" Il y a des jours où l'on aimerait écrire, en parodiant un titre célèbre, le pamphlet suivant : littérature de la misère, misère de la littérature. On y décrirait la curieuse promotion, partout présente, de la lassitude et du désespoir, de la pauvreté d'imagination et de style, ou encore de l'irrationnel au service des managers ( la dernière trouvaille consistant à vous demander d'appeler Divinitel pour trouver, grâce à votre horoscope, l'emploi convenable à votre apparition sous les astres ). On essaierait d'analyser les causes de ce désarroi menant à l'amnésie ou à l'exotisme, au populisme précieux, à la perte de vocabulaire sur fond de fascination pour la douleur. On y ferait à l'inverse, et quitte à provoquer le scandale, l'apologie du détachement et du goût. On citerait en exergue ce mot d'un écrivain français s'étant présenté autrefois sous un masque grec ( "un homme subtil et qui ne laisse rien passer" ) : " Hâte-toi mon ami, tu n'as pas tant à vivre. Je te rebats ce mot, car il vaut tout un livre. Jouis. " On oserait même écrire son nom pour le dénoncer au mépris public : La Fontaine. " (1)
Il n'est finalement pas étrange que les envolées du roman soient en ces temps si peu vues, si peu considérées, si peu comprises. Les terriens aux semelles de plomb, aux gencives aléatoires, et aux élans si peu musicaux, n'y entendent rien.
"... Eléonore aimait beaucoup prendre les autobus, au hasard, dans des villes inconnues. Elle allait jusqu'au terminus ( qu'elle choisissait le plus souvent à cause d'un nom qui l'intriguait - comme à Hong Kong, il s'en souvient, où elle avait voulu monter dans un de ces tramways verts à deux étages, parce qu'il allait " Des Voeux Road West " , puis restait dans le bus jusqu'à ce qu'il la ramène à son point de départ. Il arrivait parfois qu'on ne lui fît pas payer le retour, comme si la mission d'un autobus n'était pas de vous faire parcourir un certain trajet mais de vous conduire à un but, qui n'était atteint que si vous descendiez ; on avait quelques scrupule à vous prendre votre argent pour vous faire voir le même paysage, alors que rien - aucune mission, aucun rendez-vous, aucun monument - ne vous avait attiré dans cette direction... " (2)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les aventures du roman / Philippe Sollers / L'Infini / N°35 / Automne 1991
(2) Le ciel du voyageur / Béatrice Commengé / L'Infini / Gallimard
samedi 31 janvier 2009
vendredi 30 janvier 2009
Le Pianiste et le Peintre
Tout semble fait de cette épaisseur du Temps et de l'Instant, le pianiste ne pose pas, il se pose, s'envole, s'élève, virevolte, plane, redescend, freine de ses ailes immenses - jamais elles ne l'empêchent de voler contrairement à la rumeur - et se pose sur le clavier. D'une oreille il écoute ce que lui dit le vieux Bach, il est là dans la permanence de siècles passés et futurs. Sa musique se danse avec la peau accordée au Temps, c'est aussi simple que ça.
"L'heure nouvelle est au moins très sévère, puisque toutes les heures et tous les siècles sonnent en même temps. Pour l'instant, demandez à n'importe qui, et même à un universitaire ou à un "intellectuel", quels sont ses rapports personnels et concrets (détails à la clé) avec la musique, la sculpture, la poésie, la peinture. Le résultat est édifiant. Par exemple, décrivez-moi ce tableau que vous dites aimer, précisez la chose qui vous touche. Pourriez-vous vivre dans cette toile ? Pourquoi ? Comment ? Jusqu'où ? Vérifiez la force du mauvais goût." (1)
Tout semble léger et piquant, nos paroles se croisent et se mêlent comme nos corps, vous ne voyez que l'Instant de ce Déjeuner sur l'herbe, il y a eu un avant, il y a eu un après, mais c'est le même tableau, le même Déjeuner sur l'herbe. Nos amies aiment la nudité en mouvement, nous misons sur le verbe nu. Grâce leur soit rendue.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les voyageurs du temps / Philippe Sollers / Gallimard
jeudi 29 janvier 2009
Cantar
" N'aimer uniquement que ce qui t'arrive et ce qui constitue la trame de ta vie. Est-il rien, en effet, qui te convienne mieux ? " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Pensées pour moi-même / Marc-Aurelle / trad Mario Meunier / Garnier - Flammarion
lundi 26 janvier 2009
L'Année Chinoise
Notre temps est celui de l'imposture, et il possède son propre accélérateur de mensonges. Personne ne semble s'en émouvoir, cela n'a évidemment aucune importance. Nous sommes quelques uns à miser sur le silence de l'Orient et le rythme de l'Occident et l'inverse.
Notre calendrier est d'aujourd'hui, d'hier et de demain, il affirme sereinement l'immortalité du Temps et de l'Instant.
Nous avons en main des "lames" marseillaises divines, bien malin qui tenterait de nous les dérober :
" Connaître, c'est ne pas connaître ;
voilà l'excellence.
Ne pas connaître, c'est connaître ;
voilà l'erreur.
Qui prend conscience de son erreur
ne commet plus d'erreur.
Le saint ne commet aucune erreur
parce qu'il en prend conscience ;
voilà pourquoi il évite toute erreur. " (1)
Sans crainte nous savons que le Temps est nôtre à l'Instant où nous écrivons, lorsque nous écoutons pour la millième fois, le Concerto n°2 KV 211 en ré majeur de Mozart sous la baguette de Jos van Immerseel, ou la Suite Anglaise n°4 en F majeur de Bach sous les doigts chinois de Glenn Gould, ou encore les Variations Goldberg, BWV 988, enregistrées en 1955 à New York City :
" Le temps, en chinois, est exprimé par le caractère shi (prononcé au 2° ton). Il signifie le temps, l'heure, le moment, l'occasion. Il peut aussi être employé pour dire souvent, de temps en temps, tantôt-tantôt. L'idéogramme en formé de ri, soleil, jour et de zhi, pied, sans oublier l'écho discret de cun, pouce. Le soleil brille, le temps est là, je suis planté sur mes pieds, mon pouce est un soleil sonore, je respire avec les talons. " (2)
Nous, c'est moi et eux, c'est cette traversée du Temps dans l'Instant.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Lao-tseu / Tao-tö king, LXXII / Philosophes taoïstes / traduct. Liou Kia-Hway et Benedykt Grympas relues par Paul Demiéville, Etiemble et Max Kaltenmark / Bibliothèque de La Pléiade / Gallimard / 1999
(2) Les voyageurs du temps / Philippe Sollers / Gallimard
dimanche 25 janvier 2009
La Musique du Temps (2)
" Voici un petit galet blanc sur la plage. J'inscris sur lui, à la peinture rouge, la date de mon choix (avril 1300, par exemple), pour en savoir plus sur tel ou tel évènement "à côté" de l'Histoire. Je le garde quelques jours devant moi, je le charge de questions, d'intentions, puis je le lance dans l'océan. La réponse viendra, elle vient toujours, crabe, crevette, dauphin ou baleine. Ça alors. J'ai ainsi lancé dans l'eau, autrefois, à Venise, au bout de la Dogana, un exemplaire d'un livre sans ponctuation, écrit pendant sept ans, sans discontinuer, Paradis. Il est là, nulle part, ultra-décomposé, enfin publié dans sa fluidité. " (1)
Sollers est cette eau, cet océan, qui porte, transporte, absorbe, nourrit, décompose, recompose, fait fleurir, assouplit, ronge, allume, esquisse, blanchit, ensable les millions de grains de la littérature flottante.
L'écriture est une marée permanente avec ses vagues, ses creux et ses bosses, son calme et sa tempête, ses bleues, ses gris, ses noirs, ses verts, ses noirs, ses transparences, ses éclats, ses brisures, ses biffures, ses gouffres et ses transparences, pour le voir et l'entendre il faut s'embarquer !
" La poésie, dit Ducasse (très à contre-courant), est un fleuve majestueux et fertile. " Embarquons-nous donc sur le fleuve du temps, qui coule dans les deux sens. Attention au splendide mascaret, là-bas, vers l'estuaire et les vignes. L'eau, de bleue devient rouge, mélange alchimique de la douceur et du sel. Le vent de nord-est se lève, avec le voyageur du temps Hölderlin, et voici soudain le pays " où il y a beaucoup de jardins ", où les habitants " s'en tiennent toujours au plus proche ", où on peut aller en silence " sur les chemins couverts de fleurs ". Voilà une phrase qui faut faire tourner dans sa bouche comme un noyau d'olive, forme de méditation de la phrase, art de goûter au roman, à son goût complexe qui ne se révèle qu'ainsi dans le bain salivaire.
Sollers est dans un bateau, s'il tombe à l'eau, que reste-il ? Sollers !
Vous en doutiez ? Allons, un peu de légèreté, un rien d'esprit romanesque, un soupçon de liberté, devenez à cet instant poète-guerrier chinois, poète-musicien, poète-voyageur, poète-peintre, poète-philosophe ou tout autre. On peut d'évidence remplacer poète par écrivain. L'écrivain ne cesse d'écrire, dans le mouvement d'un pied qui se glisse sous le sable chaud, et le regard porté sur une fleur rare des dunes.
" Ça va tout seul : mes tableaux nocturnes sont peints, croyez-moi, je m'en étonne moi-même. Ce sont des improvisations que personne ne verra. Comment évoquer leur persuasion, leur précision, leur présence ? Même les expériences de drogues sont fades en comparaison. L'écriture automatique, les récits de rêves (" parents, racontez vos rêves à vos enfants "), les " sommeils ", les collages, les " cadavres exquis ", les détournements en tous genres, les dérives hallucinées dans Paris étaient de très bonnes idées, et, face à la soumission et au bavardage marchand universel, elles le restent. Présentez-moi un lit, un divan, un canapé, un fauteuil, un tapis, je m'endors immédiatement, le roman continue de plus belle. Temps perdu, temps retrouvé, le livre que je viens de lire sur les découvertes archéologiques en Chine invente de lui-même de nouvelles situations. " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Philippe Sollers / Les voyageurs du temps / Gallimard
samedi 24 janvier 2009
La Musique du Temps (1)
Sollers écrivain, qui en douterait ? Cela se vérifie une nouvelle fois aujourd'hui, dans l'allégresse rayonnante des " Voyageurs du Temps " (1)
Sollers écrivain du beau ? C'est une évidence ! Lisons Roland Barthes :
"... Un jour, je disais de quelque texte qu'il était beau. On se récria : comment peut-on être moderne et parler de beauté ! Notre vocabulaire est si limité (précisément là où les nouveautés surabondent) qu'il faut bien accepter que les mots tournent et reviennent. Je pars des choses et je donne des noms, même usés. Je m'entête donc, et je dis du livre de Sollers qu'il est beau...." (2)
Sollers romancier ? Ouvrons les yeux et les oreilles ! Accordons nous à l'Instant, et au Temps, coulons-nous dans le mouvement permanent du Verbe. Il s'agit d'une écoute très poussée de l'écriture, il faut être un peu musicien pour lire ce qu'écrit le bordelais trapéziste.
Il faut croire d'évidence que certains livres délivrent et que le Verbe sauve, ou l'inverse, c'est comme l'on veut.
Il faut de toute urgence retrouver la saveur du savoir romanesque, et le savoir savoureux du roman.
Questions :
Mais que raconte donc ce roman là ?
Que dit-il de l'art du roman ?
Du monde ?
De de la joie ?
De la musique ?
De la Peinture ?
De la poésie ?
Des histoires qui deviennent de l'Histoire ?
De l'absolue nécessité d'écrire ?
De la Félicité ?
De la Gnose ?
Mais de quoi s'agit-il ?
Quel est ce temps romanesque que traverse ce roman là ?
Réponses :
" Bienheureux celui qui est avant d'avoir été. Car celui qui est a été et sera. " Peut-on trouver meilleure définition dans la bouche de Philippe, du roman de Sollers, qui a bien raison de le placer sous son regard éclairant.
" Tout va très vite, maintenant, en plein dans la cible. Plus de temps mort, pas un moment perdu, enveloppement, lucidité, repos et vertige. Soleil nouveau chaque jour, bleu, gris, froid, chaud, pluie, vent, c'est pareil, mais derrière, à chaque instant, la lumière fait signe. " (1) C'est ainsi que s'ouvre ce roman. On pourrait, gagné par le silence des déesses s'en contenter : trois phrases accordées à la vie, à la musique, et à la nature !
Le narrateur écoute et voit, dans une solitude effervescente : " Comme, une fois de plus, je suis merveilleusement seul et qu'une grande étrangeté me gouverne, je vais faire un tour dans le jardin d'à côté. Je me branche sur ondes mentales ultra-courtes, j'ai besoin de visions, de sons. " C'est un oeil, une oreille, une bouche, une peau, un romancier éclairé. Il s'adonne en silence au tir de précision - le roman peut-être être autre chose ? - dans un Centre secret qui communique mentalement avec un autre Centre de tir, littéraire celui-là, une maison d'édition, qui transforme les manuscrits en or, cette maison édite l'auteur-narrateur, il y occupe une place essentielle, et sur le "plafond" luxuriant de sa tour parfumée, note à la plume d'argent les noms des auteurs qu'il édite. L'Infini, est ce Centre de Tir, placé depuis longtemps dans le viseur des "parasites" diaboliques.
Vérifications choisies et ordonnées :
Louis Althusser - Frédéric Berthet - Amélie de Bourbon Parme - Béatrice Commengé - Marcel Detienne - Alain Fleischer - Philippe Forest - Cécile Guilbert - Pierre Guyotat - Yannick Haenel - Martin Heidegger - Alain Jaubert - Julia Kristeva - François Meyronnis - Catherine Millot - David di Nota - Marcelin Pleynet - Thomas A. Ravier - Valentin Retz - Jacqueline Risset - Dominique Rolin - Clément Rosset - Jean-Jacques Schuhl - Bernard Sichère - Bernard Teyssèdre - Chantal Thomas - Stéphane Zagdanski - c'est ce que l'on pourrait appeler les noms de la pensée et de la littérature d'aujourd'hui, d'hier et de demain, il n'est pas interdit de lire leurs livres, seule condition, bien s'accorder au Temps, et à l'Instant mobile : " Mon occupation ici ? Tout sauf du travail, un grand jeu à travers la mémoire et l'archive. Je traite mon sujet, à savoir qu'il n'y en a qu'un, sous tous les noms et à travers eux. C'est une grande partie d'échecs, très violente. Son titre ? Ce pourrait être Le Combat spirituel, mais seules quatre ou cinq personnes comprendraient. Inutile de préciser que je ne m'occupe pas des publications du jour, de l'actualité, des débats sociologiques, politiques, idéologiques, c'est-à-dire de la falsification fiévreuse. Les tirages, nécessaires au fonctionnement, me sont indifférents, mais je les accueille avec joie puisqu'ils aident les arbres. " (1) Les livres sauvent les arbres et les font s'élever, personne n'ose le dire, alors que tant et tant de livres n'en sont que leur bûcher !
Il convient à cet instant de faire une pose musicale : les Partitas de Bach par Glenn Gould (enregistrements de 1959 - 1962 )voyez les bleus, les rouges, les gris, les noirs, les blancs, sentez la palpitation de votre oreille qui s'envole dans ce sous-bois qui s'adosse aux Monts de Vaucluse.
Poursuivons : le narrateur-écrivain-tireur-éditeur, traverse Paris, rien à voir, vous pouvez le comprendre avec Paris-Plage, Paris-Servitude-Volontaire, Paris-Olympique, Paris-Bavardages, Paris-Art, Paris-Surdité, Paris-Aveuglement, Paris-Prix-Littéraires, Paris-Vengeance, Paris-Douleur, Paris-Etc-Etc-Etc. et retrouve ses " voyageurs du temps " : " Les livres sont-ils des armes, des messes, des sermons, des lits ? On peut l'imaginer, et ce ne sont pas les volumes des grands vivants locaux qui diront le contraire. Le temps se perd, se retourne, nous irons au bout de la nuit, et le papier bible conserve les traces, comme les manuscrits découverts à Qumrâm, après la Seconde Guerre mondiale, ou ceux de toute une bibliothèque gnostique exhumée par hasard par des paysans, un peu plus tôt, en Egypte, à Nag Hammadi. Des voyageurs du temps ont pris des précautions, ils ont enterré leurs messages pour plus tard ou jamais, essayez de les voir creuser et déposer ces paquets. Les corps disparaissent, les écrits restent, c'est la musique du ciel en enfer. " (1). L'éditeur-écrivain-tireur-narrateur invite ces " voyageurs du temps ", et ils sont là, ils n'ont pas pris une ride, légers, attentifs, vifs, les yeux dans les floraisons du temps, et sur l'écrit, dans l'Instant libéré de toutes les obscénités bien rodées, ils sont le temps du Verbe. Ce roman est leur histoire traversée par la flêche invisible de l'écrivain-narrateur-éditeur-tireur.
Musique et Verbe, Verbe et Musique, Pensée active et position du tireur debout dans la tempête.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Les Voyageurs du Temps / Philippe Sollers / Gallimard
(2) Sollers écrivain / Par-dessus l'épaule (1973) à propos de "H" / Roland Barthes / Seuil
mardi 20 janvier 2009
L'Instant Visible
Si Près du Ciel (2)
C'est finalement la seule chose qui m'importe dit-il, être là, tout en étant ailleurs, ici dans le mouvement de l'Instant, sans oublier une seconde que ce temps là, ce présent troublant, est autre, le temps présent est une partition où tous les temps se mêlent, c'est ainsi que le corps s'aventure dans son immortalité, je m'imagine le scandale que peut déclencher de tels propos, mais après tout, sans le vouloir, j'ai souvent déclenché mille scandales. Je me suis assis au pied de l'arbre, à l'ombre, livre ouvert, c'est une fusée qui vous fait traverser l'espace et le temps, livre ouvert, comme une peau qui résonne de mille musiques anciennes, que l'on dit anciennes, simplement par peur du beau, le beau effraie, le beau retourne le diable et lui renvoie son image de douleur et de pleurs, livre ouvert comme un regard soyeux sur le vieux peintre qui accroche ses toiles dans ce palais où la vibrante lumière de la Bible résonne par touches légères. C'est le principe ajoute-t-il, le Verbe fait apparaître le vrai visage du temps, le Verbe est le seul éclairage réel, le reste n'est que mensonge organisé et terreur diabolique, voyez ce que produit ce Verbe dit-il, ce Verbe est un miracle, et c'est de ce miracle permanent que va naître la vibration absolue de mon corps.
" Au principe était le Verbe, le Verbe était chez Dieu et le Verbe était Dieu.
Il était au principe chez Dieu.
Tout a existé par lui et rien de ce qui existe n'a existé sans lui.
En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. " Voilà, vous venez de lire, d'entendre, ce qui se dit, ce qui s'écrivait et s'écrit chaque jour et que je vois vivement au pied de mon arbre, c'est ce qu'il écrit en marge du livre ouvert sur ses genoux, je suis dans la joie ajoute-t-il, et c'est un autre scandale.
à suivre
Philippe Chauché
samedi 17 janvier 2009
La Musique Seule (2)
A N. et A.
Tout lui semble simple, lumineux dirons-nous, éclatant, éblouissant, accordé à l'Intant. Il rayonne. Alors que l'on voudrait l'enfermer dans la douleur et le tremblement, alors que..., mais avec ses " amis choisis ", il défit le temps et ses partitions le prouvent. Il suffit d'écouter d'une peau attentative. La musique s'écoute ainsi, la peau alerte en accord avec le temps.
Cette année devrait être la sienne, non comme une nécessité mais une évidence, trop de musiques s'imposent, fracturent les fenêtres de notre raison, alors que lui, souffle d'un vent luxuriant et amoureux. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il n'est pas frappé par quelques dérichures glaciales. Mais la musique est là, elle a un seul devoir : Etre.
Regardez, écoutez, cet homme rayonnant, et amoureux du nerf de la musique.
à suivre
Philippe Chauché
Tout lui semble simple, lumineux dirons-nous, éclatant, éblouissant, accordé à l'Intant. Il rayonne. Alors que l'on voudrait l'enfermer dans la douleur et le tremblement, alors que..., mais avec ses " amis choisis ", il défit le temps et ses partitions le prouvent. Il suffit d'écouter d'une peau attentative. La musique s'écoute ainsi, la peau alerte en accord avec le temps.
Cette année devrait être la sienne, non comme une nécessité mais une évidence, trop de musiques s'imposent, fracturent les fenêtres de notre raison, alors que lui, souffle d'un vent luxuriant et amoureux. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il n'est pas frappé par quelques dérichures glaciales. Mais la musique est là, elle a un seul devoir : Etre.
Regardez, écoutez, cet homme rayonnant, et amoureux du nerf de la musique.
à suivre
Philippe Chauché
vendredi 16 janvier 2009
Méditations
"... 1. Action de méditer. La méditation que je fis hier m'a remploi l'esprit de tant de doutes qu'il n'est plus désormais en ma puissance de les oublier. Desc. Médit. II. 1. Semblable à quelque chose de cet ancien que l'on dit qu'il se creva les yeux pour n'être pas distrait dans ses méditations philosophiques. Font. Amontons... L'esprit humain ne peut rien créer ; il ne produira qu'après avoir été fécondé par l'expérience et la méditation. Buff. Récept. Acad. Anciennement, chambre des méditations, chambre disposée dans certains monastères pour méditer. Parmi les superstitions dangereuses de ces temps, il y en avait une capable d'égarer les esprits : c'était une chambre de méditations ; les murs étaient peints de représentations de démons, de tourments et de flammes, éclairés d'une lueur sombre ; une imagination sensible et faible en était souvent frappée jusqu'à la démence. Volt. Moeurs, 174. " Émile Littré / Dictionnaire de la langue française
" Lorsqu'un corbeau pousse un cri de mauvaise augure, ne te laisse pas emporter par ton idée. Mais distingue aussitôt en toi-même et dis-toi : " Ceci ne peut rien présager pour moi, mais seulement pour mon pauvre corps, mon petit avoir, ma gloriole, mes enfants ou ma femme. Quant à moi, tout est de bon augure, si je le veux ; car quoi que soit ce qui arrive, il dépend de moi d'en tirer avantage. " (1)
" Nouvelle apnée littéraire, nouvelle plongée dans le corps méditant, le contraire de la chair militante. Cela demande une absolue concentration, et cela passe une nouvelle fois par le corps de mes fées amoureuses du temps. J'ai dans les mains l'un de mes livres de voyage. Un livre pendule, qui me donne avec précision le point de tension d'où naît la force magnétique du roman : " Les fleurs ont suscité dans l'espace, pour se féconder, des pétales qui se plient, qui se déplient, qui volent. Les Français les nomment papillons. Ressemblance qui va vers elle-même. " Angels m'accompagne dans cette dérive lumineuse, elle déploie ses ailes de grâce et nous inventons une autre géographie de la peau. Le face à face dure quelques minutes, pas d'effondrement, mais un lâcher prise très lent. Je me faufile entre ses cuisses, et cela dure des siècles. J'entame alors une longue et divine méditation silencieuse, le temps s'épaissit, s'approfondit. Angels devient transparente, sa respiration écho de ma voix, son murmure prolonge mes silences. Nous poursuivons longtemps ce déplacement dans le temps... " (2)
" Qui a vu ce qui est dans le présent a tout vu, et tout ce qui a été de toute éternité et tout ce qui sera dans l'infini du temps ; car tout est semblable et de même aspect. " (3)
Exercices méditatifs de saison :
1) se munir d'une belle truffe noire, choisir des "campagnoli", leur cuisson doit être précise, pas plus de 7 minutes, ajouter un pouce de beurre salé, quelques goûtes d'huile d'olive vierge, et un nuage de poivre doux, servir dans une assiette profonde, puis avec une râpe conique, piqué de copeaux noirs le jaune lumineux de la "pasta", à servir très chaud accompagné d'un vin blanc de Châteauneuf du Pape.
2) choisir avec attention des vêtements chauds de couleur sombre que l'on relèvera d'un éclat de vermillon, foulard, pochette, etc.
3) avoir toujours à porter de peau, trois ou quatre dictionnaires différents, et les ouvrir au hasard non pour la connaissance mais pour l'amusement et la curiosité.
4) sourire lorsque l'on dit du mal de Claudel et de Céline.
5) s'offrir tous les soirs dix minutes de silence.
6) disparaître de temps en temps.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Epictète / Manuel / XVIII / traduc. Mario Meunier / Garnier Flammarion
(2) Esquisses du bonheur / Roman
(3) Marc-Aurelle / Pensées pour moi-même / Livre VI / XXXVII / traduc. Mario Meunier / Garnier Flammarion
" Lorsqu'un corbeau pousse un cri de mauvaise augure, ne te laisse pas emporter par ton idée. Mais distingue aussitôt en toi-même et dis-toi : " Ceci ne peut rien présager pour moi, mais seulement pour mon pauvre corps, mon petit avoir, ma gloriole, mes enfants ou ma femme. Quant à moi, tout est de bon augure, si je le veux ; car quoi que soit ce qui arrive, il dépend de moi d'en tirer avantage. " (1)
" Nouvelle apnée littéraire, nouvelle plongée dans le corps méditant, le contraire de la chair militante. Cela demande une absolue concentration, et cela passe une nouvelle fois par le corps de mes fées amoureuses du temps. J'ai dans les mains l'un de mes livres de voyage. Un livre pendule, qui me donne avec précision le point de tension d'où naît la force magnétique du roman : " Les fleurs ont suscité dans l'espace, pour se féconder, des pétales qui se plient, qui se déplient, qui volent. Les Français les nomment papillons. Ressemblance qui va vers elle-même. " Angels m'accompagne dans cette dérive lumineuse, elle déploie ses ailes de grâce et nous inventons une autre géographie de la peau. Le face à face dure quelques minutes, pas d'effondrement, mais un lâcher prise très lent. Je me faufile entre ses cuisses, et cela dure des siècles. J'entame alors une longue et divine méditation silencieuse, le temps s'épaissit, s'approfondit. Angels devient transparente, sa respiration écho de ma voix, son murmure prolonge mes silences. Nous poursuivons longtemps ce déplacement dans le temps... " (2)
" Qui a vu ce qui est dans le présent a tout vu, et tout ce qui a été de toute éternité et tout ce qui sera dans l'infini du temps ; car tout est semblable et de même aspect. " (3)
Exercices méditatifs de saison :
1) se munir d'une belle truffe noire, choisir des "campagnoli", leur cuisson doit être précise, pas plus de 7 minutes, ajouter un pouce de beurre salé, quelques goûtes d'huile d'olive vierge, et un nuage de poivre doux, servir dans une assiette profonde, puis avec une râpe conique, piqué de copeaux noirs le jaune lumineux de la "pasta", à servir très chaud accompagné d'un vin blanc de Châteauneuf du Pape.
2) choisir avec attention des vêtements chauds de couleur sombre que l'on relèvera d'un éclat de vermillon, foulard, pochette, etc.
3) avoir toujours à porter de peau, trois ou quatre dictionnaires différents, et les ouvrir au hasard non pour la connaissance mais pour l'amusement et la curiosité.
4) sourire lorsque l'on dit du mal de Claudel et de Céline.
5) s'offrir tous les soirs dix minutes de silence.
6) disparaître de temps en temps.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Epictète / Manuel / XVIII / traduc. Mario Meunier / Garnier Flammarion
(2) Esquisses du bonheur / Roman
(3) Marc-Aurelle / Pensées pour moi-même / Livre VI / XXXVII / traduc. Mario Meunier / Garnier Flammarion
jeudi 15 janvier 2009
Lecture
"...1. Action de lire. Ah ! seigneur, ce billet n'est point coup d'aventure ; C'est pourquoi hâtez-vous d'en faire la lecture, Mairet, Soliman, III, 2. / Particulièrement. Action d'une personne qui lit à haute voix. On fit la lecture du contrat de mariage en présence des parents. Tous les dimanches il fait la lecture à sa famille. Outre la lecture assidue que chacun en devait faire en particulier (de la loi, chez les Juifs), on en faisait tous les sept ans, dans l'année solennelle de la rémission et du repos, une lecture publique et comme une nouvelle publication, à la fête des Tabernacles, où tout le peuple était assemblé durant huit jours, Boss. Hist. II, 3... 2. L'action, l'habitude de lire seul et des yeux, pour son instruction ou son plaisir... La lecture apprend aussi, ce me semble, à écrire. Sév. à Mme de Grignan. " Emile Littre / Dictionnaire de la langue française.
Je l'écoutais lire, dans cette liberté absolue du verbe révélé et du corps libéré.
" Cher ami,
Je t'ai fait un peu attendre, et suis même honteux d'avoir été prévenu, mais je t'apporte en dédommagement une grande nouvelle :
Il est revenu !...
D'un petit voyage, presque rien. Voici les stations : Bruxelles, Rotterdam, Le Helder, Southampton, Gibraltar, Naples, Suez, Aden, Sumatra, Java (deux mois de séjour), le Cap, St-Hélène, Ascension, les Açores, Queenstown, Cork (en Irlande), Liverpool, Le Havre, Paris et toujours, pour finir... à Charlestown.
Par quelle série de trucs épatants a-t-il exécuté ces carapates, c'est ce qui serait trop long à expliquer : je me contente de te coller ci-joint quelques janbon-d'hommes absolument authentiques.
Il était, - une chose déprimante - (à) Charlest(own) depuis le 9 décembre : silence sur cela ! D'ailleurs, ce n'est pas fini, et (nous) verrons, paraît-il, bien d'autres (aventures). C'est tout pour le (moment). La débauche illusoire que voici vaut mieux que tout commentaire.
A bientôt,
TA VIEILLE DELAHAYE. " (1)
" Début racinien : avec une complaisance douce : " Vous me voyez ? Vous me voulez toucher ? " (2)
" En lisant Pierres, il m'est arrivé plus d'une fois de me demander s'il ne s'agissait pas d'un langage confiné dans ses propres significations, sans autre réalité que ses prestiges. " (3)
Voilà, il ouvre ce livre, et sur l'instant saisit ce qui l'habite, ce qui le fait s'envoler dès la première phrase, ce qu'il trouve ligne à ligne, un art absolu fait de lenteur et de vitesse, d'écoutes et de lectures, d'Histoire, de sensations, de couleurs, de musiques, de peau et de guerres, un art de la phrase et de l'acte vital. Qui sait d'où elle vient et où elle va cette phrase ?
Ce livre fait des miracles se dit-il, il faudra que j'écrive moi aussi deux ou trois choses sur lui ! Les livres décidément nous apprennent à écrire.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Lettre d'Ernest Delaye à Ernest Millot / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(2) Incidents / Roland Barthes / Aux Éditions du Seuil
(3) Caillois / Fascination du Minéral / Exercices d'Admirations / E. M. Cioran / Quarto / Gallimard
Je l'écoutais lire, dans cette liberté absolue du verbe révélé et du corps libéré.
" Cher ami,
Je t'ai fait un peu attendre, et suis même honteux d'avoir été prévenu, mais je t'apporte en dédommagement une grande nouvelle :
Il est revenu !...
D'un petit voyage, presque rien. Voici les stations : Bruxelles, Rotterdam, Le Helder, Southampton, Gibraltar, Naples, Suez, Aden, Sumatra, Java (deux mois de séjour), le Cap, St-Hélène, Ascension, les Açores, Queenstown, Cork (en Irlande), Liverpool, Le Havre, Paris et toujours, pour finir... à Charlestown.
Par quelle série de trucs épatants a-t-il exécuté ces carapates, c'est ce qui serait trop long à expliquer : je me contente de te coller ci-joint quelques janbon-d'hommes absolument authentiques.
Il était, - une chose déprimante - (à) Charlest(own) depuis le 9 décembre : silence sur cela ! D'ailleurs, ce n'est pas fini, et (nous) verrons, paraît-il, bien d'autres (aventures). C'est tout pour le (moment). La débauche illusoire que voici vaut mieux que tout commentaire.
A bientôt,
TA VIEILLE DELAHAYE. " (1)
" Début racinien : avec une complaisance douce : " Vous me voyez ? Vous me voulez toucher ? " (2)
" En lisant Pierres, il m'est arrivé plus d'une fois de me demander s'il ne s'agissait pas d'un langage confiné dans ses propres significations, sans autre réalité que ses prestiges. " (3)
Voilà, il ouvre ce livre, et sur l'instant saisit ce qui l'habite, ce qui le fait s'envoler dès la première phrase, ce qu'il trouve ligne à ligne, un art absolu fait de lenteur et de vitesse, d'écoutes et de lectures, d'Histoire, de sensations, de couleurs, de musiques, de peau et de guerres, un art de la phrase et de l'acte vital. Qui sait d'où elle vient et où elle va cette phrase ?
Ce livre fait des miracles se dit-il, il faudra que j'écrive moi aussi deux ou trois choses sur lui ! Les livres décidément nous apprennent à écrire.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Lettre d'Ernest Delaye à Ernest Millot / Arthur Rimbaud / Oeuvres complètes / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
(2) Incidents / Roland Barthes / Aux Éditions du Seuil
(3) Caillois / Fascination du Minéral / Exercices d'Admirations / E. M. Cioran / Quarto / Gallimard
mercredi 14 janvier 2009
Désir(s)
"... plusieurs, dit l'Académie, écrivent désir et prononcent de-zir / 1. Envie d'obtenir, d'avoir quelque chose. Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées. Desc. Méth. III, 4. C'est en la paix que toutes Succèdent selon nos désirs ; Comme au printemps naissent les roses, En la paix naissent les plaisirs, Malh. III, 2. Le désir de l'immortalité est le plus violent aussi bien que le plus fort de tous nos désirs, Patru, Plaidoyer 12, dans Richelet. Comme notre esprit... Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Corn. Cinna, II, 1... " Émile Littré / Dictionnaire de la langue française.
Écrivant désir, j'écris vie.
Écrivant la vie, j'écris désir.
" Le soleil levant m'envahit le cerveau, serein, comme libéré d'un poids d'angoisse qui depuis des mois et des mois me faisait tressaillir à la moindre ombre, au moindre bruit, et un calme jamais éprouvé m'envahit. J'ai envie de sortir, de courir dans ce soleil joyeux qui répète : tu es libre. Douceur de ne plus attendre, de ne plus dépendre d'une autre volonté. Personne ne m'enlèvera plus cette douceur, Mattia. Au bords du sentier des fleurs minuscules ont percé, en une nuit ? Et moi, prise par ta volonté, vieux Carmine, je n'ai pas senti le travail du printemps qui frappait contre la terre pour sortir ? " (1)
Il écrit dans le calme solaire de ce matin d'hiver, le bleu du ciel se reflète sur son écritoire, sa bibliothèque déborde de marées éclatantes, de brises de mots, de vagues de phrases, belle façon se dit-il d'aborder cette nouvelle journée, entre désir et silence.
" J'ai tout de suite adoré la légère senteur de chicorée de sa peau - peut-être parce que c'était une senteur sèche, l'essence même de son épiderme de métisse, rien qui vienne des sécrétions accidentelles du corps, sueur ou autre. Elle était d'une propreté rayonnante, et, peut-être pour l'avoir rencontrée au bord de la mer, pour toutes les plages, aussi, où elle m'entraîna par la suite, si j'avais dû la classer dans un panthéon, j'en aurais fait volontiers une divinité de l'eau. " (2)
Il se dit, qu'il écrira toujours sur le désir, cet art d'être dans l'Instant, absolu mouvement intérieur, je suis dans le désir, et j'embrasse tout l'or du temps.
à suivre
Philippe Chauché
(1)L'art de la joie / Gollarda Sapienza / traduct. Nathalie Castagné / Viviane Hamy
(2)Amour noir / Dominique Noguez / L'Infini / Gallimard
Écrivant désir, j'écris vie.
Écrivant la vie, j'écris désir.
" Le soleil levant m'envahit le cerveau, serein, comme libéré d'un poids d'angoisse qui depuis des mois et des mois me faisait tressaillir à la moindre ombre, au moindre bruit, et un calme jamais éprouvé m'envahit. J'ai envie de sortir, de courir dans ce soleil joyeux qui répète : tu es libre. Douceur de ne plus attendre, de ne plus dépendre d'une autre volonté. Personne ne m'enlèvera plus cette douceur, Mattia. Au bords du sentier des fleurs minuscules ont percé, en une nuit ? Et moi, prise par ta volonté, vieux Carmine, je n'ai pas senti le travail du printemps qui frappait contre la terre pour sortir ? " (1)
Il écrit dans le calme solaire de ce matin d'hiver, le bleu du ciel se reflète sur son écritoire, sa bibliothèque déborde de marées éclatantes, de brises de mots, de vagues de phrases, belle façon se dit-il d'aborder cette nouvelle journée, entre désir et silence.
" J'ai tout de suite adoré la légère senteur de chicorée de sa peau - peut-être parce que c'était une senteur sèche, l'essence même de son épiderme de métisse, rien qui vienne des sécrétions accidentelles du corps, sueur ou autre. Elle était d'une propreté rayonnante, et, peut-être pour l'avoir rencontrée au bord de la mer, pour toutes les plages, aussi, où elle m'entraîna par la suite, si j'avais dû la classer dans un panthéon, j'en aurais fait volontiers une divinité de l'eau. " (2)
Il se dit, qu'il écrira toujours sur le désir, cet art d'être dans l'Instant, absolu mouvement intérieur, je suis dans le désir, et j'embrasse tout l'or du temps.
à suivre
Philippe Chauché
(1)L'art de la joie / Gollarda Sapienza / traduct. Nathalie Castagné / Viviane Hamy
(2)Amour noir / Dominique Noguez / L'Infini / Gallimard
lundi 12 janvier 2009
Préludes
...1. Terme de musique. Ce qu'on chante pour se mettre dans le ton,pour essayer la portée de la voix. / Ce qu'on joue sur un instrument pour juger si l'instrument est d'accord, et pour préparer la main. 2. Sorte d'improvisation dans le goût des préludes. / Par suite, pièce d'introduction qui précède les fugues. Un prélude de Bach. 3. Fig. Ce qui précède une chose, ce qui la prépare. Par ces délassements sa noble inquiétude de ses justes desseins faisait l'heureux prélude, Corn. Attila, II, 5... Emile Littré / Dictionnaire de la Langue Française.
" Les fleuves s'enfoncent perpétuellement dans la mer. Ma vie dans le silence. Tout âge est aspiré dans son passé comme la fumée dans le ciel. " (1)
" Je commence par déclarer à mon lecteur que dans tout ce que j'ai fait de bon ou de mauvais dans toute ma vie, je suis sûr d'avoir mérité ou démérité, et que par conséquent je dois me croire libre. La doctrine des stoïciens, et de toute autre secte sur la force du Destin est une chimère de l'imagination qui tient à l'athéisme. Je suis non seulement monothéiste, mais chrétien fortifié par la philosophie, qui n'a jamais rien gâté. " (2)
" Sa femme était à côté de lui dans le lit, grande et terrible, faite exactement comme il le fallait pour être là à côté de lui.
Sa femme, c'était une femme à laquelle il souriait.
C'était cela, il lui souriait. Il était obligé de lui sourire.
Il jeta un regard d'horreur à son dos nu.
C'était le destin lui-même, aveugle et fané, que la couverture en glissant avait découvert. " (3)
" J'ai commencé à écrire les phrases de ce livre sur un banc. C'était derrière l'hôtel de Cluny, entre la Sorbonne et le boulevard Saint-Michel. J'étais seul dans le jardin. Il y avait du soleil et des éclats bleus dans les arbres. On était fin mars, le 23 mars. C'était le printemps. Je me suis dit : voilà, ça recommence. " (4)
Il ouvrit les yeux, la nouvelle journée était blanche, éclatante, le jour s'accordait à la tension qui vibrait sous sa peau, prélude à une journée sage et libre. Le monde tournait sur son axe terrible, rien de nouveau sur la planète, s'en éloigner ? s'en occuper ? participer à ce petit théâtre des opérations ? s'en moquer ? n'en rien dire ? n'en rien faire ? il ouvrit ses poumons et en une seconde le monde se transforma, c'est son corps qui le délivrait du temps et l'installait dans l'Instant. La vie à cet instant était un prélude de ce qu'il allait vivre, c'était simple. Il se fit couler un café, s'habilla chaudement, et traversa la rue des Martinets, et la place des Lumières, la lune le salua, elle pouvait maintenant se retirer, il ne marchait pas il volait, lui seul le savait, c'était parfait.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Vie secrète / Chapitre premier / Pascal Quignard / Gallimard
(2) Histoire de ma vie / Préface / Casanova / Robert Laffont
(3) Le faiseur de scandales / Veniamine Kaverine / traduct. Irène Sokologorsky / Éditions Champ Libre
(4) A mon seul désir / Yannick Haenel / Argol
" Les fleuves s'enfoncent perpétuellement dans la mer. Ma vie dans le silence. Tout âge est aspiré dans son passé comme la fumée dans le ciel. " (1)
" Je commence par déclarer à mon lecteur que dans tout ce que j'ai fait de bon ou de mauvais dans toute ma vie, je suis sûr d'avoir mérité ou démérité, et que par conséquent je dois me croire libre. La doctrine des stoïciens, et de toute autre secte sur la force du Destin est une chimère de l'imagination qui tient à l'athéisme. Je suis non seulement monothéiste, mais chrétien fortifié par la philosophie, qui n'a jamais rien gâté. " (2)
" Sa femme était à côté de lui dans le lit, grande et terrible, faite exactement comme il le fallait pour être là à côté de lui.
Sa femme, c'était une femme à laquelle il souriait.
C'était cela, il lui souriait. Il était obligé de lui sourire.
Il jeta un regard d'horreur à son dos nu.
C'était le destin lui-même, aveugle et fané, que la couverture en glissant avait découvert. " (3)
" J'ai commencé à écrire les phrases de ce livre sur un banc. C'était derrière l'hôtel de Cluny, entre la Sorbonne et le boulevard Saint-Michel. J'étais seul dans le jardin. Il y avait du soleil et des éclats bleus dans les arbres. On était fin mars, le 23 mars. C'était le printemps. Je me suis dit : voilà, ça recommence. " (4)
Il ouvrit les yeux, la nouvelle journée était blanche, éclatante, le jour s'accordait à la tension qui vibrait sous sa peau, prélude à une journée sage et libre. Le monde tournait sur son axe terrible, rien de nouveau sur la planète, s'en éloigner ? s'en occuper ? participer à ce petit théâtre des opérations ? s'en moquer ? n'en rien dire ? n'en rien faire ? il ouvrit ses poumons et en une seconde le monde se transforma, c'est son corps qui le délivrait du temps et l'installait dans l'Instant. La vie à cet instant était un prélude de ce qu'il allait vivre, c'était simple. Il se fit couler un café, s'habilla chaudement, et traversa la rue des Martinets, et la place des Lumières, la lune le salua, elle pouvait maintenant se retirer, il ne marchait pas il volait, lui seul le savait, c'était parfait.
à suivre
Philippe Chauché
(1) Vie secrète / Chapitre premier / Pascal Quignard / Gallimard
(2) Histoire de ma vie / Préface / Casanova / Robert Laffont
(3) Le faiseur de scandales / Veniamine Kaverine / traduct. Irène Sokologorsky / Éditions Champ Libre
(4) A mon seul désir / Yannick Haenel / Argol
dimanche 11 janvier 2009
La Courbe du Temps
Je fixe les éclats d'or du plafond de mon atelier d'écriture, et les couleurs se diffusent dans mon sang, respire dans le tumulte ambré de la musique, et observe avec chaleur les mains de la pianiste, c'est un volcan, une effusion, une fleur.
Tout est très simple, j'ouvre les fenêtres de mon atelier et souris à la rue.
" Par une logique singulière, le sujet amoureux perçoit l'autre comme un Tout (à l'instar du Paris automnal), et, en même temps, ce Tout lui paraît comporter un reste, qu'il ne peut dire. C'est tout l'autre qui produit en lui une vision esthétique : il le loue d'être parfait, il se glorifie de l'avoir choisi parfait ; il imagine que l'autre veut être aimé, comme lui-même voudrait l'être, non pour telle ou telle de ses qualités, mais pour tout, et ce tout, il le lui accorde sous la forme d'un mot vide, car Tout ne pourrait s'inventorier sans se diminuer ; dans Adorable ! aucune qualité ne vient se loger, mais seulement le tout de l'affect. Cependant, en même temps qu'adorable dit tout, il dit aussi ce qui manque au tout ; il veut désigner ce lui de l'autre où vient s'accrocher spécialement mon désir, mais ce lieu n'est pas désignable ; de lui, je ne saurai jamais rien ; mon langage tâtonnera, bégaiera toujours pour essayer de le dire, mais je ne pourrai jamais produire qu'un mot vide, qui comme le degré zéro de tous les lieux où se forme le désir très spécial que j'ai de cet autre-là (et non d'un autre). " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Fragments d'un discours amoureux / Roland Barthes / Collection " Tel Quel " aux Éditions du Seuil
Tout est très simple, j'ouvre les fenêtres de mon atelier et souris à la rue.
" Par une logique singulière, le sujet amoureux perçoit l'autre comme un Tout (à l'instar du Paris automnal), et, en même temps, ce Tout lui paraît comporter un reste, qu'il ne peut dire. C'est tout l'autre qui produit en lui une vision esthétique : il le loue d'être parfait, il se glorifie de l'avoir choisi parfait ; il imagine que l'autre veut être aimé, comme lui-même voudrait l'être, non pour telle ou telle de ses qualités, mais pour tout, et ce tout, il le lui accorde sous la forme d'un mot vide, car Tout ne pourrait s'inventorier sans se diminuer ; dans Adorable ! aucune qualité ne vient se loger, mais seulement le tout de l'affect. Cependant, en même temps qu'adorable dit tout, il dit aussi ce qui manque au tout ; il veut désigner ce lui de l'autre où vient s'accrocher spécialement mon désir, mais ce lieu n'est pas désignable ; de lui, je ne saurai jamais rien ; mon langage tâtonnera, bégaiera toujours pour essayer de le dire, mais je ne pourrai jamais produire qu'un mot vide, qui comme le degré zéro de tous les lieux où se forme le désir très spécial que j'ai de cet autre-là (et non d'un autre). " (1)
à suivre
Philippe Chauché
(1) Fragments d'un discours amoureux / Roland Barthes / Collection " Tel Quel " aux Éditions du Seuil
samedi 10 janvier 2009
Un Certain Ravissement
Ravissements :
- le nu et le verbe
- le silence de Bach
- le sourire des musiciennes
- le vin blanc de Châteauneuf du Pape
- les éclats savants du bonheur
- ceci : " Les mots, comme des grains de café, demandent à être torréfiés en nous pour devenir délectables. " - Natalie Clifford Barney / Nouvelles Pensées de l'Amazone / Éditions Ivréa
- le doute
- certains alcools
- écrire
- dormir
- leur peau
- mes mains
- ceci : " Ce que je redoute par-dessus tout, c'est que ma peinture puisse paraître habile " Gong Xian / Les idées des autres / Idiosyncratiquement compilées par Simon Leys pour l'amusement des lecteurs oisifs / Plon
- les dérives nocturnes
- ne rien faire
- les savantes aventures du corps
- la Bible
- mes amoureuses
- cela : " Je ne suis pas sans connaître mes privilèges d'écrivain ; dans certains cas j'ai pu constater combien le goût se "corrompt" au contact de mes ouvrages. On n'en peut tout simplement plus souffrir d'autres, surtout s'ils traitent de philosophie. " Friedrich Nietzsche / Ecce Homo / traduct. Alexandre Vialatte / 10-18
- la nudité vivace
- le silence dégusté
- l'art de ne rien dire
- ceci : " Ce n'est qu'au milieu de tes semblables que tu as le droit de te sentir seul. " Arthur Schnitzler / La Transparence impossible / traduct. Pierre Deshusses / Rivages poche, et cela : " Grâce à Montaigne, j'ai perdu tout complexe d'humilité à l'égard des grands auteurs dont, étudiant, je me gardais de relever et de commenter les obscurités, sinon les absurdités. Puisque, disait-il, les maîtres ne font que s'"entregloser", pourquoi d'interdire de reprendre les pages de l'un d'entre eux , ancien ou contemporain, et de griffonner remarques ou objections qui , même éparses et décousues, pourraient devenir à leur tout des éléments d'un essai personnel ? Montaigne confessait aussi que, quand il se hasardait à une méditation, il ne se sentait pas tenu de traiter à fond son sujet ni de n'en pas changer si cela lui plaisait. C'est devenu ma méthode. " Frédéric Schiffter / le philosophe sans qualités / Flammarion
- la lumière du Sud
- l'éphémère de l'amitié
- le réel
- Proust
- les jeunes filles en fleur
- mes manières d'être et d'écrire
à suivre
Philippe Chauché
mercredi 7 janvier 2009
Fleurs et Merveilles
La mort se porte pour le mieux en ces temps, ses admirateurs diaboliques sont aux affaires, rien de nouveau, simplement un effet plus visible de la domination marchande, le mensonge organisé se porte pour le mieux, et le trafic des corps et des armes fonctionne à merveille. Le Prince, ses courtisans et ses détracteurs avancent leurs Chevaliers, sacrifient leurs Pions, se méfient de leur Fou, et doutent des éclats de leur Roi et de leur Reine, là encore rien de nouveau, tout est simplement plus visible, plus éclatant, plus diabolique, et pourtant :
" Lorsqu'une grande armée se met en mouvement, elle offre de nombreuses failles, en sorte qu'il ait aisé de s'insinuer dans les interstices du dispositif pour en tirer profit sans avoir à livrer combat. C'est là une tactique qui peut être adoptée tant en cas de victoire que d'échec. " (1)
Autre stratagème qui se dévoile ici, l'art du silence, du regard, du corps et du verbe, donc de l'érotisme éclairant :
" L'endroit le plus érotique du corps n'est-il pas là où le vêtement bâille ? Dans la perversion (qui est le régime du plaisir textuel) il n'y a pas de " zones érogènes " (expression du reste assez casse-pieds) ; c'est l'intermittence, comme l'a bien dit la psychanalyse, qui est érotique : celle de la peau qui scintille entre deux pièces (le pantalon et le tricot), entre deux bords (la chemise ouverte, le gant et la manche) ; c'est ce scintillement même qui séduit, ou encore : la mise en scène d'une apparition-disparition. " (2)
Autre façon d'en tirer profit sans livrer combat, miser sur les ondes :
" ... La vibration par laquelle nous constatons l'existence et les limites de notre personne est celle même qui l'a édifiée et qui continue de la maintenir. L'acte créateur essentiel est l'émission d'une onde. L'onde schématiquement peut se définir un mouvement qui, partant d'un centre, gagne tous les points d'une aire circonscrite par la limite qu'il trace en cessant. Elle détermine sur tous ces points un déplacement local, suivi d'une réaction, ou tendance à reprendre le premier lieu, qui nécessite pour être surmontée l'accumulation d'un nouvel effort, la poussée d'une deuxième onde. De là deux mouvements, l'un excentrique du moteur, l'autre concentrique du sujet, les deux temps de la vibration. L'effet de l'onde est une information ou extension d'une certaine forme à l'aire qu'elle détermine. Toute forme est une variation du cercle. J'entends par forme, non seulement le tracé d'une certaine figure, mais, du fait de la fermeture qu'elle établit, la constitution d'un certain milieu, en tant qu'obéissant dans toutes ses parties au rythme qui les compose. Le coup de maillet sur un tambour détermine un être sonore... " (3)
Plus haut, deux jeunes filles nous regardent, elle éclairent le monde de leurs éclats, misons sur cela aussi, stratagème essentiel, la beauté tue le diable !
à suivre
Philippe Chauché
(1) Douzième Stratagème / S'emparer d'une brebis au passage / Les 36 Stratagèmes / Manuel secret de l'art de la guerre / traduct. Jean Levi / Rivages poche / Petite Bibliothèque
(2) Le plaisir du texte / Roland Barthes / Collection " Tel Quel " / Éditions du Seuil
(3) Traité de la co-naissance II / En France, avril-juillet 1900 / Art Poétique / Paul Claudel / Oeuvre poétique / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard
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