lundi 29 septembre 2008

Le Bonheur




" La contemplation du beau est un acte libéral, une appréciation des objets comme étant libres et infinies en soi, en dehors de tout désir de les posséder et de les utiliser. De son côté l'objet beau laisse apparaître, en ce qu'il est et tel qu'il est, son propre concept comme réalité et il se présente en son unité vivante. Ainsi le Beau sort de la sphère du relatif et du fini pour entrer dans le royaume de L'Idée et de la Vérité. " (1)

Il ne savait pas pourquoi le regard du peintre, et celui du modèle le touchaient tant, dans sa jeunesse il pensait un peu bêtement que les modèles finissaient toujours par tomber dans les bras des peintres, et puis plus tard, il s'est dit que le modèle amoureux se trouvait définitivement lié au peintre amoureux. Le bonheur était là, on pouvait le toucher, il suffisait simplement de traverser l'Espagne, et d'embrasser Madrid du regard et des mots.

à suivre

Philippe Chauché
(1) Hegel / Cours d'Esthétique in Le Roman de l'Origine / Bernard Teyssèdre / L'Infini / Gallimard

vendredi 26 septembre 2008

Liberté du Peintre



Voyez-vous, ce tableau est une révélation, comme l'est, qui en douterait l'Origine. Il dévoile tout en cachant, vérification que l'art c'est la liberté du Peintre, il accompagne du pinceau sa déesse du jour et de la nuit. Nous avons souvent ici au café de l'Etoile, lors de nos rencontre tenté d'approcher ce trouble qui naît de la peinture, cet état du monde en mouvement permanent pourrais-je ajouter. Dans une correspondance que j'entretiens avec une belle anonyme, nous traversons cela, cet art là, ce qu'il nous dit de la peinture, et finalement ce qu'il nous révèle de nous. Mais nous pourrions continuer devant une coupe de champagne cher ami.
Le café est sagement calme en cette fin de journée d'automne, je lis dans ses yeux quelques doutes qui dépassent ses regards sur la peinture de Courbet, déployée devant nous la reproduction de cette Irlandaise inouïe, déploie ses ailes rousses, pas de doute pensais-je, il s'agit d'une révélation et même d'une apparition, cette femme me trouble, comme m'a toujours troublé la peinture lorsqu'elle ouvre sur des horizons nouveaux, des horizons d'écrits bouclés, comme le sont les éclats d'écume des vagues de l'océan si proche.
Je me demande si nous ne devrions pas glisser dans les poches de nos vestes des reproductions de telles toiles, comme nous le faisons des livres que nous échangeons ici, dans ce café secret. Ainsi, les poésies de Lautréamont seraient en fort bonne compagnie aux côtés des Women de Willem de Kooning, je me vois également cher ami, glisser dans l'une des poches de mon imperméable, quelques pages de L'homme sans qualités aux côtés d'une photo de l'un des Mousquetaires de Picasso. Mais restons-en là pour ce soir, j'ai quelques théories sur le corps à vérifier, je vous salue.
Il a traversé la grande salle du café, noué son écharpe rouge et traversé en dansant le trottoir du boulevard, avant de disparaître dans la nuit naissante.
J'ai commandé une nouvelle coupe avant de fermer les yeux sur les délices de cette Irlandaise.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 25 septembre 2008

L'Origine du Temps



" Supposons que je m'appelle Khalil-Bey. De quel nom devrais-je vous appeler ? Assurément je ne vous appellerais pas du même nom que si je m'étais appelé Jacques Lacan ! Pourquoi ? Parce que nous ne regardions pas, ni vous ni moi, le même tableau. Dans l'intervalle de quelques années, ou peut-être d'une seule année, il a été vu, ce tableau, accroché dans la galerie rococo d'un baron à Budapest, empaqueté dans la cave où un colonel nazi entreposait son butin de guerre, il a comparu devant un tribunal populaire constitué par une cellule de soldats soviétiques membres du Parti. Et vous voudriez me faire croire que tous ces gens ont vu le même tableau ! " (1)

Comment regarder ce tableau là ? D'où le regarder ? Comment en parler ? Qu'écrire sur ce tableau là ? et d'ailleurs pourquoi se mêler de cette histoire là ? Car il s'agit bien, comme jamais peut-être d'une histoire, d'une aventure, d'un roman, et quel roman !

Pour commencer, il n'est pas inutile d'avoir avec soi une boussole, le livre de Bernard Teyssèdre est cette boussole qui indique le nord et le sud de ce tableau là :

" Autrefois il fallait, afin de voir le tableau, écarter un rideau ou faire glisser un autre tableau qui servait de cache à celui-ci.
Les deux situations ne sont pas équivalentes. Dans le premier cas, ce qu'il y avait à voir derrière le rideau, c'était autre chose qu'un rideau, et par conséquent le spectateur était en droit de supposer que, le rideau écarté, il serait en présence de la chose même. Si le résultat espéré n'était pas atteint du premier coup, on n'avait qu'à recommencer. C'était comme pour la danse orientale des sept voiles : il faut enlever un voile, puis un autre, jusqu'au septième, mais en fin de compte le moment vient où le dernier voile est enlevé et où apparaît le corps désiré de la femme nue. Dans l'autre cas l'issue n'est pas aussi satisfaisante. Le second tableau qu'on peut voir à condition d'avoir écarté le premier tableau, sait-on s'il n'a pas servi de cache à un troisième tableau ? Qui sait si, quel que soit le nombre de tableaux qu'on aura écartés, tout ce qu'on a pu voir, qu'on peut voir et qu'on pourra voir n'était pas, n'est pas, ne sera pas un cache derrière lequel resterait à jamais invisible ce qu'il aurait fallu voir ? (1)

Ce tableau aujourd'hui dévoilé que montre t-il ? Un sexe de femme, le sexe de cette femme là exposé de face, ce qui semble-t-il ne doit pas l'être, ou en tout cas pas comme ça. La pornographie régnante s'en charge, elle se nourrit du gros plan, c'est même la seule chose qu'elle sait faire, pas de cache, pas d'image qui dissimulerait l'image sexuelle, pas de rideau, mais rideau sur le savoir et la saveur du sexe en question ! Et quel sexe !
Ce qui se joue dans l'Origine, ou plus précisément dans le " tableau sans nom " (1) ou encore dans " le tableau X " (1), c'est la représentation jamais ainsi montré, jamais ainsi peinte, car nous ne sommes pas là dans l'image photographique mais dans la peinture, dont dans une autre représentation, une autre vision de l'artiste, pinceau contre objectif, il n'est pas difficile de voir la différence, car le "réalisme" n'a jamais été aussi réaliste que lorsqu'il est "transformé" soumis à un autre regard, que celui du doigt, le regard du geste de la main du peintre, le geste du regard du peintre, le geste de la distance du peintre, le geste du choix de ne montrer que çà, et donc de montrer beaucoup plus à condition de savoir regarder ce qui est peint là. Le trouble, impossible dans la petite pornographie dominante. La peinture ouvre sur d'autres imaginaires, la peinture ne montre pas, ne démontre pas, elle écrit le roman de son modèle et de sa vision, elle sonde le réel et le transforme, admirable, Picasso ne dira pas autre chose quelques années plus tard.
On est là face au corps amoureux, au corps qui parle, car ce sexe là parle, de lui, de son effervescence et donc de nous, les sourds n'entendent pas, les aveugles n'y voient goûte, les procureurs s'affolent, ils n'acceptent pas cette vision là, ce qu'elle a de troublant, de visiblement révolutionnaire, que l'on détruise ce tableau, il a échappé à mille autodafés (1), cette offense faite à la représentation conventionnelle, car çà ne bouge pas, croient-ils, ils veulent du mouvement qui les excite et non de la pensée qui se déplace et englobe ce sexe là, c'est là aussi le trouble, ajoutez-y que l'on ne voit que ça, et pourtant la peinture, de ce peintre là, repense toute l'histoire de la vision du peintre, toute la question du corps peint, et non représenté, toute l'histoire aussi de notre rapport au corps, à la jouissance, dites-moi ce que vous peignez, je vous dirai comment vous jouissez ! Le pinceau joui et cela doit en déranger plus d'un.
Ce tableau impossible, ce tableau invisible que certains croient voir, ce tableau qui s'offre et que certains ne voient pas, ce tableau sans nom, ce tableau sans nom, trouble le jeu marchand, où la jouissance est une affaire de besogne et de mort. Ici c'est la vie et le verbe qui triomphent, jamais tableau ne nous en aura autant dit sur le sexe et les femmes, le sexe de cette femme, c'est Proust rendu aux libertins, c'est Sade enfin lu de près, c'est Hemingway à Pampelune, le matin j'écris, et donc je jouis, l'après midi aux arènes, les toréros ne font pas autre chose, le soir je suis dans cette permanence de l'écriture de la vie et le sexe vénitien de ma compagne me parle des vertes collines d'Afrique. Tout le reste n'est que mensonge et culpabilisation.

à suivre

Philippe Chauché





(1)Le roman de l'Origine / Bernard Teyssèdre / L'Infini / Gallimard

mardi 23 septembre 2008

La Saveur et le Savoir (3)


Paul Cézanne / Trois baigneuses / Photothèque des musées de la ville de Paris / Photographie Pierrain

Nous y sommes, je les vois, là, dans la lumière profonde et protectrice des arènes, trois femmes illuminées, pour une cape de grâce. J'avance et déploie ma grande voile pour les célébrer, je suis ainsi sur le sable.
J'aime la pleine mer, celle où l'on risque le corps et la veine, sans jamais d'évidence laisser voir mes passions. Tout est fluide, vague écumante qui caresse ma jambe, dont l'écume enrubanne mes lèvres.
Je vois l'amour ainsi, comme une tauromachie des évidences, de la tentation, du trouble, parfois du doute, mais aussi de l'austérité invisible et de l'élégance soyeuse.
Je pense à cette femme croisée ce matin dans la fraîcheur d'un automne qui s'annonce, à son sourire, au signe de la main, qu'elle m'offrît, un baiser de la main qui me protégera des mauvais coups du diable.
Les baigneuses aussi me protègent, Cézanne m'accompagne, il est à mes côtés au centre du ruedo, dans la nécessaire vision du corps en mouvement, qui s'offre à l'étoffe légère, à la main basse et à la ceinture souple.

à suivre

Philippe Chauché

lundi 22 septembre 2008

La Saveur et le Savoir (2)

" Le Je Ne Sais Quoi, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne ne le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ces termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est, en un mot, la perfection de la perfection même, et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. " (1)

Je m'appelle Julian Lopez Escobar, mais vous pouvez m'appeler El Juli, ou le contraire, Julian Lopez Escobar, el Juli, l'un et l'autre si vous le préférez.

Je suis torero, c'est une étrange chose, une trajectoire troublante, une idée d'aventure, et souvent lorsque je m'habille d'or et de joie, je pense à Melville et sa baleine blanche, une idée de Dieu, me dit-on, une idée de retournement, de transformation, une écriture en mouvement, entre deux eaux, si je puis dire.

" Vous voici face à un torero de la saveur et du savoir ", c'est ce qu'écrit un commentateur dont j'ignore tout, de la saveur et du savoir, je vous avoue mon trouble, non que j'ignore ce qui fait ma valeur, je me connais comme personne croyez-moi, je sais ce qu'il me faut raconter sur le sable, ce savoir je le fais mien, à chaque seconde, qu'il y ait ou nom un taureau dans l'histoire, mais cette saveur, qu'évoque l'inconnu, je dois avouer que je ne sais d'où elle vient, ce qui la fait paraître ainsi d'évidence par cet observateur, c'est peut-être ce qu'évoque l'un de nos plus percutants jésuites, je vous avoue que lorsque je fais mes premiers pas sur le sable alors que le soleil hésite à décliner, je suis dans l'essence de ce Je Ne Sais Quoi, cette saveur vient peut-être de cette rencontre improbable entre la pierre, le sable, le bleu du ciel et le regard troublant d'une déesse qui déploie la cape de ses passions sous mes pas.

à suivre

Philippe Chauché



(1)Le Héros / Baltasar Gracian / Distance

dimanche 21 septembre 2008

La Saveur et le Savoir



Appellez-moi Julian Lopez Escobar. Il y a quelques jours de cela, peu importe combien exactement, l'idée m'est venue d'offrir au temps, le mouvement du vent, en visitant les étendues cachées de mon savoir, dans la saveur d'un été amoureux.

Appellez-moi Julian Lopez Escobar. Il y a quelques jours de cela, peu importe finalement le jour et l'heure, l'envie m'est venue d'écrire sur le sable de cette île soyeuse quelques page de mon histoire glorieuse, dans la douceur d'un regard argenté.

Appellez-moi, Julian Lopez Escobar. Il y a quelques de cela, vous m'avez dit le bonheur que aviez à me regarder, abandonné à la saveur du savoir.

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 19 septembre 2008

mercredi 17 septembre 2008

L'Infini




Deux numéros d'une revue littéraire française, deux numéros que le temps rapproche, l'un du Printemps, l'autre de l'Automne, nous sommes paraît-il en 2008, mais on peut en douter, deux numéros d'une revue éditée par un écrivain bordelais, chinois et vénitien, et soutenue par l'un des plus beaux paquebot de l'édition française : Gallimard.

Une revue placée sous la haute protection vivifiante de Picasso, l'un de ses Mousquetaire est là, il nous regarde, comme nous regardent les écrivains qui " prennent tout le système à revers, le trouent, le désarticulent " (1), mais aussi d'Isidore Ducasse, " Cette publication permanente n'a pas de prix. Chaque souscripteur se fixe à lui-même sa souscription ".

Lisons. Ecrivons. Car c'est de cela dont il est question. Philippe Sollers y déroule quelques textes écrits ici ou là, pour le papier volatile des journaux, et qui ici dans cet espace, retrouvent une autre densité, et vérifient que c'est un roman qui s'écrit, roman permanent du temps. Je suis ici, le passé est à portée de main et le futur dans mon coeur. Ainsi, nous pouvons le vérifier et faisant naître des titres choisis par l'écrivain pour ces courts textes, un fil, un tissage, un renversement, une autre floraison, cela pourraît être : " Il s'agit de Paroles secrètes, celles de Saint-Simon, furieux musicien du temps présent, la rage de Flaubert, la main de Sade, l'étrangeté de Jünger, pour parler toutes les langues. " Mais aussi, tout est possible, les lettres se renversent, se croisent, les idées multiples naissent là : " Parler toutes les langues dit-il, celle de Saint-Simon, de Flaubert, de Sade, de Jünger, tant de paroles secrètes que je porte ici au grand jour. " Tout est possible !

Lisons, écrivons :

" Gnose, en grec, veut dire " connaissance ". Un gnostique est donc un " connaisseur ", c'est à dire quelqu'un qui pense que le salut passe par une expérience directe de la divinité l'arrachant à la mort. Vous ouvrez ces textes éblouissants, et ils vous parlent ouvertement, mais de façon cachée, d'une extraordinaire bonne nouvelle à comprendre ici, tout de suite, comme dans un éternel présent. Ce sont des évangiles : Evangile selon Thomas, Evangile selon Philippe, Evangile de la Vérité, et bien d'autres. Ils ont été assez vite rejetés en dehors des évangiles dits " canoniques " ( les quatre ), et déclarés " hérétiques ", on comprend vite pourquoi. (1)

Plus loin, mais c'est finalement la même histoire :
" Le duc vous prévient : tout ce qu'il écrit n'est qu'ordre, règle, vérité, principes certains. En face de lui, il n'ya que " décadence, confusion, chaos " ( déjà ! ). Les mémoralistes précédents, Dangeau par exemple ? " Il n'a écrit que des choses de plus repoussante aridité. " Pourquoi ? " Il ne voyait rien au-delà de ce que tout le monde voyait. " (1)

Mais aussi :
" Bêtise de la politique, bêtise de la littérature, bêtise de la critique, médiocrité gonflée à tout va, il faut dire que la fin du dix-neuvième siècle se présente comme un condensé de tous les siècles, ce qui a le don de mettre Flaubert en fureur. Le Pouvoir est bête, la religion est bête, l'ordre moral est insupportable, bourgeois ou socialistes sont aussi imbéciles les uns que les autres, et ce qui les unit tous, preuve suprème de la Bêtise, est une même haine de l'art. " Qui aime l'Art aujourd'hui ? Personne ( voilà ma conviction intime ). Les plus habiles ne songent qu'à eux, qu'à leur succès, qu'à leurs éditions, qu'à leurs réclames ! Si vous saviez combien je suis écoeuré souvent par mes confrères ! Je parle des meilleurs. " Il faut lire ici ( ou relire ) la grande lettre à Maupassant, de février 1980, elle est prophétique. Un programme de purification du passé est en cours sous le nom de moralité, mais en réalité ( et nous en sommes là aujourd'hui ) par la mise en place d'une conformité fanatique plate. Il faudra, dit Flaubert, supprimer tous les classiques grecs et romains, Aristophane, Horace, Virgile. Mais aussi Shakespeare, Goethe, Cervantès, Rabelais, Molière, La Fontaine, Voltaire, Rousseau. Après quoi, ajoute-t-il, " il faudra supprimer les livres d'histoire qui souillent l'imagination. " (1) Toute ressemblance avec des situations éclatantes aujourd'hui, n'est que le fruit de l'imagination de l'auteur !

Et enfin à propos du Marquis de Sade :
" Entraînement constant, fouilles dans la langue elle-même, à travers des listes d'antonymes et synonymes, ouverture répétée vers la prolifération. Je trouve particulièrement révélatrice cette liste effervescente : " faveurs, attraits, traits, beauté, désir, plaisirs, volupté, touchants appas, divins, doux, amours, sentiments, soupirs, naître, grâces, dieu-dieux, déesse, tendresse, odeurs, feux, flammes, âme, coeurs, penchants, rose, fleurs, tendrement, ardemment, joies, délices, candeur, naïveté, oeil, yeux, bouche, trône, empire, fers-chaînes " après quoi deux mots barrés : " captiver, soupirer ". Et ça reprend comme une fugue : " illusions, prestige, rigueurs, choix, foi, idéal, souvenir, promesse, fête, bonheur, malheur, inspirer, respirer, désirer, souhaiter, jouissance. ". Sade est au clavecin, il improvise, il fait monter les mots, il compose, en vrai musicien baroque ( c'est un génie baroque ), une Suite française, à la Bach. " (1)

Ecrire, c'est celà : inspirer, respirer, désirer, simplement !

Ecrire, c'est aussi danser, faire s'envoler son corps, lisons ce qu'en dit Florence Lambert :
" Mon fils me demande :
- Est-ce que tu peux dire pourquoi tu aimes la danse ?
- Oui... Je crois... je ne pense pas que le corps soit silencieux... en dansant le corps parle.
L'inserve aussi. " (2)

Et puis à la page 95, une photo d'Ezra Pound, en 1913. Pound qui fait le tour du monde, le tour du jour aussi et de la nuit. (2)

Lisons, poursuivons la lecture de cette revue littéraire française, l'Automne est là, c'est décisif en ce moment, ciel gris sombre, fraîcheur qui s'enroule autour de mes mains nues en train d'écrire, aucun oiseau, légère douleur à la tempe droite, impact insibile caché par des mèches de cheveux, c'est dur et froid, ce n'est pas malin m'a-t-on assuré, pas très malin en effet.

L'Automne donc, et Breton, Blanchot, Wilde, la littérature ou le nerf de la guerre, la guerre des nerfs littéraire agite tout le monde, jeux olympiques littéraires, inflations d'admirations et de détestations, rires, sourires entendus, moqueries, règlements de compte, romans contre romans, étrange sentiment de déjà entendu et de déjà vu. Loin, très loin de tout cet affreux défilé de mode, le visage de Jacqueline Risset, cet été à Avignon, venu parler de la Divine Comédie et de Dante, silence, lire dit-elle, entendre dit-elle, voir dit-elle, Dante est là, il traverse la cour d'Honneur du Palais des Papes, miracle de la langue, miracle de la littérature :
" Les tout premiers états étranges, instants vides, instants autres, étaient faits de passages - impression d'être traversée par des vents très légers, flottements imperceptibles ; pas de voix, pas de lumières. Vols d'oiseaux invisibles à travers l'espace et le corps. (2) J'y lis une définition de la Divine Comédie.

Breton pour terminer, magie de Breton :
" Le pseudo-réalisme revient sans cesse comme chez lui, le roman familial ne s'est jamais aussi bien porté ( malgré Freud, que Breton salue à maintes reprises ), l'asservissement des consciences n'a peut-être, malgré nos prétentions, jamais été aussi fort. On rêve, en lisant ce que Breton écrit de Picasso en 1933 : " Un esprit aussi constamment, aussi exclusivement inspiré, est capable de tout poétiser, de tout ennoblir ". (3) Miracle de l'Automne, miracle de l'écrivain et du peintre.

à suivre

Philippe Chauché



(2) L'Infini N° 103
(3) L'infini N° 104

mardi 16 septembre 2008

Fleurs et Lettres




" Et bien oui, je ne sais ni comment ni pourquoi, me voici devenu chinois. Ce papillon blanc, dans le jardin, s'appelle Tchouang et moi tseu, à nous deux nous sommes Tchouang-tseu. Nous méditons au bord de l'océan, il fait doux et frais, à peine une risée du nord-est, l'eau est mêlée au soleil, tout est calme. La névrose occidentale et mondiale a disparu, les fleurs nous attendent.

Ici, pas besoin de classifications de temps et d'espace. On dirait que le même artiste se lève, avec des variations, à travers les siècles, lotus en fin de floraison, orchidée dans les rochers, jeune bambou à chaque souffle d'inspiration interne. L'encre fait vivre le papier, qui lui-même attendait d'être fécondé par l'encre. Pas de roses, mais des pivoines à foison ( comme cet énorme massif de pivoines que j'ai vu en remontant d'un tombeau Han, il y a plus de trente ans, à Nankin ). Et puis les fleurs de mûriers, de prunus, de magnolias, que les oiseaux ou les poissons comprennent. Un martin-pêcheur sur une fleur de lotus ? C'est toi, c'est moi. Une chrysanthème et une pivoine ? Les mêmes. Le bambou traverse et dirige la floraison suspendue ? Il faut bien une baguette pour ce silence en musique. " (1)

Les couleurs, les multiples couleurs, les formes qui se dressent, s'élèvent, se fondent, se relèvent, l'espace temps absorbé par un rouge, un jaune, un vert, un noir, tous les jaunes possibles mélangés, je vois blanc, et accorde ma peau à la lumière de la nuit, traces de rouge à l'instant qui traversent le ciel, puis un bleu profond qui se fond au noir absolu de la nuit.

Écouter en silence la nuit qui s'installe, ouvrir le livre, et le lire à celle qui accepte simplement d'écouter, la voix portée, profonde, lisse, point de tourments, point de calculs, liberté totale, qui se fond dans la sienne. Silence dit-elle, je l'écoute et laisse le livre dire le reste, les livres se livrent dans le silence de la nuit, j'écoute la plume qui trace les tiges, et les pétales du livre, déroule les racines, embrasse les parfums. Bonheur d'être dans cet état là :

" Le paradis est le temps antérieur au temps. Il est un lieu étrange qui est situé à l'ouest de l'Eden et dans lequel on rêve. Ce que nous transportons ? L'ombre de la nudité. Nous transportons le souvenir de corps plus anciens que le nôtre. Nous ne sommes que la trace vivante d'une scène qui n'est plus.

Rencontre est le vieux nom de la tête du cerf. L'oeuvre est rencontre. L'amour est rencontre. Bois qui fascinent et se mêlent. Fascinante échancrure qui s'emboîte et se pousse.
Deux hétéroclites entrent en contact. Deux hétérosexuels s'étreignent et se déchirent. " (2)

Écouter le bruit de la nuit, sa délivrance sonore, s'accorder au sol de son mouvement, écouter le bruit que fait son corps, allongé, comme une ligne qui dessine le verbe à naître, et respirer profondément. Écouter la musique du livre, l'ouvrir, et lui offrir ces mots pour une nuit, attentive, elle accepte :

" Le roi de Teng avait, près des îles du grand fleuve, un pavillon élevé,
A la ceinture du roi dansaient de belles pièces de jade,
et des clochettes d'or chantaient autour de son char.
Le jade a cessé de danser, les clochettes ne se font plus entendre ;
Le palais n'est plus visité que, le matin, par les vapeurs du rivage,
et, le soir, par la pluie qui ronge les stores en lambeaux.

Des nuages paresseux se promènent lentement, en se mirant dans les eaux limpides.
Tout marche, rien n'est immuable ; les astres eux-mêmes ont un cours.
Combien d'automnes a-t-il passé dans ce palais ? Le jeune roi qui l'habitait jadis,
où donc est-il ?
Il a contemplé comme nous ce grand fleuve, qui roule toujours ses flots muets et profonds. " (3)

Écouter son sommeil,
dormir sans âge,
et se laisser porter par la musique d'un grillon.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Philippe Sollers / Fleurs / Le grand roman de l'érotisme floral / Chine / Hermann Littérature / 2006
(2) Pascal Quignard / Sur le jadis / L'Achrone / Grasset / 2002
(3) Ouang-Po / Le pavillon du roi de Teng / Poésies de l'époque des Thang / traduct. du Marquis d'Hervey-Saint-Denys / Editions Ivrea / 2007

lundi 15 septembre 2008

Le Silence (2)



J'écris au présent dans le présent de la musique de Bach, des Variations Goldberg. Au piano, un peintre, Glenn Gould, nous sommes en 1955, c'est aujourd'hui. La musique s'écrit au présent, comme la peinture, comme l'amour.

J'écris le présent de l'écriture vagabonde, l'espace qui est saisi sur le vif du verbe, écrire dans le silence de la musique de Bach. Écrire pour quelques déesses qui s'ignorent, écrire dans la lumière de tulipes complices.

La nuit s'avance, la lune se projette sur la partition invisible de mes improvisations, et j'écris dans la permanence de la pensée illuminée.

Le musicien n'a jamais saisi avec autant de saveur les exercices du cantor de l'église Saint-Thomas de Leipzig, je m'accorde à leurs sourires et à la chute de leurs reins, la vie en musique dans le débordement bienheureux de leurs corps.

J'écris en musique dans le présent du temps, la lune attentive à mes douces extravagances, j'écris, je lis en toute liberté et j'offre des fleurs aux déesses adorées.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 14 septembre 2008

La Joie




De quoi s'agit-il, de l'acte vif d'un peintre vivant, il dessine l'art de la joie de vivre, ses couleurs éblouissent comme un soleil d'été, douce chaleur qui accompagne le geste de l'artiste. Heureux soient les artistes du bonheur.
De quoi s'agit-il, de l'acte d'accompagner les corps du regard, d'être soi-même ce corps de la joie, c'est une musique. Heureux soient les musiciens qui peignent ainsi la jouissance.
De quoi s'agit-il, d'une lumière, d'un mouvement, d'un acte solitaire, d'une oeuvre réfractaire à la morale, à la police de l'art.

C'est une rose
Nous nous sommes croisés
Mille notes de piano l'accompagnent.

Écrire ne suffirait pas, étonnant, peintre serait insuffisant, étonnant, laissons cela, voulez-vous, écrivons, peignons, dessinons dans la joie de vivre :

" Laisse toutes dévotions
dues ou surérogatoires ;
Mais de ta bouchée de pain
ne sois jaloux ni avare,
A nul ne cause peine
par ta langue ou par ton fait,
Et de ton salut je fais
mon affaire. Verse à boire ! " (1)

Vivre ne suffirait pas, étonnant, écrire chaque minute le temps aimé des bienveillantes déesses, c'est heureux, être à chaque instant sur le vif de leurs questions, les regarder de dos comme l'on regarde un tableau du Tintoret, les laisser s'envoler, planer, se poser, chanter dans leur jouissance, passer à autre chose, au silence par exemple, beau défi, essayons :


" J'aime écrire, tracer les lettres et les mots, l'intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N'oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain, en somme... Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec un cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine... Socrate sur sa terrasse, ou encore Lao-tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir... Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au coeur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d'être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu'on soit là pour. Qu'on existe et qu'on agisse pour. Qu'on pense en fonction d'eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es seul à le savoir. (2)

Écouter ce qu'il écrit, lire en silence :

" Les Grecs, dans une vie constamment exposée à de graves dangers et bouleversements, cherchaient dans la méditation et la connaissance une sorte de sécurité du sentiment et un dernier refuge. Nous, dont la situation est incomparablement plus sûre, nous avons reporté le péril dans la méditation et la connaissance, et nous retrouvons dans la vie le calme et le repos que nous avions perdus. " (3)

Aux belles de jour.

à suivre

Philippe Chauché



(1) Omar Khayyâm / Cent un quatrains / traduct. Gilbert Lazard / Éditions Hermes
(2) Philippe Sollers / Le Secret / Gallimard
(3) Friedrich Nietzsche / Aurore / traduct. Julien Hervier / Gallimard






La joie de vivre
Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 174 x 238
Merion, Fondation Barnes, Pennsylvanie

vendredi 12 septembre 2008

L'Oeil du Sculpteur



Voilà bien un homme dangereux, trop près du corps, trop attentif à ce qui s'y joue, certains diraient trop sexuel, cela se vérifie à chaque instant, regardez cette aquarelle, de près, vous y verrez le mouvement du corps qui s'élève, l'enjeu est là - il serait en ces temps bienvenu que l'on s'y attache, le religieux est là, et nulle part ailleurs, la pornographie permanente se détruit face à Rodin, miracle des artistes face aux publicitaires, belle leçon d'un moderne qui se nourrit des anciens, le reste n'est que blabla et commerce -, il y a plus de vingt ans, un écrivain des hauteurs publiait ces fameux dessins, formidable acte de résistance, lisons :

" On en parlait, on savait qu'ils étaient là, quelque part, on en avait vu certains ici ou là, mais il était difficile d'imaginer qu'ils étaient groupés en masse offensive, harmonique, formant une pensée sans équivalent dans la représentation des corps.
Les voici donc, ces dessins, et je crois qu'il faut les imaginer comme le vrai jour des sculptures répandues un peu partout dans la nuit, comme la vraie lumière d'une chambre noire révélant la signification des bronzes et des plâtres tordus dans les musées, les jardins, les rues. A quoi pense le Penseur ? A ça. Que contemple, enfermé en lui-même et rejeté en arrière, le Balzac ? Ça. Sur quoi ouvre la Porte de l'Enfer ? Sur ça. A quoi rêve Hugo sans pouvoir le dire ? A ça. D'où sortent tant de bustes, de mains, de jambes et de gestes, de visages tendus, de couples musculeux, de demi-dieux ou de déesses emportées ? De ça. " (1)On ne saurait mieux dire.
Où se situe l'enjeu aujourd'hui? Dans ça. Où apparaît l'arme qui va désarmer tous les donneurs de leçon modernes ? Là. Qu'elle est la révélation qui renvoie définitivement les censeurs, policiers du corps, radoteurs de la pensée, publicitaires de la peau, illettrés rageurs de la jouissance, contempteurs du diable ? Ça.
De la même façon qu'il faut lire enfin, ligne à ligne, Proust, Joyce, Miller, Sade, Claudel, et - vous pouvez compléter -, il convient pour retrouver sa propre vibration lire trait à trait les dessins de Rodin, cela s'appelle une résurrection, le corps n'est pas autre chose, les lumières du corps des femmes est ainsi, lumières et corps, autre révolution, sur laquelle l'échafaud n'a point de prise.

à suivre

Philippe Chauché


(1)Philippe Sollers - Alain Kirili / Rodin - Dessins Érotiques / Gallimard

jeudi 11 septembre 2008

Miracle du Dos



Il avait une singulière passion pour le dos des femmes, il lui arrivait parfois de suivre ainsi une étrangère dans la rue, pour s'imprégner de leur mouvement parfois chaloupé, de cette géographie d'ombre fugace qui s'en dégageait, cela ne durait jamais très longtemps, les femmes en ces temps n'aimaient pas qu'on les suive, alors disparaissait de leur vue.
Lorsqu'une fée s'accordait à sa vue, il passait des heures à écrire sur son dos, sur sa peau, ses muscles, sur le creux de ses reins, sur cet imaginaire vivant qui nourrissait sa plume, mais cela ne durait jamais très longtemps, alors il se penchait à l'une des fenêtres de son domaine pour observer de plus haut cette fois ce déhanchement langoureux et gracieux des dos des femmes, se méfiant quand même, qu'une âme policière ne s'invite dans cette passion singulière.
Retiré du monde, il poursuivit cette quête quelques années, avant de disparaître, certains de ses amis, le disent mort, d'autres l'imaginent sous une identité d'emprunt, vivant dans un pays lointain, où l'on porte une singulière dévotion au dos des femmes.

à suivre

Philippe Chauché

Le Silence et la Lumière



Je m'installe dans le silence, dans les résonances d'une musique secrète, Mozart est là, mais aussi d'autres aventuriers, Vivaldi, Haendel, Bach, Paul Bley, Miles Davis.
Je sommeille sous la protection du silence des écrivains, comme pour mes amis musiciens, il ne s'offre pas du premier regard, on les croit bavards, on se trompe, on pense qu'ils s'agitent, alors qu'ils rêvent, on les pense au centre du Spectacle alors que leur plume le détruit à distance, le Spectacle ignore le silence.

à suivre

Philippe Chauché

lundi 8 septembre 2008

L'Art du Bonheur



Mozart. Effervescence de Mozart, lumière de Mozart, bonheur de Mozart, éclats, touches vives, aplats, délicatesse, allégresse, joie, bonds et rebonds, la musique qui galope, qui s'envole, qui dit le bonheur du temps présent, temps de la composition, temps de l'écoute, deux temps retrouvés, passage à travers l'espace de l'histoire, et l'histoire de l'espace.
Revenir sans cesse à Mozart, dans les moments les plus justes, comme dans ceux les plus désaccordés, car il en va de la vie comme de la musique, je suis accordé au temps présent, à l'amour, à la stupéfiante justesse des gestes des femmes que je croise, aux éclats bleus du ciel, le bleu de Mozart, la transparence de la vie, revenir à Mozart dans les instants les plus douloureux, ceux qui cisaillent la peau et déchirent l'âme, seule la musique sauve et vous conduit au Paradis, musique pour le coeur, pour la peau, pour le corps, musique qui aspire, qui soulève, musique qui délivre et retourne, comme un corps, à l'envers, donc à l'endroit, il suffit de faire avec, ainsi seulement on se sauve, on devient immortel.
Je l'imagine penchée sur son clavier, libre, éclatante, vibrante, la musique s'inscrit dans chaque muscle, dans chaque vaisseau, dans chaque neurone. Je l'imagine ainsi, les yeux profonds, le sourire de nuances. Admirable.
J'écoute Martha Argerich, le concerto n°25, 1978 the Concertgebouw, le Nederlands Kamerokest dirigé par Szymon Goldberg. Admirable.
Je la vois très nettement, clavier dévoilé, elle attend, la musique vient de si loin, de si près, réconciliée, c'est un mot qui lui va bien, c'est ce qu'elle se dit, réconciliées, ce que le 19° a voulu séparer, le corps et l'esprit, l'âme et le muscle, belle leçon, elle dégage sa mèche rebelle qui brouille sa vue et joue. Admirable.

" En voiture vers Dürnstein, on va de colline en colline, et voici Saint-Gilles, maison de la mère de Mozart, cytises en fleur, grand lac calme, et de là, en hors-bord, jusqu'à l'île rocheuse de Saint-Wolfgang. Ce saint du X° siècle est justement célèbre pour avoir fait travailler le diable lui-même à la construction de son monastère-église, avant de l'exorciser sous forme de loup. Le diable au travail, pendant qu'on se roule les pouces, voilà la technique de Wolfgang, préférable à la tentation de saint Antoine. Cela vaut bien une demie-heure sur l'eau, des marches à monter, un pèlerinage vers un retable à la beauté intincelante. Anna Maria a dû prier souvent saint Wolfgang dans le secret de son coeur et de sa grossesse finale. Elle a glissé ce prénom dans la litanie de ceux d'un garçon enfin retrouvé. A la recherche du fils perdu, il fallait un miracle. Il a eu lieu.
Wolfgang Amadeus : le diable et Dieu dans le même berceau, c'est quand même du grand art. Les mères ont leurs raisons que la raison ignore. Le diable y travaille, et Dieu bénit parfois le boulot à l'envers. On ne s'étonnera jamais assez de la froideur de Wolfgang devant la mort de sa mère, à Paris, en 1778. Détresse surmontée ? Sans doute, et il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter la sonate pour piano n° 8 en la mineur K. 310, chef-d'oeuvre d'énergie et d'héroïsme. Allegro maestoso, Andante contabile con espressione, Presto... Où trouve-t-il, dans sa solitude d'alors, près d'Anna Maria agonisante, la force d'écrire cette merveille ? Mystère. (1)

Autre mystère son regard face au clavier.

à suivre

Philippe Chauché
(1) Philippe Sollers / Mystérieux Mozart / Plon

dimanche 7 septembre 2008

L'Espace Invisible

" Parce qu'elle est émotion et parce qu'elle est torera, l'émotion torera est magique " (1)

" ... Et je continue d'écrire, depuis des mois, des années, j'écris, enfin j'essaie encore d'écrire... J'écris pour fuir, j'écris pour penser autrement, j'écris pour me donner l'impression que je travaille à quelque chose. " (2)

Écrire, écrire, pour que la mémoire n'ait point de défaillance, écrire, pour sur la page incandescente dessiner ce geste, ce mot, cette présence lumineuse du torero. D'où vient cette écriture, d'où vient cette mémoire vive, de l'art de l'invisible, du toreo, de cette musique qui transcende les taureaux.
Je m'appelle Alain Montcouquiol, je suis torero, écrivain, témoin du temps présent, témoin du passé qui sous ma plume se conjuge au présent.
Il s'appelle Christain Montcouquiol, Nimeno II, torero, emporté par une vague de cornes diabolique, sur le sable d'Arles en septembre 1989.
L'écrivain traverse l'Espagne, l'écrivain ouvre une brèche dans le temps passé :

"... Gerona. Dans une heure et demie, je serai à Barcelone, juste à temps pour prendre le train de nuit pour Madrid en wagons-lits et, demain matin, un taxi directement pour l'aéroport où Christian... Ça suffit ! D'ailleurs ce train de nuit ne doit plus exister...
Gerona... ça ne me disait rien, Gerona... Si. Bernard y avait triomphé. Il avait tirer des cartes postales d'une belle passe de cape... Il m'en avait dédicacé une six fois. Je m'avait retrouvée après la mort de Christian, en fouillant de vieux cartons emplis de lettres, de photos, de coupures de journaux... l'odeur des vieux papiers jaunis, l'odeur du temps passé... voilà ce qu'il restait de notre histoire... Quel gâchis ! "

L'écrivain torero, ouvre sa cape boussole et passe de Madrid à Mexico, d'un mouvement du poignet, le même qui lui fait tracer sur sa feuille sable le nom du torero emporté par un après-midi de diableries.

" Pour sa première corrida à la Gran Mexico, si le plublic s'était montré froid et distant au toro de la confirmation d'alternative, c'est que le Tequisquiapan ne valait rien et que Christian, déçu, désabusé, avait toréé sans âme... Mais au second, l'arène entière l'avait acclamé avec enthousiasme et Manolo Chopera, ravi, répétait dans le callejon : " Muy bien, muy bien ! Encajo en el gusto del publico de Mejico " ( il est entré dans le goût du public de Mexico ). " (2)

" Tous les matins, j'ouvre les rideaux sur les arènes, tous les soir le les ferme sur elles.
L'été, à l'aube, lorsque les premiers rayons de soleil allument les pierres, l'amphithéâtre devient le domaine des martinets. Des dizaines, des centaines d'oiseaux peut-être, volent par petits groupes serrés, se poursuivent à grande vitesse, se posent sur le sol en une géométrie savante, et leurs cris résonnent, stridents, dans les rues et sur la place encore déserte... " (2)

Comme les martinets qui douterait que les toreros ne soient pas touchés d'immortalité.

à suivre

Philippe Chauché


(1) José Bergamin / La solitude sonore du toreo / traduct. Florence Delay / Seuil / Fictions et Cie
(2) Alain Montcouquiol / Le sens de la marche / Verdier

samedi 6 septembre 2008

Rien




" ... D'illustres assemblées ont souvent été convoquées pour Rien, et se terminées à Rien. Combien de fois a-t-on vu de grands hommes privés de leurs emplois pour Rien, et remplacés par d'autres qui avaient moins de mérite que Rien ? Combien de contestations tous les jours et de querelles sur Rien ? L'homme de la ville, l'homme d'Etat, l'homme de guerre, les philosophes même font souvent grand bruit pour Rien. Les courtisans ne se donnent-ils pas sans cesse bien du mouvement pour Rien ? Les ambitieux ne se tourmentent-ils pas, et ne tourmentent-ils pas éternellement les autres pour Rien ? Les envieux aperçoivent des Riens dans leurs voisins, et ne voient pas une poutre qui leur crève les yeux... Toute cette agitation du monde, dit un auteur, noble Vénitien, tout ce flux et ce reflux des peuples dans les villes, toute cette foule d'hommes, de femmes, d'enfants, de laquais qui courent comme des fous par les rues ; tous ces gens qui se poussent, qui se battent, qui s'injurient, qui se saluent, qui s'embrassent ; les carrosses qui roulent, les fardeaux qu'on porte, qu'on traîne, les maisons qui tombent et qu'on relève, les palais que l'on bâtit, le bruit des armes, les cris et les clameurs de la populace, et mille autres choses qui sautent aux yeux, sont les effets et les jeux de Rien. Le pouvoir de Rien est extraordinaire : un Rien nous fait pleurer, un Rien nous fait rire, un Rien nous afflige, un Rien nous console, un Rien nous embarrasse, un Rien nous fait plaisir ; il ne faut qu'un Rien pour remonter un pauvre homme, il ne faut qu'un Rien pour le renverser... " (1)

Ce petit ouvrage attendait depuis 1861 d'être réédité, il dormait sagement disent les éditeurs dans la réserve de la bibliothèque Carnegie à Reims, il était là pour Rien, ce qui vous en conviendrez est beaucoup, et pour pas grand chose, il est à nouveau lisible. Qu'elle plume, qu'elles attaques vives et définitives - nous sommes au début du 18 ° siècle, avant que l'ancien ne soit remplacé par le nouveau régime, le petit opuscule est édité la première fois en 1730 -, quel humour pour Rien et la défense du Rien. Cet homme est un peu chinois, le rien c'est déjà beaucoup, et dans le rien il y l'ombre du tout. Pour qui goutte l'absurde et le définitif, pour qui le Rien fait sens, et qui voit dans le Rien, quelques petits Riens, ce livre tombe bien. En ces temps de petites choses circulaient ainsi à Paris et dans d'autres cités du Royaume, nées de l'imagination de quelques anonymes, le Roi n'y voyait Rien, les révolutionnaires subirent le même sort, mais la police des lettres veillait, ce n'est Rien, que cet éloge du Rien, pas de danger, dormez tranquille. Pas si sûr finalement :

"... Pour moi, plus sage ou plus fou, comme il plaira au redouté lecteur de me nommer, selon le juste droit qu'il en a acquis en m'achetant, je dédie mon Eloge de Rien à Personne. Je ne doute pas qu'une pareille dédicace ne révolte bien des gens, qui accoutumés à n'approuver que leur propres inventions, ont toujours des dispositions prochaines à blâmer celles des autres. Que cet auteur fantasque, diront ces censeurs pointilleurs, entend mal ses intérêts ! " (2)



Le livre est minuscule, comme un Rien imprimé, il a l'épaisseur d'un carnet de rendez-vous dont les pages n'auraient pas été décollées, il peut ainsi le glisser sous l'oreiller sans risque de troubler son sommeil, dans la poche intérieure de sa veste en toute discrétion, il n'est Rien, Rien qu'un amusement ? A voir.

à suivre

Philippe Chauché


(1) Anonyme / Eloge de Rien / Allia
(2) d°

vendredi 5 septembre 2008

Le Ravissement




Je traverse la rue, les martinets ont disparu, envolés pour l'Afrique me dit-on, aspirés par d'autres ravissements, les vierges de ma rue sourient. Léger, je flotte, et laisse mes yeux s'abandonner à la contemplation du ciel, bleu griffé de blanc, silence, la ville sommeille. Loin d'ici, une femme d'étonnement, les yeux perdus sur les vagues blanches qui se lèvent du large, ouvre ce livre, que son amoureux de l'instant lui a offert, fleurs d'été, elle sourit, pense à son corps désiré, revient au livre nécessaire, je l'écoute à distance :

" ... La fête de tous les saints - le Roman...
Sur la terrasse, dans le ciel, le français m'entre dans la tête comme un bateau... Roman du français... Voyage dans le roman... Voyage au bout de la nuit... après le déluge : Tel Quel, L'Infini... un prétexte... la navigation, le germe, le lieu, le vase alchimique actuel... la bonne disposition du temps... à la porte, l'arche ( cette porte est une porte sans porte ) Rimbaud lecteur de Baudelaire... un vrai Dieu, Rimbaud... Shakespeare... Homère enfant... le grec dans le français.. au retour... les yeux, les oreilles des plus riches pensées..." (1)

Belle voix, le français comme une musique, le français comme une peinture, le français comme un roman, roman du temps, roman de l'espace, roman de vie, roman de corps, roman fidèle à l'infidélité dans la fidélité, roman de peau, d'extase, roman du silence, roman de lectures de la Bible, à l'envers parfois, trouble, coeur à l'unisson, faisons comme ci de rien n'était, roman du roman, merveille des merveilles, sa voix poursuit ce chemin secret qui se glisse sous ma peau, roman de nuit, route de jour, ou l'inverse, je la regarde chanter, éblouissement, ravissement, instant éclat, violons et contrebasse, j'en suis heureux. En d'autres lieux, cette femme aux yeux émeraude lit à haute voix, j'écoute :

" La précoce violette, je l'ai grondée :
" Dis-moi, tendre voleuse, ton doux parfum
Ne vient-il pas des lèvres de mon amour ?
Et la couleur de tes joues, ton orgueil,

Du sang de ses artères ? " J'ai condamné le lys
Qui te vole une main, et de la marjolaine
Les touffes, tes cheveux. Apeurés, les roses
Se cuirassaient de leurs épines : l'une

Rougissante de honte, une autre blanche
De désespoir. Et ni rouge ni blanche, une troisième
Avait volé ces deux voleuses, et au larcin
Ajoutait celui de ton souffle ; mais te vengeait
Un ver qui en rongeait l'orgueil, à en mourir.

J'ai remarqué d'autres fleurs. Mais aucune
Qui ne t'eût pris son parfum , sa couleur."(2)

La journée sera chaude, je vole à travers les rues de la ville aux martinets absents, ils reviendront me souffle t-elle, le temps de trois lunes blanches, d'un tir d'arc argenté, et de mille amours.

à suivre

Philippe Chauché

(1)Marcelin Pleynet / Le savoir-vivre / L'Infini / Gallimard
(2)William Shakespeare / Les Sonnets / traduct. Yves Bonnefoy / Poésie / Gallimard

mercredi 3 septembre 2008

L'Effervescence Cavalière





Rien n'est plus simple voyez-vous, rien n'est plus effervescent que ce tableau, éclat de Fragonard, Lumières invitées, la vie c'est le geste et la pensée, la pensée du geste, et le corps illuminé. Il ne quittait pas du regard, cette jeune femme blonde, assises non loin de nous, une partition ouverte sur la table ronde qu'elle occupait. Regardez bien, cette jeune femme cher ami, à n'en pas douter c'est une pianiste, cela saute aux yeux, regard vif, éclatant, mains fines, poitrine libérée, elle joue silencieusement, ce qui pourrait être une pièce de Mozart, un concerto, elle a dessiné autour d'elle une frontière invisible, rien ne peut la déranger, elle est dans le battement de la musique, au coeur de la mélodie, dans l'émerveillement de cette écriture vivifiante, et sa vie semble merveilleusement mélodique. Les musiciennes sont ainsi, même si on veut nous faire croire le contraire. Je crois que d'une certaine façon, nous sommes nous aussi au coeur de la musique, la musique invisible du roman, et d'une certaine façon, nous aussi ajoutais-je, cela saute aux yeux, de ceux qui veulent bien nous entendre, mais après-tout cela n'a point d'importance, nous ne nous retrouvons pas ici, dans le café de l'Etoile, pour poursuivre ce dialogue, double piano, face à face, de concert, comme si à cet instant le monde était suspendu, comme vous le dites, nous sommes habités d'une effervescence cavalière. J'ai là, un petit livre que vous devez connaître, il n'est pas question d'autre chose, je me permets :
"... Le désirs se reproduisent par leurs images. " Laisserez-vous, lui dis-je, ma tête sans couronne ? si près du trône, pourrai-je éprouver des rigueurs ? pourriez-vous y prononcer un refus ?
- Et vos serments ? me répondit-elle en se levant.
- J'étais un mortel quand je les fis, vous m'avez fait un dieu : vous adorer, voilà mon seul serment.
- Venez, me dit-elle, l'ombre du mystère doit cacher ma faiblesse, venez... "
En même temps elle s'approcha de la grotte. A peine en avions-nous franchi l'entrée, qui je ne sais quel ressort, adroitement ménagé, nous entraîna. Portés par le même mouvement, nous tombâmes mollement renversés sur un monceau de coussins. L'obscurité régnait avec le silence dans ce nouveau sanctuaire. Nos soupirs nous tinrent lieu de langage. Plus tendres, plus multipliés, plus ardents, ils étaient les interprètes de nos sensations, ils en marquaient les degrés ; et le dernier de tous, quelque temps suspendu, nous avertit que nous devions rendre grâce à l'Amour. Elle prit une couronne qu'elle posa sur ma tête, et soulevant à peine ses beaux yeux humides de volupté, elle me dit " Eh bien ! aimerez-vous jamais la Contesse autant que moi ?"(1)
C'est le pari de Vivant Denon, pari sur le verbe, le roman, pari sur l'amour multiplié, secret et vécu, pari sur les corps multipliés, et c'est croyez-moi, une bien troublante réussite. Il me regardait, sa cigarette se consumait, ses yeux brûlants, il se détournant et fixa notre pianiste inconnue, oui cher ami, il s'agit de bien cela, un jour peut-être nous confronterons notre belle inconnue à cette musique là.
Plus tard, après avoir humé l'air des bouquinistes des bords de Seine, je m'assis à ma table ronde, commanda une coupe de champagne et ouvrit le livre :
"...La Nuit merveilleuse : c'est le titre d'une réécriture pornographique de Point de lendemain, à la fin du XVIII° siècle. Vivant y a-t-il mis la main ? C'est possible, et nous ne devons pas oublier que, dans la version de 1777, apparaît, dans le cabinet une statue de Priape ( faut-il rappeler au lecteur d'aujourd'hui qu'il est question d'érection ), ni que le trés sérieux Vivant Denon a publié, avant l'Empire, une série de dessins priapiques.
Mme de T..., là, devient Mme de Terville. On l'aborde d'une autre façon.
" Je saisis l'instant, je pénètre hardiment jusqu'au fond du sanctuaire des amours : un cri doux et étouffé m'avertit qu'elle est heureuse : ses soupirs prolongés m'annonçent qu'elle l'est longtemps ; le mouvement précipité de ses reins dont mes doigts habiles provoquent l'agilité, ne fait que confirmer ce que ses gestes et sa voix m'ont assez indiqué : je redouble d'ardeur et d'audace : un " Ah ! fri-pon ", prononcé en deux temps, mais de cette voix mourante du plaisir qui renaît, double mes forces, mes désirs et mon courage ; nos langues s'unissent, se croisent, se collent l'une à l'autre ; nous nous suçons mutuellement ; nos âmes se confondent, se multiplient à chacun de nos baisers ; nous tombons enfin dans ce délicieux anéantissement auquel on ne peut rien comparer que lui-même. " (2)
Il me faudra offrir un jour ce livre à notre jeune pianiste du café de l'Etoile, c'est ce que je me dis, en traversant la rue. La nuit est douce, des éclats d'astres prolongent la musique née dans notre café un soir d'hiver. La vie éclaire chacun de mes pas. La mort est dernière nous.

à suivre

Philippe Chauché



(1) Vivant Denon / Point de lendemain / Éditions Gallimard
(2) Philippe Sollers / Le Cavalier du Louvre / Vivant Denon / Plon

mardi 2 septembre 2008

L'Etat du Monde

Voyez-vous cher ami, les libertins, ont toujours très mauvaise réputation, nos jeunes amis sensualistes subissent un sort comparable, que ne leur reproche-t-on, la liste serait trop longue, et finalement peu réjouissante pour nous y attarder, ce siècle caméléon, qui chaque jour se donne des airs du 19°, est bien épuisant pour qui se veut un tant soit peu en accord avec la musique du temps, le mouvement des fées et les plumes tranchantes des auteurs des hauteurs. Notre époque rêve de guillotine, d'autodafés, d'enfermement, de délations, la coupe est pleine, et ni vous, ni moi n'en doutons, notre simple présence, ici, dans ce café lumineux suffirait à le prouver. Passons donc à autre chose, aux écrivains qui solitaires intempestifs écrivent comme ils vivent et vivent finalement comme ils écrivent, autre grand scandale :

" Et voilà le swing Saint-Simon. Voyez Mlle de Séry : « C’était une jeune fille de condition sans aucun bien, jolie, piquante, d’un air vif, mutin, capricieux et plaisant. Cet air ne tenait que trop ce qu’il promettait. » Concision, raccourci, torsade des adjectifs, improvisation presque folle, chaque séquence est nerveuse et à vol d’oiseau, comme une intervention de Charlie Parker. La faute de Louis XIV ? Il s’embourgeoise, contrôlé de plus en plus, par une Maintenon religieuse qui « se figurait être une Mère de l’Eglise ». « Le Roi était devenu dévot, et dévot dans la dernière ignorance. » Il se fait gouverner, à son insu, par « un cercle de besoins et de services réciproques ». Il ne pense qu’à promouvoir ses bâtards « successivement tirés du profond et ténébreux néant du double adultère ». C’est un maniaque des familles recomposées, ce qui, pour le duc, est le crime suprême : on abaisse le sang, on élève le néant, et tout cela en parlant de Dieu, mélange qui finira mal un jour ou l’autre. Il faut donc lire Saint-Simon pour comprendre la Révolution. Imaginez-le aujourd’hui, épouvanté, tournant dans le parc de Versailles, ou essayant d’entrer à la Lanterne. De quoi perdre la tête, à jamais. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Philippe Sollers / Le Nouvel Observateur du 31 janvier 2008 / in Pile Face