jeudi 29 novembre 2012

L'Ennui

Felix Vallotton - Gicomo Léopardi


" On présente faussement l'ennui comme un mal commun. Il est commun d'être inactif, ou plutôt désoeuvré ; il ne l'est pas de s'ennuyer. L'ennui est l'apanage des gens d'esprit. Plus l'intelligence est vive, plus l'ennui est fréquent, douloureux, terrible. La plupart des hommes trouvent toujours à s'occuper et à se divertir, et si d'aventure ils doivent rester totalement inactifs, ils n'en ressentent que peu de gêne. De là vient que les hommes d'imagination demeurent incompris sur ce chapitre et provoquent parfois l'étonnement et les railleries du vulgaire lorsqu'ils se plaignent de l'ennui en des termes évoquant ordinairement les plus grandes misères de la vie, celles auxquelles nul ne peut se soustraire. " (1)

On vit avec son ennui comme avec un compagnon élégant et silencieux, sans résister à l'envie parfois de croiser avec lui le fer, comme un Roi sans Divertissement.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Pensées / Giacomo Léopardi / traduc. Joël Gayraud / Éditions Allia / 1996


mercredi 28 novembre 2012

Lui et les Autres


" L'intérêt, qui aveugle les uns, fait la lumière des autres. "

" La passion fait souvent un fou du plus habile homme, et rend souvent les plus sots habiles. "

" Il est plus aisé d'être sage pour les autres que l'être pour soi-même. "

" Il a des gens qui n'auraient jamais été amoureux s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour. "

" Il n'y a que ceux qui sont méprisables qui craignent d'être méprisés. "



Se saisir des Maximes comme l'on se saisit d'un miroir grossissant qui renvoie la belle image que vous vous employez quotidiennement à construire, et qui ne fait point de cadeau, s'en saisir aussi comme un art, non de résistance comme il le lit sous la plume de Louis Van Delft, mais d'une urbanité civilisée comme l'écrit plus finement Frédéric Schiffter dans le même numéro de Philosophie Magazine. La Rochefoucauld ridiculise définitivement tous les marchands de philosophie prête à cuire et prête à vivre qui s'imposent ici et là, et qui ont mille fidèles aussi charmants que des hyènes affamées.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 25 novembre 2012

Trêve






" Tout le pousse à se retirer de ce cirque ", ce sont ses mots, il ne peut rien en dire, car il aurait justement beaucoup à en dire.
Le cirque social, il le connaît sur le bout des lèvres, d'autant mieux, pense-t-il, qu'il est aujourd'hui devenu langue commune, ce qu'en d'autres temps on aurait nommé langue vulgaire, sans sources, sans histoire, sans vie et donc sans doutes, note-t-il.
Il trouve d'ailleurs pour le moins amusant que la langue - cet état d'être au monde et de s'accorder à son corps et à ses mouvements - se volatilise, grand principe de la servitude volontaire, dont les effets sont visibles jusque dans les façons d'aimer et les manières de s'en défaire, au royaume des aveugles les bavards sont rois.
Dans cet état du monde et ses aléas, surgissent parfois des écrivains - pourquoi toujours vouloir leur donner tant de place ? lui demande-t-on ! une question qui le laisse de marbre !  - qui en savent beaucoup et qui provisoirement se sauvent en mariant ce savoir à leurs humeurs,  sorte de résistance intérieure, éthique de l'être confronté au néant de pacotille dominant, alors que le seul qui mérite quelque attention est celui, définitif, qui s'annonce.
Frédéric Berthet est de ceux là, regard vif, plume souple, constat net, langue parfaite, air amusé du désespoir et du comique qu'il engendre - les grands désespérés sont des amuseurs nés, si l'inverse était vrai cela se saurait -.
Reprenant pour rien, son Journal de Trêve, - sa fidélité aux Journaux trouve à chaque jour sa faim ! - il livre ici quelques instants, saisis sur le vif, comme disent les photographes, quand il y avait des photographes.

" Délinquant assez juvénile, envoyé plutôt spécial : au fond, j'ai toujours cru que les raisons de ma  présence sur terre n'étaient qu'une enveloppe à ouvrir au dernier moment. "

" L'ascèse n'est qu'une façon de mettre un terme à la mémoire pour l'empêcher de repartir dans l'autre sens vers la nuit qui n'a jamais eu lieu. "

" Les petites annonces que je pouvais passer : échangerais intérieur contre extérieur. "

" Johana s'approcha de moi et  me prit la main. Vous ne me croyez pas ? Mais il y avait des témoins. Je pourrais lancer un appel, une photo a peut-être été prise à ce moment là, Ingrid Caven a peut-être traversé devant nous, et nous étions dans le champ ? "

" Il eut le sentiment que tout était habitable, sauf peut-être ce sentiment lui-même. "

" - Je me demande... Je me demande, reprit-elle, pourquoi tu n'es pas sincère.
Il freina, et s'arrêta au feu rouge, avec l'irrésistible envie de sortir de la voiture et de la planter là.
- Pas sincère ?
- Pas sincère, bien sûr... Tu dis la vérité, mais tu n'es pas sincère.
- Enfin...
C'est à cause de la littérature, et surtout des livres que je n'ai pas écrits. Mes personnages se pressent dans ma voix.
- C'est peut-être parce que je  veux écrire, un jour.
- Voyons, Jérémie, on peut très bien écrire et ne pas se jouer un cinéma pareil. Et puis je ne m'intéresse pas à la littérature. "

" Je sais bien qu'en général on est " dépassé par les évènements " : moi, j'ai plutôt été dépassé par l'absence d'évènements. "





à suivre

Philippe Chauché

vendredi 23 novembre 2012

The Conductor


http://youtu.be/KJLXbR_AB6Q

   
Entrer en musique suppose note-t-il, un certain talent, une retenue, presque un effacement, tout le contraire de ce qui domine les habitudes des humanoïdes en ces temps. Entrer en musique est tout un art, réservé aux hommes de qualité, à ceux qui savent qu'à chaque note tenue, qu'à chaque glissement de cordes, à chaque vibration des bois, à chaque éclat des cuivres, c'est bien du mouvement du Temps qu'il s'agit, de son insensé saisissement, et de la délivrance de sa terrible joie secrète.

Carlos Kleiber est pour ainsi dire entré en musique comme on entre en résistance, portant en lui celle d'Erich, son père, une résistance aux têtes môles et aux bras armés de vulgarité et de terreur.

" Erich Kleiber ne transigea jamais avec qui que se soit. Il adorait Berg. Il mettait la musique de Berg au niveau de celle de Brahms et de Beethoven, un sacrilège pour le grand public. A Berlin, il donnait le Wozzecch, que les nazis avaient traité de musique décadente et dégénée et retiré du répertoire officiel allemand, il le jouait sans faire attention aux mises en gardes des plus hautes autorités du Reich. Dans les courriers frappés du sceau du ministère de la propagande, il lisait : " Sans aucune contestation possible, les opéras de monsieur Berg font honte au génie allemand. Ils sont le produit de son esprit affaibli et décadent. En conséquence de quoi, nous demandons au directeur de l'opéra national de Berlin de les retirer sans délai de sa programmation. " Erich Kleiber recevait ces courriers, il les froissait rageusement dans son poing et il les jetait dans sa corbeille. Il continua de répéter et de jouer Berg. En novembre 1934, il donna des premiers extraits de Lulu : protestations dans la salle, sifflets. Un officier de la SS vint le trouver dans sa loge après la représentation : " Monsieur Kleiber, vous souillez la scène nationale. Vous ne vous en tirerez pas comme ça. " Des plaines anonymes furent déposées au bureau de la propagande. On fit pression sur lui. Au début de 1935, plutôt que de retirer Berg de son répertoire, il choisit de démissionner et s'exila en Argentine. Son fils partit avec lui, il portait encore le prénom de Karl. "

On entre souvent en musique par les musiciens, l'expérience est toujours consolatrice. On y entre par une confidence, une attitude, une manière de vivre sa liberté libre, un embrasement, une répétition - la vie n'est-elle pas une perpétuelle répétition ? - une écoute profonde et lumineuse de la matière, de ce quelle dit et cache. 

" Entrez en musique ! ", semble dire à ses musiciens Carlos Kleiber dans les images que l'on conserve de lui, entrez, et mon regard - le  regard de Kleiber est une partition - vous accompagne, entrez, et mon bras vous conduit, - les bras de Kleiber ne battent pas seulement le temps, ils sont le Temps ! -  comme de son bras on conduit le mouvement d'un corps aimé.





" Son bras gauche dessinait des arabesques et des ondulations tandis que son bras droit martelait la mesure avec la rigidité de Kleiber, Erich, son père. Le bras droit ordonnait : Suivez le tempo ! Respectez la mesure ! Tandis que le bras gauche susurrait : Plus de lenteur, plus de souplesse,  plus de tendresse, plus de légèreté ! "

" Il disait : " Il faut tâtonner. Tout peut arriver si vous tâtonnez. Mais il faut tâtonner. Avancer en pleine obscurité, n'est-ce pas ? En pleine obscurité. "





à suivre

Philippe Chauché

jeudi 22 novembre 2012

Mauvaise Réputation




" Le genre humain, comme toute fraction, si réduite soit-elle, de celui-ci, se subdivise en deux catégories  : ceux qui s'imposent par la violence et ceux qui doivent la subir. Ni loi, ni contrainte, ni progrès philosophique ou politique ne pouvant empêcher que tout homme fasse partie de l'une ou de l'autre, il reste que celui qui peut choisir, choisit. Il est vrai que tous ne le peuvent pas, ou qu'ils ne le peuvent pas toujours. " (1)

 " Tu reconnaîtras la loyauté chez autrui en ce que, te fréquentant, il ne te laissera pas espérer de bons services, ni surtout en craindre de mauvais. " (1)

Voyant et entendant ici ou là, quelques faiseurs d'humanité printanière, penseurs du bonheur social et autres philosophes de la vérité, il se dit que leur humour caché devrait être publiquement célébré, ainsi ces amis de l'homme qui ne manquent pour rien au monde la publique condamnation à mort de leur despote, dans l'espoir qu'un jour ils le remplaceraient.

à suivre

(1) Giacomo Léopardi / Pensées / traduc. Joël Gayraud / Éditions Allia / 1996

lundi 19 novembre 2012

Mes Espagnes




Il se souvient, il se souvient de l'avoir souvent croisé sur le parvis des arènes Marcel Dangou, en ces instants sacrés et lumineux du mois d'août où quelques femmes croisent leur coeur à la manière des toreros qui savent ce que cela veut dire, avancer la main, et offrir la jambe à la corne contraire. Une éthique et une esthétique, une manière d'être, de vivre et d'écrire en quelque sorte. Il se souvient du mouvement de l'ange, comme celui qui dans le cercle de feu temple le mouvement du Temps et ses résonances.
Il se souvient d'une étrange présence, d'une élégance profonde, d'un art d'être là, où elle doit être, comme un torero. Il se souvient de son sourire, de sa légèreté naturelle, comme la passe du même nom qui dit toujours la vérité du toreo.
La lisant comme on lit un paysage, il voit comme jamais ses Espagnes, ses saisissements, ses écrivains, ses joies, ses peines, ses traversées invisibles et vibrantes, ses embrasements et ses baisers volés.
S'il devait ici dire tout ce qu'il lui doit, il lasserait vite ses lecteurs, mais un nom lui vient à la plume comme un éclair : José Bergamín, l'écrivain solitaire de l'art de Birlibirloque :

" Le spectacle d'une course de taureaux ne vaut pas seulement par l'impression sensible que nous en recevons, si forte soit-elle. Plus cette impression sera uniquement sensible, moins elle sera intelligible, et plus il nous sera difficile, pour ne pas dire impossible, de lui attribuer une valeur morale ou esthétique. Pour savoir ce que vaut moralement ou esthétiquement le toreo, il faut avant tout le comprendre. Et comment le pourrions-nous s'il répugne à notre sensibilité, si celle-ci s'oppose obscurément à lui ? Ceux qui, sous prétexte d'une exquise sensibilité, se refusent à comprendre cet art pourront se vanter de tout ce qu'ils se voudront, de tout absolument, sauf d'intelligence. Ils pourront se targuer d'une sensibilité instinctive, primitive, rudimentaire, toute de réflexes comme celle de l'animal, sans que ces réflexes psychopathiques révèlent pour autant une sensibilité délicate. " (1)

" Magiques ai-je fait les arts, en volant ", nous confie Lope de Vega dans un vers merveilleux. Arts magiques du vol : le chant, la danse, les courses de taureaux espagnoles, comme la part d'improvisation sur la guitare qui accompagne le chant profond, tels sont les arts magiques qui s'envolent sans laisser de trace ni de trait signalant une route pour qu'elle se répète : arts purement analphabètes. Voilà pourquoi c'est tout particulièrement en Espagne qu'il y eut et qu'il y a encore le flamenco, danse gitane qui est morisque ou simplement andalouse ; le chant profond, tout aussi impossible à transcrire musicalement que l'accord arpégé de le guitare qui l'inspire ou le freine ; les courses de taureaux, où la vive improvisation du toreo, signalée par des traits de raison fort précis, transcende et dépasse à chaque instant de son être - qui est de paraître vain - la définition ou figuration rationnelle qui apparemment le fonde : sa propre évidence ou révélation lumineuse encore rehaussée, cruellement, par l'obscure présence invisible de la mort, impétueuse comme le taureau, qui la rend possible, la soutient et paradoxalement l'affirme sous le masque de sa négation. La danse et le chant andalous semblent s'unir dans la figure lumineuse et obscure du torero et du taureau ; de la raison et de la passion ; de la vérité et de la vie ; pour, en définitive, jouer le tout à pile ou face, le tout pour le tout. " (2)



La lisant, il saisit à quel point ses Espagnes rejoignent étrangement celles de l'écrivain, Lope de Vega, Lorca, Bergamin, Cervantès, Miguel Hernández, Rafael Alberti, mais aussi Zurbaran, Ramón Gómez de la Serna, Baltasar Gracián y Morales, ou encore Séville, Madrid, la concha de Saint Sébastien, la lumière de l'Adour à Bayonne, les billets d'entrée aux arènes que l'on glisse entre coeur et raison, les dérives et les courbes, Curro Romero, Manzanares, Joselito, José Tomás, les turpitudes diaboliques de Franco, les droites et le cercle, l'éclat du Vendredi Saint et le galop d'un taureau blanc à la Monumental, tout un roman :

" Il quitta Madrid sans avoir vu, revu, veillé le corps exposé dans une chapelle. Cette veillée qu'on appelle en Espagne " Corps présent ", il la fera loin de toute église dans le troisième chant, composé en vieil alexandrin plus long que le nôtre - le plus long  vers de la prosodie espagnole. " (3)
" Deux types de ¡Olé! accompagnent les passes d'un torero inspiré. Le public ou le peuple distingue instinctivement la suite élégante, légère, joyeuse, de la suite lente et grave. " (3)
" Je l'ai vu pour la dernière fois à Saint Sébastien en 1983, l'été de sa mort. Je lui apportais l'exemplaire justificatif d'un roman qu'il avait inspiré et qu'il ne lirait pas. Trop tard, il ne pouvait plus lire, et je n'ai pas sorti le livre de mon sac. La paralysie gagnait. Il souffrait de cette " mort paresseuse et lente " qu'il avait par deux fois décrite, à propos de son ami, le torero Ignacio Sánchez Mejías, et de son ennemi, le général Franco. " (3)
" Chaque fois que je retourne à Madrid, pas assez souvent à mon gré, je vais revoir au Musée de l'Académie des Beaux Arts de San Fernando, cette merveilleuse Vanité d'Antonio de Pereda. Elle me conforte dans l'idée que la vie est un songe et le monde un théâtre. " (3)
à suivre

Philippe Chauché

(1) L'art de Birlibirloque / José Bergamín / traduc. Marie-Amélie Sarrailh / Le temps qu'il fait / 1982
(2) La solitude sonore du torero / José Bergamín / traduc. Florence Delay / Seuil / 1989
(3) Mon Espagne Or et Cie / Florence Delay / Hermann Littérature / 2008

samedi 17 novembre 2012

Les Ecrivains du Temps


Qui ne s'occupe, pense-t-il, de ce qu'il voit, ce qui l'entoure, amoureuse, ciel, arbres, rivières, collines et montage, mer, rues et façades - l'ordre des choses en quelque sorte -, de qui rend tout cela sa nature particulière, le mouvement de la terre, les éclats de lune, la brillance du soleil, les gris de la pluie, un sourire offert et une peau dévoilée par l'art de la mise en scène,  qui ne s'en irrigue, a peu de chance de saisir le mouvement du Temps, et donc des idées. Qui voit net, pense clair.
Il ouvre, comme il le fait souvent, le Cantique des Cantiques, dans la traduction de Pierre Thomas du Fossé en 1689 :
" Vos lèvres, ô mon épouse, sont comme un rayon qui distille le miel ; le miel et le lait sont sous votre langue, et l'odeur de vos vêtements est comme l'odeur de l'encens...
Vos plants forment comme un jardin de délices rempli de pommes de grenades et de toutes sortes de fruits de Cypre et de nard ;
Le nard et le safran, la canne aromatique e le cinnamome, avec tous les arbres du Liban, s'y trouvent aussi bien que la myrrhe et l'aloès, et tous les parfums les plus excellents... " on ne saurait mieux dire. 
Nietzsche arrive à Nice pour la première fois à la fin de l'année 1883, il y reviendra cinq fois, il regarde la ville et la mer, marche, lit beaucoup, écoute de la musique en concert - Bizet -, lit souvent, écrit en permanence. Marcher, écouter, voir, lire et écrire, que faire de mieux avant de disparaître avec le siècle ?
Nietzsche n'appartient qu'à lui-même et à ses pensées qu'il note de sa fine écriture, comme le vent venant du large donne parfois à la ville des airs de blanche goélette :
" Deux cent vingt jours parfaitement sereins dans l'année ont fini par me décider : cette magnifique plénitude de lumière a sur moi, mortel très supplicié ( et souvent si désireux de mourir ), une action quasi miraculeuse. J'aurai ici pendant les six mois d'hiver presque autant de jours ensoleillés qu'à Gênes durant l'année entière. " (1)
mais aussi :
" Il m'a été fort précieux d'expérimenter presque simultanément l'air de Liepzig, de Munich, de Florence, de Gênes et de Nice. Vous ne sauriez croire combien Nice a triomphé dans ce concours. " (1)


Nietzsche sait qu'il séjourne dans une ville frontière, l'Italie - sa chère Italie - la France - Voltaire et ses passions françaises - la terre et la mer, on ne marche pas sur cet espace mouvant, sauf si l'on est un dieu, et encore :
" Dans ce limes maritime, l'air est encore plus pur, d'une limpidité  saline, qu'au coeur de la ville, dégagé souvent alors même que les nuages pèsent plus a nord. " Je jette un coup d'oeil à ma gauche : mer bleue, plus haut  une chaîne de montagnes et, tout près, de puissants eucalyptus. Ciel lumineux (...). C'est Cosmopolis, s'il en fut jamais en Europe. " Et pareille limpidité appelle naturellement la lumière du mythe, dans laquelle elle prend source et qu'elle diffracte, qu'elle exalte : " Et quand je vous aurai dit comment s'appelle la place sur laquelle donne ma fenêtre ( des arbres magnifiques, au loin de grands bâtiments rougeâtres, la mer et le galbe harmonieux de la baie des Anges ), à savoir le " square des Phocéens ", peut-être rirez-vous comme moi du cosmopolitisme formidable de cette association de mots - les Phocéens se sont réellement installés ici à une certaine époque - mais il y vibre quelque chose de triomphant et de supra-européen, quelque chose d'extrêmement réconfortant qui me dit : " Ici tu es à ta place ". "


Au tout début de ce siècle dont lui aussi ne verra pas la fin, un autre poète - qui douterait de cela ? - choisit de s'installer quelques temps de l'autre côté, à deux pas de l'océan - celui de Lautréamont ? - les yeux posés sur la belle Garonne :
" Le vent du nord-est se lève,
De tous les vents mon préféré
Parce qu'il promet aux marins
Haleine ardente et traversée heureuse.
Pars donc et porte mon salut
A la belle Garonne
Et aux jardins de Bordeaux, là-bas
Où le sentier sur la rive abrupte
S'allonge, où le ruisseau profondément
Choit dans le fleuve, mais au-dessus
Regarde au loin un noble couple
De chênes et de trembles d'argent... " (2)

Les deux écrivains présents comme jamais au Temps.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Nietzsche à Nice / Patrick Mauriès / Gallimard / 2009
(2) Souvenir / Hymnes / Hölderlin / Oeuvres / Édition de Philippe Jaccottet / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard / 1967




dimanche 11 novembre 2012

Quelques Amusements.



La vie n'est finalement qu'une gare désaffectée, où l'on se rend sans billet attendre un train supprimé depuis des années.


Les hommes pensent qu'avec le temps ils s'améliorent, ce qui amuse beaucoup Dieu.

Les hommes confondent le sérieux et le sévère, et cela fait sourire Dieu.

Ecrire revient au même.

Ne s'est jamais vraiment mouillé même sous la douche.

En amour il coupait souvent la poire en deux.

Il aura toute sa vie hésité entre la poire et le fromage.

A chaque époque son penseur, à chaque pensée sa perte.

Il aura passé tellement de temps à ne rien faire, qu'il décrocha le Nobel de l'indécision.

Finalement va divorcer de lui-même.

Se demande en mariage, mais n'y croit pas trop.

Pendant que les ânes se prennent pour des citrouilles, les citrouilles passent à la casserole.

Ne se fait aucune illusion sur ses désillusions.

Il a toujours confondu sa vie et le cinéma : 24 femmes seconde !

Manque totalement d'humour entre minuit et minuit.

Lorsqu'il mettait un pied hors de son lit, il sentait l'odeur du funérarium.

N'a jamais douté qu'il ne finirait pas le siècle, mais se demande s'il l'a vraiment commencé.

A tous les jours quelque chose à perdre, c'est ce qui fait leur charme.

à suivre

Phillippe Chauché

samedi 10 novembre 2012

La Vie Légère


" Une contrefaçon du Génie du Christianisme, à Avignon, m'appela au mois d'octobre 1802 dans le midi de la France. Je ne connaissais que ma pauvre Bretagne et les provinces du Nord traversées par moi en quittant mon pays. J'allais voir le soleil de Provence, ce ciel qui devait me donner un avant-goût de l'Italie et de la Grèce, vers lesquelles mon instinct et la muse me poussaient. J'étais dans une disposition heureuse ; ma réputation me rendait la vie légère : il y a beaucoup de songes dans le premier enivrement de la renommée et les yeux se remplissent d'abord avec délices de la lumière qui se lève ; mais que cette lumière s'éteigne, elle vous laisse dans l'obscurité ; si elle dure, l'habitude de la voir vous y rend bientôt insensible....

Le 27 octobre, le bateau de poste qui me conduisait à Avignon, fut obligé de s'arrêter à Tain, à cause d'une tempête. Je me croyais en Amérique : le Rhône me représentait mes grandes rivières sauvages. J'étais niché dans une petite auberge, au bord des flots ; un conscrit se tenait debout dans un coin du foyer ; il avait le sac sur le dos et allait rejoindre l'armée d'Italie. J'écrivais sur le soufflet de la cheminée, en face de l'hôtelière, assise en silence devant moi, et qui, par égard pour le voyageur, empêchait le chien et le chat de faire du bruit.

Ce que j'écrivais, était un article déjà presque fait en descendant le Rhône et relatif à la Législation primitive de M. de Bonald. Je prévoyais ce qui est arrivé depuis : " La littérature française, disais-je, va changer de face ; avec la Révolution, vont naître d'autres pensées, d'autres vues des choses et des hommes. Il est aisé de prévoir que les écrivains se diviseront. Les uns s'efforceront de sortir des anciennes routes ; les autres tâcheront de suivre les antiques modèles, mais toutefois en les présentant sous un jour nouveau. Il est assez probable que les derniers finiront par l'emporter sur leurs adversaires, parce qu'en s'appuyant sur les grandes traditions et sur les grands hommes, ils auront des guides plus sûrs et des documents plus féconds. "

Les lignes qui terminent ma critique voyageuse sont de l'histoire ; mon esprit marchait dès lors avec mon siècle : " L'auteur de cet article, disais-je, ne se peut refuser à une image qui lui est fournie par la position dans laquelle il se trouve. Au moment même où il écrit ces derniers mots, il descend un des plus grands fleuves de France. Sur deux montagnes opposées s'élèvent deux tours en ruines ; au haut de ces tours sont attachées de petites cloches que les montagnards sonnent à notre passage. Ce fleuve, ces montagnes, ces sons, ces monuments gothiques, amusent un moment les yeux des spectateurs ; mais personne ne s'arrête pour aller où la cloche l'invite. Ainsi les hommes qui prêchent aujourd'hui morale et religion, donnent en vain le signal du haut de leurs ruines à ceux que le torrent du siècle entraîne ; le voyageur s'étonne de la grandeur des débris, de la douceur des bruits qui en sortent, de la majesté des souvenirs qui s'en élèvent, mais il n'interrompt point sa course, et au premier détour du fleuve, tout est oublié. "

Arrivé à Avignon la veille de la Toussaint, un enfant portant des livres m'en offrit : j'achetai du premier coup trois éditions différentes et contrefaites d'un petit roman nommé Atala . En allant de libraire en libraire, je déterrai le contrefacteur, à qui j'étais inconnu. Il me vendit les quatre volumes du Génie du Christianisme , au prix raisonnable de neuf francs l'exemplaire, et me fit un grand éloge de l'ouvrage et de l'auteur. Il habitait un bel hôtel entre cour et jardin. Je crus avoir trouvé la pie au nid : au bout de vingt-quatre heures, je m'ennuyai de suivre la fortune, et je m'arrangeai presque pour rien avec le voleur...

Les voyages transalpins commençaient autrefois par Avignon, c'était l'entrée de l'Italie. Les géographies disent : " Le Rhône est au Roi, mais la ville d'Avignon est arrosée par une branche de la rivière de la Sorgue, qui est au pape. " Le pape est-il bien sûr de conserver longtemps la propriété du Tibre ? On visitait à Avignon le couvent des Célestins. Le bon roi René, qui diminuait les impôts quand la tramontane soufflait, avait peint dans une des salles du couvent des Célestins un squelette : c'était celui d'une femme d'une grande beauté qu'il avait aimée.

Dans l'église des Cordeliers, se trouvait le sépulcre de madonna Laura : François Ier commanda de l'ouvrir et salua les cendres immortalisées. Le vainqueur de Marignan laissa à la nouvelle tombe qu'il fit élever cette épitaphe :

En petit lieu compris vous pouvez voir

Ce qui comprend beaucoup par renommée :

O gentille âme estant tant estimée,

Qui te pourra louer qu'en se taisant ?

Car la parole est tousjours réprimée,

Quand le sujet surmonte le disant. " (1)



Quel imprimeur de talent se piquerait aujourd'hui de publier la contrefaçon d'un livre à succès ? Quel livre à succès mériterait aujourd'hui d'être publié sous le manteau ?

à suivre

Philippe Chauché

(1) Mémoires d'outre tombe / François René de Chateaubriand / Quarto / Gallimard / 1997




jeudi 8 novembre 2012

Comme un Peintre


" A la lettre, je prends de la hauteur.
Que tous les lieux de la Terre se trouvent rassemblés en un même lieu, et le nom de tous les saints.

Nous y sommes.
Je le rencontre une nouvelle fois, proche et difficile à saisir - certes. Autour de nous, les cloches sonnent rayonnantes, nous sommes dans l'envolée brusque des mouettes et l'étendue où elles s'élèvent.

Le son, le sens de cette musique brusquement me traversent.

Je l'entends encore.
Nous sommes dans l'oreille de cette sonorité du ciel.

Sur la mer Égée, le soir, le ciel étend dans la lumière : l'éternité d'une intelligence violette.

Métaphore florale dans un univers nouveau. Personne ne s'interroge. Les fleurs naissent du mouvement de sa main. La nature tout entière se réfléchit dans son amour et dans son coeur. Suzette Gontard eut à cet instant la blancheur d'une koré.

Ils sont là, à Venise. Liés à la sagesse Hölderlin a soudain la figure du cavalier solitaire des royaumes combattants.

Rien n'est perdu.

Lorsque je ferme les yeux, c'est toujours la guerre. Je vois cette lumière harmonique et tout ce qui ne cesse d'apparaître... campo San Trovaso, riva degli Ognissanti. "





Les livres n'ont pas d'âge, comme les peintres. Il revoit Matisse découpant ses papiers de couleur - qui oserait affirmer qu'il ne l'a pas vu ? - ou encore armé d'une canne pinceau traçant dans l'espace magnétique de la toile des haïkus,  ou encore auprès de son modèle ouvrant la toile aux éclaircies du Temps.
Les livres sont sans âge, comme les musiciens. Il se souvient de Glenn Gould, main gauche suspendue sur le clavier de son piano - qui peut affirmer qu'il ne la pas entendu - laissant venir la musique de plus loin que la partition de Bach, de territoires du Temps.
Les livres n'ont pas d'âge, comme les écrivains. Il se voit un soir d'hiver assis face à lui, dans la pénombre, un verre de Roaix dans un main, dans l'autre, l'un de ses livres sur Venise, c'est à dire sur les peintres, les musiciens et les écrivains, il se souvient lui avoir dit, " j'ai l'étrange impression de vous avoir lu depuis toujours... ".
Les livres sans âge l'accompagnent depuis longtemps, du temps où il ne mettait pas de majuscule à ce mot inouï, musical et vibrant comme une toile, il se souvient aussi des livres qu'il prévenait comme des pierres précieuses et sans âge, qu'il offrait parfois, qu'il perdait, retrouvait et qui la nuit l'embrasaient.  


Marcelin Pleynet est sans âge, ce n'est pas surprenant, il écrit depuis toujours, écoute et voit, les peintres, les musiciens et les écrivains le lui rendent bien et si n'est pas le cas, cela n'a aucune importance.

à suivre

Philippe Chauché




lundi 5 novembre 2012

Scott



" 1913 - Les quatre whiskies de défi Canadian Club au Susquehanna à Hackensack.
  1914 -  Le grand champagne occidental bu dans Trent House à Trenton et le voyage de retour hébété à Princeton.
  1915 -  Le bourgogne pétillant au Bustanoby. Le whiskey brutal à White Sulphu Springs dans le Montana, lorsque j'étais monté sur la table pour chanter Won't you come up aux cow-boys. Les Stringer au restaurant Tate à Seattle, écoutant Ed Muldoon, " ce type malin ".
  1916 -  Le calvados siroté dans les vestiaires du White Bear Yatch Club.
  1917 -  Un bourgogne de premier ordre avec monseigneur X au Lafayette. Cognac à la myrtille avec Tom au Nassau Inn.
  1918 -  Le bourbon apporté en cachette dans les chambres des officiers par les garçons d'étage au Seelbach à Louisville.
  1919 -  Les cocktails Sazerac rapportés de la Nouvelle-Orléans à Montgomery pour célébrer un évènement important.
  1920 -  Vin rouge chez Mollat. Absinthe dans une suite hermétiquement close au Royalton. Liqueur de maïs au clair de lune sur un terrain d'aviation désert en Alabama.
  1921 -  Abandonnant notre champagne au Savoy Grill le 4 juillet quand un ivrogne nous a rejoints avec deux dames qui venaient de toute évidence de Piccadilly. La chartreuse jaune à Rome, via Balbini.
  1922 -  Les cocktails à la crème de cacao de Kaly à St. Paul. Ma première et dernière fabrique de gin.
  1923 -  Océans de bière canadienne avec R. Lardner à Great Neck, Long Island.
  1924 -  Les cocktails au champagne sur la rivière Minnewaska et nos excuses à la vieille dame que nous avions tenue éveillée. Le graves Kressman à la villa Marie à Valescure et les disputes qui ont suivi avec la gouvernante à propos de la politique britannique. Porto blanc à des moments de tristesse. Mousseux offert par un Français dans un jardin au crépuscule. Chambéry fraise avec les Seldes pendant leur lune de miel. La production locale commandée sur le conseil avisé d'un prêtre sympathique à Orvieto, quand nous avions demandé des vins français.
  1925 -  Un vin blanc sec qui " ne voyagera pas ", fait au sud de Sorrente, que je n'ai jamais pu retrouver. L'intrigue coagulée - son de sabots et de clairons. Le splendide vin d'Arbois à la Reine Pédauque.
Champagne dans l'atelier du Ritz à Paris. Les vins pauvres de chez Nicolas. Kirsch dans une auberge de Bourgogne, après la pluie avec E. Hemingway.
  1926 -  Saint-estèphe peu intéressant dans un trou désolé appelé Salies-de-Béarn. Sherry sur la plage à La Garoupe. Le cocktail à la grenadine de Gérard M., la seule erreur pour rendre tout parfait dans la plus parfaite maison au monde. Bière et saucisses avec Grace, Charlie, Ruth et Ben à Antibes, avant le déluge.
  1927 -  Vin de Californie délicieux comme un bourgogne dans un des bungalows de l'Ambassador à Los Angeles. La bière que j'ai fabriquée dans le Delaware qui avait un sédiment sombre impossible à éliminer. Caisses de whiskey obscur, coupé et peu satisfaisant dans le Delaware.
  1928 -  Le pouilly avec la bouillabaisse chez Prunier à une époque de découragement.
  1929 - L'impression que tout alcool a été bu et que tout ce qu'il peut apporter a été déjà expérimenté, et cependant - " Garçon, un chablis Mouton 1902 et pour commencer une petite carafe de vin rosé. C'est ça - merci. " (1)

Il pourrait à son tour dresser une carte géographique et littéraire de ses aventures, de Bordeaux - vin de gloire -,  à Madrid - vin de héros -,  en passant par Barcelone, Biarritz, Paris et Cairanne, il pourrait.

A suivre

Philippe Chauché


(1) Une brève autobiographie / Un livre à soi / Francis Scott Fitzgerald / traduc. Pierre Guglielmina / Les Belles Lettres / 2011

dimanche 4 novembre 2012

Son Salon de Curiosité



Il y a le style, la manière, et la matière, cette façon si particulière de saisir l'enjeu du corps, qui n'est pas celui du délit, sauf à considérer qu'en ces temps où la vulgarité est  monnaie de singe,  que le corps du délice est celui du Code de Procédure Pénale. Il y a un regard, autrement-dit, dans ce qui nous occupe, un regard littéraire et frontal, comme s'il s'agissait une fois pour toutes d'écrire face à ce qui constitue la littérature : les écrivains, les moralistes, la joie, le désespoir, le sérieux absolu, la douceur d'un mouvement, un sculpteur royal, une certaine peinture, une musique du doute, le luxe aussi, comme une autre façon de renvoyer la moraline à ses prétentions et sa pauvre et néfaste pensée.
Il trouve amusant d'ouvrir ce livre, dont il ignorait jusqu'à la publication, n'ayant de la toute de charme Cécile Guilbert lu avec une belle jubilation que son Saint-Simon, son Warhol Spirit, et l'admirable Ecrivain le plus libre, amusant après avoir aperçu dans l'un des rayons de sa libraire, un nouvel essai du Petit Père des Philosophes  sur les Dandy, où, personne ne sera surpris, le chevalier blanc de la pensée moderne, s'en prend à ce qui le dépasse et le dérange, au nom de la mission humanitaire qu'il s'est donnée, en droite ligne de ses pauvres petits gribouillis qui plaisent tant aux humanistes, guévaristes, camusiens et autres analphabètes pubères et nubiles, amusant et pétillant comme une coupe de champagne bue en belle compagnie dans un salon  de curiosité, et qui vous met les mots aux  lèvres et à la peau.



" Faire l'amour habillé est impossible. Le faire entièrement nu trop trivial. Tous les baudelairiens d'âme comprendront cette vérité élémentaire qu'il n'est pas de volupté égalant celle de faire l'amour nu bien qu'habillé, déshabillé quoique encore vêtu, à la fois dénudé et paré - ce que justement le porte-jarretelles permet. "

" Qu'est-ce qu'être dévoré par l'art comme par un feu ? enflammé par la beauté ? consumé par l'insatisfaction sans pourtant cesser de renaître en brasier ? Qu'est-ce qu'être habité par une passion plus grande que soi, un talent divin, un génie subjuguant papes et rois ? Comment vit concrètement une incarnation humaine de la grandeur, une créature définie au superlatif, un être de chair que son tempérament accouple au surhumain et son nom à Dieu ? En trois mots comme en cent : qui est le Bernin ? "

" Swift : monosyllabe dont les trois premières lettres commencent phonétiquement par sourire avant de mimer, en leurs occlusives, le sifflement tranchant d'un rasoir - l'onomatopée d'un scalp. "

" Tout le monde connaît la célèbre définition qu'il a donnée de la morale : " Jouis et fais jouir sans faire de mal à personne. " Il est peu dire que cette forte sentence rend piètrement compte d'un système nerveux dans lequel la négativité s'est incarnée comme dans le corps de Robespierre la Révolution. Car toute sa vie Chamfort a été à la fois le plaie et le couteau, la victime et le bourreau, le marteau et l'enclume, tel l'Héautontimorouménos cher à Baudelaire.

" Souci de l'épurement des lignes et de la fluidité ; suprématie du noir et du blanc ; introduction-détournement du jersey, du tweed et de la flanelle dans le vestiaire féminin ; invention de l'imperméable, de la robe-chemise, de la petite robe noire, du tailleur gansé, de la jupe plissée, du pyjama, du sac à main en bandoulière ; avènement des bijoux fantaisie et des sautoirs, du béret et du canotier... Qui dit mieux ? "

Il y a chez Cécile Guilbert, un art du futile et du léger, un art de la distinction amusée, de la saveur et du savoir poivré, pas étonnant qu'elle écrive sur Sade, Novalis, Pound, Lamarche-Vadel ( dont il faudrait d'urgence relire ses écrits sur l'art ) Gongora, et Coco Chanel, écrire comme un tombé de veste en tweed est tout un art.


à suivre

Philippe Chauché