnées toute la nuit. J'ouvre le livre et laisse le Temps et son Mouvement en tourner les pages, et derrière elles, miracle de l'imprimerie, miracle du regard de l'écrivain, miracle de ma Librairie, l'absence comme une résurrection. Le savoir, c'est se sauver.
La grande colline verte que le vent d'automne brûlera bientôt... et déjà dans ses reflets et ses fumées, le poudroiement des feuilles d'or.
Contemplant la grande colline, l'unique vision illustrée de l'Instant, la nature, l'évidence saillante et immuable de la nature, c'est ce que j'appelle le ciel...
Au XVIII° siècle, les jésuites voulaient traduire par " dieu " le caractère qui, pour les Chinois, désigne le ciel.
Les chevaux et les buffles ont quatre pattes : voilà ce que j'appelle dieu.
Ici, la grande colline dans la saison, sans pourquoi.
Devant le mont, la nature, l'évidence saillante, c'est ce que j'appelle le ciel... le plaisir, le bonheur qui se passe de mot... la parole (en silence, un apprentissage quotidien)... l'expérience la plus essentielle n'a pas de mot - je m'absente sans un mot, je ne suis que ce qui s'offre et se présente par amour et lumière pour les yeux... je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas.
Rien de plus libre, de plus vrai, de plus essentiellement vécu : Je suis de ne pas y être et d'y être je n'y suis pas. " (1)
Qu'écrire dans ce matin d'été ? se demande-t-il. Rien d'autre qui n'ait été écrit dans l'un des ouvrages de ma Librairie, mais dans le foisonnement d'un autre regard matinal, ce qui change tout. Le ciel est plus bleu que jamais, la chaleur renaissante fait taire les oiseaux, le blanc des pierres résonne de musiques italiennes, je prends le temps de ne rien faire, de pousser au centre du silence les phrases qui m'ont accompagnées toute la nuit. J'ouvre le livre et laisse le Temps et son Mouvement en tourner les pages, et derrière elles, miracle de l'imprimerie, miracle du regard de l'écrivain, miracle de ma Librairie, l'absence comme une résurrection. Le savoir, c'est se sauver.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le savoir-vivre / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimardlundi 22 août 2011
Ma Librairie
" Quand après le déjeuner, nous allions, au soleil, prendre le café dans la grande baie du salon, tandis que Mme Swann me demandait combien je voulais de morceaux de sucre dans mon café, ce n'était pas seulement le tabouret de soie qu'elle poussait vers moi qui dégageait avec le charme douloureux que j'avais perçu autrefois - sous l'épine rose, puis à côté du massif de lauriers - dans le nom de Gilberte, l'hostilité avoir si bien sue et partagée que je ne me sentais pas digne et que je me trouvais un peu lâche d'imposer mes pieds à son capitonnage sans défense ; une âme personnelle le reliait secrètement à la lumière de deux heures de l'après-midi, différente de ce qu'elle était partout ailleurs dans le golfe où elle faisait jouer à nos pieds ses flots d'or parmi lesquels les canapés bleuâtres et les vaporeuses tapisseries émergeaient comme des îles enchantées ; et il n'était pas jusqu'au tableau de Rubens accroché au-dessus de la cheminée qui ne possédât lui aussi le même genre et presque le même puissance de charme que les bottines à lacets à M. Swann et ce manteau à pèlerine, dont j'avais tant désiré porter le pareil et que maintenant Odette demandait à son mari de remplacer par un autre, pour être plus élégant, quand je faisais l'honneur de sortir avec eux. Elle allait s'habiller elle aussi, bien que j'eusse protesté qu'aucune robe " de ville " ne vaudrait à beaucoup près la merveilleuse robe de chambre de crêpe de Chine ou de soie, vieux rose, cerise, rose Tiepolo, blanche, mauve, verte, rouge, jaune, unie ou à dessins, dans laquelle Mme Swann avait déjeuné et qu'elle allait ôter. Quand je disais qu'elle aurait dû sortir ainsi, elle riait, par moquerie de mon ignorance ou plaisir de mon compliment. " (1)
Miracle de la virgule, éclairs du point virgule. Ne jamais cesser d'y revenir, comme l'on revient à Matisse. Même rigueur, même mouvement nouveau à chaque tableau, comme à chaque phrase de Proust, ma Librairie s'ouvre sur un matin radieux, comme un sourire de femme.
à suivre
Philippe Chauché
(1) A l'ombre des jeunes filles en fleurs / Marcel Proust / Gallimard
vendredi 19 août 2011
jeudi 18 août 2011
Les Vertiges du Hasard (35)
" Tout, chez tout le monde, n'est que divertissement, dérivatif à la mort. "
Thomas Bernhard
Il n'a jamais manqué d'imaginer et de mettre en oeuvre mille divertissements, le plus original consistait à se regarder chaque matin avant de se recoucher, après ce spectacle, note-t-il, rien de pire ne peut advenir.
à suivre
Philippe Chauché
Thomas Bernhard
Il n'a jamais manqué d'imaginer et de mettre en oeuvre mille divertissements, le plus original consistait à se regarder chaque matin avant de se recoucher, après ce spectacle, note-t-il, rien de pire ne peut advenir.
à suivre
Philippe Chauché
mercredi 17 août 2011
Les Vertiges du Hasard (34)
" Tout peut arriver dans la vie, et surtout rien. "
Michel Houellebecq
à suivre
Philippe Chauché
mardi 16 août 2011
lundi 15 août 2011
Les Vertiges du Hasard (33)
" Un homme d'esprit me disait un jour : que le gouvernement de France était une monarchie absolue tempérée par des chansons. "
Chamfort
Quant à nos jours, un ami me confiait récemment : que ni les chansons, ni la démocratie bavarde et fort inélégante de ces temps ne l'amusaient pas. Je m'empressais de faire mienne sa réflexion.
à suivre
Philippe Chauché
dimanche 14 août 2011
Les Vertiges du Hasard (32)
" Chrétien, c'est-à-dire mystérieux ( pétri de mystères - le mystère en tant que lumière, et la lumière comme réfraction heureuse de la nuit ).
Croire, ce n'est pas décréter par un tour de passe-passe langagier que Dieu existe ; c'est être engendré par une parole qui nous révèle tout ensemble la fin et le commencement - la fin en tant que commencement. "
" Je suis assis au crépuscule, à Sioufi, sur la colline d'Achrafiyé, dans la chaleur noire de Beyrouth, sur le balcon d'un ami qui part à l'aube et ne rentre qu'à la nuit, devant la corniche du fleuve ( un fleuve caché, presque à sec, le vrai fleuve, ici, étant le bruit continu des automobiles et des camions, la rumeur de la ville, tout un ressac qui va battre jusqu'aux flancs de la montagne ). Je vis nu, seul, silencieux comme un chat, dans un clair et vaste appartement, au dernier étage d'un immeuble récent. Je ne m'habille que pour écrire, n'ayant jamais imaginé travailler nu : la langue suppose ce respect-là. "
" Voyager, c'est s'arrêter.
Le chemin, ce sont les haltes : et ce dernier mot me renvoie irrésistiblement aux Haltes d'Niffari, notamment à l'admirable Halte de la halte :
" Et Il m'a dit : La halte est au-delà de la nuit et du jour, et au-delà des destins qu'ils contiennent.
" Et Il m'a dit : La halte est le feu de l'altérité.
Si la halte de la consume pas, tu seras consommé par elle. " (1)
Que n'aura-t-on dit, ou tait, sur cet écrivain, pense-t-il, seul le hasard nous guide sur ses traces, et les vertiges nous saisissent lorsque l'on s'aventure à le lire.
Croire, ce n'est pas décréter par un tour de passe-passe langagier que Dieu existe ; c'est être engendré par une parole qui nous révèle tout ensemble la fin et le commencement - la fin en tant que commencement. "
" Je suis assis au crépuscule, à Sioufi, sur la colline d'Achrafiyé, dans la chaleur noire de Beyrouth, sur le balcon d'un ami qui part à l'aube et ne rentre qu'à la nuit, devant la corniche du fleuve ( un fleuve caché, presque à sec, le vrai fleuve, ici, étant le bruit continu des automobiles et des camions, la rumeur de la ville, tout un ressac qui va battre jusqu'aux flancs de la montagne ). Je vis nu, seul, silencieux comme un chat, dans un clair et vaste appartement, au dernier étage d'un immeuble récent. Je ne m'habille que pour écrire, n'ayant jamais imaginé travailler nu : la langue suppose ce respect-là. "
" Voyager, c'est s'arrêter.
Le chemin, ce sont les haltes : et ce dernier mot me renvoie irrésistiblement aux Haltes d'Niffari, notamment à l'admirable Halte de la halte :
" Et Il m'a dit : La halte est au-delà de la nuit et du jour, et au-delà des destins qu'ils contiennent.
" Et Il m'a dit : La halte est le feu de l'altérité.
Si la halte de la consume pas, tu seras consommé par elle. " (1)
Que n'aura-t-on dit, ou tait, sur cet écrivain, pense-t-il, seul le hasard nous guide sur ses traces, et les vertiges nous saisissent lorsque l'on s'aventure à le lire.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Richard Millet / L'Orient désert / Traits et Portraits / Mercure de France / 2007
samedi 13 août 2011
Les Vertiges du Hasard (32)
Les Vertiges du Hasard (31)
" Sans la musique, la vie serait une erreur. "
à suivre
Philippe Chauché
vendredi 12 août 2011
Les Vertiges du Hasard (30)
mercredi 10 août 2011
Les Vertiges du Hasard (29)
" Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. "
François de La Rochefoucauld
à suivre
Philippe Chauché
mardi 9 août 2011
Les Vertiges du Hasard (28)
photo J-D Chopin / Sud-Ouest
" Bénie soit la femme qui t'a enfanté ", la phrase est offerte des gradins à l'ombre, le garçon livide met ses doigts sur les lèvres et embrasse celle qui lui a ouvert le mouvement du temps, c'est aussi cela être torero.
Le torero au visage de cendre s'offre au destin taurin dans le silence du cercle de sable, c'est une apparition qui transforme en or tout ce qu'elle touche, c'est un orpailleur romanesque, qui n'avance pas masqué mais dans une vérité absolue de l'exposition, mais ce soir là sa plume n'a pas croisé de parchemin à sa hauteur, peut nous importe, note-t-il, l'art du toreo de José Tomás Román Martín fertilise notre mémoire, demain il croisera un taureau qui méritera de ce qu'il est, le Dante Alighieri des ruedos.
" Bénie soit la femme qui t'a enfanté ", la phrase est offerte des gradins à l'ombre, le garçon livide met ses doigts sur les lèvres et embrasse celle qui lui a ouvert le mouvement du temps, c'est aussi cela être torero.
Le torero au visage de cendre s'offre au destin taurin dans le silence du cercle de sable, c'est une apparition qui transforme en or tout ce qu'elle touche, c'est un orpailleur romanesque, qui n'avance pas masqué mais dans une vérité absolue de l'exposition, mais ce soir là sa plume n'a pas croisé de parchemin à sa hauteur, peut nous importe, note-t-il, l'art du toreo de José Tomás Román Martín fertilise notre mémoire, demain il croisera un taureau qui méritera de ce qu'il est, le Dante Alighieri des ruedos.
Philippe Chauché
samedi 6 août 2011
Les Vertiges du Hasard (27)
Julián López Escobar
La grande tauromachie ne laisse pas sans voix, mais elle fait chanter, la grande tauromachie a l'étrange pouvoir de faire danser, comme la grande peinture.
La tauromachie du Juli est celle d'un encyclopédiste qui, a chaque définition et description nouvelle invente mille échappées romanesques, son dictionnaire est une mémoire vive de ce qui s'est dit dans les arènes depuis le XVIII° siècle et de ce qui se dit aujourd'hui dans le réel partagé. La tauromachie du Juli est celle d'un bâtisseur de cathédrale, une pierre à gauche, une pierre à droite, une pierre dans la poitrine, une épée dans la croix ! Rien ne lui résiste comme rien ne résista à Picasso, et comme lui dans chaque placement, dans chaque croisement, au coeur même de chaque naturelle, de chaque trinchera, il trouve l'art taurin qui fait s'élever les flèches de sa cathédrale.
José Miguel Arroyo Delgado
Il a souvent trouvé amusant que certaines âmes se plaisent et même se complaisent à penser et à affirmer que jamais il ne faut se fier aux apparences, comme si les apparences nous trompaient sur la marchandise, autrement dit sur le réel. Hors, note-il, l'apparence est la face immédiatement visible du réel, elle saute aux yeux, que cela nous plaise ou non, elle n'est pas là pour plaire, elle est là.
Les taureaux de Joselito présentés et lidiés hier à Bayonne étaient d'une belle apparence, racés, armés, musclés, ils avaient l'apparence de taureaux de combat au prestigieux sang Domecq, et comme l'habit fait le moine, nous vîmes de vrais et grands taureaux de combat, leur réalité c'était leur apparence magnifique. CQFD.
à suivre
Philippe Chauché
La grande tauromachie ne laisse pas sans voix, mais elle fait chanter, la grande tauromachie a l'étrange pouvoir de faire danser, comme la grande peinture.
La tauromachie du Juli est celle d'un encyclopédiste qui, a chaque définition et description nouvelle invente mille échappées romanesques, son dictionnaire est une mémoire vive de ce qui s'est dit dans les arènes depuis le XVIII° siècle et de ce qui se dit aujourd'hui dans le réel partagé. La tauromachie du Juli est celle d'un bâtisseur de cathédrale, une pierre à gauche, une pierre à droite, une pierre dans la poitrine, une épée dans la croix ! Rien ne lui résiste comme rien ne résista à Picasso, et comme lui dans chaque placement, dans chaque croisement, au coeur même de chaque naturelle, de chaque trinchera, il trouve l'art taurin qui fait s'élever les flèches de sa cathédrale.
José Miguel Arroyo Delgado
Il a souvent trouvé amusant que certaines âmes se plaisent et même se complaisent à penser et à affirmer que jamais il ne faut se fier aux apparences, comme si les apparences nous trompaient sur la marchandise, autrement dit sur le réel. Hors, note-il, l'apparence est la face immédiatement visible du réel, elle saute aux yeux, que cela nous plaise ou non, elle n'est pas là pour plaire, elle est là.
Les taureaux de Joselito présentés et lidiés hier à Bayonne étaient d'une belle apparence, racés, armés, musclés, ils avaient l'apparence de taureaux de combat au prestigieux sang Domecq, et comme l'habit fait le moine, nous vîmes de vrais et grands taureaux de combat, leur réalité c'était leur apparence magnifique. CQFD.
à suivre
Philippe Chauché
vendredi 5 août 2011
Les Vertiges du Hasard (26)
" Donc, je rêvais corne de taureau. Je me résignais mal à n'être qu'un littérateur. Le matador qui tire du danger couru occasion d'être plus brillant que jamais et montre toute la qualité de son style à l'instant qu'il est le plus menacé : voilà ce qui m'émerveillait, voilà ce que je voulais être. " (1)
La vie comme preuve d'un certain style, le style comme vérification que la vie ne vaut d'être montré que par le style qui s'en dégage, et vécue que sur l'instant, sur le motif dirait Cézanne.
L'instant taurin ne pardonne pas, il vérifie sur le sable ce que l'homme de soie sait, voit, comprend et écrit.
José Maria Manzanares hier face à son premier taureau d'El Pilar, dans le cercle gracieux des arènes de Bayonne, c'est cela : l'art de la profondeur et la profondeur inouïe de ses naturelles et derechazos, retenant dans son poignet et sa tête le conseil de Montaigne, va à l'essentiel, réduit sa tauromachie au minimum, n'en garde que le parfum, ne s'embarrasse pas de fioritures inutiles ni de mascarades, il sait que le dominio jamais ne doit se voir, mais être. Question de style, toujours une question de style, le jeune homme se souvient de celui de son père, bon sang ne saurait mentir. Il porte bien son nom, si lourd, disaient certains à porter, et pourtant, un voisin : " Il a su oublier l'art du torero des toreros pour en retrouver toute l'essence profonde ". Il ne montre rien mais révèle tout, il est là, glorieusement dans le cercle ensorcelé des cornes, comme Cézanne face au motif minéral, le taureau est cette montagne dont il faut saisir les strates invisibles pour les révéler dans le croisement du pinceau et du couteau.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Michel Leiris / L'âge d'homme / Gallimard / 1946
mercredi 3 août 2011
Les Vertiges du Hasard (25)
J'ai rendez-vous dans quelques jours, dit-il, avec la saveur et le savoir taurin, au coeur même du volcan, dans la pensée tellurique du toreo.
C'est parce que c'est lui et aucun autre.
Suerte.
Philippe Chauché
mardi 2 août 2011
Les Vertiges du Hasard (24)
lundi 1 août 2011
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