jeudi 21 novembre 2013

La Cause Littéraire de Rimbaud

La Dernière Lettre de Rimbaud, Frank Charpentier 

 

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La Dernière Lettre de Rimbaud, Frank Charpentier

« La Providence fait quelque fois reparaître le même homme à travers plusieurs siècles » (A. R.)
Rien ne t’oblige à entendre dans « lève-toi et marche » de la Bible, « lève-toi et écris ce que tu es en train de vivre », mais aussi « marche et écris ce que tu as vécu dans les siècles et des siècles et ce que tu vivras ». Si tes phrases savent s’accorder au mouvement du verbe et du temps, de la Genèse au Grand siècle, alors une nouvelle lecture est possible, une nouvelle aventure est là, il faut la saisir et ce livre étrange t’y invite.
Et si Rimbaud, soi-disant poète éphémère de la jeunesse révoltée et insouciante, était pour qui sait le lire de face ou de biais un homme de l’immersion dans une langue et sa mécanique sacrée, un poète qui en sait beaucoup sur la mesure du silence et la couleur des phrases ? Rimbaud : écrivain de l’escapade vagabonde au centre du Livre, où tout déplacement dans le temps est un mouvement dans l’espace. Ici et maintenant à Paris. C’est aussi ici et maintenant, au Harar, de nouvelles Illuminations livrées par la poste et décachetées par Frank Charpentier. D’une lettre l’autre, comme l’on passe de l’enfer au paradis, de Verlaine à Noé, de l’Occident à l’Orient… Tout un roman !
« Définition de l’enfer : le centre est nulle part et la circonférence partout, ça s’appelle aussi l’enfer-me-ment ! Le paradis : la circonférence n’est nulle part, le centre est partout chez lui, infracassable noyau de lumière nature, et ensuite pas de limites, de mauvaises limites ».
Comme chez le gnostique Philippe, Rimbaud expérimente un retournement : la résurrection durant la vie – scandale des scandales. Immersion permanente dans le Livre,  autrement dit dans la liberté libre. Je fais ce que j’entends et n’attends rien de ce que l’on veut que je sois – l’inverse de la domination sociale. Le narrateur du roman de Frank Charpentier met l’œuvre du poète au diapason de sa vie et inversement. Ayant tout connu de l’état des hommes et de leur surdité, il peut musicalement traverser l’aventure de la poésie, et l’illuminer d’une autre lecture : l’hébreu en son jardin. Prendre chaque phrase, chaque poésie à la lettre. A. R. – Arthur Rimbaud, mais aussi A Réaliser –, L… – le Lien, elle seule –, sans s’encombrer des fariboles fumeuses et funestes que véhiculent les gloseurs assis. Roman évènement, La Dernière Lettre de Rimbaud est aussi un roman avènement.
« L… est assise en face de moi. Deux vodkas-pamplemousse, d’abord ; et, évidemment, une cigarette, plus une autre, pour moi, chaque fois savourée comme chacune des Muratti que j’allume, ces cigarettes italiennes que je fume depuis l’âge de dix-sept ans, c’est-à-dire depuis que j’ai décidé d’être sérieux exclusivement à ma façon mais aussi fidèle, et depuis plus longtemps encore jusque dans les plus petits détails très tôt choisis ».
Très tôt choisis, les poètes vous prennent au sérieux.

Philippe Chauché


 

vendredi 15 novembre 2013

Schiffter sur la Cause Littéraire

Rencontre avec Frédéric Schiffter


Rencontre avec Frédéric Schiffter

« Entre l’Ennui et l’Extase se déroule toute notre expérience du temps ».
E. M. Cioran – « Syllogismes de l’amertume »

Biarritz, un mois d’octobre unique, une journée d’été en automne, le Casino est à deux pas, la Grande Plage à quatre, l’hôtel du Palais à un regard, l’océan se repose, les surfeurs doivent flâner ou lire La Beauté, une éducation esthétique, et qui sait Le charme des penseurs tristes (*). Dans un salon de velours rouge du Plazza, on peut se livrer de biais au jeu des questions réponses, et l’ombre portée de quelques écrivains balnéaires nous accompagne avec légèreté. Que demander de mieux ?

Philippe Chauché : Au siècle dernier vous avez mis sur « le devant de la scène » une petite maison d’édition Distance, aujourd’hui disparue, où vous avez publié quelques classiques très modernes – Gracian, Ortega y Gasset, Hérault de Séchelles, Schopenhauer, mais aussi de petits textes de votre plume, vous vous vouliez éditeur et auteur ?
Frédéric Schiffter : Il manque à la liste Clément Rosset et Roland Jaccard, qui, depuis, sont devenus des amis. Distance était une cabane d’édition. Je ne programmais rien. Je publiais un texte dès qu’il m’en venait le caprice. Une librairie de Biarritz, le Bookstore, m’en commandait plus d’une centaine d’exemplaires à l’avance, ce qui me permettait de payer l’imprimeur. Je n’avais pas de distributeur. Dès que l’ouvrage sortait des presses, je téléphonais aux libraires parisiens et provinciaux qui avaient coutume de prendre les livres de Distance en dépôt-vente. Ainsi fonctionnait, lentement et sans sûreté, ma petite entreprise sans qualité. Je n’étais pas un éditeur professionnel. Ni même amateur. Dilettante, plutôt. Certes j’ai édité deux ou trois textes personnels. Voulais-je devenir auteur ? Je m’essayais à devenir essayiste.

C’était une étape essentielle dans votre « vie » d’essayiste ?

Deux de mes opuscules datant de cette époque ont été repris chez des éditeurs professionnels – les Puf et Milan. L’essayiste que je suis devenu ne rougirait pas trop de serrer la main à l’essayiste que j’étais alors.

Pourquoi avoir décidé d’en finir avec Distance ?

Malgré la légèreté de sa structure, Distance commençait, comme on dit, à me peser. En bon dilettante, je cultive aussi en moi une nature de velléitaire. Je n’ai plus eu l’énergie ni le goût de continuer cette activité.

La philosophie est votre métier, vous l’enseignez, mais c’est aussi votre plaisir ? Vous notez même que vous vous adonnez à un « honnête amusement ». Vous pouvez préciser ?

J’enseigne la philosophie depuis des lustres et cela me rase. Pour me divertir, j’en écris. L’honnête amusement dont je parle est une expression de Montaigne – mon maître, forcément, en matière d’essais –, qui voulait dire que le fait d’écrire lui permettait de prendre connaissance de ce qu’il pensait et qu’il voyait là une distraction intelligente.

Quels sont ces philosophes et ces penseurs qui vous accompagnent ? Vous attachez de l’intérêt aux idées qu’ils défendent, à leur style, ou au mélange subtil des deux ?

Au philosophe, je préfère le penseur. Le penseur ne promeut pas des idées mais tente de traduire ses humeurs et ses hantises. Ce qui ne l’empêche pas d’être philosophe à l’occasion. N’étant, comme dit Cioran, que le « secrétaire de ses sensations », le penseur, pour éviter d’étaler avec impudeur son ego, ramasse ses propos en aphorismes. Le laconisme est la politesse de ses obsessions. C’est à ce titre, en tant que stylistes, que tous ces écrivains qu’on appelle les moralistes, La Rochefoucauld, Pascal, Chamfort, Leopardi, Kraus, Caraco, et quelques autres, sont les auteurs qui m’accompagnent. Il y a aussi des « romanciers ». Georges Simenon, Emmanuel Bove, Thomas Bernhard, Michel Houellebecq, Philip Roth.

Et ceux qui ne vous amusent en rien ?

Les autres.

Le style pour vous ?

Je ne sais pas si j’ai du style. Je considère que c’est tout simplement une façon bien élevée d’écrire. Il faut savoir tenir ses phrases sans les corseter. Être clair et distinct. Respecter une tradition française qui veut que l’on écrive avec concision et que l’on s’adresse à son lecteur sur le mode d’une conversation.

L’humour des penseurs ?

Pour les gens sérieux – les universitaires – l’humour nuit à l’œuvre. On y voit une certaine futilité de l’auteur, un je-m’en-foutisme. Or c’est un jeu de l’esprit, et quand l’esprit joue, il est au cœur même de ce qui est très sérieux. Clément Rosset, par exemple, a souffert d’ostracisme de la part de l’opinion lettrée et férue de philosophie, parce qu’il recourait dans ses analyses très profondes à des auteurs comme Courteline ou Hergé. Dans l’un de ses ouvrages consacré à la singularité, il s’attarde longuement sur ce qui peut faire l’essence même d’un Camembert. Dans un autre, traitant de l’humour, justement, il montre en quoi la tragédie du Titanic est de part en part hilarante. Contemporain de figures comme Derrida ou Deleuze qui se piquaient de promouvoir des concepts de la plus haute importance, Rosset passa longtemps pour un farceur. On s’aperçoit enfin que sa pensée est non seulement l’une des plus décapantes contre le pédantisme et l’enfumage conceptuel, mais surtout la plus décisive pour mettre à jour les mécanismes de l’illusion qui poussent les humains vers les pires folies.

Montaigne (**) ?

Je ne l’ai pas découvert à l’université mais en voyant son nom souvent cité par Clément Rosset, justement. On en fait une sorte de précurseur de Voltaire, des Lumières, alors que c’est un penseur solitaire, très sombre. Or lui aussi, à ce titre, est un humoriste.

Biarritz ?

Les fantômes de Proust, Roussel, Drieu-la-Rochelle, Fitzgerald, Hemingway, Jacques Rigaut, d’autres encore, hantent Biarritz. Mais plus qu’une ville littéraire, c’est une station balnéaire romanesque où l’on s’ennuie avec volupté. Je compte écrire sur Biarritz.

Dans votre dernier ouvrage « Le charme des penseurs tristes », vous consacrez quelques pages à Roland Jaccard, seul essayiste vivant du livre, le seul qui mérite d’y figurer ?

Jaccard est un diariste et un « aphoriste » cynique injustement méconnu. Ses petits essais consacrés à Louise Brooks ou à Ludwig Wittgenstein sont des exemples d’érudition désinvolte.

Cioran y tient belle place, c’est un penseur salutaire pour vous ?

Cioran me redonne toujours l’énergie du désespoir.

Vous semblez attacher aussi une grande importance aux manières de se comporter dans le monde, à un certain détachement. Pour vous il marque tout autant ces stylistes que leurs écrits ?

La vie est souffrance et plaisir mêlés et je doute qu’on atteigne au détachement. Je donne raison à Proust quand il dit que les « idées sont les succédanés des chagrins ».

Dans votre philosophie sentimentale, la musique, la chanson, le cinéma, la littérature, l’art, ont-ils leur place ?

Au premier rang. Enfin, juste après la sieste.

Enfin vous pratiquez toujours le surf (***) ?

Sur les vagues, comme en tout, j’essaie de garder l’équilibre avec tenue.

Le charme des penseurs tristes
Qui sont ces penseurs tristes que le philosophe balnéaire, c’est ainsi qu’il aime se présenter non sans humour, met en lumière dans ce petit opus ? Un prophète – l’Ecclésiaste –, un penseur précis et piquant – La Rochefoucauld –, une marquise savante et galante – Mme Du Deffand –, un maître moraliste digne descendant du Grand Siècle européen – Cioran – et un spécialiste amusant des échecs – Roland Jaccard – et quelques autres. Ces penseurs tristes n’ont rien à vendre, rien à proposer aux âmes perdues – nous sommes aux antipodes des philosophes du chichi et du blabla (****) qui peuplent les colonnes des gazettes et les ondes de la radiodiffusion – rien à offrir, sauf, peut-être des manières de traverser la folie des hommes en attendant la mort, avec style, élégance, détachement et humour, des manières, des attitudes et un style – qui, on ne saurait trop le rappeler, fait l’homme lettré –, ils vont à la vie comme s’ils allaient à l’échafaud, et peu leur chaud s’ils effraient et désespèrent leurs lecteurs, peu leur chaud si leurs contemporains les bannissent, ils viennent de trouver en Frédéric Schiffter un secrétaire attentif à leur charme et à leur désespoir courtois, qui ressemblent à s’y méprendre à ceux d’une station balnéaire où ils auraient pu, un matin d’hiver, le croiser.

Philippe Chauché

(*) Flammarion
(**) Le plafond de Montaigne, Milan, 2004
(***) Petite philosophie du surf, Milan, 2005
(****) Le blabla et le chichi des philosophes, Puf, Perspectives critiques, 2002



à suivre

Philippe Chauché  






















jeudi 14 novembre 2013

D'une Musique l'Autre



 

Le bleu du ciel ouvre de nouvelles perspectives comme le font les deux ouvrages d'Olivier-Pierre Thébault ouverts sur son bureau ( La musique plus intense - L'Infini - Gallimard, Par-delà l'enfer et le ciel - auto édition Collection plume au bout des doigts ), en compagnie de l'édition d'Antoine Adam des Œuvres complètes de Rimbaud et celle d'Yves-Gérard Le Dantec de Baudelaire, parues dans La Pléiade chez Gallimard, 1972  pour l'une, 1944 pour l'autre,  accompagnés d'Après une lecture du Dante de Liszt dans une interprétation de Lise de la Salle : d'une phrase l'autre, d'une musique l'autre.
 
" Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie. " A. R.
 
" Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? " C. B.
 
Question du Temps,  le Temps suspendu à la décharge des sons d'un tambour et à la vision de cette fugitive beauté, l'auteur ouvre lui aussi quelques perspectives qui méritent lectures et attentions :
 
" L'homme en tant qu'il vit poétiquement sur cette terre n'est-il pas l'infinité du Temps dans sa finitude, et pour cela même vivant extatiquement l'illumination de celui-ci, par instants idéaux de brasier pourpre et de fauve fulgurance où le présent rassemble tous les temps, où tous les temps se rejoignent dans leur dépassement ? N'est-ce pas ce à quoi, à chaque remémoration ruminante et émerveillée, comme à chaque lecture labile, ouvre le texte des Illuminations de Rimbaud, actualisant et accomplissant la geste biblique et plus généralement celle de toute grande littérature. "

Autre geste chez Baudelaire, plus vive et coupante, en écho à celle de Rimbaud, mais aussi plus littéralement dionysiaque se plait à défendre l'auteur - nous y reviendrons dans quelques temps - constatons aujourd'hui que le dandy - lettré par excellence - n'a pas fini de nous surprendre.




à suivre

Philippe Chauché

samedi 9 novembre 2013

L'Etoile du Philosophe


 
" ( Alors )  elle passe sa petite main apaisante dans ses cheveux comme pour lui dire qu'il est temps, grand temps,  de penser plus simplement, plus concrètement. L'enfant, ce glouton de sens, le distrait, le tire par la manche, l'assaille de mille questions lâchées comme des pépiements d'oiseaux. Il lui fait croire que l'énigme du monde pourrait se réduire à quelques sujets élémentaires. "
 
Un amour de Descartes, l'enfance de l'art et de la raison, l'un ne va pas sans l'autre. L'autre, cette enfant qui le fixe, l'écoute, l'interpelle, lui montre ce qu'elle voit avec ses mots, qui vont un temps le détourner de ses maux, enfance nommée, sentie, qui le bouleverse et dont la mort très tôt venue le retourne. Descartes face à l'enfance,  son enfance autrement entendue. Descartes face à la vie qui papillonne, qui se barbouille de confiture, qui n'a d'autres raisons que la raison d'être, étoile filante, sauts de puces sur un pied, sourires de la surprise, toupie qui tourne dans le cœur du philosophe. Il s'en souviendra, nous aussi.

" Il lui explique les sons : il réunit de beaux verres en cristal gravés à la pointe de diamant, de tailles différentes, et les fait tinter à l'aide d'un couteau d'argent. Diiiiiiiing ! Mais il se garde bien de lui expliquer pourquoi la " réflexion de la lumière " est " plus grande dans le cristal que dans le verre ". Le timbre est affaire de physiciens. Il s'intéresse surtout au son dans sa durée. Au bout du compte, il s'aperçoit que ce petit exercice lui a surtout permis de briser un verre. Blinnnng !
Elle s'esclaffe et en rit.
" Achtung, René ! "

à suivre

Philippe Chauché
 

dimanche 3 novembre 2013

Cette Part d'Ivresse




 

« Perpétuel printemps du temps. A travers et par-delà les saisons, les pays, les années. Immortalité individuelle reconquise.
Vraie vie secrète, solitude radicale, communication véritable, à l’infini. »

 
L’Infini, collection imaginée et dirigée par Philippe Sollers,  n’a jamais aussi bien porté son nom. Car c’est bien d’infini dont il est question avec ce roman de Frank Charpentier, infini de la langue, de la poésie, du roman, qui prennent leur source au cœur même du Livre des livres, celui qui a lu et bien lu Rimbaud. C’est disons-le, l’enfance des choses, et les miracles qui nous occupent sont ceux de la langue et du style, de la poésie au roman, contagion divine, colorée et musicale.

Il s’agit de prendre tout cela à la lettre, et d’accorder ses phrases au mouvement infini du corps, du verbe et du temps, saut dans le temps, de la Genèse au siècle de Baudelaire « le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu » qui a sa réponse, et quelle réponse : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous. »

La musique est cette part d’ivresse qui nous saisit, complément d’objet direct, direct de l’âme au corps, du corps à l’âme. Pour se faire, se lever et écrire, marcher et écrire ce que l’on vit et ce que l’on vivra dans les siècles et des siècles.

Et si Rimbaud, soi-disant poète éphémère de la jeunesse révoltée et insouciante, qui a disent-ils cessé d'écrire dans sa fuite trafiquante, trafiquer les phrases ou les armes ? Mais si Rimbaud était pour qui sait le lire de face ou de biais, un homme de l’immersion dans une langue et sa mécanique sacrée, un poète qui en sait beaucoup sur la mesure du silence et la couleur des phrases ? Rimbaud : écrivain de l’escapade vagabonde au centre du Livre, où tout déplacement dans le temps est un mouvement dans l’espace. Ici et maintenant à Paris. C’est aussi ici et maintenant, au Harar, de nouvelles Illuminations livrées par la poste et décachetées par Frank Charpentier. D’une lettre l’autre, comme l’on passe de l’enfer au paradis, de Verlaine à Noé, de l’Occident à l’Orient, une dernière lettre, toutes les lettres.

 
« Définition de l’enfer : le centre est nulle part et la circonférence partout, ça s’appelle aussi l’enfer-me-ment ! Le paradis : la circonférence n’est nulle part, le centre est partout chez lui, infracassable noyau de lumière nature, et ensuite pas de limites, de mauvaises limites. »

Comme chez le gnostique Philippe, Rimbaud expérimente un retournement : la résurrection durant la vie, - scandale des scandales –. Immersion permanente dans le Livre,  autrement dit dans la liberté libre. Je fais ce que j’entends et n’attends rien de ce que l’on veut que je sois - l’inverse de la domination sociale -. Le narrateur du roman de Frank Charpentier met l’œuvre du poète au diapason de sa vie et inversement. Ayant tout connu de l’état des hommes et de leur surdité, il peut musicalement traverser l’aventure de la poésie, et l’illuminer d’une autre lecture : l'alchimie du verbe. Prendre chaque phrase, chaque poésie à la lettre. A. R. – Arthur Rimbaud, mais aussi A Réaliser –, L… – le Lien, elle seule  -, sans s’encombrer des fariboles fumeuses et funestes que véhiculent les gloseurs assis. Roman évènement, La Dernière Lettre de Rimbaud est aussi un roman avènement, comme on le dit du printemps.
 
" Mais d'abord, printemps égale pour moi primevères. C'est le signal. Primevères odorantes, perçant dans l'herbe ou sur la mousse, jaunes, roses, d'un rose pâle ou plus foncé tirant sur le rouge ou le mauve, il y en a partout mais surtout derrière la maison de mon grand-père, dans le grand jardin-verger, semés çà et là au pied des pommiers, des cerisiers, des bigarreautiers, des pruniers bientôt en fleur. "
 
D'une saison l'autre, comme des llluminations le roman  :
 
" J'ai embrassé l'aube d'été. "
 
à suivre

Philippe Chauché