mercredi 29 août 2012
Un Pied sur le Sable
" Je ne juge ce temps, ne le dédaigne,
Non plus que, contre un, la commune guerre ;
Si je fus inapte à priser son règne,
Folie fut de ne plus tôt m'en défaire :
Si cher que cette erreur coûte à ma vie,
Bien plus que je n'ai su prévoir parfois,
J'ai connu que, tant m'ait-elle ravi,
Elle ne put pas me priver de toi. " (1)
Il met un pied sur le sable, armé de son sourire et du livre qu'il a glissé sous sa chemise blanche, les oiseaux du large s'en moquent, et note-t-il, ils ont bien raison.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Poèmes / Lord Byron / traduc. Florence Guilhot et Jean-Louis Paul / Allia / 2011
lundi 27 août 2012
Brise du Sud
" Sans les nuances, avoir une femme qu'on adore ne serait pas un bonheur, et même serait impossible. " (1)
" L'on n'est pas plus maître de toujours aimer qu'on l'a été de ne pas aimer. " (2)
Les images sont des nuances.
à suivre
Philippe Chauché
(1) De l'amour / Stendhal / Edition de V. Del Litto / Gallimard
(2) Les Caractères / La Bruyère / Edition de R. Garapon / Classique Garnier
jeudi 23 août 2012
L'Eté de Toutes les Suprises 2
" Les rois manipulent en secret des seins admirables auxquels ils impriment le sceau de leur bague qui y reste gravé, car ils l'appliquent lorsque les seins sont incandescents, lorsqu'ils s'amollissent comme la cire à l'heure ardente de l'orgueil. " (1)
jeudi
" J'ai passé une partie de l'après-midi à écouter Delirio amoroso de Haendel, Emmanuelle Haïm dirige Le Concert d'Astrée et Natalie Dessay chante... Sur ces rives douces et sereines / chaque fleur naît d'elle-même avec le sourire. Parmi la musique et les chants / les amants respirent un vent d'amour toujours clément. Pitié, courage, gloire et honneur, / qui peut me refuser cette juste récompense ? Les souffrances seront le plaisir de l'aimé / qui vous doit donner l'amour et la fidélité. Il s'agit de Cantates italiennes souvenir d'un séjour italien du musicien de mi-1706 à mi-1710, son Delirio amoroso fut donné en 1707, ce qu'en offre Le Concert d'Astrée est d'une légèreté étourdissante, la musique doit adoucir le Délire amoureux, l'envelopper, ou qui sait, l'accentuer, je me dis que les déesses devraient l'écouter plus souvent, celles qu'il connaît de près ou de loin - c'est semblable - s'y plonger comme dans le calice de la Mer. "
à suivre
Philippe Chauché
(1) Seins / Ramón Gómez de la Serna / traduc. Benito Pelegrin / Babel / 1995
mardi 21 août 2012
Des Taureaux et des Nationalistes
Après les Catalans c'est au tour des nationalistes Basques de bannir la corrida des arènes de Saint Sébastien, les nationalistes de Bildu veulent en finir avec ce " cruel spectacle ", ce qui est amusant, c'est que ces mêmes nationalistes amis des animaux ont tous plus ou moins soutenu les terroristes de l'ETA qui eux ne tuaient pas des taureaux mais des hommes, autre temps autres moeurs dirons-nous, puisque depuis l'an passé la banda armée et cagoulée à jeté l'éponge avec le sang qu'elle a versé, sans d'évidence s'excuser de ses crimes, mais l'opposition farouche à " Nation " Espagnole se poursuit autrement, la corrida pour ces écervelés c'est Madrid, et pensent-ils, il faut en finir avec Madrid, il faut en finir avec l'Histoire, mais l'Histoire finira par les rattraper pour les laisser nus sur la Concha comme des poissons morts rejetés par l'Océan.
à suivre
Philippe Chauché
dimanche 19 août 2012
Bacon Peintre
" L'art abstrait c'est une libre fantaisie à propos de rien. Or rien ne vient de rien. On a besoin de l'image pour accéder aux plus profondes sensations, et on a besoin du mystère de l'accident et de l'intuition pour créer une image. Cézanne a forgé peu à peu un système correspondant à sa volonté de capter les images qui le touchaient. Le Cubisme a été une sorte de décoration à partir de Cézanne - bien que créant aussi quelques belles choses. Maintenant je veux avant tout faire des portraits, car on peut les faire en dehors de tout souci d'illustration. C'est un jeu risqué fait de chance, d'intuition et de maîtrise. L'art vrai est toujours maîtrisé, peu importe ce qui vient du hasard. " (1)
" Ce que je ressens c'est que la figuration - en peinture - va retrouver une formidable vitalité maintenant que nous avons traversé cette période très déprimante et décorative de l'abstraction. " (1)
" J'aime Degas. Je pense que ses pastels sont parmi les plus grandes choses jamais exécutées. Je pense qu'ils sont bien plus grands que ses peintures. Certaines peintures ne sont rien en comparaison, c'est très étrange. Mais pour moi Van Gogh a touché de très près de la vérité en art quand il a dit - je ne me souviens pas des mots exacts - dans une de ces extraordinaires lettres à son frère, que je lis et relis sans cesse : " Ce que je fais est peut-être un mensonge, mais cela évoque la réalité avec plus de justesse. " C'est quelque chose de très complexe. Après tout, ce ne sont pas les peintres soi disant " réalistes " qui arrivent le mieux à évoquer la réalité. Par exemple, j'ai vu un extraordinaire tableau de Monet dans une exposition à Londres l'autre jour. Je ne l'avais jamais vu auparavant, même en reproduction. C'était une de ses vues de la Tamise, mais vous ne pouviez rien distinguer d'abord, parce que tout est envahi de mouettes. C'est la chose la plus extraordinairement inventive, et pourtant très réelle - une espèce de brouillard d'ailes de mouettes sur la Tamise. " (1)
Francis Bacon peintre, cela veut dire, et bien dire, qu'il sait où il en est de son art, et qu'il ne cesse de vérifier où en sont les autres, il achète une encre d'Henri Michaux, se passionne pour les dessins de Giacometti, d'autres sont là, et bien là, Goya, Van Gogh, Monet, Matisse, les Expressionnistes Abstraits américain - mêmes constances que chez de Motherwell -, Francis Bacon peintre, regarde avec ses brosses et brosse avec son regard, cherchez aujourd'hui chez nos faiseurs et nos poseurs un semblable exemple, vous n'en trouverez point, un ou deux peut-être - Alechinsky, Nivollet - c'est ainsi et la Bourse semble apprécier.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Entretiens avec Francis Bacon / 1963-1989 / Michael Pepplatt / traduc. Patrice Cotensin / L'Echoppe / 1998
samedi 18 août 2012
Mouvement de Délectation
" Je ne cherche pas une femme jeune et perdue. Je ne cherche pas une orpheline sortant de la guerre. Je ne cherche pas une Allemande à la voix merveilleuse. Je ne cherche pas un jadis introuvable. Je ne cherche même pas cette espèce de chose sans silhouette que le langage divise, que le nez ne sent pas encore, que la main ne saurait. Écrire cherche un état que la langue ordinaire ou orale ou nationale ne reconnaît pas. Je cherche quelque chose dont la non-reconnaissance est peut-être le signe. " (1)
Écrire ne sert à rien, sauf à chercher, chercher à nouveau l'invisibilité de la phrase, sa manière de se fondre dans le mouvement silencieux et très lent des lèvres qui vont la lire, écrire pour des lèvres qui savent lire est un exercice des plus goûteux ; alors ce n'est pas l'écrivain, dans ce mouvement de délectation, qui existe, mais la phrase seule, plus tard viendra l'auteur, lorsque la nuit se fera tapageuse, et que toutes ses phrases lues seront abandonnées à leur sort de phrases oubliées.
Écrire devient nécessaire dans le mouvement des lèvres, la main est d'une semblable agilité, les phrases épanchent les soifs les plus intimes, rien n'est finalement plus charnel que la phrase, elle mets les mots à la bouche, et une phrase qui s'ourle dans le velouté des lèvres est une phrase invisible qui prend corps dans un corps inconnu, et qui par le miracle de la lecture silencieuse pourra alors être entendue par l'écrivain qui a l'oreille fine comme les lèvres qui l'ont révélé.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les Paradisiaques / Pascal Quignard / Grasset / 2005
jeudi 16 août 2012
L'Eté de Toutes les Surprises
" La plupart des hommes du monde, par vanité, par méfiance, par crainte du malheur ne se livrent à aimer une femme qu'après l'intimité. " (1)
jeudi
Lire Stendhal est à chaque fois une surprise, il va donc de surprises en surprises, note-t-il, l'été est propice à ces exercices spirituels, comme il l'est, ajoute-t-il, aux amusements inutiles, aux désespoirs silencieux et joueurs, aux croisements des regards qui ne durent qu'un été, et aux échanges de phrases voluptueuses, pour le reste, il faudra attendre l'automne, saison académique s'il en est, lire ainsi face à un ventilateur qui n'en peut mais, écoutant d'une oreille charmée les arpèges de Bill Evans, il va de surprises en surprises.
" L'amour est la seule passion qui se paye d'une monnaie qu'elle fabrique elle-même. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) De l'Amour / Stendhal / Edition de V. Del Litto / folio classique / Gallimard
mercredi 15 août 2012
Confessions
" Il faisait très chaud. Vêtue d'une robe de chambre légère, qui laissait le cou libre, je repassais des dentelles dans la salle à manger. Assis en face de moi, mon mari et Staudenheim causaient. Un couple d'hirondelles qui avait fait son nid sur le large cadre d'un tableau, passant et repassant sans cesse par la fenêtre ouverte, voltigeait au-dessus de nos têtes ; le soleil, plaqué en larges taches sur le plancher, inondait la chambre de lumière.
- Regarde donc ta femme, dit Staudenheim à Léopold, là en plein soleil, dans toute sa gloire ! Combien de femmes se risqueraient à en faire autant ? On dirait qu'elle s'épanouit dans la lumière.
- Très bien ! Fais la cour à ma femme devant moi ! dit Léopold.
- Devant toi, justement ! répliqua Staudenheim avec une menace d'impatience dans le ton. Si elle n'était pas ta femme, ce n'est qu'entre quatre yeux que je lui ferais la cour. Plains-toi ! au lieu de m'être reconnaissant !
- Comment veux-tu que je te prouve ma reconnaissance ?
- En me permettant de l'embrasser... là, derrière l'oreille.
Il s'était levé et montrait la place du doigt. Son geste fut d'une drôlerie irrésistible et nous éclatâmes tous de rire.
- Et bien, tu permets ?
- Vas-y, dit Léopold. Mais je te conseille de lui tenir les mains, sans cela je ne réponds de rien.
Staudenheim s'était approché de moi par-derrière et, sans me laisser le temps de poser mon fer chaud, il m'avait empoigné les bras et m'avait donné un baiser vigoureux, mais honnête
- Là, maintenant vous pouvez continuer à repasser vos dentelles, dit-il. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Confession de ma vie / Wanda de Sacher-Masoch / L'Infini / Gallimard / 1989
lundi 13 août 2012
Vanités
" Monsieur de Saint-Cyran, après qu'il fut élargi de sa prison l'année 1643, évoquait les vanités du monde à la façon dont les peintres avaient pris l'habitude de les représenter sur leurs tableaux ;
verres de vin à demi pleins ;
luths brun et rouge ;
cartes à jouer blanchâtres ;
pelures de citron qui pendent au bord des tables ;
miroirs sans reflet.
De tous ces objets il disait qu'il s'était passé avec aisance dans le cachot.
Même de l'image de ce qu'on n'a pas, on se passe.
Les rêves suffisent à pourvoir de l'ersatz pour tout ce dont le corps est privé. " (1)
" Saint-Cyran évoque la vanité des livres qui ne sont que des livres. Des dieux qui ne sont que des fantasmes. Des idées qui ne sont que des désirs....
Avant la geôle, je pensais : Derrière le monde visible, il y a un monde. Maintenant, sorti de l'ombre où le roi a voulut me placer pour reposer mes yeux, je pense : Derrière le monde invisible, il y en a encore un autre, qui est seul réel. " (1)
Il aura note-t-il, passé son siècle à désorienter la vie que quelques bonnes âmes avaient pour lui organisée, il aura passé sa vie à déserter un siècle que les morts s'étaient approprié, il ne reste qu'un léger vent d'été, son âme est soyeuse, ses mots tout aussi rares que les éclats d'or dans les mouchoirs brodés des jeunes filles qu'il lui arrivait de croiser, il n'est ni moderne, ni ancien, il se déploie simplement dans des livres qui ont la profondeur troublante de la peau d'une déesse, et cela définitivement lui convient, comme une vanité.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les Ombres errantes / Pascal Quignard / Grasset / 2002
mercredi 8 août 2012
Une Présence Provisoire
Souvent les aficionados sont inutilement bavards, parfois ils se réjouissent du chichi de toreros, qui accumulent les passes comme d'autres les phrases, rarement ils saisissent le devenir torero d'un jeune homme qui ne mise que sur l'absence, sur le vide, sur l'essence ultime du toreo.
Daniel Luque est un torero en devenir, son élégance, sa précision, sa transmission, son sitio, ses trincheras, ses naturelles, ont un parfum unique, qui touche au sublime, au mouvement de l'ange, ses passes sont des exclamations en suspensions, des suspensions du temps, la délivrance taurine s'aperçoit mais ne se voit pas, les haïkus de Luque se lisent sur les lèvres, le poignet du torero comme celui du peintre dessine l'invisible, et seul l'invisible mérite de l'envolée des anges.
à suivre
Philippe Chauché
jeudi 2 août 2012
Une Absence Provisoire
Armé de son vide intérieur, il se prépare à affronter le néant de l'océan, ce qui est un exploit, mais en matière d'exploits, il est assez doué.
à suivre
Philippe Chauché
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