jeudi 30 septembre 2010
Vue Imprenable sur le Temps (5)
" Chaque temps grammatical est porteur d'un espace qui lui appartient en propre. Au point qu'on peut parler peut-être tout autant d'espaces que de temps grammaticaux. " (1)
Le temps de la musique, sa façon de lire le Talmud.
Le temps de l'amour, à conjuguer à l'imparfait du subjonctif.
Le temps de la jouissance, un escabeau pour les nains.
Le temps de la langue, Chateaubriand et Montaigne.
Le temps de l'oubli, une mèche lente.
Le temps du bonheur, un suicide qui s'ignore.
Le temps du malheur, un bonheur mal habillé.
Le temps de la poésie, une façon de sourire.
Le temps de la haine, de tous les temps.
Le temps de la beauté, Watteau.
Le temps du sommeil, un rêve éveillé.
Le temps de la vérité, une condamnation à mort.
Le temps de l'écriture, une bombe à retardement.
à suivre
Philippe Chauché
(1)Le rêve passe / 877 / Emmanuel Moses / L'Infini / Gallimard
mardi 28 septembre 2010
Comédies (4)
« L’histoire se répète, mais pas aussi souvent que les vieux films. »
Ramon Gomez de la Serna
à suivre
Philippe Chauché
lundi 27 septembre 2010
Comédies (2)
Il n'attendait rien des instants présents, rien non plus des instants passés et encore moins des futurs.
Il se contentait de traverser le Temps, comme il l'aurait fait de l'Italie au bras d'une femme amusée et amusante.
Il se dit aussi que tout cela pourrait se passer dans une ville des bords d'un fleuve et sous les arbres.
à suivre
Philippe Chauché
samedi 25 septembre 2010
Comédies
Il se dit, lorsque la vie ne ressemble plus à une comédie, il faut savoir tirer le rideau.
à suivre
Philippe Chauché
jeudi 23 septembre 2010
Le Philosophe des Vagues
Il note qu'il a mis un certain temps avant de se lancer dans la vivifiante lecture de cet essai romanesque - il pense qu'un essai qui ne se laisse pas entraîner par le romanesque, comme par le regard d'une femme, le laisse de marbre, comme souvent d'ailleurs les indifférences et les insultes qu'il ne manque pas de collectionner - voulant simplement le lire d'une traite comme souvent il écoute d'une traite un disque de Miles Davis, les premiers accords éclairant les derniers, et les derniers anéantissant les éphémères premiers, il pense aussi que cet essai là, méritait comme on le devine du regard d'une femme d'être tenu le temps d'une nuit blanche ou d'une journée noire.
Le voici donc lu, et même relu, alors que le ciel de sa tour se charge de nuages gris, que les passantes négligées et les passants bruyants vont quitter sa rue pour se ruer devant l'écran vide de leurs habitudes asexuées, et qu'il va pouvoir goûter à quelques délices fleurant bon la tourbe.
Philosophie sentimentale, donc, est le nom de ce petit livre, coupant comme une épée de Tollède, brillant et lumineux comme une faena de José Tomas, nécessaire comme un baiser ou une musique légère, sec comme il imagine que fut le jésuite admirable, qu'un temps l'auteur réédita, et que les craintifs fuient comme la peste.
L'auteur, qui est un philosophe des vagues, autrement dit un penseur amusé et léger -sans quoi, c'est le plongeon ! - aime ici à prendre quelques vagues toutes aussi cassantes que celles qui parfois l'hiver déchirent les falaises de la Côte. Surfer sur Schopenhauer, Montaigne, Pessoa, Ortega y Gasset ou l'Ecclésiaste, n'est peut-être pas de tout repos, mais reste mille fois plus existant et héroïque que de barboter dans la dernière livraison du Monde Diplomatique, ou de l'ultime bavardage de bac à sable du sieur Omphray et de ses admirateurs alter mondialistes et mal habillés.
Pour suivre l'auteur, s'il permet, il ajoute, l'habit fait le penseur libre, et le négligé l'esclave.
Pessoa, Ortega y Grasset, Schopenhauer, Montaigne, l'Ecclésiaste, Chamfort, Nietzche, Proust, Freud, Rosset pour ici citer toutes ces vagues, parfois détournées pour briser ce qu'elles offraient d'éclatant, souvent oubliées, décriées, détournées, aplaties par des penseurs à la petite semaine qui ont leur rond de serviette dans les gazettes ou dans les coulisses du petit écran.
Comme tout bon surfeur, l'auteur, sait l'instant où il doit s'élancer pour descendre et faire sienne cette vague de pensée, dans la mousse il note et fait siennes ces milles goûtes assemblées qui font trembler les frileux baigneurs.
Lisons :
" Au contraire du malheur, le bonheur ne laisse pas de traces mais des souvenirs qui viennent nous seriner la complainte des regrets. " (1)
" Je n'ai jamais eu d'amour, mais simplement du goût, pour la philosophie. " (1)
"... si bien que, dans une société où les néo-esclaves cherchent à s'amuser coûte que coûte et en permanence, la barbarie l'emporte sur la civilisation, ou, si l'on préfère, la vulgarité sur le goût. " (1)
" Les néo-esclaves ne sont ni lecteurs, ni mélomanes, ni esthètes, non parce que, comme le prétend la philosophie candide, leurs patrons, qui partagent leur goûts, leur confisqueraient l'accès à la culture, mais parce que les prduits de divertissement reflètent fidèlement leur humanité. " (1)
" Mon Biarritz n'est pas la Lisbonne de Pessoa, mais de ce lieu de villégiature estivale bordé au nord par le palais de la princesse Eugénie et, au sud, par le château du capitaine Nemo, alias le baron Albert de L'Espée, j'ai fait ma capitale, et, aussi le labyrinthe balisé de mes flâneries. " (1)
" Selon Amiel, tout paysage est un état d'âme. Inversement, tout état d'âme donne à voir un paysage. " (1)
" La seule sérénité à laquelle il goûtait par intermittence lui venait du marasme de ses organes. " (1)
" Ce n'était donc pas la philosophie qui lui apprenait à mourir, mais l'approche de la mort qui lui apprenait à philosopher. " (1)
" Tout l'art du gentilhomme est de faire glisser une demoiselle ayant le sens de la conversation vers la conversation des sens. " (1)
" Seul un nouvel amour nous distraira d'une peine de coeur, seule la colère nous soulagera de la haine, seule la naissance d'un fils adoucira en nous le deuil d'un père, seule une joie interrompra notre chagrin. " (1)
Et tout est ainsi, des vagues de pensées qui ne sont jamais des pensées vagues, mais déchirées et déchirantes, avec par endroit, comme on le voit parfois lorsque l'on est d'une grande attention, un rayon vert qui surgit et vous sidère.
Il se dit, qu'il pourrait dédier ce texte à celle qui depuis longtemps ne le lit plus.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Frédéric Schiffter / Philosophie sentimentale / Flammarion
mardi 21 septembre 2010
L'Art du Roman
Il se dit, ce roman a les mêmes éclats troublants qu'une musique de Chet Baker, il se dit aussi, l'art du roman, est une manière de faire vibrer une phrase comme un corps, celui de Nora ici, mais rien ne vous interdit d'y glisser un autre prénom, un autre regard, un corps autre, comme si cette héroïne étonnante avait le poids et la force de certaines femmes un temps aimées, et à chaque instant désirées, de musiques qui vous laissent un goût brûlant de nostalgies.
Il pense, ce livre mérite d'être offert à celle qui un temps enchanta votre vie, ou qui l'enchante toujours, c'est la même chose.
Nora, écrit-il, aime deux hommes, Blériot le français et Murphy l'américain , de Londres à Paris, de Paris à Londres, ce roman heureusement français, nous en dit plus sur l'amour, la fidélité, les trahisons, la douleur, le désespoir, la folie, la joie, la jouissance, la beauté, la lâcheté, l'éclat des villes, que mille autres infantiles bavardages littéraires. Cela tient à l'histoire et au style, cela tient au souffle et à la lumière, aux éclats et à l'humour, à la manière et à la matière.
Lisons :
" Blériot a acquis ce pouvoir étranger d'être à la fois présent et absent sans entraînement ni travail particulier, uniquement en écoutant par hasard un morceau de piano pendant qu'il observait les volets de ses voisins. " (1)
" Ils se dirigent ensemble vers la porte Dorée, à la recherche d'une station, toujours la main dans la main, les jambes en perte de pesanteur, au point qu'on dirait par moments qu'ils glissent plus qu'ils ne marchent, comme Fred Astaire se promenant avec Judy Garland.
C'est à dire la rapidité, une fois effectuées les quelques réglages nécessaires, avec laquelle ils ont retrouvé le naturel de leur entende et le plaisir de se déplace côte à côte dans les rues et de s'embrasser dans les taxis. " (1)
" Je suis encore amoureux de cette fille, remarque-t-il ensuite en sortant de son immeuble, avec la même objectivité qu'il aurait dit : Tiens, il fait encore jour. " (1)
" Malgré la distance qui les sépare, on a l'impression permanente que Murphy et Blériot se déplacent de part et d'autre d'une paroi très fine, aussi transparente qu'une cloison en papier, chacun connaissant l'existence de l'autre, y pensant forcément, mais sans pouvoir lui donner un nom ou un visage, de sorte qu'ils paraissent tous les deux progresser à tâtons comme des somnambules avançant dans des couloirs parallèles. " (1)
" Quand Nora a été installé sur lui, qu'il a senti la palpitation des muscles de son ventre, il s'est légèrement redressé sur les mains pour lécher sur sa peau les petites rigoles de sueur qui descendaient de son cou et de ses épaules comme une pluie printanière.
Deux ans plus tard, il était encore assoiffé. " (1)
Il ajoute enfin, tout cela va très mal finir enfin on peut le croire pour Nora et Blériot, mais ce n'est peut-être pas certain, le roman s'ouvre et se ferme comme un corps et ses résonances vous reviennent transformées par l'acuité de votre regard.
Il pense, offrez ce roman, comme un bouquet de roses ou une fantaisie à votre aimée, et l'art du roman deviendra l'art de l'amour.
à suivre
Philippe Chauché
(1) La vie est brève et le désir sans fin / Patrick Lapeyre / P.O.L.
dimanche 19 septembre 2010
Vue Imprenable sur le Temps (4)
Henri Matisse 1869-1954
" Quand il rencontrait une connaissance, la première question qu'il posait était toujours : " Comment vont vos rêves ? ". (1)
Il a cette vue imprenable sur un corps - il pourrait d'évidence le nommer, mais il préfère passer cela sous silence, question de stratégie, de positions des pièces sur l'échiquier du Temps -, et ce corps qui semble silencieux, est en fait un corps qui écoute et qui joui, un corps puissant comme un vague qui n'en finit pas de dérouler sa mousse blanche, un corps mouvant comme un fleuve , un corps vibrant comme un olivier dans le rouge de la nuit d'été, un corps aimant sans illusion - il pourrait sur ce terrain là prouver par mille détails, qu'il sait ce qu'il écrit, mais là encore, le silence, cette arme redoutable est préféré au blabla vulgaire - un corps qui sait disparaître comme une déesse - leur fréquentation est devenu une habitude charmante -, et apparaître comme une rose - aimer un corps, c'est désirer une fleur et l'inverse -, un corps écrit, qui se lit en le retournant - il a souvent pensé que plus il savait aimer, mieux il savait lire, et peut-être écrire -, un corps libéré du mensonge social et des fourberies alter mondialistes, un corps musical - c'est le plus difficile, vous pouvez le vérifier sur le motif -, un corps écrivain - le plus malicieux -, un corps voyageur - le plus émotif -, un corps qui offre une vue imprenable sur son silence.
" Il existe une rose " Souvenir de Marcel Proust " et une rose " Claude Monet ". Une rose " Tchaïkovski " et une rose " Pierre de Ronsard ". Plusieurs portent le nom de femmes inconnues mais qui durent être très riches, très belles ou peut-être fameuses en leur temps : " Karine Sauvageot ", " Madeleine Rivoire ", " Anita Pereire ", " Louise Lévèque ". Il en est certaines qui rendent hommage à des personnages littéraires : " Salammbô ", " Peer Gynt ", ou historiques : " Cardinal de Richelieu ", " Charles de Gaulle ", d'autres à des régions : " Tuscany ", " Tricolore de Flandre ", " La Ville de Bruxelles ". On trouve aussi des roses à la gloire de qualités humaines : " Tendresse ", " Sérénité ", " Indépendance ", des roses qui célèbrent la danse : " Tango ", " Swan Lake ", " Prima Bellerina ", des roses évocatrices de tissus précieux : " Dentelle de Malines ", " Mousseline ", " Smooth Satin ", des roses royales : " La Reine Victoria ", " Königin van Dänemark ", " Princesse de Nassau ", " Yolande d'Aragon ". Il y a des roses célestes : " Firmament ", " Blanche Comète ". Il y a même un rose " Destin " - la rose du destin. " (2)
Il s'amusait à troubler son destin en lançant des pierres à sa surface.
" Une contrefaçon du Génie du Christianisme, à Avignon, m'appela au mois d'octobre 1802 dans le midi de la France. Je ne connaissais que ma pauvre Bretagne et les provinces du Nord, traversées par moi en quittant mon pays. J'allais voir le soleil de Provence, ce ciel qui devait me donner un avant-goût de l'Italie et de la Grèce, vers lesquelles mon instinct et la muse me poussaient. J'étais dans une disposition heureuse ; ma réputation me rendait la vie légère : il y a beaucoup de songes dans premier enivrement de la renommée, et les yeux se remplissent d'abord avec délices de la lumière qui se lève ; mais que cette lumière s'éteigne, elle vous laisse dans l'obscurité ; si elle dure, l'habitude de la voir vous y rend bientôt insensible. " (3)
Toute autre pensée lui semblait morbide.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le rêve passe / 983 / Emmanuel Moses / L'Infini / Gallimard
(2) Le Rêve passe / 997 / Emmanuel Moses / L'Infini / Gallimard
(3) Mémoires d'outre-tombe / Livre XIV / Voyage dans le Midi de la France ( 1802 ) / François-René de Chateaubriand / Edition de Jean-Paul Clément / Quarto / Gallimard
vendredi 17 septembre 2010
Vue Imprenable sur le Temps (3)
Claude Monet 1840-1926
J'ai, note-t-il, une vue imprenable sur le temps, autrement dit sur des fleurs qui s'invitent dans ma nuit.
Point de répit, accès immédiat au motif.
Ces fleurs, c'est ce corps qui s'envole et qui disparaît.
Bonne nouvelle, pense-t-il, lorsqu'un corps disparaît, une phrase naît.
L'inverse se vérifie aussi à chaque seconde.
Il suffit simplement d'écouter, de voir, de toucher, de sentir ce qui se joue dans l'invisible, et l'invisible n'est autre que cet instant permanent où chaque mot a l'éclat d'une messe de Mozart, où chaque geste est beau comme le mouvement d'un pinceau du peintre.
J'ai, se dit-il, une vue imprenable sur le mouvement d'un corps suspendu, comme une phrase qui dans ses bras se transforme en mascaret.
Dans ses bras, écrit-il, je prends le large et me moque bien d'y laisser ma peau.
Faire de l'amour une manière d'espoir et de sa perte la vérité d'une sentence.
J'ai, écrit-il, une vue imprenable sur mes déchéances, et j'en souris.
Sa certitude, avoir manqué toutes les correspondances de sa vie.
Demain, lorsque la mousse le couvrira, il trouvera amusant qu'elle se souvienne de lui.
Son sexe, une hypothèse.
à suivre
Philippe Chauché
J'écris, ajoute-t-il, ce qui veut dire que je lis :
jeudi 16 septembre 2010
Vue Imprenable sur le Temps (2)
Harmenszoon van Rijn Rembrandt 1606-1669
Son visage s'offrait comme une grenade.
" L'accomplissement de chaque petit pas comptait pour un bond immense. " (1)
Vue imprenable sur son corps, une autre façon d'approcher le mouvement du Temps.
" Règle n°1 dans la vie, que l'on apprend souvent trop tard : ne faire que ce qui plaisir. Règle n°2 : savoir ce qu'il fait plaisir.
La plus belle épitaphe : " Il a eu du plaisir. " Il ne faut pas le dire. Donnons-nous l'air d'adorer la souffrance, déesse des niais qui font, ou plutôt croient faire les réputations. " (2)
Il a compris bien tard, qu'elle confondait la vie avec le cinéma. Elle ne se livrait à l'amour qu'à la condition extrême qu'il soit encadré du clap " moteur " et " coupez ".
Elle le détesta, car il avait une vue imprenable sur la vérité.
" ...le soir
Lire au bord du grand bassin des Tuileries.
Les soleils qui se couchent lassement au bord de la mer.
Mestre vu du canal de la Giudecca.
La baie de San Francisco depuis Alamo Square.
Traverser la place de la Concorde, en voiture.
Se changer pour sortir.
Conduire, le coude à la portière, sur une route du bord de mer.
Les plages à sept heures.
Les vols qui arrivent les derniers dans les aéroports. " (3)
Elle savait qu'elle le quitterait, car il tenait mal son rôle.
C'est la peur de la joie qui la faisait trembler.
Vue imprenable sur sa ville, pour le reste : silence.
" Quand on se met à avoir honte, l'amour est mort. " (4)
Dans les éclats du Temps, elle se révélait, ce qui n'était pas désagréable.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Le rêve passe / 531 / Emmanuel Moses / L'Infini / Gallimard
(2) Enclyclopédie capricieuse du tout et du rien / Liste punissable du plaisir / Charles Dantzig / Le Livre de Poche
(3) Enclyclopédie capricieuse du tout et du rien / Liste de choses douces / Charles Dantzig / Le Livre de Poche
(4) Enclyclopédie capricieuse du tout et du rien / liste des avantages et des désavantages de l'amour / Charles Dantzig / Le Livre de Poche
mardi 14 septembre 2010
Vue Imprenable sur le Temps.
Harmenszoon van Rijn Rembrandt 1606-1669
Il écrit, d'ici, j'ai une vue imprenable sur le Temps, et donc sur le mouvement des corps. D'ici, ajoute-t-il, j'ai une vue imprenable sur ce qui s'écrit :
" Son visage est très blanc, avec ces grains de beauté que j'ai transportés jusqu'ici dans mes phrases, et des yeux de violette ( je croyais que ça n'existait pas ). (1)
" Ne laisse pas la tristesse t'étreindre - Et d'absurdes soucis troubler tes jours, - N'abandonne pas le livre, les lèvres de l'aimée et les odorantes pelouses - Avant que la terre te prenne dans son sein. " (2)
" Ils se dirigent ensemble vers la porte Dorée, à la recherche d'une station, toujours la main dans la main, les jambes en perte de pesanteur, au point qu'on dirait par moments qu'ils glissent plus qu'ils ne marchent, comme Fred Astaire se promenant avec Judy Garland. " (3)
" On ne peut devenir que pour autant qu'on soit déjà. " (4)
D'ici, note-t-il, j'ai une vue imprenable sur le mouvement du Temps, l'horloge solaire des muscles, l'éclipse de la jouissance, il le vérifie sur le motif. Il faut simplement avoir de l'oreille, tout passe par ce sens unique, qui sait bien entendre, sait bien jouir, c'est aussi simple que ça, même si personne ne paraît s'en soucier.
Il écrit de sa tour, vue imprenable sur le mouvement du vent, le bleu du ciel en est tout retourné, ce bleu est en quelques sorte l'apnée de son visage.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Evoluer parmi les avalanches / Yannick Haenel / L'Infini / Gallimard
(2) Les Quatrains / Omar Khayyam / traduct. Charles Grolleau / Éditions Gérard Lébovici
(3) La vie est brève et le désir sans fin / Patrick Lapeyre / P.O.L.
(4) Fragments / Novalis / traduct. Maurice Maeterlinck / José Corti
lundi 13 septembre 2010
mardi 7 septembre 2010
Romans
C'est du Japon, note-t-il, que nous vient ce roman français, comme si une certaine forme d'exil volontaire lui donnait ces accords rares et lumineux, l'éloignement garant du rapprochement en quelque sorte.
Il se dit aussi, c'est là un roman politique, au sens qu'en donnait Céline lorsqu'il écrivait d'Un Chateau l'Autre, une autre histoire de fantômes, qui continue à faire trembler les émules de Bourdieu, Debray et Onfray, autrement dit, les tenants du désordre établi, qui n'est pas autre chose que le nouvel ordre dominant, politique car il se saisit de la question de l'identité française, cette tarte à la crème indigeste qui a tant agité les têtes môles et leurs contempteurs ces derniers temps.
Invitez les fantômes, et vous serez surpris, écoutez ce qu'ils ont à dire de notre temps défait et moisi et vous sortirez du piège permanent que l'on vous tend, laissez-les jouer leur petite musique joyeuse et le brouhaha dominant s'effacera.
Trois courts portraits de fantômes qui ne tombent pas de nulle part font vibrer ce roman exceptionnel, trois fantômes rejetés, bannis, diffamés, oubliés, ridiculisés par d'autres têtes môles. Trois histoires, celle d'Antoine Vollard, le marchand d'art, Jeanne Duval, la " Belle d'abandon ", et Edmond Albius, le marieur de fleurs, trois portraits de français de tous les Temps, et comme le disait un vauclusien embastillé, Français encore un effort... !
Trois fantômes, trois romans esquissés, trois aventures du Temps saisies sur le motif par un écrivain-peintre-musicien, son nom Michaël Ferrier, retenez bien ce nom.
Lisons :
" Alors, oui, là ça va, ça s'écrit comme ça doit s'écrire, sans remords ni repentir, la fusée de la phrase. Il ne faut pas avoir peur d'y entrer, dans cette immense épaisseur de temps, cette énorme archive. " (1)
" Leur problème, un certain embarras par rapport au temps, leur grande naïveté, croire que le temps passe, ils ne savent plus décrypter les messages des morts. " (1)
" Yuko, peau blanche, cheveux noirs. L'arme suprême des Japonaises, une sorte de rasoir à deux lames, de fusil à deux temps. Peau très blanche, cheveux très noirs : la blancheur de la peau vous saisit, l'ondulé de la chevelure vous enlace et son sourire vous tranche la gorge d'un fil soyeux. " (1)
" Les artistes qu'il défend ne sont pas seulement des gens qui ne sont pas reconnus ou qui se heurtent à l'incompréhension du public. Ce sont aussi des voyageurs, des gens qui viennent d'ailleurs ou qui partent très loin : le Tahitien Gauguin, le Barcelonais Picasso, Van Gogh le Hollandais volant... ou Cézanne lui-même, cet étrange japonais reclus en sa Provence. L'âge importe peu, seul le talent compte : Cézanne a cinquante-six ans, Picasso vingt ans lorsqu'il les expose. " (1)
" C'est une mémoire interdite, ou du moins qui ne transparaît jamais. Mémoire opaque qu'on ne peut évoquer sans susciter le soupçon de ces dieux que sont dans la France d'aujourd'hui le journaliste aux ordres, l'historien oublieux, le politicien cauteleux, le sociologue doucereux... le présentateur de télévision précautionneux... le philosophe sérieux... C'est la dormeuse Duval, celle dont ne parle jamais ou presque, noyée dans le sommeil de France, perdue dans la nuit du temps. Mémoire dormante, parole de nuit, eau profonde. " (1)
" Et voici qu'au centre de sa plantation, Bellier Beaumont découvre cette gousse magnifique. Plus étonnant encore, Edmond lui explique alors que c'est lui qui a fécondé la fleur... Comment ! le mystère de la vie révélé par un enfant, par un petit Noir - ceux que les journaux colonialistes de l'île traitent alors de " petits fainéants - "... Et un esclave ! Le maître refuse de le croire, évidemment. Depuis le temps que les botanistes du muséum d'histoire naturelle de Paris cherchent... "
(1)
Trois fantômes bien plus vivants que les humanoïdes qui croient aujourd'hui peupler la France. Un marchand d'art avisé et sommnolent, une femme traversée par la poésie de Baudelaire, un jeune eclave noir aux doigts de fée qui découvre la fécondation artificielle de la vanille. Peinture, poésie, fleurs, tout un roman, et quel roman !
Quant au style :
" Des gémissements s'élèvent des tombes souterraines... Et le coeur de Yuko palpite de la vie à la mort, de la mort à la vie. Ses yeux sont deux antres où scintille le mystère, et son regard illumine comme l'éclair : soudain, c'est la vie, une explosion dans les ténèbres. "
Littérature, peinture, poésie, fleurs, tout un roman !
Pour énerver encore un peu plus les grincheux, précisons que l'éditeur de ce livre à lui aussi un nom et un prénom : Philippe Sollers, autrement-dit pour beaucoup, le diable en personne.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Michaël Ferrier / Sympathie pour le fantôme / L'Infini / Gallimard / 2010
lundi 6 septembre 2010
dimanche 5 septembre 2010
Certitudes (2)
jeudi 2 septembre 2010
Presque Tout et son Contraire (8)
" Le mot " ineffable" semble avoir été ravi par un Don Juan. " (1)
Lorsqu'elle s'offrait à ses étreintes, il retenait son souffle pour ne pas qu'elle s'envole.
" Il y a des nuits où nous nous rendons compte que la lune a été guillotinée. " (1)
Son seul parti, celui de son ventre et de ses seins.
" L'ennui est un baiser donné à la mort. " (1)
Il avait l'art de transformer ses baisers en romans, pour s'en débarrasser elle l'offrit à un bouquiniste.
" Seule la cendre est capable de garder un secret. " (1)
La nuit ses yeux se transformaient en chatière.
" Les fleurs meurent en odeur de sainteté. " (1)
Ma bibiothèque : une déroute et quelques échappées belles.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Greguerias / Ramon Gomez de la Serna / traduct. Jean-François Carcelen et Georges Tyras / Cent Pages
Lorsqu'elle s'offrait à ses étreintes, il retenait son souffle pour ne pas qu'elle s'envole.
" Il y a des nuits où nous nous rendons compte que la lune a été guillotinée. " (1)
Son seul parti, celui de son ventre et de ses seins.
" L'ennui est un baiser donné à la mort. " (1)
Il avait l'art de transformer ses baisers en romans, pour s'en débarrasser elle l'offrit à un bouquiniste.
" Seule la cendre est capable de garder un secret. " (1)
La nuit ses yeux se transformaient en chatière.
" Les fleurs meurent en odeur de sainteté. " (1)
Ma bibiothèque : une déroute et quelques échappées belles.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Greguerias / Ramon Gomez de la Serna / traduct. Jean-François Carcelen et Georges Tyras / Cent Pages
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