lundi 15 juillet 2013

Les Voix de Calvet




Avignon, territoire des comédiens, ils sont là, dans la cour du musée Calvet : Didier Bezace - admirable, un jour des hommes de goût lui donneront toute la place qu'il mérite ici -, Marc Bodnar - justesse du ton -, Nathalie Richard - voix miraculeuse -, André Wilms - s'il n'en reste qu'un ce sera lui -, Pit Goebert, Anne-Lise Heimburger, Jérôme Kircher, Luce Mouchel, Avignon, territoire des voix, des corps et des phrases. Le théâtre c'est aussi cela, parfois même c'est cela, des micros, des hommes et des femmes qui lisent et disent comme l'on devrait jouer, qui jouent, comme comme l'on devrait lire, sous l'oreille attentive de Blandine Masson.

à suivre

Philippe Chauché

samedi 13 juillet 2013

Kaddish

Le théâtre c'est aussi cela, lire à la table. Acte premier, souvent invisible. Il relève du secret de fabrication du théâtre, comme on le dit souvent un peu vite. Lecture mon beau pari, semble dire Arthur Nauzyciel sur le plateau de l'Opéra Théâtre, lecture ma grande nécessité, lecture comme un acte premier de ce qui devient, de ce qui est, comme le Kaddish, une prière où la mort est retournée, remise à sa place, comme l'on remet à sa place un acteur défaillant, peu scrupuleux, sans conscience de ce qu'il lui revient d'être.


Arthur Nauzyciel seul en scène avec ce texte improbable d’Allen Ginsberg sur sa mère, sa folie, en quelque sorte, et pour en sortir, la poésie, dernière adresse au corps perdu.

L’adresse du lecteur attentif, qui ne livre rien d’autre que ce qu’il lit : alcool, drogue, sexe et petite maman délurée, toute aussi insupportable finalement que l’auteur, le fils filou, mais dans tout cela, une prière adressée à la morte, et cette prière livrée dans la douceur de la nuit qui hésite à tomber, de cela naît un trouble, trouble de la lecture à la table de chevet qui relève d’un autre secret, celui de l’acte porté comme une offrande.

photo Mathieu Bourgeois


à suivre

Philippe Chauché

lundi 8 juillet 2013

Dans la Poussière et sous les Etoiles






Tout saut dans le temps, est un saut dans l'Histoire, toute histoire qui ne se dévolue pas au temps se trompe de rythme, tout rythme qui n'éclaire pas ouvre le cercueil, les cœurs qui ne se livrent pas sont des cœurs morts. Dieudonné Niangouna et ses comédiens ouvrent le temps congolais dans la nuit étoilée de la Carrière de Boulbon, le temps de la guerre, de la peur, du doute, mais aussi le temps de la parole et de l'amour, le temps du théâtre et de son retournement. Les comédiens tournent dans la nuit des cigales et le feu de l'Histoire n'a pas de prise sur leur parole, leur adresse, leurs corps - mouvement perpétuel et grandiose - ils ont des façons et des manières d'embraser et d'embrasser la poussière de leur décor, ils ont des manières et des façons de dire le roman total, le théâtre total - salut amical à Antonin Artaud – de prendre les mots et les maux au sérieux, de faire de ce « nulle part » l’Ithaque de leurs rêves et de leurs raisons.


Shéda irise le Festival d'Avignon et c'est heureux.

à suivre

Philippe Chauché


dimanche 7 juillet 2013

Par la Cour et les Villages


Peter Handke - photo Serge Picard

" Demain nous serons peut-être rien. Après-demain nous serons morts et enterrés et ne serons pas même une note dans les livres d'histoire. Mais, loin là-haut, les tombeaux de nuages blancs ne cesseront d'être nos lieux du souvenir. Nous sommes ceux qui n'ont pas de père, acquittés, débarrassés du pays natal, les beaux étrangers, les grands inconnus à la sage lenteur, les hommes de tous les temps. Ainsi nous utilisons la force de l'énigme. "

" Faites votre chemin dans le vide. Mettez votre masque de feuillage et renforcez le bruit du réel. Votre regard ne devient aigu que dans le bouleversement. Le visible c'est la loi et la loi est grande et elle vous redresse. Le ciel est grand. Le village est grand. La paix éternelle est possible. Suivez le son qui pénètre tout, englobe tout, rend compte de tout, redressez-vous tout en mesurant et sachant, voyez vers le ciel. Voyez danser les pulsations du soleil et fiez-vous à votre coeur qui bout. Le tremblement de vos paupières c'est le tremblement de la vérité. Laissez s'épanouir les couleurs. Suivez ce poème dramatique. Allez éternellement à la rencontre. Passez par les villages. "

En d'autres temps en peinture on appelait cela la composition, tout participait de la réussite du tableau final, sa préparation, ses fonds et ses pigments, son dessin premier, son ébauche, sa touche, ses couleurs, sa lumière, ses lumières, son repos. Un seul défaut, et la toile s'évanouit, une seule faute de goût, une infime absence de beauté et c'est l'effondrement.
Si nous étions sévère, c'est ce que nous dirions de la création de Par les villages par Stanislas Nordey dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes pour le Festival d'Avignon, si nous étions sévère ! Nous préférons écrire, qu'une absence de corps, de voix, de diction précise - mon beau souci - trouble la joie annoncée, qu'une comédienne a fait vaciller le bel agencement, la belle mécanique théâtrale. Qu'à trop s'abstraire, à trop se mettre à distance d'un texte et d'un personnage on finit par se noyer et par entraîner dans sa chute l'ensemble de l'édifice théâtral. Hier soir ce corps absent, cette voix souvent incompréhensible, notamment dans le dernier monologue, avait un nom :  Jeanne Balibar. Mains dans le poches, voix sans nuance, sans relief, sans corps, corps absent, mort né, dévidant ses monologues sans passion et sans raison, alors qu'à deux pas d'elle, Laurent Sauvage, Stanislas Nordey, alors que sur scène, Emmanuelle Béart, Véronique Mercier, trouvèrent la juste mesure, le juste accord des monologues du poème dramatique de Peter Handke, s'inscrivant dans le coeur de l'adresse au spectateur - à l'unique, c'est bien à vous que je parle !  - dans la matière organique de la phrase, comme un glacis dont on sait la nécessité, comme un fond dont on devine la raison profonde, comme un pinceau qui n'est que pinceau, mais quel pinceau, encore faut-il le savoir et y croire.
Le théâtre intime-monumental de Stanislas Nordey avait tout pour réussir la conquête des villages, mais dans la belle compagnie des diseurs de mots et d'aventure, il y avait une fausse note, un faux corps, une absence qui a fait trébucher les diseurs de belle aventure.



à suivre

Philippe Chauché