lundi 31 août 2009
Septembre Littéraire ( Acte 1 )
" Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue. C'est toujours délicat un homme qui aborde une femme. Elle se demande forcément : " Est-ce qu'il ne passe pas son temps à faire ça ? " Les hommes disent souvent que c'est la première fois. A les écouter, ils sont soudain frappés par une grâce inédite leur permettant de braver une timidité de toujours. Les femmes répondent, d'une manière automatique, qu'elles n'ont qu'un temps. Nathalie ne dérogea pas à cette règle. C'était idiot : elle n'avait pas grand-chose à faire, et aimait l'idée d'être ainsi accostée. Personne n'osait jamais. Elle s'était plusieurs fois posé la question : ai-je l'air trop boudeuse ou trop paresseuse ? Une de ses amies lui avait dit : personne ne t'arrête jamais, car tu as l'allure d'une femme poursuivie par le temps qui passe. " (1)
Il est des romans qui lorsque vous les ouvrez, vous font douter de leur intérêt, et de leur force, ils portent en eux une telle résistance au lecteur, qu'ils en deviennent vite agaçants, alors, le lecteur se dit, qu'il va très vite en finir avec cette histoire et son style, il se dit, qu'il a mieux à faire, dormir, aimer, écrire et parler par exemple. Et puis le lecteur fait une pause, revient sur les premiers mots du roman, évite ses propres pièges, son savoir littéraire, ses manières d'aborder la fiction, de la laisser nourrir ses propres mouvements, ses curiosités, ses envies, ses joies et ses colères, alors, il se dit, cette première résistance vient de céder, et le livre s'ouvre. Le lecteur se demande, s'il ne s'agit pas là de la marque de certains romans d'aujourd'hui, si proches, se dit-il, de certaines femmes, que le lecteur fréquente, mais il n'en dit pas plus, il est là pour écrire deux ou trois choses sur ce nouveau roman de David Foenkinos. Le lecteur précise immédiatement, qu'il ignore tout de ce jeune écrivain, et que sa " Délicatesse ", lui a été offerte par un ami curieux et attentif, avec en dédicace " En clin d'oeil à ta note bleue ".
Le lecteur poursuit et se dit, que ce roman de septembre - nous l'appellerons ainsi -est au bout du compte, une bien belle réussite, qui tient à ses manières, élégante façon de dérouler une histoire " commune ", comme on le dit des " lieux ", qui pourrait faire la une de quelques hebdomadaires chics et modernes.
Nathalie, femme séduisante et moderne, se retire de son petit monde professionnel, après la mort de son amoureux, résiste aux hommes qui tentent de l'approcher, puis y retourne, des hommes l'y attendent, et l'un d'eux Markus, maladroit et invisible, va à son contact, devenir adroit, délicat et visible, histoire commune donc, que griffent ici et là, de piquantes notes, qui sont comme de multiples colonnes vertébrales de fictions à naître, exemples : " Les trois livres préférés de Nathalie : Belle du seigneur, d'Albert Cohen, L'Amant, de Marguerite Duras, La Séparation, de Dan Franck ", mais aussi : " Prochaines destinations envisagées par Nathalie et François : Barcelone, Miami, La Baule. ", ou encore : " Trois aphorismes de Cioran lus par Markus dans le RER : L'art d'aimer ? C'est savoir joindre à un tempérament de vampire la discrétion d'une anémone. Un moine et un boucher se bagarrent à l'intérieur de chaque désir. Le spermatozoïde est un bandit à l'état pur. " et enfin : " Texto envoyé par Nathalie à Markus après leur premier dîner : Merci pour cette belle soirée. " Ces amusantes remarques, ces griffes du réel, donnent un autre volume à la fiction, sans elles, elle boiterait, ainsi, elle va, légère sur ses deux jambes romanesques.
" Il avait prononcé ces derniers mots à la frontière du bégaiement. Face à cette femme, il était un train qui déraille. Il ne comprenait pas pourquoi elle lui faisait un tel effet. Bien sûr quelle était belle, bien sûr elle avait une façon d'être qu'il trouvait sublime, mais tout de même : était-ce suffisant ? " (1)
Les réponses sont dans ce roman, il mérite qu'on s'y promène, comme dans le regard de quelques femmes rebelles.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La délicatesse / David Foenkinos / Gallimard
samedi 29 août 2009
La Courbe du Temps (35)
" La nuit ! Je l'avais oubliée à Paris. La nuit des villes n'est pas cette mort opaque dont il faut redouter je ne sais quelle invisible et brusque vie tout près. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fière. Plus lucide souvent que les jours. Ici, tout repose complètement. Un silence implacable et mat enserre l'homme qui chemine sur la route incertaine, au milieu des menaces originelles. " (1)
La nuit ! Tiens se dit-il, elle a d'autres éclats ce soir, comme si elle s'accordait a ses propres éclats lumineux. Il n'en est pas surpris, cela fait quelques temps que son accord à la Courbe du Temps, a des résonances sur tout ce qui l'entoure. Il n'est pas étonnant que la nuit se soit elle aussi transformée, la nuit a toujours était complice de ma vie, pense-t-il, de mes dérives et de son immobilité, elle y répond parfois par son silence, d'autre fois par " les rumeurs rouges et circulantes ", comme un livre qui circule de mains en mains, et qui à chaque fois est autre. Il se glisse avec légèreté dans les éclats de cette nuit, et se laisse entraîner par les chemins qu'elle ouvre, éclaire, de ses scintillements d'étoiles, et il se demande pourquoi cette nuit complice effraie tant d'humanoïdes. Il se dit aussi que la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, par les mouvements éblouissants de son corps et de ses mots, révèle la nuit et ses éclats.
" Un geste délicat suffit à inventer le corps qui le rend possible. Faitez-vous l'esprit ouvert au secret. " (2)
Il a marché toute la nuit sans craintes, croisant des humanoïdes qui pensent que l'on renverse le temps, en perdant son équilibre, ils titubent et parlent fort, ils doutent de la beauté de leur corps, de leur résurrection et de leur propre révélation. D'autres plus loin l'interpellent et s'étonnent de la joie qui irradie ses mouvements, il est étrange doivent-ils penser, et même scandaleux de porter ainsi en soi cette Fontaine de Jouvence, alors que c'est une croix brûlée par les effets du temps qu'il faut avoir sur soi, étrange et scandaleux d'être ainsi accordé aux éclats de la nuit, alors que l'horreur et la domination dominent, que la falsification généralisée est visible partout, alors que les corps perdus sont consumés par le feu, à tout cela il répond par sa lumière, pense-t-il, par ses mots aussi, et ceux qui lui a offerts la danseuse rouge.
Quel cadeau, écrit-il au matin, quel cadeau d'avoir ainsi à portée de mots, de regard, de voix, de peau, une telle déesse qui a ouvert et continue d'ouvrir la Courbe du Temps. Il ajoute, elle porte sur l'épaule gauche, une fleur tatouée avec une racine de garance, j'y ai posé mes lèvres, et le miracle a eu lieu, note-t-il sur son cahier. Elle a dans le regard des éclats rouges de liberté absolue, autre scandale pense-t-il. Elle a dans le corps en mouvement, une musique qui transforme son propre corps et chacun de ses gestes. Il ajoute, " le corps des femmes couvre d'or ceux qui savent les embrasser ", " un baiser s'offre comme une fleur ", " une caresse est une Fontaine ", " un regard illumine chaque mouvement ", " les mots se transforment dans les bras des fées ", ils ont un autre éclat, et découvrent une musique dont ils ignoraient les premiers accords, et il poursuit, " les silences des femmes couvrent ma peau d'éclats de diamants ", tout cela je l'ai découvert dans la Courbe du Temps, tout cela je le lui dois, se dit-il, je le dois aussi aux éclats lumineux de la nuit complice, je le dois aux fleurs que sa peau découvre, aux mots qu'elle me souffle à l'oreille, je le dois aussi à ma permanence au Temps.
" Je n'ai pas peur du néant, c'est lui qui a peur de moi. " (3)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Journal d'une époque / 1926-1946 / Denis de Rougemont / Gallimard
(2) A mon seul désir / Yannick Haenel / Réunion des Musées Nationaux / Argol
(3) Mes inscriptions / 1943-1944 / Louis Scutenaire / Allia
mercredi 26 août 2009
La Courbe du Temps (34)
" Chaque jour est nouveau ", c'est ce qu'il se dit, chaque jour sera nouveau si tu le veux, ajoute-t-il, chaque jour merveilleux est nouveau, et chaque jour nouveau est un miracle, il se dit aussi que chaque regard sauve du désastre qui s'installe, chaque mouvement, chaque croisement de mains, chaque volute née dans l'espace des corps, féconde le Temps, et que la plus belle des résistances à opposer à cette débâcle volontaire, c'est d'embrasser la Courbe du Temps, pense-t-il. Ce jour sera nouveau, car il est nouveau, c'est aussi simple que ça, il faut simplement le vouloir, murmure-t-il en quittant son ponton.
Il a fait provision de livres, car ce jour nouveau est celui d'un embarquement sur le fleuve et au bord des arbres, oui, il s'embarque, la danseuse rouge l'a invité à quitter la rive, il ne pouvait refuser a-t-il pensé, que peut-on refuser aux déesses, rien, c'est aussi simple que ça, encore faut-il en avoir l'audace.
" La nuit où la jeune biche me dévoilait
L'astre brûlant de ses pommettes
Et le fauve rubis des cheveux qui voilait
Sa tempe de cristal perlé de gouttelettes
- Tout le tableau de sa beauté... -
Elle était ce soleil qui pendant sa montée
Rougissait les nuées, quand sa poindre l'aurore,
De ses flammes et de ses ors. " (1)
Elle vous attend, sur le second pont, vous tournez à droite, et vous tomberez sur elle, c'est ce qu'on lui dit lorsqu'il se présente à l'accueil de l'hôtel, alors, il prend son temps, marche à marche, accompagné par quelques grincements, c'est le vent, se dit-il, le vent d'été qui s'engouffre dans les larges voiles blanches et rouges de la grande maison de pierre des bords du fleuve.
" Croirait-on, mon amour, qu'un tourbillon ai ravi tes yeux
aux firmament ? Vrai pourtant : au crépuscule je les vois au
ciel, et le jour dans ton visage resplendissant.
Ma vie est suspendue aux boucles de tes oreilles, car elles
m'ensorcellent d'un sort d'Egypte. Délice de mes yeux, toujours
je contemplerai ton étoile du matin et tes dents blanches
comme la grêle.
Dis-moi, plaisante gazelle : dans tes yeux emprisonnes-tu les
étoiles du firmament, les tenant captives le jour et, la nuit
venue, les laissant filer au ciel ?
A moins que tes yeux ne soient le reflet des astres, et la
lumière de ton visage l'image des sphères célestes ? Car,
comparées à toi, les autres gazelles ne sont en vérité que
gouttes perlant d'un seau ou grains de poussière sur une
balance. " (2)
Il ouvre la porte en bois rouge, elle est là, elle l'attend, c'est aussi simple que ça, c'est ce qu'il se dit, elle lui sourit, et d'un souffle découvre son regard qu'une mèche dissimulait.
" J'aime, donc je suis en danger. Là, il faire vite, et, surtout, se cacher. Les vieux textes parlent d'aventuriers, rivaux des dieux, qui, à travers mille ruses, ont transporté une jeune fille en lieu sûr sous un autre nom. Qu'est-ce que ça veut dire ? Personne ne se risque à donner une réponse. Il est aussi question, de temps en temps, des " épouses des dieux ", mais, là encore, dérobade, silence. La jeune fille, c'est toi, bien sûr, on a organisé notre jeu, nos disparitions, nos rencontres. Tu as un nom, comme on dit, mais je ne le révélerai pas, il provoquerait, chez les indigènes, une volonté de destruction radicale. On fait de la magie, n'oublie pas. Noire ? Blanche ? Mais non, de toutes les couleurs, et c'est là le crime. Un homme et une femme n'ont pas le droit de s'envoyer en l'air dans l'arc-en-ciel en dehors des lois, et les lois veulent qu'on soit hétéro ou homo, encarté, chaque caricature comptant fermement sur l'autre. La magie, c'est autre chose. Tu viendras à telle heure précise, dans tel hôtel, tel numéro de chambre, tu frapperas à la porte, les rideaux seront fermés, on ne parlera pas. Une ou deux heures après, on ira dîner dans un autre quartier de façon très gaie, la conversation après l'amour n'a rien à voir avec celle qui le précède. Les mots sont libres, les sous-entendus voulus, la moquerie antisociale peut être à son comble. Tout le monde est décidément petit, mesquin, rampant, étroit, ridicule, sauf nous. Ils cherchent, on a trouvé. " (3)
Voilà, pense-t-il, en lui caressant le dos, les corps des femmes ne se livrent aux hommes que dans l'instant, dans la lumière des fleuves, les corps amoureux éblouissent le verbe, le rendent léger, vivifiant, rare, les corps rares des femmes ajoute-t-il, sont ceux des déesses libres, elles embrassent les dieux, et les dieux leur rendent bien.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La nuit... / Juda Hallévi / Poèmes d'amour de l'Andalousie à la Mer Rouge / traduct. Masha Itzhaki et Michel Garel / Somogy
(2) A la louange de tes yeux / Emmanuel de Rome / Poésie hébraïque du IV° au XVIII° siècle / adapté de l'anglais par Frans de Haes / L'Infini / Gallimard
(3) L'étoile des amants / Philippe Sollers / Gallimard
Il a fait provision de livres, car ce jour nouveau est celui d'un embarquement sur le fleuve et au bord des arbres, oui, il s'embarque, la danseuse rouge l'a invité à quitter la rive, il ne pouvait refuser a-t-il pensé, que peut-on refuser aux déesses, rien, c'est aussi simple que ça, encore faut-il en avoir l'audace.
" La nuit où la jeune biche me dévoilait
L'astre brûlant de ses pommettes
Et le fauve rubis des cheveux qui voilait
Sa tempe de cristal perlé de gouttelettes
- Tout le tableau de sa beauté... -
Elle était ce soleil qui pendant sa montée
Rougissait les nuées, quand sa poindre l'aurore,
De ses flammes et de ses ors. " (1)
Elle vous attend, sur le second pont, vous tournez à droite, et vous tomberez sur elle, c'est ce qu'on lui dit lorsqu'il se présente à l'accueil de l'hôtel, alors, il prend son temps, marche à marche, accompagné par quelques grincements, c'est le vent, se dit-il, le vent d'été qui s'engouffre dans les larges voiles blanches et rouges de la grande maison de pierre des bords du fleuve.
" Croirait-on, mon amour, qu'un tourbillon ai ravi tes yeux
aux firmament ? Vrai pourtant : au crépuscule je les vois au
ciel, et le jour dans ton visage resplendissant.
Ma vie est suspendue aux boucles de tes oreilles, car elles
m'ensorcellent d'un sort d'Egypte. Délice de mes yeux, toujours
je contemplerai ton étoile du matin et tes dents blanches
comme la grêle.
Dis-moi, plaisante gazelle : dans tes yeux emprisonnes-tu les
étoiles du firmament, les tenant captives le jour et, la nuit
venue, les laissant filer au ciel ?
A moins que tes yeux ne soient le reflet des astres, et la
lumière de ton visage l'image des sphères célestes ? Car,
comparées à toi, les autres gazelles ne sont en vérité que
gouttes perlant d'un seau ou grains de poussière sur une
balance. " (2)
Il ouvre la porte en bois rouge, elle est là, elle l'attend, c'est aussi simple que ça, c'est ce qu'il se dit, elle lui sourit, et d'un souffle découvre son regard qu'une mèche dissimulait.
" J'aime, donc je suis en danger. Là, il faire vite, et, surtout, se cacher. Les vieux textes parlent d'aventuriers, rivaux des dieux, qui, à travers mille ruses, ont transporté une jeune fille en lieu sûr sous un autre nom. Qu'est-ce que ça veut dire ? Personne ne se risque à donner une réponse. Il est aussi question, de temps en temps, des " épouses des dieux ", mais, là encore, dérobade, silence. La jeune fille, c'est toi, bien sûr, on a organisé notre jeu, nos disparitions, nos rencontres. Tu as un nom, comme on dit, mais je ne le révélerai pas, il provoquerait, chez les indigènes, une volonté de destruction radicale. On fait de la magie, n'oublie pas. Noire ? Blanche ? Mais non, de toutes les couleurs, et c'est là le crime. Un homme et une femme n'ont pas le droit de s'envoyer en l'air dans l'arc-en-ciel en dehors des lois, et les lois veulent qu'on soit hétéro ou homo, encarté, chaque caricature comptant fermement sur l'autre. La magie, c'est autre chose. Tu viendras à telle heure précise, dans tel hôtel, tel numéro de chambre, tu frapperas à la porte, les rideaux seront fermés, on ne parlera pas. Une ou deux heures après, on ira dîner dans un autre quartier de façon très gaie, la conversation après l'amour n'a rien à voir avec celle qui le précède. Les mots sont libres, les sous-entendus voulus, la moquerie antisociale peut être à son comble. Tout le monde est décidément petit, mesquin, rampant, étroit, ridicule, sauf nous. Ils cherchent, on a trouvé. " (3)
Voilà, pense-t-il, en lui caressant le dos, les corps des femmes ne se livrent aux hommes que dans l'instant, dans la lumière des fleuves, les corps amoureux éblouissent le verbe, le rendent léger, vivifiant, rare, les corps rares des femmes ajoute-t-il, sont ceux des déesses libres, elles embrassent les dieux, et les dieux leur rendent bien.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La nuit... / Juda Hallévi / Poèmes d'amour de l'Andalousie à la Mer Rouge / traduct. Masha Itzhaki et Michel Garel / Somogy
(2) A la louange de tes yeux / Emmanuel de Rome / Poésie hébraïque du IV° au XVIII° siècle / adapté de l'anglais par Frans de Haes / L'Infini / Gallimard
(3) L'étoile des amants / Philippe Sollers / Gallimard
mardi 25 août 2009
lundi 24 août 2009
La Courbe du Temps (32)
" Mon bonheur est dangereux ", c'est ce qu'il se dit, " contagieux ", la terreur dominante ne peut accepter un tel défi, une telle une insulte au nihilisme ravageur, " la servitude volontaire a un bel avenir en ces temps ", note-t-il sur son écritoire, et elle trouve mille masques pour tenter de désamorcer cette bombe, mille fuites, mille silences, que sais-je. Ma joie aussi les dérange profondément, ma joie et cette " révélation " qui rend la vue et l'ouïe, qui donne à la peau un rare parfum musical. " La peau des fées est une musique " note-t-il aussi, " leur sourire un miracle permanent ", mais les humanoïdes n'ont que la douleur à la bouche, la culpabilité chevillée au sexe, misère des temps, et temps de misères, pense-t-il. Alors pour chasser ces démons envahissants, il quitte son ponton et vole vers le fleuve, là dans le silence des renaissances, il regarde l'ombre de la lune qui se glisse entre les branches des arbres, il se dit qu'ici s'est joué un miracle comme chez Watteau pense-t-il, comme chez Watteau ou chez Nietzsche, " la vie est une fontaine de joie " pense-t-il, où viennent se baigner de belles personnes. Que la Courbe du Temps les enveloppe !
à suivre
Philippe Chauché
dimanche 23 août 2009
samedi 22 août 2009
La Courbe du Temps (31)
" Mes mains font des miracles ", c'est ce qu'il a noté sur son écritoire de soie, " Mes mains et ma voix font des miracles ", a-t-il ajouté, et la question du miracle n'a jamais autant été d'actualité, loin cela doit s'écrire de toute lourdeur, de tout discours pesant et pesé, mais au coeur de son sens vibrant et lumineux, " Seuls les corps sensualistes produisent ces signes éclairés " a-t-il noté plus bas, les corps amoureux du Temps, passent leurs jours et leurs nuits à défier le diable et ses mauvaises manières, ils transcendent la vie et l'instant. " Les corps baignés de mots et de musiques font des miracles ", et il a poursuivi, " D'un regard, je transforme le monde ", et " Ses silences m'élèvent ", il sait que sans cette éclosion des sens de la Courbe du Temps, sa main aurait été moins leste. Il a refermé son écritoire, adressé de loin un baiser à son cadran solaire amoureux, pris sur une étagère le petit livre avant d'enjamber le Temps.
" Un coup de doigt sur le tambour décharge tous les sons et comme la nouvelle harmonie.
Un pas de toi, c'est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.
Ta tête se détourne : le nouvel amour ! Ta tête se retourne, le nouvel amour !
" Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps ", te chantent ces enfants. " Élève n'importe où la substance de nos fortunes et de nos voeux " on t'en prie.
Arrivée de toujours, tu t'en iras partout. " (1)
Il s'est dit, elle a embrassé Rimbaud !
à suivre
Philippe Chauché
(1) A une raison / Illuminations / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
vendredi 21 août 2009
jeudi 20 août 2009
La Courbe du Temps (30)
" Le regard des femmes, enflamme ma rue ", " Les mains des femmes sont des étoiles filantes ", " Leurs yeux, je les embrasse ", " J'ai tant de bonheur à les trouver, que je m'étonne qu'elles me cherchent encore ". Ces phrases, il les avait notés dans son cahier, le petit format gris qu'il portait toujours sur lui, dans la poche intérieure d'une veste, qu'il glissait aussi parfois dans la découpe brodée sur les fesses d'un pantalon de coton bleu clair, sous sa chemise, ou encore par fortes chaleur qu'il tenait à la main, comme un vase, ces phrases qui avant qu'il ne les note ne lui appartenaient pas, il les avait découvertes une à une, dans des villes qu'un temps il avait fréquentées, comme des appels d'air lancés aux passants, une main invisible les avait tracées sur des affiches qui vantaient, là une soirée de débat politique sur l'état de la finance et du monde, ici un concert de musique moderne, plus loin une exposition de tapis d'orient à prix sacrifiés, ou encore une initiation à la méditation, ces phrases lui avaient lancé des signes dans la nuit, il s'en dégageait une vibration qui l'avait touché, coup vif porté aux plexus, il les relisait sur les bords du fleuve, seul endroit en cette nuit, où il avait trouvé un peu de fraîcheur : " Le regard des femmes, enflamme ma rue ", " Les mains des femmes sont des étoiles filantes ", " Leurs yeux, je les embrasse ", " J'ai tant de bonheur à les trouver, que m'étonne qu'elles me cherchent encore ", et puis s'amusait à les croiser, cela donnait : " Le regard des femmes : des étoiles filantes ", " Leurs yeux, j'ai tant de mal à les trouver ", ou encore " Les mains des femmes, je ne comprend pas qu'elles me cherchent encore ". Sur les bords du fleuve et sous les arbres, il se disait aussi, que s'il pratiquait cette écriture sauvage et nocturne, il pourrait de sa fine écriture bleue noter : " C'est la servitude volontaire qui tue l'amour " mais aussi " La plus troublante des offrandes : son regard ! " ou encore : " Ma plus grande joie : suivre le mouvement de ses mains " ou bien : " Je lui offre l'immortalité ! " et " Vous cherchez le bonheur : lisez-là ! " La nuit lissait les couleurs du fleuve, de la ville et du bois. Il restait sans bouger. Allongé sur le petit muret, d'où il l'avait vu danser, seul son corps se glissait dans ses pensées, le mouvement de son corps épousait sa peau. Il pensait aussi que Myriam - Marie - Maria ne manquerait pas le lever de soleil sur l'île voisine, qu'elle apparaîtrait dans la blondeur du matin charmant, il notait, que c'est le coeur qui déclenche les apparitions, que c'est la peau qui les fait se déplacer, ce sont les caresses qui les rendent immortelles.
" Quand il arrivait qu'une joue de femme s'approchât de moi - c'était si rarement, j'ai trop de doigt à mes mains pour les compter - c'était une espèce de satin, de tiédeur, de bonne odeur, de beauté extrême, de joie suffocante qu'il est difficile de dire. " (1)
Au matin un oiseau a crié. Il a ouvert les yeux, et s'est dit, toute parole qui dit la joie est risquée, et le bonheur est une permanence, mais aussi, la jouissance ne nous fait jamais douter.
" Un corps est un ruban de nuances enroulé sur d'autres nuances où se formule l'avenir de toutes ses désertions. Lorsque le corps déserte, c'est pour continuer à être un corps : un corps devient un corps lorsqu'il rencontre l'éclaircie qui soulève son désir. " (2)
Au matin il est revenu sous son plafond, ses livres se sont ouverts tous ensemble, comme des éventails.
" Maud, mon amour, tiens-toi à l'impossible, comme si tu pouvais voir tout ce que les yeux ont vu, les oreilles entendu, les narines senti, les langues goûté et les pieds touché, un ciel de terreur, de délices. On invente une sainteté nouvelle, là, ici-bas. Et encore là. Navigation à l'étoile. " (3)
Il les a refermé un à un, il s'est dit, je lui offrirai celui-ci lorsque le temps sera venu et le temps est venu. Il a allumé une cigarette, s'est penché à l'une des fenêtres et embrassé des yeux son cadran solaire amoureux, la Courbe du Temps s'y lisait.
Il s'est dit aussi : l'avenir appartient à ceux qui savent voir avec leur peau, et aimer avec leurs yeux, il a ajouté sur son écritoire, ne pas craindre la terreur et le mensonge dominants, s'en remettre aux éclats du Temps, et inviter la musique dans son regard.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Pascal Quignard / Les Paradisiaques / Grasset
(2) Yannick Haenel / A mon seul désir / Réunion des Musées Nationaux / Argol
(3) Philippe Sollers / L'étoile des amants / Gallimard
mercredi 19 août 2009
La Courbe du Temps (29)
" C'est, un soir de mai, une forêt de signes rouges pour Soyeuse et moi. On court dans les rues. J'ai les poches remplies de cartes postales de la tenture, sur lesquelles j'écris pour Soyeuse des improvisations. Le quartier de la rue Galande, et le compas qui s'ouvre en vert et gris, brusquement, avec l'église Saint-Julien-le-Pauvre, c'est celui de François Villon et Colin de Cayeux, celui de la jeunesse folle. Le soir est gorgé de douceurs, avec la pleine lune, et Soyeuse me dit : " C'est la lune bleue ". " (1)
C'est un après-midi d'août, la ville est en apnée, c'est ce qu'il écrit, des éclairs brûlants frappent ma peau, son mouvement m'accompagne. Rue du Vieux Sextier les yeux fixés sur ma vierge perchée, puis les choses s'accèlèrent. Place Jérusalem, rue Florence, rue Carnot, rue du Portail Matheron, rue Carreterie, rue des Carmes, sur la place, je salue Saint-Symphorien. Elle est là toute proche ajoute-t-il, un léger souffle glisse sur ma joue. J'écris en silence pour ma danseuse rouge note-t-il, j'écris dans l'église, dans une forêt d'anges, au centre absolu du bonheur. Je porte des sandales de cordes blanches, ce sont mes ailes et personne ne s'en doute.
A la terrasse d'un café, elle s'amuse de mes certitudes immortelles, allume une cigarette et commande deux coupes de champagne, à la santé, lui dit-elle, des immortelles qui fleurissent la nuit lorsque la lune s'éveille, et disparaissent au premier éclat de soleil, à la santé de nos écrivains. Leurs improvisations s'invitent à notre table, écoutez, écoutez cher ami ajoute-t-elle :
"... Aimer, c'est pouvoir penser tout haut avec un autre être humain. Confier ce qui passe par la tête, c'est comme arracher le voile sur sa nudité et ses états. L'intimité ne se discerne pas de l'extrême franchise. C'est l'indécence. C'est Circé : On ne se livre à une femme qu'après l'intimité. Cette intimité est
1. extrêmement dangereuse,
2. totalement passionnante.
Plus rien n'est en arrière des yeux. Plus rien n'est en réserve de vue... " (2)
et aussi ceci :
" ... elle a un visage de perle
elle a perlé dans mon nuage
elle a nuée dans ma ruelle .. " (3)
Je ne suis pas vraiment surpris, pense-t-il, qu'elle ait d'aussi bonnes fréquentations. Tout est là, se dit-il aussi, sous la forme d'une question : dites-moi ce que vous lisez, je vous dirai, comment vous aimez. Ou bien : dites-moi quels sont vos écrivains de compagnie, et je vous dirai alors, quel rapport vous avez avec le Temps. Mais aussi : dites-moi comment vous lisez, dans quelle position se trouve votre corps, j'attends des précisions et pas seulement s'il est vêtu ou nu, ou les deux peut-être, et je vous dirai si vous êtes faites pour les retournements du Temps, et si la Courbe du Temps épouse votre peau. Et aussi : dites-moi, si vous pensez à quelqu'un de particulier lorsque vous lisez, je pourrai alors vous dire si la lumière du roman vous traverse, je pourrai aussi me taire, c'est chose semblable, pense-t-il.
Il la regarda refermer un à un les livres qu'elle avait posés sur la table ronde du café, que protégeait un large parasol rouge, ce mouvement prolongeait par sa lenteur et sa beauté, les phrases qu'elle venait de lui lire, et leur donnait une autre résonance, une plus grande proximité, une plus profonde lumière.
Le mouvement des mains des femmes, pensa-t-il, ouvre le Temps et sa Courbe, et cette courbe est une révélation.
Un jeune homme en chemisette à grandes fleurs rouges et jaunes, s'approcha et lui demanda s'il pouvait le prendre en photo debout devant l'entrée de l'église avec son amie, il accepta, tout en le prévenant qu'il n'était pas très doué pour le cadrage, le maniement des appareils, la lumière, la vitesse et tout ce qui va avec. Le jeune homme le remercia, et sembla satisfait en vérifiant la trace numérique de leur pose sur le petit écran de l'appareil, c'est ce qu'il nota sur son écritoire.
Il ouvrit le petit carnet qu'il avait déposé sur la table ronde du café et lu :
"... J'aimerais vous faire percevoir ce qu'est un matin ici, Reine... L'air bleu vif diffusé d'un coup, l'eau à peine ridée, les bateaux qui commencent à sortir au loin, à marée haute... La lumière unie selon le vent, ouest, nord-ouest, nous entrons dans la beauté du temps, les fleurs se lancent, rosiers, hortensias, lavande contre les murs, roses trémières géantes comme des hallucinations. " (4)
et :
" Ce qu'elle m'enlève en feu, elle me le donne en neige
La main qui me cache tes yeux ;
Mais n'est pas moindre la rigueur avec laquelle elle tue,
Et moins de flammes ne meut pas sa blancheur.
Les froids incendies le regard boit,
Et, volcan, les dilate par les veines ;
Avec crainte prudente approche la blancheur
Le coeur aimant, qui la sent traîtresse.
Si de tes yeux l'ardeur tyrannique
Tu la passes par ta main pour la tiédir,
C'est grande pitié du coeur humain.
Mais non de toi, car elle peut, en la cachant,
Puisqu'elle est de neige, fondre ta main,
Si ta main du moins n'espère la glacer. " (5)
Il referma son carnet de lecture, et l'entraîna dans les rues de sa ville sous une pluie de fleurs rouges et blanches, ce mouvement de vie allait nourrir toute sa nuit se dit-il en lui embrassant la joue.
à suivre
Philippe Chauché
(1) A mon seul désir / Yannick Haenel / Réunion des Musées Nationaux - Argol
(2) Vie secrète / Pascal Quignard / Gallimard
(3) Rime / Marcelin Pleynet / " Tel Quel " / Éditions du Seuil
(4) Le lys d'or / Philippe Sollers / Gallimard
(5) A Aminta, qui se couvrit les yeux avec sa main / Sonnets amoureux / Francisco de Quevedo / traduct. Frédéric Magne / La Délirante
mardi 18 août 2009
La Courbe du Temps (28)
" Ondulante serpentante
la brise fraîche
vient à moi " (1)
Il se répétait ce Haïku, il tournait dans sa tête et tout autour de lui, comme un doux vent du sud, il soulevait ses cheveux, se glissait sous les pans de sa chemise ouverte, lui embrassait le coeur et la peau du dos, à cet endroit précis où se niche la douceur fraîche du Temps, le haïku ondulait et embrassait chaque femme qu'il croisait dans la ville assoiffée, il serpentait dans son regard qu'il posait sur les vierges perchées de sa rue illuminée, la phrase comme un étrange appel d'air nourrissait chacun de ses mouvements, ces mouvements nés de la Courbe du Temps, ces mouvements inspirés, tout lui semblait net et vif, les murs blancs, les tables des cafés où des femmes désirables séduisaient d'un mot les amoureux qu'elles avaient convoqués un peu plus tôt, il se répétait ce haïku ouvert comme une rose rouge sur le bureau où chaque jour il écrivait, et il se disait qu'il ressemblait à son amour, ondulante serpentante et surprenante, elle n'était jamais là où on l'attendait, il ajoutait aussi, elle est brise fraîche lorsque le soir elle pose sa joue sur son épaule nue, lorsqu'elle ferme les yeux et que monte de sa gorge un tango profond, il se disait encore, que l'onde fraîche de ses mouvements qui se liait sur les bords du fleuve et sous les arbres était le mouvement du roman, de la vie qui le faisait naître, des courbes douces et brunes, des éclats blonds de son regard, il ajoutait que ce haïku ressemblait aux silences qui enflammaient son regard.
" Ma jeunesse me suit, je la tiens par la main. " (2)
Ses mots revenaient et l'appelaient, ses silences le rendaient beau, la nuit éclairait chacune de ses phrases, si loin, si près, c'est ce qu'il pensait, alors il est sorti dans la nuit d'été, baigné par sa voix, par ce qu'il savait de la danseuse rouge, par le mouvement de ses lèvres et de ses bras, par le silence qui éclairait son visage, il a marché dans la nuit jusqu'au fleuve, près des arbres, soulagé de savoir que la Courbe du Temps, il s'est aussi dit, que le Temps aimé, devait l'être à jamais, que tout le reste n'était qu'un piège que tentait de lui tendre de mauvaises âmes.
" Quand les amoureux quittent leurs corps nocturnes, l'un se pose sur une branche au loi, l'autre s'accoude à la fenêtre.
L'amour, c'est âme contre âme. " (3)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Issa / Haïkus / Anthologie / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Louis Scutaire / Mes Incriptions 1943-1944 / Allia
(3) Pascal Quignard / Vie secrète / Gallimard
Le Temps Retrouvé
Tout était simple, c'est ce qu'il se disait, la musique, cet espace où s'installe le temps retrouvé, tout est lumineux, le corps s'élève, les vivants embrassent les vivants, et les morts écoutent stupéfaits.
à suivre
Philippe Chauché
lundi 17 août 2009
La Courbe du Temps (27)
" Seul, assis, je contemple l'eau et la montagne,
Appuyé contre un mol oreiller, j'écoute le vent et la pluie.
Tous les jours des amis viennent et s'en vont,
Tous les ans des fleurs éclosent et tombent. " (1)
" Éblouissement : ses manières d'être. " C'est ce qu'il nota sur son écritoire en ce matin d'été, il rajouta de son écriture bleue : " Éblouissements : ses silences et son sourire. ", puis il quitta son ponton, et s'enfonça dans la ville blanche et rouge, chacun de ses pas le rapprochait de cet espace qu'elle avait ouvert, de cette fracture de vie qu'elle avait fait fleurir, de ce mouvement qu'elle avait initié, les vierges perchées se réveillaient dans la grande douceur du jour naissant. Ses mots avaient une autre saveur, ses gestes une légèreté retrouvée. Lenteur des bras, silence des jambes. Il s'arrêtait pour les saluer dans leurs niches brodées de sable blanc. Il remonta la rue des Martinets, croisa des hommes pressés par le Temps dont ils n'avaient, les malheureux pas saisis l'heureuse musique naissante, il pensa à ce mouvement qui avait fait naître la Courbe du Temps, dans une danse rouge, comme la rivière là haut où il l'a voyait se baigner. Tout en marchant il écrivait, il dessinait des phrases libres et humides qui nourrissaient le terreau de son écritoire, toutes différentes, comme par exemple : " Toute la lumière de son regard est une révélation. " ou encore : " Le mouvement de ses mains qui se croisent et se décroisent sur les bords du fleuve et sous les arbres est une vague blanche où je nage. " mais aussi : " D'un mot elle m'entraîne dans le sillage de la Baleine Blanche. ". Tout en marchant, il lisait le livre chaman dont une à une les pages s'ouvraient comme des fleurs de nénuphar, il pouvait sauter une page, revenir en arrière, avancer, chaque phrase retrouvait sa juste place, son rythme, sa musique, ses éclairs et ses éclats, ses silences, ses brillances, ses fulgurances, ses envolées, ses retenues, ses doutes, ses voyances, ses lueurs et ses flammes, un livre brûlait dans ses mains lorsqu'il s'assit prés du fleuve sur le petit muret de pierre d'où il l'avait aperçue la première fois. Il s'allongea et laissa le sommeil s'installer. Il ne rêvait pas, il était bien là, près du fleuve et sous les arbres, dans la vibration de sa respiration, dans un regard offert un soir accoudé à un comptoir dans une lointaine ville solaire, dans ces phrases livrées au vent et qui descendaient de la montagne, dans ses silences qu'elle faisait fleurir dans un sourire troublé, tout était là, tout était en lui, tout son corps épousait ce mouvement. Tout était tremblant d'une poussée solaire qui retourne le monde, tout était lisible dans la Courbe du Temps.
" La passionnante éternité d'une journée. " (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Hsu Pen ( XV°siècle ) / La poésie chinoise / Anthologie des origines à nos jours / traduct. Patricia Guillermaz / Club des Libraires de France / 1960
(2) Louis Scutenaire / Mes Inscriptions 1943-1944 / Allia
dimanche 16 août 2009
Pour En Rire (2)
" Il se trouve des petites locomotives qui sont encore plus mégalomanes que moi "
Ce qu'il trouvait amusant dans les rapports sexuels, c'est qu'ils étaient souvent illisibles.
Mon type de femme : celles qui s'étonnent.
Il trouvait étrange que certaines femmes s'endorment dans ses bras, et rassurant qu'elles s'en échappent.
" On a dit de moi :
Il fait des calculs d'épiciers : C'est vrai.
C'est un tendre :Bien sûr.
Il est dans le désarroi : Évidemment.
Comme il est détaché ! : Tiens donc !
Il est gentil : Mais oui.
Quel goujat ! : D'accord, Marcel.
Il a beaucoup de talent : Le flatteur n'a pas toujours tort.
Il sent mauvais : Triste, mais possible.
Je voudrais m'offrir sa grande carcasse : Bien aimable.
Il n'est pas beau : Je le pense.
Combien il est grand ! : La toise le confirme.
Il est grossier : Merci, ma chérie.
C'est un coureur : Hum, hum ! " (1)
Ce que l'on dit de moi :
Il ne parle que de lui : C'est mon côté anthropologue.
C'est un beau parleur : L'un ne va pas sans l'autre.
Ne le croyez pas, c'est le roi des menteurs : J'ai tenté d'être esclave de la vérité, mais ça n'a pas marché.
Il n'est pas très courageux : C'est le pas très qui me gène.
La fidélité n'est pas son fort : Comme l'infidélité d'ailleurs.
C'est un amant généreux : Vous avez de l'oreille.
Il est très doué pour la dérobade : Je confesse aussi un penchant pour l'esquive.
Ce qui l'étonnait c'est qu'il étonnait encore.
Mon type de chemise : très blanche.
Mes croyances : certaines femmes.
Mes détestations : certains hommes.
Il en surprenait plus d'une par des absences.
L'art est à la vie, ce que la vie est à l'amour.
L'amour est à l'art, ce que l'art est à la nature.
La nature est à l'amour, ce que l'amour est au silence.
Il faut faire avec.
J'aime ne rien faire avec talent.
" Ne cherchez pas, attendez. " (1)
Les femmes qui le troublent : celles qui attachent une grande importance aux martinets.
L'anonymat est un acte téméraire.
Écrire est une révélation.
Ce que l'on dit de moi :
Méfiez-vous de lui, il vous séduira : La jalousie est un péché.
Gardez-vous de l'aimer, vous y laisseriez des plumes : L'ornithologue vous embrasse.
Il fréquente les églises : Question d'oreille !
Il est infidèle : Pas plus que vous ma douce.
Il cuisine bien : Surtout les traites.
Il n'a jamais sommeil : Un regret ?
à suivre
Philippe Chauché
(1)Louis Scutenaire / Mes Inscriptions 1943-1944 / Allia
Ce qu'il trouvait amusant dans les rapports sexuels, c'est qu'ils étaient souvent illisibles.
Mon type de femme : celles qui s'étonnent.
Il trouvait étrange que certaines femmes s'endorment dans ses bras, et rassurant qu'elles s'en échappent.
" On a dit de moi :
Il fait des calculs d'épiciers : C'est vrai.
C'est un tendre :Bien sûr.
Il est dans le désarroi : Évidemment.
Comme il est détaché ! : Tiens donc !
Il est gentil : Mais oui.
Quel goujat ! : D'accord, Marcel.
Il a beaucoup de talent : Le flatteur n'a pas toujours tort.
Il sent mauvais : Triste, mais possible.
Je voudrais m'offrir sa grande carcasse : Bien aimable.
Il n'est pas beau : Je le pense.
Combien il est grand ! : La toise le confirme.
Il est grossier : Merci, ma chérie.
C'est un coureur : Hum, hum ! " (1)
Ce que l'on dit de moi :
Il ne parle que de lui : C'est mon côté anthropologue.
C'est un beau parleur : L'un ne va pas sans l'autre.
Ne le croyez pas, c'est le roi des menteurs : J'ai tenté d'être esclave de la vérité, mais ça n'a pas marché.
Il n'est pas très courageux : C'est le pas très qui me gène.
La fidélité n'est pas son fort : Comme l'infidélité d'ailleurs.
C'est un amant généreux : Vous avez de l'oreille.
Il est très doué pour la dérobade : Je confesse aussi un penchant pour l'esquive.
Ce qui l'étonnait c'est qu'il étonnait encore.
Mon type de chemise : très blanche.
Mes croyances : certaines femmes.
Mes détestations : certains hommes.
Il en surprenait plus d'une par des absences.
L'art est à la vie, ce que la vie est à l'amour.
L'amour est à l'art, ce que l'art est à la nature.
La nature est à l'amour, ce que l'amour est au silence.
Il faut faire avec.
J'aime ne rien faire avec talent.
" Ne cherchez pas, attendez. " (1)
Les femmes qui le troublent : celles qui attachent une grande importance aux martinets.
L'anonymat est un acte téméraire.
Écrire est une révélation.
Ce que l'on dit de moi :
Méfiez-vous de lui, il vous séduira : La jalousie est un péché.
Gardez-vous de l'aimer, vous y laisseriez des plumes : L'ornithologue vous embrasse.
Il fréquente les églises : Question d'oreille !
Il est infidèle : Pas plus que vous ma douce.
Il cuisine bien : Surtout les traites.
Il n'a jamais sommeil : Un regret ?
à suivre
Philippe Chauché
(1)Louis Scutenaire / Mes Inscriptions 1943-1944 / Allia
vendredi 14 août 2009
Pour En Rire (1)
" Mon type de femme : la très fraîche de corps " (1)
Mes chemises : blanches
Son silence le conduisit aux urgences.
Comme il avait du temps à perdre, il tomba dans le coma.
Ce qu'il aimait chez les femmes : leurs silences armés.
" Chaque désir est vérité. " (1)
Rien n'est réglé mais on s'habitue.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Louis Scutenaire / Mes Inscriptions / 1943-1944 / Allia
Mes chemises : blanches
Son silence le conduisit aux urgences.
Comme il avait du temps à perdre, il tomba dans le coma.
Ce qu'il aimait chez les femmes : leurs silences armés.
" Chaque désir est vérité. " (1)
Rien n'est réglé mais on s'habitue.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Louis Scutenaire / Mes Inscriptions / 1943-1944 / Allia
jeudi 13 août 2009
La Courbe du Temps (26)
" On dirait qu'on sait lire sur les lèvres
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
On dirait que sans les poings on est toujours aussi balèzes
Et que les fenêtres nous apaisent
On dirait que l'on soufflerait sur les braises
On dirait que les pirates nous assiègent
Et que notre amour, c'est le trésor
On dirait qu'on serait toujours d'accord
J'ai traqué les toujours, désossé les déesses
Goûté aux alentours, souvent changé d'adresse
Ce qui nous entoure, l'extension de nos corps
Quand nous sommes à l'écart, mineurs, chercheurs d'or
Quant faut-il être pour ?
Que faut-il être encore ?
Quand faut-il être pour ?
Que faut-il être encore ?
On dirait qu'on sait lire sur les lèvres
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
On dirait que sans les poings on est toujours aussi balèzes
Et que les fenêtres nous apaisent
Peut-être que la nuit le monde fait la trêve !
Et qu'aujourd'hui ton sourire fait grève ?
On dirait qu'on sait lire sur les lèvres
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
Peut-être que la nuit le monde fait la trêve !
Et qu'aujourd'hui ton sourire fait grève ? " (1)
Rien n'est plus vif
Rien n'est plus étrange
Rien n'est plus heureux
Que son sourire
Ici le temps appartient à ceux qui savent écouter la musique des regards, c'est ce qu'elle lui dit, la danseuse rouge, et elle ajoute, voyez-vous cher ami, ici dans l'espace transformé dans votre ville, tout peut se retourner en un regard, un mouvement, c'est ce que vous appelez la Courbe du Temps, un mot lancé du haut du mur de la Cour d'Honneur du Palais, une phrase inscrite la nuit sur une affiche lacérée, je m'emploie souvent à cet exercice amusant, c'est aussi ce qu'elle lui dit, écoutez :
" ... combien désiré combien doux
ce murmure trop ténu
auquel je donne voix
en me creusant
dans mon silence ... " (2)
Il l'écoute en silence, dans le murmure blanc des vagues, le sable garde en mémoire son regard échoué, j'en ramasse une brassée pense-t-il, et dans ses reflets verts et gris, je vois se dessiner la géographie silencieuse de son corps, dans la rumeur bleue des vagues, je nage.
Il note aussi sur son écritoire :
Édifier son regard
Glorifier ses silences
Vérifier dans ses yeux la Courbe du Temps
Et me glisser dans la musique de sa peau.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Gaëtan Roussel / Edit. Gazoline . Alain Bashung / Bleu Pétrole / Barclay
(2) Ce pays du silence / Charles Juliet / P.O.L.
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
On dirait que sans les poings on est toujours aussi balèzes
Et que les fenêtres nous apaisent
On dirait que l'on soufflerait sur les braises
On dirait que les pirates nous assiègent
Et que notre amour, c'est le trésor
On dirait qu'on serait toujours d'accord
J'ai traqué les toujours, désossé les déesses
Goûté aux alentours, souvent changé d'adresse
Ce qui nous entoure, l'extension de nos corps
Quand nous sommes à l'écart, mineurs, chercheurs d'or
Quant faut-il être pour ?
Que faut-il être encore ?
Quand faut-il être pour ?
Que faut-il être encore ?
On dirait qu'on sait lire sur les lèvres
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
On dirait que sans les poings on est toujours aussi balèzes
Et que les fenêtres nous apaisent
Peut-être que la nuit le monde fait la trêve !
Et qu'aujourd'hui ton sourire fait grève ?
On dirait qu'on sait lire sur les lèvres
Et que l'on tient tous les deux sur un trapèze
Peut-être que la nuit le monde fait la trêve !
Et qu'aujourd'hui ton sourire fait grève ? " (1)
Rien n'est plus vif
Rien n'est plus étrange
Rien n'est plus heureux
Que son sourire
Ici le temps appartient à ceux qui savent écouter la musique des regards, c'est ce qu'elle lui dit, la danseuse rouge, et elle ajoute, voyez-vous cher ami, ici dans l'espace transformé dans votre ville, tout peut se retourner en un regard, un mouvement, c'est ce que vous appelez la Courbe du Temps, un mot lancé du haut du mur de la Cour d'Honneur du Palais, une phrase inscrite la nuit sur une affiche lacérée, je m'emploie souvent à cet exercice amusant, c'est aussi ce qu'elle lui dit, écoutez :
" ... combien désiré combien doux
ce murmure trop ténu
auquel je donne voix
en me creusant
dans mon silence ... " (2)
Il l'écoute en silence, dans le murmure blanc des vagues, le sable garde en mémoire son regard échoué, j'en ramasse une brassée pense-t-il, et dans ses reflets verts et gris, je vois se dessiner la géographie silencieuse de son corps, dans la rumeur bleue des vagues, je nage.
Il note aussi sur son écritoire :
Édifier son regard
Glorifier ses silences
Vérifier dans ses yeux la Courbe du Temps
Et me glisser dans la musique de sa peau.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Gaëtan Roussel / Edit. Gazoline . Alain Bashung / Bleu Pétrole / Barclay
(2) Ce pays du silence / Charles Juliet / P.O.L.
mardi 11 août 2009
La Courbe du Temps (25)
" Si celui qui doit vous peindre doit vous voir,
Et ne peut sans s'aveugler vous regarder,
Qui sera assez puissant pour votre portrait faire
Sans vous ni ses yeux blesser ?
En neige et roses j'ai voulu vous fleurir ;
Mais c'eût été honorer les roses et vous outrager ;
Deux étoiles pour les yeux j'ai voulu vous donner ;
Mais quand jamais les étoiles en ont-elles rêvé ?
J'ai connu l'impossible dans cette esquisse ;
Mais votre miroir à votre propre éclat
Assura le succès dans son reflet.
Il pourra vous représenter sans lumière fausse,
Puisque vous êtes de vous-même, dans le miroir,
Original, peintre, pinceau et copie. " (1)
Le livre s'est ouvert comme une rose au matin, il l'a posé sur son coeur, et s'est endormi. La nuit fraîche l'a réveillé, alors il est sorti dans le jardin, a marché dans la rosée de la nuit, les yeux accrochés au scintillement des étoiles filantes. Un chat sommeillait sous l'arbre centenaire. Plus loin, il a fait se lever trois merles qui d'un battement d'ailes ont traversé l'espace qui le séparait de la grande maison blanche et rouge où il avait un temps vécu. Il s'est allongé dans l'herbe et a fermé les yeux. Le livre résonnait dans chacun de ses muscles. Il s'est dit, il en va de même des corps, ils doivent comme les livres, résonner dans chacun de nos muscles. Il s'est dit aussi, le livre s'ouvre sous mes yeux tournés vers la lune, sans que j'ai besoin d'y toucher, les pages s'élevent et se rabattent, comme entraînées par le Vent du Sud, alors il a pensé, que les corps pour répondre au mieux à la Courbe du Temps, doivent eux aussi, tourner et se retourner comme emportés par le vent du large. Le garamond de douze romain et italique cachait désormais les étoiles, tout le ciel en était imprimé, il s'est dit, que le corps amoureux, doit-être ainsi projeté dans l'espace, dans toute son étendue, magnifié, éternel. Il a alors pensé, c'est sûrement ce que l'on appelait il y a longtemps, la "révélation". Il s'est alors levé, léger comme jamais, il a embrassé les étoiles, qui a leur tour lisaient le livre, la lune, les merles, le chat, et la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres. Il a pensé, qu'à cet instant, il venait de rendre, par sa seule présence, la nuit miraculeuse, Il a retrouvé son lit, et s'est endormi, bercé par la musique des déesses qui ne le quittaient plus.
" Qui une fois, Lisi, a su vous regarder
Et qui est parvenu à vous connaître,
Mérite de pouvoir vivre sans vous voir,
Et de ne pas mourir s'il a su vous aimer.
Il n'a pas su vous voir, ni ne saura vous estimer
Qui davantage désire voir ces étoiles ;
Et qui vous vit une fois, ose vous offenser
S'il essaye encore de vous contempler.
Ces feux d'amour, riches et avares,
Ou bien ceux du ciel n'en sont que des flammèches,
De moindre ardeur, même si moins rares,
Ou Nature réunit dans nos yeux
Les étoiles, ou vos lumières claires elle répandit
Dans le ciel pour les créer. " (2)
A matin, les phrases du livres tournaient toutes seules sous ses yeux. Les déesses l'observaient avec cette douceur qui lui était inconnue. Il a retrouvé le jardin, l'herbe, le chat, les merles, et la lune qui poursuivait sa lecture dans l'ombre du soleil levant, il s'est dit, la journée sera éternelle.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Francisco de Quevedo / Sonnets amoureux / De la difficulté de faire le portrait d'une grande beauté, qui le lui avait demandé, et seul moyen possible d'y parvenir / traduct. Frédéric Magne / La Délirante
(2) Francisco de Quevedo / Sonnets amoureux / Amour d'un seul regard s'allume et alimente sa flamme / d°
Et ne peut sans s'aveugler vous regarder,
Qui sera assez puissant pour votre portrait faire
Sans vous ni ses yeux blesser ?
En neige et roses j'ai voulu vous fleurir ;
Mais c'eût été honorer les roses et vous outrager ;
Deux étoiles pour les yeux j'ai voulu vous donner ;
Mais quand jamais les étoiles en ont-elles rêvé ?
J'ai connu l'impossible dans cette esquisse ;
Mais votre miroir à votre propre éclat
Assura le succès dans son reflet.
Il pourra vous représenter sans lumière fausse,
Puisque vous êtes de vous-même, dans le miroir,
Original, peintre, pinceau et copie. " (1)
Le livre s'est ouvert comme une rose au matin, il l'a posé sur son coeur, et s'est endormi. La nuit fraîche l'a réveillé, alors il est sorti dans le jardin, a marché dans la rosée de la nuit, les yeux accrochés au scintillement des étoiles filantes. Un chat sommeillait sous l'arbre centenaire. Plus loin, il a fait se lever trois merles qui d'un battement d'ailes ont traversé l'espace qui le séparait de la grande maison blanche et rouge où il avait un temps vécu. Il s'est allongé dans l'herbe et a fermé les yeux. Le livre résonnait dans chacun de ses muscles. Il s'est dit, il en va de même des corps, ils doivent comme les livres, résonner dans chacun de nos muscles. Il s'est dit aussi, le livre s'ouvre sous mes yeux tournés vers la lune, sans que j'ai besoin d'y toucher, les pages s'élevent et se rabattent, comme entraînées par le Vent du Sud, alors il a pensé, que les corps pour répondre au mieux à la Courbe du Temps, doivent eux aussi, tourner et se retourner comme emportés par le vent du large. Le garamond de douze romain et italique cachait désormais les étoiles, tout le ciel en était imprimé, il s'est dit, que le corps amoureux, doit-être ainsi projeté dans l'espace, dans toute son étendue, magnifié, éternel. Il a alors pensé, c'est sûrement ce que l'on appelait il y a longtemps, la "révélation". Il s'est alors levé, léger comme jamais, il a embrassé les étoiles, qui a leur tour lisaient le livre, la lune, les merles, le chat, et la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres. Il a pensé, qu'à cet instant, il venait de rendre, par sa seule présence, la nuit miraculeuse, Il a retrouvé son lit, et s'est endormi, bercé par la musique des déesses qui ne le quittaient plus.
" Qui une fois, Lisi, a su vous regarder
Et qui est parvenu à vous connaître,
Mérite de pouvoir vivre sans vous voir,
Et de ne pas mourir s'il a su vous aimer.
Il n'a pas su vous voir, ni ne saura vous estimer
Qui davantage désire voir ces étoiles ;
Et qui vous vit une fois, ose vous offenser
S'il essaye encore de vous contempler.
Ces feux d'amour, riches et avares,
Ou bien ceux du ciel n'en sont que des flammèches,
De moindre ardeur, même si moins rares,
Ou Nature réunit dans nos yeux
Les étoiles, ou vos lumières claires elle répandit
Dans le ciel pour les créer. " (2)
A matin, les phrases du livres tournaient toutes seules sous ses yeux. Les déesses l'observaient avec cette douceur qui lui était inconnue. Il a retrouvé le jardin, l'herbe, le chat, les merles, et la lune qui poursuivait sa lecture dans l'ombre du soleil levant, il s'est dit, la journée sera éternelle.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Francisco de Quevedo / Sonnets amoureux / De la difficulté de faire le portrait d'une grande beauté, qui le lui avait demandé, et seul moyen possible d'y parvenir / traduct. Frédéric Magne / La Délirante
(2) Francisco de Quevedo / Sonnets amoureux / Amour d'un seul regard s'allume et alimente sa flamme / d°
lundi 10 août 2009
La Courbe du Temps (24)
" Il dit, et le désir du lit prit la déesse. " (1)
Il reprend tout à son origine, sur son écritoire, le basculement immédiat, dans l'une des rues de la ville, sous les arbres et près du fleuve. Là, dans cet espace, où il a été littéralement renversé par la Courbe du Temps. Il ajoute que la vision ébouriffante des mains qui se croisent et de décroisent de la danseuse rouge est permanente, de ces visions qui vous transforment et font raisonner les éclats de la Lune sur ma peau, sentinelle dorée qui prolonge les floraisons de pensées et les accords musicaux offerts à mon corps.
" Il dit, et le désir du lit prit la déesse. " il note la phrase, et il se dit que de telles phrases conduisent à la Courbe du Temps, ouvrent sur un nouvel espace où la lumière partage son silence avec la musique. Il ajoute, que la mélodie de ses livres est une offrande qui rend beau et que pour dire ce basculement de la déesse, il faut voir. Il l'a vue au bord du fleuve et sous les arbres, danse gravée dans la pierre, il l'a vue dans le Temps absorbé, il peut dire ce qu'elle est, ce qu'il voit d'elle dans la permanence de l'espace épousé, il peut aussi dire le mouvement de la danseuse rouge, sa démarche dans les rues de la ville des Martinets, son regard, sa bouche, il peut aussi écrire l'éblouissement de son regard, la lumière du baiser qu'elle lui a donné sur la place du Palais, son souffle sur sa joue, et puis sa disparition qui est une apparition. Pour pouvoir dire, il faut pouvoir voir, il répète la formule magique.
Il reprend alors sa remontée du Temps. Les pierres de la ville gardent la mémoire de la danse rouge épanouie sur les bords du fleuve et sous les arbres, et il ajoute, j'ai pensé à son corps retourné par l'envolée des mains de Myriam-Marie-Maria, je l'ai vue, je peux l'écrire, pense-t-il. Je la vois ici, rue Albéniz, à un souffle des arènes, la danseuse rouge l'ignore, elle ne franchit plus les portes de cet espace miraculeux, je l'ai entendu me le dire, pense-t-il, un soir dans le silence de la ville, je l'ai vu me l'écrire aussi sur les bords du fleuve et sous les arbres, je l'ai vue me le dessiner sur les pavés de la place où son baiser s'est accordé aux accords de mes lèvres.
Je me penche, ajoute-t-il, sur le regard brillant de l'inconnue de la Galerie, vivre en compagnie des peintres vous rend lumineux, vous accorde à l'équilibre du Temps. Il se dit aussi, que le regard que l'on voit, et qui nous fait écrire, est une porte de la délivrance qui s'ouvre sur la Courbe du Temps. Pour le saisir, il faut se mouler à chacun de ses gestes, se rafraîchir à chacune des partitions de Bach, il se dit aussi que cette clarté est la même que celle qui s'envolait de son corps lorsqu'elle dansait sur les bords du fleuve et sous les arbres. Il ajoute que le désir qui vient du corps et de la musique, est un miracle, une éclaircie permanente sur laquelle bute les nuages les plus menaçants du large, il se dit aussi que le désir de lit est un regard en mouvement, mais aussi un silence habité, un mouvement qui s'accorde au vide.
Il pense qu'il faut enlacer les corps dans le désir permanent de l'écriture, c'est à dire du lit, ce lit est un écritoire où elle s'assoupit, il faut enlacer les corps et dire la transparence de la jouissance, dans sa Courbe du Temps, il écrit aussi que la jouissance des femmes est une résonance du Temps.
Il se dit qu'ici tout tremble, tout vit, tout respire, tout s'illumine, tout est beauté écarlate, il dira cela à la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, elle l'écoutera et s'élèvera dans la danse invisible de la place du Palais et lui offrira des fleurs d'été aux parfums d'embruns.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Odysée VIII / Homère / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
Il reprend tout à son origine, sur son écritoire, le basculement immédiat, dans l'une des rues de la ville, sous les arbres et près du fleuve. Là, dans cet espace, où il a été littéralement renversé par la Courbe du Temps. Il ajoute que la vision ébouriffante des mains qui se croisent et de décroisent de la danseuse rouge est permanente, de ces visions qui vous transforment et font raisonner les éclats de la Lune sur ma peau, sentinelle dorée qui prolonge les floraisons de pensées et les accords musicaux offerts à mon corps.
" Il dit, et le désir du lit prit la déesse. " il note la phrase, et il se dit que de telles phrases conduisent à la Courbe du Temps, ouvrent sur un nouvel espace où la lumière partage son silence avec la musique. Il ajoute, que la mélodie de ses livres est une offrande qui rend beau et que pour dire ce basculement de la déesse, il faut voir. Il l'a vue au bord du fleuve et sous les arbres, danse gravée dans la pierre, il l'a vue dans le Temps absorbé, il peut dire ce qu'elle est, ce qu'il voit d'elle dans la permanence de l'espace épousé, il peut aussi dire le mouvement de la danseuse rouge, sa démarche dans les rues de la ville des Martinets, son regard, sa bouche, il peut aussi écrire l'éblouissement de son regard, la lumière du baiser qu'elle lui a donné sur la place du Palais, son souffle sur sa joue, et puis sa disparition qui est une apparition. Pour pouvoir dire, il faut pouvoir voir, il répète la formule magique.
Il reprend alors sa remontée du Temps. Les pierres de la ville gardent la mémoire de la danse rouge épanouie sur les bords du fleuve et sous les arbres, et il ajoute, j'ai pensé à son corps retourné par l'envolée des mains de Myriam-Marie-Maria, je l'ai vue, je peux l'écrire, pense-t-il. Je la vois ici, rue Albéniz, à un souffle des arènes, la danseuse rouge l'ignore, elle ne franchit plus les portes de cet espace miraculeux, je l'ai entendu me le dire, pense-t-il, un soir dans le silence de la ville, je l'ai vu me l'écrire aussi sur les bords du fleuve et sous les arbres, je l'ai vue me le dessiner sur les pavés de la place où son baiser s'est accordé aux accords de mes lèvres.
Je me penche, ajoute-t-il, sur le regard brillant de l'inconnue de la Galerie, vivre en compagnie des peintres vous rend lumineux, vous accorde à l'équilibre du Temps. Il se dit aussi, que le regard que l'on voit, et qui nous fait écrire, est une porte de la délivrance qui s'ouvre sur la Courbe du Temps. Pour le saisir, il faut se mouler à chacun de ses gestes, se rafraîchir à chacune des partitions de Bach, il se dit aussi que cette clarté est la même que celle qui s'envolait de son corps lorsqu'elle dansait sur les bords du fleuve et sous les arbres. Il ajoute que le désir qui vient du corps et de la musique, est un miracle, une éclaircie permanente sur laquelle bute les nuages les plus menaçants du large, il se dit aussi que le désir de lit est un regard en mouvement, mais aussi un silence habité, un mouvement qui s'accorde au vide.
Il pense qu'il faut enlacer les corps dans le désir permanent de l'écriture, c'est à dire du lit, ce lit est un écritoire où elle s'assoupit, il faut enlacer les corps et dire la transparence de la jouissance, dans sa Courbe du Temps, il écrit aussi que la jouissance des femmes est une résonance du Temps.
Il se dit qu'ici tout tremble, tout vit, tout respire, tout s'illumine, tout est beauté écarlate, il dira cela à la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, elle l'écoutera et s'élèvera dans la danse invisible de la place du Palais et lui offrira des fleurs d'été aux parfums d'embruns.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Odysée VIII / Homère / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
dimanche 9 août 2009
La Courbe du Temps (23)
Il pense que c'est dans un regard
Que le Temps s'avance
Il se dit que c'est dans un sourire
Que s'illumine le Verbe
Alors, il écrit pour les inconnues libres et lumineuses
à suivre
Philippe Chauché
Que le Temps s'avance
Il se dit que c'est dans un sourire
Que s'illumine le Verbe
Alors, il écrit pour les inconnues libres et lumineuses
à suivre
Philippe Chauché
samedi 8 août 2009
Odes Taurines (1)
Ne rien dévoiler de ce que je sais
Ne rien montrer de mon savoir
Ne rien dire de la saveur du Temps
Être là, sans affectation
Être au centre dans la lave
Laisser monter l'Ode
Ses fleurs et ses douceurs
Dire seulement, je vois
Dire seulement, j'écoute
Dire encore, voici
José Tomas comme aucun
José Tomas comme personne
José Tomas libre, épousant la Courbe du Temps
Tout le reste n'est qu'épuisement du savoir
Tout le reste est si loin de la saveur du Temps.
à suivre
Philippe Chauché
Ne rien montrer de mon savoir
Ne rien dire de la saveur du Temps
Être là, sans affectation
Être au centre dans la lave
Laisser monter l'Ode
Ses fleurs et ses douceurs
Dire seulement, je vois
Dire seulement, j'écoute
Dire encore, voici
José Tomas comme aucun
José Tomas comme personne
José Tomas libre, épousant la Courbe du Temps
Tout le reste n'est qu'épuisement du savoir
Tout le reste est si loin de la saveur du Temps.
à suivre
Philippe Chauché
vendredi 7 août 2009
La Courbe du Temps (22)
" Je viens seul sur la plage,
Je viens sur la plage, je pense
A ce mouvement que fait ta jupe
Quand, toi, tu viens sur la plage. " (1)
Ici, la pluie d'été trouble le jeu,
Ici, loin du Fleuve, il écrit
Les louanges de l'absente
Ici, dans le soleil d'été
Il dessine sur son écritoire
Le corps présent
Il se dit, tout ce qu'il écrit est sans importance, sa tête est ailleurs, dans la ville à l'est, il se dit aussi, là-bas naissent des fleurs aux parfums complexes et doux, des fleurs à longues tiges qu'il place dans un vase rouge, les couleurs volent et dessinent un autre espace où elle pourra s'endormir, il écrit aussi, repose toi, belle aventurière du Temps. Il ajoute, j'ai des bijoux pour les mains qui se croisent et se décroisent au bord du fleuve et sous les arbres, des fleurs pour le regard de la danseuse rouge, des musiques de Mozart pour l'abandon raisonné de la peau, il ajoute qu'en ouvrant la Courbe du Temps elle a fait naître la résurrection du baiser.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Quatrains / Fernando Pessoa / traduct. Henri Duluy / Éditions Unes
Je viens sur la plage, je pense
A ce mouvement que fait ta jupe
Quand, toi, tu viens sur la plage. " (1)
Ici, la pluie d'été trouble le jeu,
Ici, loin du Fleuve, il écrit
Les louanges de l'absente
Ici, dans le soleil d'été
Il dessine sur son écritoire
Le corps présent
Il se dit, tout ce qu'il écrit est sans importance, sa tête est ailleurs, dans la ville à l'est, il se dit aussi, là-bas naissent des fleurs aux parfums complexes et doux, des fleurs à longues tiges qu'il place dans un vase rouge, les couleurs volent et dessinent un autre espace où elle pourra s'endormir, il écrit aussi, repose toi, belle aventurière du Temps. Il ajoute, j'ai des bijoux pour les mains qui se croisent et se décroisent au bord du fleuve et sous les arbres, des fleurs pour le regard de la danseuse rouge, des musiques de Mozart pour l'abandon raisonné de la peau, il ajoute qu'en ouvrant la Courbe du Temps elle a fait naître la résurrection du baiser.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Quatrains / Fernando Pessoa / traduct. Henri Duluy / Éditions Unes
jeudi 6 août 2009
La Courbe du Temps (21)
Le regard : il transcende l'espace, et s'ouvre sur la Courbe intérieure du Temps, c'est une vibration qui monte du centre de l'être pour en iriser la peau.
Il offre son regard à la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, ici le fleuve a changé de corps, les arbres abritent d'autres vibrations marines, alors il se penche sur les eaux grises et embrasse le tumulte des marées à venir.
" Les mouettes, tant et tant,
Volent de la rivière vers la mer...
Toi, sans le vouloir tu enchantes,
Il n'est pas nécessaire de voler. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Fernando Pessoa / Quatrains / traduct. Henri Deluy / Ed. Unes
Il offre son regard à la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, ici le fleuve a changé de corps, les arbres abritent d'autres vibrations marines, alors il se penche sur les eaux grises et embrasse le tumulte des marées à venir.
" Les mouettes, tant et tant,
Volent de la rivière vers la mer...
Toi, sans le vouloir tu enchantes,
Il n'est pas nécessaire de voler. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Fernando Pessoa / Quatrains / traduct. Henri Deluy / Ed. Unes
mercredi 5 août 2009
La Courbe du Temps (20)
Point d'images, seuls les mots, leur combinaison amoureuse me comble, seuls les mots que du bout des lèvres on dépose sur une épaule nue et brune, c'est ce qu'il écrit. Il ajoute, les mots poissons d'argent, vibrations secrètes des fosses marines, accords parfaits, que l'on ne peut entendre qu'en les jouant, mais aussi, l'art de faire se croiser et de décroiser les fils d'or, comme se croisaient et se décroisaient les mains de la danseuse rouge des bords du fleuve et sous les arbres, et il poursuit, ainsi dans les nuances d'or et d'argent, je tisse en silence un tapis d'où s'élèvent la joie et le plaisir, érotisme des fleurs et des vagues, ici les fleurs déposent sur mes épaules des baisers marins.
Les mots, il les trace à l'encre bleue sur son écritoire, roche plate qui sert de repos aux oiseaux du large.
Intense moment passé en compagnie de belles personnes, Pessoa est des nôtres, odes maritimes qui font se lever les vagues.
à suivre
Philippe Chauché
Les mots, il les trace à l'encre bleue sur son écritoire, roche plate qui sert de repos aux oiseaux du large.
Intense moment passé en compagnie de belles personnes, Pessoa est des nôtres, odes maritimes qui font se lever les vagues.
à suivre
Philippe Chauché
mardi 4 août 2009
La Courbe du Temps (19)
C'est étrange les façons dont les corps s'illuminent sous les éclats du soleil, c'est ce qu'il écrit. Ici, pense-t-il, dans l'absence visible des Martinets et de la danseuse rouge, je plonge dans l'état atlantique. Une voile blanche s'approche à bonne distance de la plage, je pourrai la rejoindre en quelques minutes de nage appliquée, mais je renonce et préfère la regarder à bonne distance, à mi distance entre le sable et le large.
Ici tout est silence, le calme du large nous envahit, pas d'oiseaux, il conviendra d'attendre que la lune se lève, que le soleil se laisse entraîner dans les profondeurs de la mer bleue. Point d'apparitions, mais un état d'absolue disponibilité, les Néréides m'observent :
" Je me suis toujours promis d'aller un jour à l'aube sur le rivage d'une île grecque et d'y énumérer le noms des Filles de la mer...
O vous, mes Néréides,
Actae la Riveraine
Agavé l'Admirable
Amathée la Sauvage
Amphinomé l'Omnipotente
Aphitée l'Agitée
Apseudès l'Avisée
Callianassa la Souveraine ..." (1)
A mon tour, je laisse dans le sable leur noms,
S. la danseuse des bords du Rhône
A. d'un geste elle transforme le papier en musiques
C. déesse de l'Instant
J; son prénom devrait à lui seul faire fuir les démons
et puis je signe dit-il, pour que chacun comprenne ce qui ce joue là !
Sapho : l'être et le Temps
Aurore : le soleil nous délivre et la lune nous convoite
Catherine : seule contre les censeurs elle cache son amant dans ses livres
Juliette : toute la mémoire du Temps
et puis, non, les retourner, en changer, rien de dit vrai, tout dit la lumière, autres noms, autres prénoms, autres temps, autres plaisirs, à vous de voir, écrit-il,
et puis, il pense, l'éclat rouge de la danseuse des bords du fleuve et sous les arbres m'apparaît, il se dit aussi, la jouissance des femmes est ouverte sur le Temps, et ceux qui la craignent, craignent la résurrection permanente, frissonnent à l'idée de rencontrer la Courbe du Temps, c'est un océan dont les vagues rendent l'âme joyeuse, les hommes, ajoute-t-il, qui ne s'en rendent pas compte ne se doutent pas que le diable les gouverne, et ceux qui y sont attentifs, deviennent ainsi plus sages et plus libres, plus doux aussi, précise-t-il, et il se dit également que le bonheur naît de l'écoute de la jouissance des femmes et de leur silence.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Jacques Lacarrière / Dictionnaire amoureux de la Grèce / Plon
Ici tout est silence, le calme du large nous envahit, pas d'oiseaux, il conviendra d'attendre que la lune se lève, que le soleil se laisse entraîner dans les profondeurs de la mer bleue. Point d'apparitions, mais un état d'absolue disponibilité, les Néréides m'observent :
" Je me suis toujours promis d'aller un jour à l'aube sur le rivage d'une île grecque et d'y énumérer le noms des Filles de la mer...
O vous, mes Néréides,
Actae la Riveraine
Agavé l'Admirable
Amathée la Sauvage
Amphinomé l'Omnipotente
Aphitée l'Agitée
Apseudès l'Avisée
Callianassa la Souveraine ..." (1)
A mon tour, je laisse dans le sable leur noms,
S. la danseuse des bords du Rhône
A. d'un geste elle transforme le papier en musiques
C. déesse de l'Instant
J; son prénom devrait à lui seul faire fuir les démons
et puis je signe dit-il, pour que chacun comprenne ce qui ce joue là !
Sapho : l'être et le Temps
Aurore : le soleil nous délivre et la lune nous convoite
Catherine : seule contre les censeurs elle cache son amant dans ses livres
Juliette : toute la mémoire du Temps
et puis, non, les retourner, en changer, rien de dit vrai, tout dit la lumière, autres noms, autres prénoms, autres temps, autres plaisirs, à vous de voir, écrit-il,
et puis, il pense, l'éclat rouge de la danseuse des bords du fleuve et sous les arbres m'apparaît, il se dit aussi, la jouissance des femmes est ouverte sur le Temps, et ceux qui la craignent, craignent la résurrection permanente, frissonnent à l'idée de rencontrer la Courbe du Temps, c'est un océan dont les vagues rendent l'âme joyeuse, les hommes, ajoute-t-il, qui ne s'en rendent pas compte ne se doutent pas que le diable les gouverne, et ceux qui y sont attentifs, deviennent ainsi plus sages et plus libres, plus doux aussi, précise-t-il, et il se dit également que le bonheur naît de l'écoute de la jouissance des femmes et de leur silence.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Jacques Lacarrière / Dictionnaire amoureux de la Grèce / Plon
lundi 3 août 2009
La Courbe du Temps (18)
Il se disait : Être c'est Écrire et Écrire c'est s'accorder à la Courbe du Temps.
Il pensait : J'écris dans l'absolue vibration du renversement de l'éternité.
Il écrivait : Le bonheur de voir Miryam-Marie-Maria danser sur le bord du fleuve et sous les arbres transmute ma peau.
Il lui disait : Voilà, regardez comment naissent les miracles, comment fleurissent les narcisses, comment vous transformez radicalement mon regard et mes phrases.
Il écrivait aussi : Point de trouble, aucune raison de douter, les flammes ne me consumeront pas.
Soirée, la lumière décline, le jour s'imagine finir, ce n'est qu'une illusion pensait-il, un autre jour encore plus lumineux naît de la chaleur de la pierre, il plongeait à nouveau dans son cadran solaire admiré, " les heures d'aimer ", permanentes pensait-il, ces heures qui ne fuient pas, comme on veut nous le faire croire, les heures retrouvées font briller ma peau, éclairent chacune de mes pensées, illuminent le mouvement de ma main qui accompagne le croisement et le décroisement des mains de la danseuse rouge, éblouissement des gestes envolés de Miryam-Marie-Maria, éblouissement de l'invisible aussi, pensait-il.
" Dans la brise du soir
les roses blanches
bouges toutes " (1)
" Quand les pivoines fleurissent
il semble qu'il n'est plus
d'autres fleurs autour d'elles " (2)
" Calme -
une feuille de châtaigner
glisse dans l'eau claire " (3)
" La précoce violette, je l'ai grondée :
" Dis-moi, tendre voleuse, ton doux parfum
Ne vient-il pas des lèvres de mon amour ?
Et la couleur de tes joues, ton orgueil,
Du sang de ses artères ? " J'ai condamné le lys
Qui te vole une main, et de la marjolaine
Les touffes, tes cheveux. Apeurées, les roses
Se cuirassaient de leurs épines : l'une
Rougissante de honte, une autre blanche
De désespoir. Et ni rouge ni blanche, une troisième
Avait volé ces deux voleuses, et au larcin
Ajoutait celui de ton souffle ; mais te vengeait
Un ver qui en rongeait l'orgueil, à en mourir.
J'ai remarqué d'autres fleurs. Mais aucune
Qui ne t'eût pris son parfum, sa couleur. " (4)
Il écrit : je vais traverser un espace où vibre les Langues, entendre ces envolées du verbe, flirter avec les déplacements de voyelles, je vais aussi plonger mes mains dans le sable, me couvrir d'écume et les poissons d'or me donneront des nouvelles des fées et des déesses, courir dans les vagues, embrasser les algues, et m'endormir sous les frondaisons de la Lune.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Shiki / Haïkus / Anthologie / traduct. Roger Munier / Fayard
(2) Kiichi / d°
(3) Shôhaku / d°
(4) Shakespeare / Les Sonnets / traduct. Yves Bonnefoy / Poésie / Gallimard
dimanche 2 août 2009
Journal d'Eté (3)
J'ai assisté dans la ville des Martinets et des Fées, au retournement des mots, à leur élévation dans le rouge de la nuit, c'est ce qu'il écrit dans son Journal d'Eté.
Le monde appartient à ceux qui sourient avec leurs mains, note-t-il plus loin, à ceux qui flirtent avec le bonheur, dans une Révélation permanente, à ceux qui savent embrasser l'Instant, sans que le Diable n'ait la moindre prise sur eux.
Le monde appartient à ceux qui savent consacrer leurs nuits aux dérives des corps et du verbe.
Au début, écrit-il aussi, au début, étaient les corps d'où sont nés les mots, au début était l'aventure du regard, de la peau, du verbe, de la transmutation du silence, au début était ce tout, et cela continue, il suffit pense-t-il, de savoir regarder, être dans la concordance de l'écoute, et dans celle de l'attente - quel merveilleux mot - dans l'évidence de la jouissance, mais qui peut ajoute-t-il, le vivre et l'écrire.
Le monde appartient à la musique des déesses, au savoir des alchimistes qui savent joindre leurs mains à celles d'élues libres et vibrantes, le monde appartient aux livres vivants, aux tableaux qui la nuit s'enlacent, aux envols des oiseaux de la ville Éternelle, aux projecteurs du Temps qui frisent l'Espace et rendent à la vie son mouvement soyeux.
Il note aussi sur son Journal d'Eté, que le renversement des mots désormais lui appartient, comme les corps qui retrouvent sur l'Instant, leur éblouissante intensité.
" Lorsque dans le lit, contre moi, je sens une tiédeur étrangère, sans tout à fait quitter mon rêve, je me jette sur ce corps bien réel, qui va me sauver : je monte dessus littéralement comme un naufragé sur une planche ou sur un radeau, avec l'énergie du désespoir, je fais la preuve que lorsque Stella se présente à la surface de l'eau, à la surface du lit, je sais la reconnaître et la saisir, m'emparer d'elle, la tirer à moi, la sauver de la noyade, me noyer en elle. " (1)
Il a repris la lecture du petit livre au titre magnifique, dont il s'est amusé à laisser la trace à la craie la nuit sur les affiches détrempées, à reproduire de sa fine écriture bleue l'écho, au dos des lettres qu'il lui adresse d'ici, vers là-bas, le petit livre, il lui lira une nuit peut-être, comme il se souvient lui avoir lu d'autres livres tous aussi sidérants.
" Assis à mon bureau, je contemple la mer. Vent léger, brefs embruns. Il fait beau. Je reste là des heures, longtemps, le temps qu'il faudra. Peut-être un jour me retrouvera-t-on mort sur ma chaise devant la fenêtre ouverte ? Passé lentement de l'autre côté. En rêve.
Le temps peut s'arrêter, fléchir, s'inverser, se redistribuer, il n'y a ni avant ni après dans l'étoffe des rêves dont je suis tramé ; figure, mouettes striant le ciel bleu, ça s'est arrêté.
Allons vite. La Bible est étrangère au temps linéaire, aristotélicien, s'écoulant d'un point à un autre. Elle le scrute mais il ne la constitue pas. Il est toujours possible de la lire comme une oeuvre historique en commençant " au commencement " pour finir par le Livre des Chroniques. Cela se résume à parcourir le clavier de cet immense instrument de musique dans l'ordre, note après note. On pourra y trouver quelque charme mélodique, du pittoresque, certes. On sera loin du contrepoint. La conception fondamentalement littéraire du temps biblique est proprement interne au flot de versets qui constitue cet immense texte car, clavier, il est également partition. Aussi, savoir lire sa musique peut-être de quelque secours.
Souvent, le texte biblique nous irradie d'un vif éclat temporel dont Isaïe livre le plus saisissant exemple : " J'annonce dès le commencement la fin, d'avance, ce qui n'est pas encore accompli, je dis : " Mon projet se réalisera, j'accomplirai ce qui me plaît " (Is. 46, 10). La temporalité se déploie de manière multiple et singulière car le " J'annonce dès le commencement la fin " s'entend immédiatement dans son tissu hébraïque :
" J'annonce dès le commencement la suite ",
et " J'annonce à partir du commencement la fin ",
et " J'annonce à partir du (mot) " commencement " (Gn. 1, 1) la fin/suite ",
et " J'annonce à partir du commencement de la fin/suite ",
et " Annonce (venant) du (mot) " commencement " : la fin/suite ",
et " Messager (venant) du commencement : la fin/suite ", etc.
Une prédiction devenue folle. Aussi, puisque rien n'est littéralement insignifiant dans la Bible - pas un mot, pas une lettre -, un examen attentif du texte montre que ce genre de frénésie temporelle apparaît toujours afin de contre-carrer une poussée de fièvre idolâtre ainsi qu'en témoigne une lecture complète du chapitre 46 d'Isaïe.
Le problème de l'idolâtrie est temporel, le temps linéaire la fonde. Elle cherche ainsi à glacer le temps, le raidir jusqu'à son rendement le plus fil puisque du religieux elle ne conserve que le pire : le religieux en soi. " (2)
Il lui dira qu'il s'agit là, d'une autre lecture du Texte, de sa confrontation à ses origines troublantes, par un travail de derviche écrivain. C'est ce qu'il note sur le petit carnet noir qu'il glisse dans la poche arrière droite de son pantalon de coton. Ce Journal d'Eté, ajoute-t-il n'a pas d'autre raison d'être que celle de saisir dans ses strates sa limeuse effervescence.
Sur la terrasse de son café de la place Pie, la chaleur s'annonce - foule amusée de jeunes gens, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, le Temps offre la jeunesse à ceux qui l'enlacent, il suffit de le savoir, pour profiter de cette floraison douce - il boit une boisson citronnée et glacée, et ouvre Le Monde, à la une, photo, lunettes noires, cheveux et barbe blanche, immense saxophone d'orfèvrerie, belle chemise de soie rouge, sur fond bleu, c'est Sonny Rollins, écho de ce qui s'est joué dans le Gers, pas de regrets, il faut les laisser aux émules du Diable et du vieillissement permanent, mais bonheur se dit-il, d'une plongée en quelque belles lignes dans ce qui s'est écrit à Marciac. Chapeau FM.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Alain Fleischer / Immersion / L'Infini / Gallimard
(2) Sandrick Le Maguer / Portrait d'Israël en jeune fille / Genèse de Marie / L'Infini / Gallimard
samedi 1 août 2009
La Courbe du Temps (17)
Elle est accoudée au mur de pierre qui domine le fleuve et s'adosse à la clairière, elle porte une longue robe rouge qui tranche avec le bleu du ciel, les éclats de vert des arbres, et le gris lavé du fleuve, il la regarde à la bonne distance, sans bouger, ébloui par le silence qui s'élève de ses mains vers la fleur qu'elle a glissée dans ses cheveux.
Il ouvre le livre, celui d'aujourd'hui, à chaque jour son livre, c'est ce qu'il s'est dit en se levant ce matin, dans le bonheur troublant de son absence, à chaque heure sa phrase, et ainsi de suite :
" J'aimais rentrer chez moi. J'en faisais durer le plaisir. Je m'arrêtais au coin de la rue de Rennes et de la rue Notre-Dame-des-Champs pour boire une bière. Pléiade d'hommes fatigués amarrés au comptoir. Je reconnaissais le rire d'un habitué : un architecte qui ne trouvait que trop vrai le vieil adage l'alcool tue mais lentement , sans pouvoir se décider à accélérer le mouvement. Ce même homme, que j'ai vu presque chaque soir pendant une année, m'avait dit une fois : " Toi, tu as des yeux d'espionne. " Avait-il compris que je l'avais deviné ? Il s'est finalement jeté du dixième étage d'un immeuble dont il avait dessiné le plan. C'est lui aussi qui avait raconté cette belle histoire : un gratte-ciel dont les vitres avaient été taillées un brin trop juste, de sorte qu'elles tenaient mal dans leur cadre. Si bien qu'un jour de grand vent elles s'étaient toutes envolées des fenêtres. J'imaginais la panique des gens pris dans ce cataclysme de verre brisé, leur terreur de périr victimes d'une folie de choses. Le rire du narrateur montait crescendo. S'il lui restait des forces pour poursuivre, il commentait : les vitres s'étaient laissées tomber, découragées à l'avance par tous ces visages qu'il leur faudrait contempler sans broncher. Et il nous fixait avec insistance, comme l'acteur le fait, sur scène, dans les passages du texte où l'auteur s'adresse directement au public. Je commandais une autre bière. Le rire montait très haut, trop longtemps. Il portait le rieur au bord du spasme et propageait dans l'assistance des ondes sinistres. Peut-être pour y échapper, un homme se tournait vers moi : " Vous êtes libre ce soir - Oui, mais permettez-moi de le rester. "
Il faut cette précision, car, si je dis seulement : " Oui, je suis libre ", l'interlocuteur traduit en son langage, qui n'est sans doute pas littéralement celui-ci : " D'accord, prenez-moi, occupez-moi, distrayez-moi. Débarrassez-moi de ma disponibilité, de mon apesanteur. Qu'avant même que mes lèvres aient touché la fraîche écume de ce verre de bière, je me sois dépossédée de moi-même et remise pour le moins jusqu'à demain entre vos mains. " L'homme qui demande à une femme : " Etes-vous libre ? " ( Ou " Etes-vous seule ? ", considéré comme synonyme - et, d'après la fréquence de la question, il semblerait que tout le monde n'ait pas, pour en juger, le coup d'oeil de Michelet ! ) est dans la même disposition que celui qui, au cinéma ou au restaurant, dans le train, s'informe : " Cette place est-elle libre ? " Oui. Alors, il l'occupe. Il n'y a aucune raison qu'elle reste libre. C'est un vide inutile... " (1)
Il a relu le livre ces derniers jours, pensant qu'il n'était pas finalement étranger à ce qu'il savait de la danseuse rouge, non " éprise de liberté ", mais libre sur l'Instant, libre de ses croisements et décroisements de mains sur les bords du fleuve et sous les arbres, Miryam-Marie-Maria, libre du baiser qu'elle lui offre dans la nuit abondante, libre des mots qu'elle glisse dans son sourire, libre de sa joie et de sa jouissance, c'est ce qu'il a aussi pensé dans la nuit. Alors, le livre est apparu comme lui étant destiné, d'autres, il n'en doutait pas méritaient de la rencontrer, de rencontrer la danseuse rouge de la ville des martinets disparus.
Il est resté longtemps à fixer Miryam-Marie-Maria dans le silence de la nuit, puis il s'est levé et a repris le chemin des chapelles et des vierges perchées, le regard posé sur son visage imprimé sur sa peau.
Le beau pensa-t-il, le beau de l'Instant, la joie aussi, la joie du Mouvement invisible, de la Courbe du Temps et sa révélation, l'accompagnaient.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Chantal Thomas / Comment supporter sa liberté / Rivages poche / Petite Bibliothèque
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