samedi 21 août 2021

La Dame au cambriolet de Guiou & Morales dans La Cause Littéraire

 



« Mon cœur battait si fort que j’étais en apnée. Il faudra que je consulte mon cardio. Je ne pouvais plus respirer, plus parler, plus déglutir. J’irai voir aussi mon ORL. J’entrai dans le bureau. Ils gisaient là tous les trois, étalés à même le sol dans une mare de sang. En faisant rapidement le déroulé des opérations, j’arrivai à la conclusion qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord. J’ai oublié d’être conne ».

Dominique Guiou et Thomas Morales ont réussi un réjouissant petit roman policier écrit à quatre mains et à mille idées, inventant par la grâce du roman un privé : une Dame au cabriolet. Yvonne Vitti n’est pas de son temps, mais d’une autre époque, celle des chansons italiennes que plus personne n’écoute et des voitures décapotables fumantes et pétaradantes, qui énervent les écologistes, elle roule au volant d’une Saab cabriolet jaune citron sans âge, et celle des films aux répliques pétillantes et piquantes. On imagine sans mal Yvonne Vitti face à Jean-Pierre Marielle sous l’œil amusé de Philippe de Broca, une héroïne comme le cinématographe, aujourd’hui trop occupé à s’auto-célébrer, n’ose plus en inventer.

Heureusement la littérature comble ce vide et La Dame au cabriolet nous réjouit par son humour, sa verve, son coup de fourchette et ses coups de foudre. Le roman qui pourrait être placé sous la haute protection de Léo Malet (1), nous entraîne dans une enquête à tiroirs, pimentée de truands énervés, de morts subites, d’un enlèvement, de la découverte d’une valise où abondent les billets de banque, de repas à faire frémir les nouveaux véganes aux regards froids comme des cadavres de poissons, sans oublier les coups de cœur et de corps, pour des partenaires volubiles et voluptueux. Dans ce roman pimenté, les truands vont vite comprendre que le dernier qui parle c’est souvent le premier qui tire et que l’on ne manipule pas, sans y laisser quelques plumes, la pétillante Yvonne Vitti.

« Des types me kidnappent pour une mallette que j’ai effectivement dérobée, ils me relâchent à la condition expresse de la leur rendre, et enfin ils m’apprennent qu’ils ne veulent plus en entendre parler. Je nageais en plein dadaïsme ».

La Dame au cabriolet est un roman policier comme l’on en rêve, léger, gracieux, et enflammé. On se met à rêver qu’Yvonne Vitti deviendra une héroïne qui fera à nouveau parler d’elle dans de nouvelles aventures qu’affineront et affuteront Dominique Guiou et Thomas Morales. Yvonne Vitti est un beau personnage, vivant, tout aussi douée pour dénouer les fils emmêlés d’intrigues les plus loufoques, que pour entraîner le lecteur dans ses discussions poivrées avec sa complice journaliste Brigitte Lemercier admiratrice de Jean-Pierre Cassel et fan de Christophe, on pourrait avoir plus mauvais goût, et Yvonne Vitti elle aussi à bon goût et une saveur unique, qu’elle soit en goguette en Corse où sur les traces d’une boulangère manipulatrice et meurtrière. La Dame au cabriolet est un roman d’été, comme on le dit d’une chanson, qui ne craint pas les coups de soleil, et qui n’attend qu’une chose de ses lecteurs : aimer les histoires légères, sanglantes, amusantes, et délicieusement fantaisistes.

 Philippe Chauché

(1) Léo Mallet (1909/1996) a inventé le personnage de Nestor Burma « détective de choc », un privé piquant et pétillant d’humour. « Le tabac, le vin et l’intérêt aidant, certaines particularités sensationnelles de cette affaire me revenaient à l’esprit » (Nestor Burma contre CQFD, Librairie la Butte aux Cailles, 1979).

http://www.lacauselitteraire.fr/la-dame-au-cabriolet-guiou-morales-par-philippe-chauche