dimanche 31 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (22)



" Stan - ... je ne joue plus Audrey je ne joue plus stop on ferme
on éteint les lumières
oui on éteint les lumières
j'éteins la lumière tout de suite tout de suite je venu pour te dire ça
je ne suis pas porteur de bonnes nouvelles
j'aurais préféré n'avoir jamais cela à dire
j'aurais voulu comme tout le monde vivre avec toi
jusqu'à cent ans Audrey
faire des projets et savoir qu'ils seront tenus
dire en juillet prochain
dire dans deux ans
dire on fera
dire on ira
dire quand les enfants seront grands
dire quand tu seras vieille
dire quand nous mourrons
dire quand nous seront morts
cela je l'ai dit je me le suis répété à l'intérieur j'y ai cru
j'aurais voulu le vivre
ce n'est pas avec toi que je vivrais Audrey pas avec toi
s'il te plaît ne me regarde pas comme ça je dis les choses
je te dois la franchise
cela n'arrive jamais
pas la franchise
mais le fait de dire les choses
personne personne ne parle aussi longtemps
et alors ?
où est le problème ?
les gens la bouclent
les gens choisissent ce qui demandera pas trop d'effort
alors tu comprends soudain quelqu'un qui l'ouvre et
alors et alors et je commence à peine
tu peux regarder ta montre
et si il y avait des gens ici
si il y avait des gens qui nous regardaient on pourrait
leur dire c'est le moment
si vous voulez sortir sortez allez sortez je
commence à peine ... "

" Audrey - ... tu es qui toi ?
tu étais qui ?
tu es devenu qui ?
on se connaît ?
on s'est déjà vus quelque part ?
on s'est déjà serré la main ?
on a partagé des trucs ensemble une bière un sand-
wich un truc quelque chose toi et moi c'est quoi ton nom ?
c'est quoi ton nom ?
tu as un nom toi ?
on peut te nommer ?
tu es nommable ?
si on t'appelle tu viens ?
si on te siffle tu viens ?
tu as un centre ?
un centre auquel on peut s'accrocher ?
une adresse ?
c'est quoi ton adresse ?
tu as une accroche une chaîne une chose à laquelle
te relier ?
tu peux être joint ?
si on t'approche on touche quoi ?
ne t'inquiète pas je vais pas approcher vraiment pas
envie
si on t'approche on touche quelque chose ou on passe au travers ?
y a quelqu'un là ?
y a quelqu'un ? ... " (1)

C'est la guerre, la guerre sexuelle, deux offensives, deux attaques frontales, un face à face, les mots sont des balles traçantes, les phrases des grenades, le rythme des flèches trempées dans du cyanure : réjouissant.

à suivre

(1) Clôture de l'amour / Pascal Lambert / mise en scène de l'auteur à Avignon avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey / Les Solitaires Intempestifs / 2011

vendredi 29 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (21)



Le geste, la voix et le regard d'un penseur amusé, loin du blabla et du chichi dominant.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 28 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (20)



Il était à Valencia, il sera à Bayonne le 7 août, miracle des miracles taurins.

à suivre

Philippe Chauché

Les Vertiges du Hasard (19)



" La musique est une illusion qui rachète toutes les autres. "
E. M. Cioran

à suivre

Philippe Chauché

lundi 25 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (18)


Deleuze - Qu'est-ce qu'un style ?

Cela pourrait s'appeler la Défense du Style, seule guerre que l'on ne doit en aucun cas perdre, question de vie ou de mort.
Lorsque la mort domine, le style sauve.

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 24 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (17)


Salvator Mundi - Antonello da Messina - 1430-1479

Le corps fuit, il fuit au sens propre sur la scène de l'Opéra Théâtre d'Avignon, le corps se délite, note-t-il, corps d'un vieillard qui pleure, corps au bout du corps qui déroute un autre corps plus jeune, celui du fils. Le père souffre et le fils veille, retournement d'une scène écrite il y a deux mille ans, retournement que ce qui est écrit. (1)

La merda souille la scène première et celle du théâtre, la merda, dernière parole du père, que le fils tente d'effacer.

Sur le concept du visage du fils de Dieu, de Romeo Castellucci c'est cela, pense-t-il sous le regard du Salvator Mundi, immense reproduction du lumineux tableau de Messina, le regard du fils de Dieu se pose sur la douleur du corps, sa perdition et traverse le plateau, regard au creux du notre, pense-t-il, le théâtre comme résurrection et retournement de la déchéance du corps ?

Celles et ceux qui ont connu le dimanche de Pâques à Séville savent de quoi je parle, ajoute-t-il.



à suivre

Philippe Chauché

(1) Sur le concept du visage du fils de Dieu / Romeo Castellucci / Festival d'Avignon jusqu'au 26 juillet

jeudi 21 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (16)



" - Et après on va où ?
- On va pas arriver à temps, il faut traverser toute la ville.
- Tu as lu ce qu'en disait Télérama ?
- C'est trop long, ça nous bloque pour la suite !
- Je te rappelle, il y a trop de bruit, je n'entends rien !
- J'ai rien compris !
- Si on calcule bien on peut tout faire ce soir !
- Les Inrockuptibles en disent du bien, mais pas le Figaro.
- Il va falloir choisir !
- J'ai mon compte !
- Moi, j'ai envie de rire !
- Une heure dix, c'est parfait ça nous laisse le temps de manger une salade.
- T'es jamais contente !
- Il m'a déprimé !
- T'as prévu un parapluie ! "



à suivre

Philippe Chauché

mercredi 20 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (15)



" Tous les hommes sont des comédiens... sauf quelques acteurs. "

et je ne dis rien des femmes !

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 17 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (14)



Les révolutions naissent et s'envolent, note-t-il, et la tragédie en témoigne, ici, c'est l'alchimie des voix et des corps d'admirables comédiens en mouvement qui la porte.
Miser sur le mouvement des corps actifs, comme en chimie, des corps réactifs, où chaque parole est unique, cela s'appelle, ajoute-t-il, un travail de compagnie, c'est rare et même très rare, et le collectif ne peut-être qu'une conjugaison heureuse de paroles particulières illuminées par une idée certaine de la mise en scène, autrement dit, du style.
Le théâtre met en accusation la désolation du monde, et le monde désolé n'a d'autre ressource que celle de se regarder dans un miroir, le théâtre, qui a réfléchi à deux fois avant de le représenter. (1)



à suivre

Philippe Chauché

(1) Yahia Yaïch - Amnesia / Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi / Festival d'Avignon jusqu'à ce soir

jeudi 14 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (13)



Il est des certitudes qui ne méritent aucune remarque, note-t-il, Avignon perdrait de sa superbe sans la présence en chair et en mots de Valérie Dréville et Laurent Poitrenaux, l'un embrasant Karski, l'autre traversant les phrases rebelles de Sylvain George, ainsi va le théâtre, il est le saisissement de l'invisible et de l'indicible.



Les corps perdus, oubliés, réduits et déchirés, trouvent dans le corps de l'acteur, ce que le corps politique ne sait offrir, et c'est tant mieux, là sur le plateau se joue une autre renaissance, un miracle gnostique que seuls peuvent voir les hommes qui savent quitter leur pauvre statut d'humanoïde.


photo Pascal Victor/ArtComArt

à suivre

Philippe Chauché

mardi 12 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (12)



Ce qui fonde une aventure théâtrale ce sont certains mots, certaines phrases, dit-il, une manière de dire et d'entendre, le style, un oeil sur Shakespeare, l'autre sur Claudel, ne cesser d'affirmer la lumineuse nécessité des classiques pour mieux embraser les contemporains.

Défense de l'Infini en cette nuit avignonnaise. Son théâtre : la Maison Jean Vilar.

à suivre

Philippe Chauché

lundi 11 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (11)


Stanislas Nordey

Ce sont des phrases des vivants et des morts, des phrases qui s'élèvent dans le ciel de la cour du Musée Calvet, pense-t-il, elles volent les phrases des écrivains, se croisent, s'élèvent, glissent, retombent pour à nouveau prendre de l'altitude, elles disent le théâtre, cet art vertigineux du hasard. Devant les phrases, il y a des voix qui hier et aujourd'hui traversent Avignon - Nicolas Bouchaud, Jean-François Sivadier, Laurent Poitreneaux, Stanislas Nordey, Valérie Lang, Sophie Mihran, Dieudonné Niangouna, Pascal Rambert, Jean-Pierre Vincent - admirables, profondes, nettes, musicales, des ténèbres ou de la lumières, voix qui ont un corps, un corps du théâtre, pour prolonger le mouvement du corps de l'écrivain. Les voix et les phrases dans la nuit, comme mille étoiles filantes qui dessinent le roman qui s'écrira demain. (1)






à suivre

Philippe Chauché

(1) Théâtre Ouvert / 40 ans : Traversée / proposé par Stanilas Nordey / réalisation Alexandre Plank / France Culture

dimanche 10 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (10)


photo Simon Annand

C'est là un précipité de théâtre, note-t-il, au sens chimique du terme, lorsque le corps solide et insoluble prend naissance de sa confrontation au liquide. Le texte de Jon Fosse est par essence ce corps solide, dans sa beauté noire, sa troublante étrangeté, sa désespérance lumineuse - peut-elle être autre ? La mise en scène de Patrice Chéreau ce liquide qui rend possible la transmutation de Je suis le vent, union sacrée avec les corps des deux acteurs, Tom Brooke et Jack Laskey, est ce que Rimbaud appelait mon alchimie du verbe. (1)







à suivre

Philippe Chauché

ps : suite au Vertiges du Hasard (9) - entendu à propos de Jan Karski ( Mon nom est une fiction ) - " il ne manquait qu'une chose à la fin : Gaza ", " ils tournent en rond les Juifs et ils me fatiguent ", " toujours la même histoire ", " et pendant ce temps Israël surveille ses ghettos, les territoires ", " ridicule d'accuser ainsi l'Amérique ", " blablablablablabla ". Ils tournent dans Avignon et sont consumés par les flammes !

(1)I am the wind / Je suis le vent / Jon Fosse / mise en scène Patrice Chéreau / Festival d'Avignon jusqu'au 12 juillet

jeudi 7 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (9)


photo Nauzyciel
l'admirable Laurent Poitrenaux


" On a laissé faire l'extermination des Juifs. Personne n'a essayé de l'arrêter, personne n'a voulu essayer. Lorsque j'ai transmis le message du ghetto de Varsovie à Londres, puis à Washington, on ne m'a pas cru. Personne ne m'a cru parce que personne ne voulait me croire. Je revois je visage de tous ceux à qui j'ai parlé ; je me souviens parfaitement de leur gêne. C'était à partir de 1942. Etaient-ils aussi gênés, trois ans plus tard, lorsque les camps d'extermination ont été découverts ? Ça ne les gênait pas de se proclamer vainqueurs, ni de faire de cette victoire celle du " monde libre ". Comment un monde qui a laissé faire l'extermination des Juifs peut-il se prétendre libre ? " (1)

Il y avait son regard et son témoignage filmés par Claude Lanzmann, il y avait son livre essentiel (2), l'admirable roman de Yannick Haenel (1), il y a désormais un plateau de théâtre habité, vibrant, saisissant, et d'une justesse bouleversante (3), il y a un metteur en scène qui croit aux corps des comédiens et à la parole qui fait corps. Le style de la fiction.



à suivre

Philippe Chauché

(1) Jan Karski / Yannick Haenel / L'Infini / Gallimard
(2) Mon témoignage devant le monde / Jan Karski / Robert Laffont
(3) Jan Karski ( Mon nom est une fiction ) / Arthur Nauzyciel / Festival d'Avignon jusqu'au 16 juillet

mercredi 6 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (8)

Tombeau pour Cy Twombly




Il passait par Avignon avec la légèreté d'un ange, touché en vol, il s'est couché à jamais. Il nous reste ses toiles et ses photos exposées en ce moment à la Collection Lambert à Avignon, la musique solaire de la couleur.






à suivre au Paradis.

Philippe Chauché

mardi 5 juillet 2011

La Mala Educación



C'est l'histoire d'une vedette qui se prend pour une comédienne, d'une starlette abonnée à Télérama et admirée par la gazette rose, elle est souriante mademoiselle Binoche, charmante, égérie du cinéma moderne et très soucieuse de son image qui fleure bon le savon de Marseille. On est heureux pour elle, mais la petite capricieuse contrôle son image à Avignon, choisit ses photographes, en exclut de nombreux, au cas ou ! Et pourtant à Cannes, elle était démasquée et se livrait sous l'oeil des photographes à quelques plaisanteries de potache qui ont amusé les cinéphiles habillés en pingouins. Elle est à la comédie ce que le sieur Onfray est à la philosophie, c'est peu de l'écrire. Taxi !

à suivre

Philippe Chauché

Les Vertiges du Hasard (7)


photo Maurizio Melozzi

" Il serait utile d'écrire les annales de ses désirs, de son âme, cela apprendrait à la corriger, mais aurait peut-être l'inconvénient de rendre minutieux. "
Stendhal - Journal - folio classique - Gallimrd - 2010

- Nous ne sommes pas au théâtre, cessez enfin vos effets et vos manières !
- Mais ma chère, même ici vous êtes en représentation, regardez-vous !
- Quand diable serez-vous un peu sérieux ?
- Rien de plus honnête que ce que vous nommez effets et manières !
- Et rien de plus épuisant !
- Comme vous y allez ! Vous n'avez jamais été aussi ravissante !
- Suffit, servez-moi donc une coupe, et taisez-vous !
- Belle réplique, le spectateur que je suis en est ravi et il vous réserve deux ou trois didascalies piquantes.
- Rideau !


à suivre

Philippe Chauché

lundi 4 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (6)



" La gravité est un mystère du corps inventé pour cacher les défauts de l'esprit. "
François de La Rochefoucauld

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 3 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (5)



" A. - Connaissez-vous Madame de B... ?
B. - Non.
A. - Mais vous l'avez vue souvent.
B. - Beaucoup.
A. - Eh bien ?
B. - Je ne l'ai pas étudiée.
A. - J'entends. "
Chamfort

Ils se connaissaient tellement, que chaque jour, ils se perdaient de vue.

à suivre.

Philippe Chauché

samedi 2 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (4)



" En amour, tout est vrai, tout est faux ; et c'est la seule chose sur laquelle on ne puisse pas dire une absurdité. "
Nicolas de Chamfort

" La grâce de la nouveauté est à l'amour ce que la fleur est sur les fruits ; elle y donne un lustre qui s'efface aisément, et qui ne revient jamais. "
François de La Rochefoucauld

- Tout amour est absurde.
- Si vous l'entendez au sens de discordant, je ne peux que vous suivre.
- Disons, qu'il est par essence atteint de surdité.
- J'ajouterai, que ce qui me donne de l'appétit c'est sa discordance extravagante.
- A condition de se boucher les oreilles !
- Admettez que parfois quelques ébats s'accordent.
- Vous avez raison, mais très vite, la dissonance s'installe.
- Nous serions donc, d'après vous, à jamais condamnés à jouer faux ?
- Tout le secret de l'amour consiste justement à s'ajuster en permanence.
- Je reconnais là votre optimisme !
- Détrompez-vous, c'est simplement une question de survie.

à suivre

Philippe Chauché

vendredi 1 juillet 2011

Les Vertiges du Hasard (3)



" Ils étaient allongés tous les deux maintenant, silencieux, et le colonel sentait battre le coeur de la jeune fille. Il est facile de sentir battre un coeur sous un chandail noir tricoté par quelqu'un de la famille ; et la chevelure sombre gisait longue et lourde, sur le bras valide. Lourde ? Non, songea le colonel, rien de plus léger au monde. Et la jeune fille était là, calme et aimante ; et tout ce qu'ils possédaient était en totale communion. Il l'embrassa sur la bouche, doucement et avidement, puis ce fut soudain comme s'il y avait eu de la friture sur la ligne, alors que la communication avait été parfaite jusqu'alors.
- Richard, dit-elle. Je regrette que les choses soient si difficiles.
- Il ne faut jamais regretter, dit le colonel. Ne jamais parler de bilans et de pertes, ma fille. " (1)

- Voyez-vous, chère confidente, j'ai tendance a séparer en deux mes fréquentations, celles qui ont lu et relu Au-delà du fleuve et sous les arbres et celles qui, soit ignorent qu'un tel livre fut un jour écrit, soit maudissent à jamais cet écrivain guerrier, chasseur, amateur d'alcools, de toros et de femmes, autrement dit un homme dangereux pour les progrès de l'humanité et avant tout des "femmes en révolte contre les hommes", j'avoue que cette sentence en surprend plus d'une, et me fâche avec tant d'autres, et ce qui me connaissent, n'en seront pas surpris.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Au-delà du fleuve et sous les arbres / Ernest Hemingway / traduc. Paule de Beaumont / Gallimard / 1965