mardi 28 juin 2011
Les Vertiges du Hasard (2)
" Silvia soudain surgie des eaux et des brumes de l'automne, où elle pensait périr en riant devant moi, dans l'heure méridienne, nimbée d'un soleil jaune qui lui nacre les dents et l'humide commissure, grande brune au teint plus doux qu'un vieil ivoire et souriante, un rien vulgaire, sombre, vive, enveloppée d'un sourire qui laisse voir un peu de la gencive rose comme ses lèvres et ses ongles, surgie d'au-delà des forêts françaises ou des Açores ancestrales, issue de la sylve et des sèves de son propre prénom qu'elle profère haut, la voix éraillée par le tabac, les frimas et l'habitude reine, évidemment, d'être là, chemise échancrée sur l'éternel gonflement de deux seins dont elle tire, plus qu'un juste orgueil ou une manière d'être, sa raison, sa substance, sa joie - et d'entre lesquels elle retire, au bout d'un fil, les deux pastilles noires d'un écouteur qu'elle me loge dans les oreilles et qui sont si tièdes entre ses ongles glacés que je n'entends plus la banale musique de son baladeur mais le bruissement de ces seins. " (1)
Il avait le don du style, et les phrases qu'ourlaient son sourire un peu distant en troublaient plus d'une, adolescentes piquantes, souvent sombres, mais parfois enjouées par tout ce qu'il déployait pour qu'elles lui accordassent le loisir de converser devant une boisson citronnée, souvent la scène était un temps interrompue par l'incursion d'un jeune mâle mal fagoté, qu'elles écartaient d'un mot déplaisant, ou d'un geste frôlant la vulgarité avant avec lui de reprendre cette partie de poker menteur, où elles avaient le rôle idéal et fatal, tout cela ne durait que le temps d'un été, entre deux examens, trouvant peut-être auprès de lui un délicieux trompe ennuie sans être obligé, comme lors de leurs aventures nocturnes et tapageuses de se prêter aux jeux de la chair tatouée de leurs amoureux d'un soir, qu'heureusement elles s'empresseraient de tromper avec un frère ou un cousin, ce qui ne manquait pas de déclencher de réjouissantes bagarres adolescentes, préludes aux guerres qu'elles connaîtraient plus tard, et leurs récits le réjouissait, lui, qui en connaissait toutes les stratégies, les victoires et les défaites.
Philippe chauché
(1) Le chant des adolescentes / Richard Millet / Folio / Gallimard / 2008
lundi 27 juin 2011
Les Vertiges du Hasard
" Il y a des folies qui se prennent comme les maladies contagieuses. "
François de La Rochefoucauld
Tout en elle, écrit-il, semblait folie, ses éclats, son style et son absence, ses passions et ses colères, ses admirations et ses détestations et à bien la connaître et l'observer on pouvait de toute certitude affirmer qu'elle était une anomalie en ce siècle servile et fade ; d'un regard, d'un mouvement, d'un mot, d'une caresse elle transformait ses amants d'un jour en héros, toute servitude volontaire lui étant étrangère, elle inoculait aux hommes qui se risquaient dans ses bras un vertige dont ils se souviendraient longtemps comme d'une maladie fatale.
à suivre
Philippe Chauché
dimanche 26 juin 2011
Éphémères Admirations (21)
" - C'est le verbe, leur dis-je, le grand créateur des hommes.
- C'est délicieux ! s'écria Hélène en riant à ce nom de verbe.
- Mais moi aussi, dit Hedvige, j'ai le verbe, et je vais vous le montrer si vous voulez attendre un moment.
- Mettez-vous sur moi, belle Hedvige, et je vous épargnerai la peine de le faire venir vous même, et je ferai cela mieux que vous.
- Je le crois bien, mais je n'ai jamais fait cela avec un homme.
- Ni moi non plus, dit Hélène.
Les ayant placées alors droite devant moi et leurs bras m'enlaçant, je les fis pâmer de nouveau. Puis nous étant assis, pendant que de mes mains je parcourais leurs charmes, je les laissai se divertir à me toucher tout à leur aise, jusqu'à ce qu'enfin j'humectai leurs mains par une seconde émission de l'humide radical qu'elles examinaient curieusement sur leurs doigts. " (1)
Le verbe ne se fait pas chair, dit-il, il amuse la chair, et met un rien de joie dans un corps qui se prend à croire aux miracles.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Histoire de ma vie / Giovanni Giacomo Casanova de Seingalt / Edition de Francis Lacassin / Robert Laffont
samedi 25 juin 2011
Éphémères Admirations (20)
Edouard Manet 1832-1883
" L'époque de Manet est contre l'art, à quelques exceptions près. Elle annonce le début de l'époque dite moderne, à savoir une dévastation qui ne fait que s'accentuer de nos jours. Manet est absolument à contre-courant de cette tendance, comme Mallarmé, oui bien sûr... La concision. La concision. Efforcez-vous toujours d'évoluer vers la concision. Pas de pensum ! Le travail ne doit pas se voir. La concision : " L'art est un cercle, on est dedans ou dehors, au hasard de la naissance ", dit-il. " (1)
Concision totale, note-t-il, dans ses lettres et ses gestes, ainsi ils donnent la couleur et la musique, en permanence avoir Bach à la bouche et à la main.
" Parfois, après une rupture amoureuse, il m'est arrivé de passer des journées dans Rome à aller d'une église à l'autre, rien que des églises : de Sant'Eligio degli Orefici à l'église Santa Maria in Monserrato, de l'église San Girolamo della Carita à l'église du Spirito Santo dei Napoletani. J'y vais pour entrer dans l'immense garage du silence, dans ce bassin de lumière figée, avec de lointains bruits de citerne. Éloignement lent du raffut contemporain. Dans la réclusion de l'ombre, dans la piété, je vois la femme aimée qui s'installe dans un fauteuil profond et qui allonge ses jambes, étire ses membres, approche son pied droit de son pied gauche, et ôte ses sous-vêtements dans des mouvements fluides ; approche lente vers la cérémonie des plaisirs, ensauvagement au fond de la prunelle ; gestes attisés et ralentis, confondus ou séparés. Dans le chemin de croix les femmes essuient le visage du Christ. C'est vrai, les femmes ne cessent pas de toute leur vie d'essuyer les hommes, de leur faire pleurer des larmes et de recueillir la semence sous leur jupe et parfois, dessous. " (2)
" Je ne réponds pas des lettres d'amour qui me sont adressées ! ", c'est ce qu'elle aimait à dire aux hommes qui avaient la chance, et c'est ce qu'ils croyaient, d'accéder à son domaine et parfois à sa chambre, même si ses charmants caprices ne dédaignaient point la moquette grise du salon, les méridiennes de son bureau, ou les larges fauteuils de cuir noir de sa bibliothèque. Lorsqu'elle en entraînait un dans sa vaste chambre qui s'ouvrait sur une large terrasse dominant le jardin de Laure, l'aïeule du Marquis, elle le soumettait à la soumettre, et ce qui se jouait alors était du plus bel effet. Si j'attache quelque prix à ces combinaisons joyeuses, aimait-elle à dire à ses amoureux d'un soir, c'est par plaisir, uniquement par plaisir, le plaisir à un prix, cher ami, et je vois que vous ne manquez pas de liquidités, ne nous pressons pas, nous avons la nuit pour nous, amusez-moi à lire quelques pages de l'un des livres qui sont à vos pieds si vous voulez m'avoir aux vôtres jusqu'au matin.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Renaissance de Manet / Philippe Sollers - Stéphane Guégan / L'Infini 115 / Été 2011 / Gallimard
(2) Rome / Jacques-Pierre Amette / L'Infini 115 / Été 2011 / Gallimard
vendredi 24 juin 2011
Éphémères Admirations (19)
" Figure 4. Le coursier affamé retourne au galop à son râtelier.
commentaire : La fille, étalée à plat sur les coussins, tient enlacé de ses deux mains le buste de son partenaire, serré contre ses seins. Le garçon, les pieds de la fille posés sur ses épaules, a entièrement plongé sa trompe dans le calice. Tous deux sont au seuil de l'extase. Seule une main de maître a su représenter ici tout ce qui agite au même degré deux âmes et deux corps, l'échange des regards noués sous les paupières mi-closes, l'enchevêtrement des langues qui s'enroulent et se dégagent tour à tour. " (1)
Point n'est ici besoin de décrire dans le détail les positions qu'elle affectionnait, écrit-il, elles avaient toujours la légèreté tragique de son regard, l'insouciance de ses attitudes lorsqu'elle croisait les jambes pour le regard de quelque inconnu qui savait se tenir à la bonne distance, l'élégance de la langue française qu'elle parlait et écrivait avec une volupté gourmande, point de différence, ajoute-t-il entre les envolées de ses jambes et celles de ses phrases.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Jéou-P'ou-T'ouan ou la chair comme tapis de prière / Li-Yu / traduc. Pierre Klosowski / 10-18 / 1979
jeudi 23 juin 2011
Éphémères Admirations (18)
mercredi 22 juin 2011
Éphémères Admirations (17)
" Étrangeté, charme mystérieux, rudesse apprivoisée, force humble, puissance obéissante, voilà les éléments de la volupté ordinaire. "
Novalis
à suivre
Philippe Chauché
mardi 21 juin 2011
Éphémères Admirations (16)
Fête de la musique : disparition momentanée du style, du savoir et de la saveur, oublions ces amateurs bruyants et bavards et allons à Venise.
à suivre
Philippe Chauché
à suivre
Philippe Chauché
samedi 18 juin 2011
Éphémères Admirations (15)
photo Claude Nori
" Les jeunes filles n'existent que pour être regardées ", écrivait Proust. Même si celles que photographie Claude Nori appartiennent à un tout autre temps et un tout autre lieu que ceux, perdus, de La Recherche, je ne puis m'empêcher de leur trouver un faux air proustien. Semblable attrait, chez Nori, pour les paysages de bains de mer, pour la gaieté parfois mêlée de mélancolie des adolescentes et, avant tout, pour l'inépuisable enchantement esthétique et sensuel qu'elles expriment rien qu'en se donnant la peine d'apparaître. " (1)
Belle manière, note-t-il, d'introduire cet opus écrit dans la lumière des jeunes filles en fleur, où le photographe saisit le roman de ces jeunes corps rayonnants, troublants et troublés, et prend à la lettre le réel qui s'offre à son regard, contrairement aux chititeux qui affirment que toute réalité est par essence trompeuse, l'oeil voit et sait montrer ce qu'il voit, comme Marcel Proust, Nobokov, ou Eric Rhomer - que l'on se souvienne du Rayon Vert qui avait Biarritz comme décor - l'oeil de Claude Nori est l'oeil du délice, le jardin de roses en été, où chaque sourire, chaque geste est une offense à la moraline, ce qui nous réjouit.
photo Claude Nori
Tout cela est un double jeu complice, note-t-il, et ces fées ont plus d'un tour dans leur regard, elles ne craignent pas celui du photographe dont elles font un complice et c'est doublement troublant, il y a de l'enchantement dans les regards de ces jeunes insouciantes, elles sont au paradis et Nori en a les clefs, qu'il soit ici remercié de nous y inviter.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La géométrie du flirt / Claude Nori / cahier d'images / contrejour / 2011
vendredi 17 juin 2011
Éphémères Admirations (14)
Tout est là, écrit-il, le swing de la voix, une façon unique d'embrasser le tempo, de glisser sur la mélodie, d'être le style, tous les fantômes à capuches et lunettes noires sont là définitivement ridicules, et c'est heureux.
à suivre
Philippe Chauché
jeudi 16 juin 2011
Éphémères Admirations (13)
" Écrire, aujourd'hui, c'est travailler à maintenir haute la conscience linguistique au sein d'une hostilité générale envers la langue. C'est aussi traquer les démons jusque dans les figures de style, les fautes de syntaxe, les abstractions morales du langage romanesque officiel. " (1)
Seule question qui mérite d'être chaque matin posée, note-t-il, celle du style, et il en va de la littérature comme de la vie. A voir, de mon balcon urbain, les humanoïdes délabrés arpenter ma rue tous mollets dehors, tatoués du coup aux reins, vêtus comme s'ils se rendaient à l'abattoir - ils s'y rendent et ils l'ignorent - on comprend que le style soit aussi maudit, méprisé, relégué, qu'il soit aussi étranger à ceux qui ici et là écrivent et publient, et à ceux qui en parlent dans les gazettes, n'a rien de surprenant, de leur bac à sable ils jugent réactionnaire tout écrivain un rien attentif au style, attentionné à ce qui vient d'avant, ce qui peut s'écrire aujourd'hui loin du chichi, et ce qui s'écrira demain dans le silence, et qui attachent plus d'attention à la valeur littéraire d'une phrase qu'à l'observation de leur nombril et à la valeur ajoutée de leur conscience politique. Lorsque vous les croisez, amusez-vous à évoquer, seulement évoquer, Proust, Céline, Mauriac, de Gaulle et Claudel dans un premier temps, Chateaubriand et La Rochefoucault un peu plus tard, ou encore, Lautréamont, Cioran, Pleynet, Millet, Quignard, Sollers ou Schiffter, je vous laisse, ajoute-t-il, le plaisir d'essayer.
" Le roman postlittéraire ? Un mixte de roman policier, de gnose sociologique et de psychologisme de magazine féminin, rédigé dans un sous-état de langue par quoi l'idéologie du Bien se répand irrésistiblement. " (1)
Le Bien et la Domination Sociale veulent la mort du style, comme d'ailleurs quelques accordeurs du Diable souhaitent celle de Bach et Dutilleux, face à cela, il convient d'entrer dans le silence de l'accord, de la phrase et du corps, tout un Style, note-t-il.
" Le classicisme est une modernité sans illusions ni préjugés qui a pour elle l'intemporalité du goût. (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) L'enfer du roman / Richard Millet / Gallmard / 2010
mardi 14 juin 2011
Éphémères Admirations (12)
dimanche 12 juin 2011
Éphémères Admirations (11)
photo Claude Nori
Les amours balnéaires, c'est bien là, le grand roman de Claude Nori, et les quelques images en noir et blanc et en couleur - pour trois d'entre elles -, qu'il présente en ce moment en pleine mer (1), sont aussi admirables que les jeunes filles qui lui sourient.
photo Claude Nori
Tout doit devenir un jeu, pense-t-il, en les approchant. Tout est dans l'éclat, dans le corps qui s'offre sous une légère étoffe, corps désirant et corps désiré, dans le regard qui en dit long sur ce qui n'aura pas lieu, grand principe de la séduction, alors que les humanoïdes ventripotent et tatoués pensent le contraire, une main de danseuse dans un corps d'amoureuse, les yeux clos, enlacée, légère, au centre même de la situation, seule façon, note-t-il, d'échapper durant quelques minutes à la lave.
Il y a là, une très élégante, une admirable manière de voir.
Le photographe voit, comme l'écrivain écrit, sur le motif admiré.
Une jeune femme s'envole une raquette de bois à la main, et c'est une déesse.
Une autre fixe le photographe dans un couloir de douches balnéaires, alors qu'au loin un jeune homme se déhanche devant tant de beauté, et c'est un éclat d'or de jeunesse.
Pour saisir tout cela il faut, pense-t-il, s'accorder à un temps en mouvement permanent, fait d'éclats de rires, de confidences, de baisers volés, de plages, de galets, d'une secrète intranquilité qui parfois saute aux yeux, comme dans le regard de cette autre jeune femme à la longue et cotonneuse robe blanche debout devant une plage et sa mer floue, un cornet de glace blanche à la main.
Dis-moi comment tu regardes, je te dirai, note-t-il, qui tu es.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Photo med' 2011 / Île de Bendor / jusqu'au 19 juin
Éphémères Admirations (10)
" Il n'y a pas de voie qui nous éloigne plus du bonheur que la vie en grand, la vie des noces et festins, celle que les Anglais appellent la bright life, car, en cherchant à transformer notre misérable existence en une succession de joies, de plaisirs et de jouissances, l'on ne peut manquer de trouver le désenchantement, sans compter les mensonges réciproques que l'on se débite dans ce monde et qui en sont l'accompagnement obligé. " (1)
Seule juste et belle manière d'échapper, note t-il, à la bright life, la méditation sensuelle. S'accorder à la langue, comme les musiciens d'orchestre s'accordent au premier violon, se mettre au diapason d'un corps, c'est à dire de la phrase, et une phrase se partage à quatre ou cinq, au delà, c'est le tintamarre, tant apprécié en ces temps par les humanoïdes qui affichent leurs tatouages comme des esclaves civilisés.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Arthur Schopenhaouer / Insultes / Éditions du Rocher / 1988
vendredi 10 juin 2011
Éphémères Admirations (9)
- Rien de plus amusant que d'affronter le réel.
- Le vôtre n'est décidément pas le mien.
- Je dois reconnaître ma chère, que pour une fois nous sommes d'accord.
- Mais pour qui vous prenez-vous ?
- Pour un amusé en sursis.
- Toujours aussi peu indigné ?
- Si par le manque de style.
- Je vous ai connu plus engagé.
- Pas faux, mais l'art de la situation est celui du dégagement.
- Alors faites ce que vous dites !
à suivre
Philippe Chauché
mercredi 8 juin 2011
Éphémères Admirations (8)
" Je suis incapable de prendre sur moi et de tolérer tel défaut en considération de telle qualité. Je me jette sur une qualité et je m'en vais aussitôt que je l'ai épuisée et que je commence à voir le défaut qui est à côté. En sorte que les unes disent de moi que je suis un insensible, d'autres un impuissant ; peu m'accordent d'être un passionné. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Journal d'un homme détrompé / Pierre Drieu la Rochelle / Gallimard / 1978
Éphémères Admirations (7)
Anya Bartels-Suermondt, José Tomás Román Martín : " il est beaucoup plus qu'un torero, il semble d'un autre monde ", c'est ce qu'elle dit.
Anya Bartels-Suermondt, regarde le héros et fixe ce qu'il est - qui douterait que ce torero ne mérite d'être montré -, " un torero d'autrefois - antiquus -, qui vient d'un autre temps, pour ses gestes et son regard ", elle regarde et montre dans le tremblement d'un éblouissant noir et blanc ce qu'il dit, et ce que dit José Tomás dans les ruedos, ce qu'il dit, note-t-il, est unique, il y a lui et les autres, il y a cette histoire là et les autres, et c'est dans l'engagement absolu du corps, dans cette exceptionnelle profondeur du geste, dans le silence de son immobilité, que se voit l'unique et l'exceptionnel, il y a lui et les autres, comme il y a, ajoute-t-il, Montaigne et les autres, La Rochefoucault et les autres, Musil et les autres, Hemingway et les autres, Picasso et les autres, Miles Davis et les autres.
Il dit : Torear es vivir.
La vie n'est pas ailleurs elle est là, prise entre le mouvement, l'immobilité et la mort, savoir toréer, pense-t-il, c'est savoir tout cela, et sans la mort présente point de grâce et de miracle.
photo Anya Bartels-Suermondt
photo Anya Bartels-Suermondt
photo Anya Bartels-Suermondt
photo Anya Bartels-Suermondt
" Un diamant ne brille jamais plus que dans les ténèbres de la nuit ; et un héros ne paraît jamais davantage que dans les circonstances capables d'obscurcir la gloire de tout autre que lui. "
Baltasar Gracián y Morales
à suivre
Philippe Chauché
mardi 7 juin 2011
Éphémères Admirations (6)
lundi 6 juin 2011
Éphémères Admirations (5)
Comme on le fait avec la langue française que personne jamais ne pourra épuiser, il faut saisir un corps dans ses courbes, ses rebonds et ses lignes, le retourner, le prendre à distance, s'en dessaisir, l'imaginer, s'en éloigner pour mieux s'y plonger, ne point craindre sa représentation, pense-t-il, mais s'en faire une alliée, se mourir en permanence de ses éclats, de sa perfection, de sa grâce.
Écrire, note-t-il, revient souvent à dévêtir un corps tendu comme une phrase, la tension d'un corps, si l'on sait le regarder, est une phrase sous tension, cette tension électrise notre regard, vérification que seule la foudre fait sur la situation fondre pour quelques secondes nos doutes, nos tremblements et nos terreurs, c'est dans par ces délices que nous nous apprenons à mourir.
" ( Seulement, alors, ) Don Juan n'est pas un imbécile mais le symbole terrible de la semence tragique que nous portons tous, nous les hommes, que nous couvons plus ou moins au-dedans de nous : le soupçon que nos idéaux sont manchots et incomplets, la folie d'une heure d'ivresse, qui culmine dans le désespoir, l'embarquement joyeux, un jour ou l'autre, sur des navires pavoisés, qui toujours finissent par couler. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Introduction à un " Don Juan " / Le Spectateur / José Ortega y Gasset / traduc. Christian Pierre / Rivages poche / 1992
samedi 4 juin 2011
Éphémères Admirations (4)
" Qui l'a vue jouer sait à quel point le corps participe, s'implique se donne. Concentration extrême qui s'efface dès qu'elle attaque. Ne reste alors qu'une jouissance proprement physique, course réglée du félin dont on ne peut entendre ni le pas ni la griffe. " (1)
Cinquante ans de musique, autrement dit un siècle, une nuit ou quelques minutes c'est comme on le souhaite, note-t-il, Martha Argerich est la musique, et qui n'a un jour entendu ses Ravel, Chopin, Bach, Mozart, Liszt, Schumann, Rachmaninov, Tchaïkovski, n'a rien entendu de la musique.
Argerich est l'évidence de la musique, nette et précise, son muscle, sa gloire, son Je ne sais quoi :
" Le Je ne sais quoi, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne ne le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ces termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est, en un mot, la perfection de la perfection même, et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. " (2)
- Vous avez un programme ?
- Oui, la Perfection du Beau !
- Autrement dit ?
- Une idée certaine et une certaine vision de la musique, l'aguante absolu, l'embrasement, le duende, une certaine idée gnostique du miracle, et sur l'instant la Perfection du Beau nous fait oublier notre destin tragique.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Jean-Charles Hoffelé / La reine Argerich / Diapason / Juin 2011
(2) Le Héros / Baltasar Gracian / traduc. Joseph de Courbeville / Éditions Champ Libre / 1973
vendredi 3 juin 2011
Éphémères Admirations (3)
Le bavard Onfray ne comprendra jamais ce qui s'écrit là :
" L'amante et son amant sont sous les draps d'azur,
Et du pommier en fleur il aime la fraîche allure.
Les canards mandarins volent sur l'oreiller,
Un lourd parfum embaume : cannelle et orchidée.
Que virevoltent les bas de soie, dans ce désordre insensé !
Les esprits se déchaînent :
Que nous importe en ce moment une coiffure désordonnée !
Lentement, dans un sourire, elle tend cuisses et poignets,
Timidement, il faut le dire, elle dévoile taille et jarrets.
Et dans son coeur, elle chavire... " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le poisson de jade et l'épingle au phénix / Huanxi yuanjia / conte chinois du XVII° siècle / traduc. Rainier Lanselle / Gallimard / 1987
jeudi 2 juin 2011
Éphémères Admirations (2)
mercredi 1 juin 2011
Éphémères Admirations
Jean Marc Nattier 1685-1766
Ce siècle manque décidément de tenue, note-t-il, et le délabré qui l'habille est à l'image de celui qui gouverne ses passions :
" Une époque en mécomprend une autre ; et une petite époque mécomprend toutes les autres à sa façon à elle : hideuse. "
Ludwig Wittgenstein
à suivre
Philippe Chauché
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