« Riquet et Radieuse ne se marièrent pas, n’eurent pas tant d’enfants que ça mais ils s’en donnèrent à cœur joie. Chaque jour fut une fête, chaque nuit aussi » (La Véritable Histoire de Riquet à la Houppe, Gérard Mordillat).
« Sur les feuilles, des lignes et des lignes de Serpents et de Crapauds. Des pages et des pages de lignes entières, et rien d’autre que des Serpents et des Crapauds sur toute la ramette, qu’Alix enchaînait depuis la veille au soir avec l’application confondante d’une élève de CP » (Les Fées, Frédéric Aribit).
Dans ce tourbillon littéraire, un cyclope, une fée, une sorcière, Cendrillon, Riquet, Peau d’Âne, et Barbe-Bleue. Imaginons Riquet à la Houppe qui se pique de la Radieuse Aurore et l’entraîne dans de réjouissantes escapades – Quand elle se rhabilla Radieuse était illuminée, comme un vrai sapin de Noël– dans la MJC Andersen. Riquet qui renaît sous la plume électrique de Gérard Mordillat, l’un des Papoudes contes avec son compère Hervé Le Tellier, et qui ne manque pas d’allant pour nous conter les tumultueuses et sulfureuses aventures de Riquet, le héros à la houppe virevoltante.
Pensons à une fée qui va rendre sa liberté à Samara – Yeux zinzolins qui me boivent dans toute l’eau de l’air – alors que vipères et serpents sortiront de la plume de sa sœur. Frédéric Aribit magnétise ce conte de Perrault, cette histoire d’une mère qui a deux filles, méprise l’une et admire l’autre, et va le payer très cher, un conte moral comme il se doit. L’histoire d’un verre d’eau qui déclenche le verbe, la poésie chez l’une, la terreur chez l’autre, un conte étourdissant où tout l’or des mots n’a pas de prix.
« Il souleva le voile qui couvrait un visage d’une infinie beauté et pour la première fois depuis ce qui semblait avoir duré un siècle, elle regarda un homme de face » (La Belle au bois dormant, Leila Slimani).
« Subtil Poucet, je vous libère dans l’instant mais vous devez auparavant chasser le monstre Cyclope tel que je vous le demande, car son œil unique balaye toute chose, et seulement ensuite il vous sera donné de retrouver les vôtres » (L’Odyssée de Poucet, Manuel Candré).
Leurs contes de Perrault c’est aussi un Chat très numérique en 2.0, Poucet, tel Ulysse qui tue par ruse le Cyclope – Quel est ton nom ? Et Poucet lui répondit : Mon nom est Personne –, Cendrille-Cendrillon qui se transforme et que l’on travestit pour ne pas faire d’ombre à ses sœurs et à sa belle-mère. Ces Contes modernes sont des jeux, jeux littéraires, cette belle passion française, sous l’influence fantasque de Raymond Queneau et Georges Pérec. La contrainte est un chemin de traverse qui s’ouvre sur des plaines et des forêts luxuriantes d’imaginaires et d’escapades déraisonnables.
Les contes s’écoutent avant de se lire, et qui sait bien écouter, sait bien écrire. Nos modernes ici rassemblés ont l’oreille fine et plus d’un tour dans leurs sacs à fictions pour imaginer ces nouvelles aventures de Poucet, de la Belle au Bois Dormant, de Peau d’Âne, ou encore du Petit Chaperon Rouge. Ce recueil est une ruche, où le lecteur, abeille solitaire, vient se réfugier pour y faire son miel. Il a plus ou moins lu Charles Perrault, mais, il a d’évidence en mémoire ces Contes – raconte-moi une histoire, encore une s’il te plaît ! – qui ont traversé plus de trois siècles sans qu’un grain de poussière ne les altère. Parions que ces contes nouveaux soient lus et entendus et suscitent des vocations, comme si la littérature prolongeait à jamais ce plaisir d’écrire et de dire, nos rêves, nos envies, nos frayeurs anciennes et nouvelles.
Philippe Chauché