dimanche 27 février 2011

L'Arc et la Flèche (7)



Alberto Giacometti - 1901 - 1966

" Dans un grenier où je fus enfermé à douze ans j'ai connu le monde, j'ai illustré la comédie humaine. Dans un cellier j'ai appris l'histoire. A quelque fête de nuit dans une cité du Nord, j'ai rencontré toutes les femmes des anciens peintres. Dans un vieux passage de Paris on m'a enseigné les sciences classiques. Dans une magnifique demeure cernée par l'Orient entier j'ai accompli mon immense oeuvre et passé mon illustre retraite. J'ai brassé mon sang (1). Mon devoir m'est remis. Il ne faut même plus songer à cela. Je suis réellement d'outre-tombe, et pas de commissions. " (2)

" Faire et défaire chaque Instant pour que seule sa poésie vous donne le tournis. J'écris dans le tournis du Temps en cette après-midi fraîche, éclats de bleus multiples au dessus des tuiles grises, le vent est toujours aussi froid, le jour n'en finit pas, il tournoi dans le tournis du Temps. Le calme est absolu, et ses échos secrets me traversent comme une musique. " C'est ce qu'il vient d'écrire sur un cahier à couverture bleue, écriture à l'encre noire, très ample, l'écriture doit s'ouvrir comme une cape, pense-t-il, c'est dans son ouverture que l'on voit apparaître les méandres du mouvement de sa main, le reste vient ensuite comme un corps. Cela demande beaucoup de silence et une attention particulière aux détails du Temps.

à suivre

Philippe Chauché

(1) c'est moi qui souligne
(2) Illuminations / Arthur Rimbaud / Bibliothèque de la Pléiade / Gallimard

samedi 26 février 2011

L'Arc et la Flèche (6)



« Mozart était l’homme le plus aimable du monde et, quand il voyait qu’on possédait l’intelligence de son art (1), il jouait pendant des heures pour l’homme le plus insignifiant et le plus inconnu. Avec une attention encourageante, il écoutait les essais des jeunes artistes et éveillait par une aimable parole d’approbation la conscience de soi-même qui sommeille. (…) Mozart était un ami des hommes, et désintéressé au plus haut degré. Ainsi n’amassa-t-il aucune fortune. Vivant tout entier dans le royaume des sons, il attachait peu de valeur à l’argent et aux autres biens. Aussi travailla-t-il souvent pour rien, par plaisir ou pour faire le bien. Tout virtuose voyageur (la Paradies, la Strinasacchi, etc.) était certain, s’il pouvait se recommander à lui par le talent ou la moralité, d’en obtenir une œuvre pour soi. C’est ainsi qu’on été composés bien des Concertos pour divers instruments, et une foule d’œuvres pour chant. » Franz Niemtschek (1798) (2)

Mozart seul, mais parfois fort bien entouré d'amis choisis , mais aussi de fées amusantes et fort dévêtues, qui en savent beaucoup sur l'intelligence de son art, ce qui n'est pas une mince affaire, vous en conviendrez, et le musicien sait toujours où il doigt poser ses doigts !
Mozart seul, unique - nous sommes douze, ange et non démon, mais la moraline ne fait plus depuis longtemps ce qu'est un ange. Question de savoir vivre, de savoir être et de savoir composer et jouer : c'est bien parce que je compose, que je vis et que j'aime, Stendhal ne dira pas autre choses un peu plus tard, et tout ce que l'on peut vous raconter d'autre à son sujet ne sont que ragots de gazettes.


" Un jour, le prince karl von Lichnowsky traite Beethoven en domestique, et menace de le faire mettre aux arrêts. Il reçoit en réponse ce billet : « Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je suis par moi-même. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven. »
« Un Mozart, un Beethoven : cette histoire d’un travaille peut-être encore plus la démocratie que l’aristocratie, et pour cause. Nous n’apercevons plus des « milliers de princes », une dizaine tout au plus, cantonnés, avec épouses et enfants, dans les pages people des magazines. Le un serait-t-il désormais uniquement financier, acteur, chanteur, homme politique, académicien, professeur au Collège de France, journaliste, directeur de chaîne, présentateur de télé ? S’agit-il encore d’un un ? Ou d’un uniforme ? Son nom est-il lui-même ou légion ? Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Qu’est-ce qu’un nom ?
Nietzsche a vu venir ce désert ou ce bordel agité : « Le piano, seul être doué d’une âme dans cette société… » (3)

L'Unique sans propriété, et la seule qu'il revendique c'est son talent.
Unique et seul, ce qui veut aussi dire parfois dix ou douze, pas plus, au delà c'est le collectif social qui s'installe, et l'on voit les dégâts, si l'on voit encore !


à suivre

Philippe Chauché

(1) c’est moi qui souligne
(2) Wolfgang Amadeus Mozart / Jean et Brigitte Massin / Fayard / 1990
(3) Mystérieux Mozart / Philippe Sollers / Plon / 2001

vendredi 25 février 2011

L'Arc et la Flèche (5)



Il note qu'il y a tout d'abord une phrase :
" Un jour, elle qui n'écrit presque jamais, elle m'envoie une lettre. " (1) puis une autre :
" J'ouvre son enveloppe, j'aime recevoir du courrier à l'ancienne, et cette fois mon nom et mon adresse ont été tracés avec de belles lettres calligraphiées de son écriture à elle, une écriture de travailleuse manuelle avec des majuscules élancées et ornementées comme des lettrines. " (1), et une troisième, une quatrième, c'est ce qu'il entend, les phrases faute de les entendre, on ne peut les voir :
" Je sais que ma vie va recommencer, qu'enfin je vais vivre à nouveau, mes cheveux et mes ongles vont se remettre à pousser, la chair va s'épaissir autour de mes os, mes poumons vont se gonfler, mon coeur va battre la musique comme un roulement de tambour, mes yeux vont s'ouvrir dans tout leur éclat et leur couleur, redevenir marron et vert, mes joues vont se remplir, mes lèvres s'affiner, se plisser, et je vais sourire, je vais rire, on entendra de très loin de bruit de ma gorge déployée. "(1), une lettre qui ouvre sur une femme retrouvée, pense-t-il, laissée, seulement laissée, pas un instant abandonnée, il y a dans ces deux décisions capitales une grande différence, laissée seulement, et qui revient par les mots, la lettre est une formule magique pour un amour retrouvé, une manière d'aventure qui commence ; les lettres des femmes et les phrases des romans sont des aventures à venir, question de musique encore une fois, celle-ci vient de loin, question de couleurs aussi, écrire est parfois une affaire de glacis, ils vont ici du plus clair au plus sombre, comme dans " voyage humain ".
Il reprend les phrases :
" Ce ne sont pas des caresses, ce sont des contacts, le toucher pur, tu es toi, je suis moi, mais la barrière n'est pas absolue, il y a des passages, des moments fugitifs, le temps développera le théorème, tu verras. " (1) et celle-ci s'élance, les tenants du petit roman familial devrait la graver sur le fronton de leur pauvre condition, une autre enfin vient :
" Mon rêve caché, depuis des siècles, c'est que mon fils s'appelle David et que ma fille s'appelle Sarah. Mais elle ne veut pas de prénoms juifs et je ne réussi pas à lui prouver la transmission souterraine du judaïsme dans ma famille. "(1), et celle-ci pour vérifier la précédente, les phrases dans les beaux romans, s'éclairent l'une l'autre :
" Elle n'a rien de particulier contre le judaïsme mais étant petite elle subi l'endoctrinement brutal du catéchisme, et depuis elle rejette en bloc toutes les religions sans exception, bouddhisme compris : toutes les religions pulsion de mort, dit-elle. Je proteste que la Bible est en dehors des religions et se sauve par la littérature, que le judaïsme n'est que lecture et mémoire, un exercice de méditation et de transmission, une pratique de lecteurs et d'écrivains, mais elle ne veut rien savoir. " (1), nous y sommes, pense-t-il, en une phrase Marc Pautrel saisit ce qui désaimante les humanoïdes en ces Temps, et les décristallise.
Ce voyage humain se termine dans l'attente, entre deux conseils aux futures mamans et trois affiches, attente de la belle amoureuse prise en main par un médecin, une étape du voyage qui semble mal tourner :
" Sur le mur qui me fait face on a accroché une grande reproduction de Magritte, sous verre. Je ne veux plus jamais vivre ça. " (1)
La vie parfois mène à ça, une certaine peinture aussi, Matisse avait ouvert le bal, Magritte le referme, là encore question de musique, et maintenant : Roman.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Un voyage humain / Marc Pautrel / L'Infini / Gallimard

jeudi 24 février 2011

L'Arc et la Flèche (4)



" La Femme au chapeau nous arrête tout d'abord par sa date, 1905, et le scandale auquel elle donne lieu. Mais il y a bien d'autres raisons pour qu'elle retienne notre attention. Si Matisse écrit en 1908 : " Ce qui m'intéresse le plus ce n'est ni la nature morte, ni le paysage, c'est la figure, c'est elle qui me permet le mieux d'exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que je possède de la vie ", on peut dire que cette prédilection pour la figure s'affirme d'une façon nettement accentuée à partir de 1905. A partir de cette date, la figure se marque quantitativement et qualitativement avec insistance dans le travail du peintre. Enfin, cette Femme au chapeau, qui témoigne de l'abandon décisif du pointillisme et de la méthode néo-impressionniste, est un portrait de la femme du peintre. Certes, Mme Matisse a déjà servi de modèle à son mari, et elle figurera à nouveau dans de nombreuses toiles ; il n'est pourtant pas sans importance que la toile décisive pour le " fauvisme " soit cette peinture. Qu'on voie plutôt comment Matisse définit son intérêt pour l'étude de ce qui le passionne le plus, l'étude de la figure ou du portrait : " La révélation de la vie dans l'étude du portrait m'est venue en pensant à ma mère. Dans un bureau de poste de Picardie, j'attendais une communication téléphonique. Pour passer le temps, je pris une formule graphique qui traînait sur la table et traçai à la plume une tête de femme. Je dessinais sans y penser, ma plume allant à sa volonté, et je fus surpris de reconnaître le visage de ma mère avec toutes ses finesses. Ma mère avait un visage aux traits généreux...
Cette confidence, publiée par le peintre en 1954, est analytiquement trop chargée pour qu'on ne s'y arrête pas au moment où Matisse, avec la Femme au chapeau, s'écarte définitivement de la traditionnelle histoire de la peinture, telle qu'il l'a jusqu'alors étudié. Cette confidence est de toute façon à rapprocher de ce que, dès 1908, il écrit de la figure : " C'est la figure qui me permet le mieux d'exprimer le sentiment pour ainsi dire religieux que j'ai de la vie. " (1)




Figure, chère figure ! Pourrions-nous dire avec Matisse, et d'inviter les peintres d'aujourd'hui à s'y pencher sur les " figures " de Matisse et à leur tour à s'interroger sur " le sentiment pour ainsi dire religieux " qu'ils ont " de la vie ". De tels propos vont paraître pour le moins scandaleux, pense-t-il, car le scandale est là, ou justement on ne croit pas le voir. De même qu'il serait amusant d'inviter les peintres d'aujourd'hui à nous dire où ils en sont avec le portrait, le trait, le visage, les yeux, les rondeurs et les éclats d'une figure. Question sûrement sans fin, et qui dans la plupart des cas restera sans réponse. Mais il est des silences, ajoute-t-il, qui vérifient la déperdition du trait et la destruction de la figure, ce qui semble arranger tout le monde !




Figure, admirable figure ! Le peintre sait ce qu'il vit lorsqu'il dessine et peint, le peintre sait où en est avec la vie, et ce fameux sentiment religieux, ce n'est pas un hasard si l'écrivain poète fidèle à Venise le reste à Matisse, c'est que l'on appelle une concordance des Temps, et à bien savoir l'aimer la peinture n'est pas autre chose qu'une concordance des Temps et des Traits.

" La vérité supérieure, la perfection de ces états intérieurs, par opposition à l'intelligibilité lacunaire de la réalité diurne, la profonde conscience que j'ai de la nature salutaire et secourable du sommeil et du rire, sont en même temps l'analogon symbolique du don des prophètes, et de manière générale de tous les arts, qui rendent la vie digne d'être vécue... et font de l'avenir un présent. " (2)

Seuls les arts vivants - Matisse, Picasso, Vivaldi, Mozart, Lautréamont, seuls les corps, seuls les mots et les silences, la figure seule. Tout le reste n'a au bout du compte aucune importance.


à suivre

Philippe Chauché

(1) Système de la peinture / Marcelin Pleynet / Point / Éditions du Seuil
(2) Chroniques vénitiennes / Marcelin Pleynet / L'Infini / Gallimard

mercredi 23 février 2011

L'Arc et la Flèche (3)



Matisse - Pleynet, ou le roman de la peinture.
Comme le roman, la peinture.
A condition d'entendre dans roman, poésie, comme certaines entendent leur corps comme une peinture, et leurs dessins comme une caresse lumineuse, leurs aventures amoureuses comme une poésie.
Comme d'autres élus - nous serons douze -, écrivent comme Matisse découpait ses papiers légers et musicaux, la même allégresse, la même délicieuse beauté du geste.

Lisons et écoutons :

" Des oeuvres comme le Nu bleu, souvenir de Biskra (1907), L'Atelier rouge (1911), Femmes à la rivière (1913/1916), le Portrait de Mademoiselle Landsberg (1914), la Vue de Notre-Dame de Paris (1914), la Porte-fenêtre à Collioure (1914), La Leçon de piano (1916) sont encore présentées comme " abstraction et expérimentation " dans le catalogue de la rétrospective du Musée d'Art Moderne de New York (1992), qui les verse au compte d'on ne sait quelles interventions formalistes et avant-gardistes, quand, comme l'ensemble de l'oeuvre, elles témoignent d'abord et essentiellement de ce que Matisse ne cesse de revendiquer : le luxe, le pur plaisir d'invention que, dans l'enthousiasme de sa désormais toujours nouvelle liberté d'expression, l'artiste s'accorde à lui-même. " (1)



Liberté du peintre, liberté du poète, liberté de l'écrivain, liberté que l'on s'accorde - nous sommes douze, seul acte véritablement révolutionnaire.
La peinture, le roman, la poésie, des bombes à retardement !

à suivre

Philippe Chauché

(1) Comme la poésie la peinture / Marcelin Pleynet / Éditions du Sandre / Éditions Marciana

mardi 22 février 2011

L'Arc et la Flèche (2)



" Elle vint, faisant un effort sur elle-même, et ayant mis devant elle tout son accoutrement d'homme, je l'ai fait commencer par se déchausser, mettre de bas blancs et souliers qui lui allaient mieux. Je me suis assis devant elle en lui disant qu'elle pécherait mortellement si elle me soupçonnait des intentions moins qu'honnêtes, car pouvant être son père, il n'était pas possible que j'en eusse. Elle me répondit qu'elle était bonne chrétienne, mais pas une sotte. Je lui ai tiré moi-même les bas, et lui ai mis des jarretières en lui disant que je n'aurais jamais cru qu'elle eût la jambe si belle, ni la peau si blanche, et elle rit. Flattée par mon éloge, elle n'osa pas s'opposer à la raison que j'ai voulu avoir de louer ses cuisses, que cependant je n'ai pas voulu toucher, ce qui l'édifia. Le fait est qu'elles étaient belles et magnifiques. J'ai vu comme tant d'autre fois que sublata lucerna nullum discrimen inter feminas ( quand la lampe est éteinte, toutes les femmes sont égales ). Proverbe vrai pour ce qui regarde l'amour. L'aimant de l'âme gît sur la figure ; ce peut être une forte preuve que l'homme a une âme tout à fait différente de celle des bêtes. (1)

Casanova écrivain, Casanova amant, plus vivant que jamais, ce qu'un certain Fellini n'a pas voulu voir, ou plus précisément ce qu'il a bien vu, mais qu'il a délibérément décidé de souiller de ces pauvres et laides images ; trop dangereux le vénitien, trop libre.
Mais le Temps fait toujours justice aux écrivains : on lit toujours Histoire de ma vie, quant au film : Taxi ! comme le disait non sans humour un écrivain bordelais.
Plus que jamais se vérifie cette maxime : qui sait lire, sait aimer et inversement.



à suivre

Philippe Chauché

(1) Histoire de ma vie / Volume 11 - Chapitre 1 / Jacques Casanova de Seingalt / Robert Laffont /

lundi 21 février 2011

L'Arc et la Flèche (1)

J'écris avec un certain détachement dans le mouvement raisonné de mes passions, face à la nuit qui s'est installée avec une belle allégresse, la lune qui sait ce qui se joue derrière ces fenêtres éclairées m'accompagne dans ses silences complices.
J'écris et je lis à voix haute ce que j'écris et ce que d'autres ont écrit, il y huit jours, huit mois, huit ans, ou écriront dans huit siècle. Rassurez-vous je serais toujours là pour les lire à voix portée !
J'écris en bonne compagnie et en silence, même si ici et là, la rumeur du monde tante tant bien que mal de le troubler.
Ce soir s'écrit une autre histoire, lisons :



" Je n'ai pas le culte des morts, ni le regret d'un ordre antérieur, et je ne ressens pas être la proie du nihilisme contemporain. Écrivant (renouant avec l'écriture après de longs mois de doute et de silence), j'entre dans le corps de la langue : je m'y suis enfanté ; elle me donne mes articulations, ma chair, mes organes, mon souffle ; toute ma vie, notamment l'épisode libanais dont j'ai entrepris le récit, aboutit à ce moment où l'esprit n'est pas donné par la langue, non pas dans une mystique simpliste, ni dans une révérence à un état idéal qui ne peut qu'être académique, mais en un mouvement qui fait que je ne puis penser, c'est-à-dire exister, qu'en écrivant, et que c'est dans la langue que se trouve la vérité sur ce qui a eu lieu, pour mois, trente ans plus tôt, au Liban, lorsque j'étais en train de parler avec ces hommes armés d'un colt qu'ils portaient à la ceinture, ce que je leur enviais avec l'espèce de douleur enfantine qui me faisait me sentir pauvre, à Siom, devant les frères Orluc qui possédaient un fusil de chasse comme devant les citadins en vacances, habillé à la dernière mode tandis que je portais, moi, de médiocres habits achetés au marché de Buiges et que faisaient ressembler à ces enfants palestiniens ou chiites que j'apercevrais, dans les semaines à venir. (1)


" Vous aimez à ce point la mort , " a murmuré la journaliste.
Aimer la mort, c'est aimer puissamment la vie, avais-je envie de dire à la jeune Belge qu'intriguait ma qualité de Français venu combattre au Liban, et qui était peut-être troublée par moi, mais qui avait des principes et dont le coeur penchait pour la cause palestinienne. J'aurais pu lui dire, aussi, que tuer n'est rien, ou pas grand-chose, et que ce qui nécessite le plus grand courage c'est de continuer à penser ; mais elle ne m'aurait pas davantage entedu.
Elle serai tla première d'une longue liste de femmes qui s'approcheraient de moi pour me dire leur dégoût de ce que je pense ou de ce qu'elles pensent que je suis, moi, pourtant l'être le moins idéologiquement marqué qui soit et, d'une certaine façon, le plus doux du monde. " (1)





* Je suis un être des crépuscules, celui du matin comme celui du soir, et je n'aime rien tant que le brouillard qui éloigne toutes choses et permet à la pensée de se déployer mieux que dans l'écrasement lumineux du plein midi. " (2)

" J'ai quitté soeur Catherine sur la promesse de lui écrire - ce que je n'ai pas fait et qu'elle n'attendait probablement pas que je fasse, ce genre de correspondance n'ayant pas cours, au Liban, la suele qui puisse exister ayant lieu dans le silence des pensées, c'est-à-dire par la prière, ou encore le livre adressé par un revenant à des spectres, dans le filigrane du temps. " (2)

" Ce que je cherchais, dans les ruines de Joun, était aussi insaisissable que l'enfant que je fus, le sourire des vieux rois phéniciens, ou tel visage d'adolescente qui m'observe à la dérobée et dont les yeux s'agrandissent quand elle se met à chanter en elle-même. Indescriptible, aussi l'expérience mystique qui a eu lieu, là, autrefois, et que la seule la poésie pourrait restituer : non pas une restitution poétique mais une tentative pour dire ce qui se dérobe et qui, dans le mouvement de cette dérobade, a donné lieu à la poésie, pour moi qui ne puis, en ce printemps, que relire Rimbaud, tant ma langue menace de se dérober, comme sous l'effet d'une maladie qui me rend suspect tout récit qui ne s'affronterait pas à l'énigme. (2)

Je salue ici l'écrivain et ses récits romanesques, écrire est une guerre livrée aux assis. Alors à l'attaque !

à suivre

Philippe Chauché

(1) La confession négative / Richard Millet / Gallimard
(2) Brumes de Cimmérie / Richard Millet / Gallimard

samedi 19 février 2011

Ainsi va le Temps (70)



" Le rouge à lèvres luisant. Bouche énorme.
Une double ou triple rangée de perles au cou dodu.
Un côté effaré, l'autre en impudence, en outrecuidance brésiloïde. Peau très lisse. Cheveux moussifs... " (1)

Les tenants de la moraline n'aiment guère les écrivains lutins, inconstants et musiciens. Ce n'est pas une surprise, ils ne savent ni chanter, ni aimer, ni dormir, ni écrire, ou alors fort mal.

" Ce ne sont pas vraiment des mots, ce ne sont pas vraiment des notes. Vous ne trouverez ça nulle part au monde. Ce que Billie Holiday émet sort de l'ordre ordinaire, c'est de l'alchimie sonore...
La Grande Dame n'est pas seulement diurne, elle est subversive : nous le savions. Chanter autre chose de si fort que même les mots sont bouleversés, pas dans leurs formes mais dans leurs couleurs : ils n'avaient jamais vu autant de musique de leur vie...
Les mots-notes de Billie Holiday jouent sur la sonance, c'est à dire le caractère subjectif d'un son. Pour une fois, les notes parlent et les mots qui leur sont imposés ne les gênent pas. " (1)

Billy et ses amis, ses amants musiciens : regardez sa voix, écoutez ses yeux, glissez-vous dans le coeur lumineux de la musique, dans la soie des notes, le percale de sa bouche, respirez ce printemps de Harlem tout de grâce transcendé et offrez cette musique unique à votre amoureuse, comme un bouquet de roses blanches.




à suivre

Philippe Chauché

(1) L'âme de Billie Holiday / Marc-Edouard Nabe / Denoël
(2) Alain Zannini / Marc-Edouard Nabe / Éditions du Rocher

vendredi 18 février 2011

Ainsi va le Temps (69)











à Frédéric Schiffter qui n'est pas étranger à cette douche roumaine.

Le Temps de Cioran : un Eclair Foudroyant.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 17 février 2011

Ainsi va le Temps (68)



" Pas d'énergie matinale : quotidienne. Je pourrais jurer que je n'aurais jamais : premièrement posé ma plume sur le papier, et deuxièmement commencé à écrire ce journal, si ce n'était pas nécessité (hygiénique). Ce petit adjectif entre parenthèses doit être pris dans son sens littéral ; il ne s'agit pas d'hygiène de l'esprit, mais du corps ; ces pages insignifiantes sont ce qui me permet de survivre physiquement en ce moment. Qui saura jamais ce qu'a été et c'est qu'est ma vie : " Petit veux, je sais... " ; mais non " ... le véritable enfer est une chose sans bruit ", etc., et même pire. " (1)

Certains écrivains, il est aimable de les avoir à portée de main, comme on peut le souhaiter parfois de certaines femmes, autrement dit, des écrivains, ou des femmes, qui sont simplement là, pour une nouvelle fois vérifier que " rien de mérite de rien ", et cela d'où que l'on écrive, note-t-il, et quoi que l'on écrive.
L'acte d'hygiène évoqué ici par Tommaso Landolfi, est le seul qui puisse nous réjouir, tout le reste n'est qu'un effet de manche.
Ici comme chez Casanova, l'écriture se fait loin du monde et de ses tumultes. Si loin et si près de nous. Qui oserait s'en plaindre ?

" Mon esprit à moi serait une sorte d'alchimie. Tant mieux, car cette science était certainement un peu plus spirituelle que la nôtre. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Rien va / Tommaso Landolfi / Editions Allia / 1995

mardi 15 février 2011

Ainsi va le Temps (67)



Céline parle, Céline danse, toute la semaine entre 20 heures et 20 heures 30 sur France Culture : A voix nue, signé Matthieu Garrigou-Lagrange.

La littérature mise à nue.

La littérature est une guerre que continue de mener cet écrivain infréquentable que les tenants de la Moraline rêvent de rayer à jamais du Temps du roman, comme d'ailleurs ils ont tenté de le faire avec Sade.

1952, Louis Ferdinand Céline reçoit Francine Bloch de la Bibliothèque Nationale de France, l'enjeu : parler littérature.
La littérature cette bombe à retardement qui finit toujours par exploser à la face du monde et des assis qui le composent.



Céline comptable de ses lecteurs, pas plus de six mille dit-il.
Céline lucide : " Je suis une saloperie qu'on aurait du pendre. "
La voix de Céline danse : ça tremble, ça gifle, ça bouscule, ça vibre, ça vit, ça écrit, c'est si rare en ces Temps, que cela mérite notre attention.
Six mille lecteurs de Céline aujourd'hui, allons un peu de sérieux, nous en sommes loin, bien loin et c'est très bien.

à suivre

Philippe Chauché

lundi 14 février 2011

Ainsi va le Temps (66)



Il en va de la musique comme de la peinture et de la littérature, seuls les plus grands ont ici leur place.

à suivre

Philippe Chauché

samedi 12 février 2011

Ainsi va le Temps (65)



" Les inscriptions des marbres du Muséum murmuraient à ses oreilles quand il passait près d'elles vivantes lèvres. " (1)



" Et une fois encore la ville se leva devant moi contre le plat miroir du lac vert et des effleurements brisés et inégaux qui marquaient la limite du désert. La politique de l'amour, les intrigues du désir, le bien et le mal, la vertu et le caprice, amour et meurtre, rôdaient obscurément dans les coins sombres des rues et des places d'Alexandrie, bordels et salons - rôdaient comme de grandes migrations d'anguilles dans la vase des trames et contre-trames. " (1)





" La nuit bleue état givrée d'étoiles et le désert attentif déployait autour de nous ses grotesques amphithéâtres - comme les salles vides d'un grand château de chimère. Une lune falote montait paresseusement dans l'air immobile, sur les dunes au relief sculpté par le vent.
- A quoi penses-tu ? dit ma bien-aimée.
A quoi je pensais ? A un passage de Proclus où il est dit qu'Orphée régnait sur la race d'argent, c'est-à-dire ceux qui menaient une vie " d'argent " ; sur la cheminée de Balthazar, probablement au milieu des cure-pipes et des sculptures indiennes de singes qui n'ont jamais vu, proféré ou entendu le mal, sous le pentacle magique de Pythagore. A quoi je pensais ? A foetus dans sa poche flasque, à la sauterelle tapie dans un champ de blé, à un Arabe citant un proverbe qui se répercutait dans l'esprit. " La mémoire de l'homme est aussi vieille que le malheur. " Aux cailles s'échappant d'une cage brisée, se répandant doucement sur le sol comme du miel, sans aucune velléité de fuite. A l'odeur du lilas de Perse dans le bazar aux parfums. "
(1)

- Vous n'irez pas bien loin avec l'inconstance qui vous caractérise !
- C'est justement la destination que je me suis choisie !


à suivre

Philppe Chauché

(1) Lawrence Durell / Le Quatuor d'Alexandrie / traduc. R. Giroux / Buchet Chastel / 1963

vendredi 11 février 2011

Ainsi va le Temps (64)



Adresse amusée aux gentils chanteurs à textes.

à suivre

Philippe Chauché

jeudi 10 février 2011

Ainsi va le Temps (63)









" Les seins de l'art existent à peine. La peinture leur fait perdre leur vérité et nous les présente comme des fictions.

Voici une vierge au sein gentil, pareil à une pomme parfumée ou à cette petite pomme qu'est le flacon de cristal qui porte un lys, flacon si subtil qu'il rappelle ces ampoules de laboratoire qui se défont comme de la poudre de talc au lieu de se rompre comme du cristal.

Les seins des femmes de Boticelli sont des seins qui semblent leur donner à elles-mêmes le désir d'elles-mêmes.

Les seins que peint Cranach sont des seins de femmes gothiques, idiotes et excitantes.

Les seins voilés de l'art sont plus charmants souvent que les seins nus. Tels les seins de Léonard dans leur robes décolletées en rond.
Mais les plus vrais sont ceux de Tintoret, lui qui peignait sa maîtresse, le sein nu ou qui mettait une petite feuille verte de mûrier entre le corsage et le sein, afin de donner à celui-ci plus de relief et de fraîcheur.

Tintoret ne voulait pas perdre son temps à contempler sa maîtresse complètement vêtue dans les poses qu'elle prenait pour ses nombreux portraits ; et pour ne point perdre le plaisir des yeux, il lui découvrait un sein, un sein opulent de femme à la nudité rustique et exubérante, il le mettait à l'air pour toute l'éternité. " (1)

Il se dit, la transcendance des seins de l'art, née du mouvement des seins vivants, on la saisit sur le motif, et ainsi les seins de l'art vivent sous notre regard.
Ceux, ajoute-t-il, qui savent entendre la lumière, voir la musique, et la suspension du Temps, ceux-là seuls peuvent en toute liberté admirer les seins de l'art.
L'art qui s'éloigne de la vie, et tout aussi inutile, que la vie qui ignore l'art, c'est ainsi, et cela encore une fois, se vérifie sur le motif.
Ces peintres là, savent cela, ils ont dans la main, la vibration permanente des seins qu'ils ont embrassé et qui les ont embrasé.
Il faut à chaque instant épouser un sein de la vie.
Dans nos mains les seins vivent et s'élèvent, il en va de même des seins des toiles du Tintoret, de Léonard de Vinci, de Boticelli et de Cranach.
Les seins de l'art ridiculisent les manchots et les caniches de la vie.

Philippe Chauché

(1) Les seins de l'art / Seins / Ramon Gomez de la Serna / traduc. Jean Cassou, Valery Larbaud et Mathilde Pomès / Ryôan-ji / André Dimanche Editeur /

mercredi 9 février 2011

Ainsi va le Temps (63)



Adresse amusée aux admirateurs d'Hugo Chavez et de Michel Onfray.

à suivre

Philippe Chauché

mardi 8 février 2011

Ainsi va le Temps (62)



" Je te salue, Parti, plein de grâce. Marx est avec toi. Tu es béni entre tous les partis et Lénine, le fruit de ta doctrine, est béni. Saint Parti, père du prolétariat, protège-nous, nous dépourvus de conscience de classe, maintenant et à l'heure de nos déviations. Honneur et labeur ! " (1)

" Discuter avec vous ? Ben voyons. Apprenez d'abord à parler. " (1)

Adresse amusée aux illusionnistes notoires qui se pâment sur toutes les révolutions en cours, et aux nouveaux staliniens qui sévissent ici et là et prennent leurs pauvres désirs poétiques pour une vague réalité sociale.
Comme l'écrivait fort justement Gianfranco Sanguinetti à propos des brigadistes rouges, un petit séjour en prison est très utile à ces serviles illettrés.


à suivre

Philippe Chauché
(1) Jan Zabrana / Toute une vie / traduc. Marianne Canavaggio et Patrick Ourednik / Éditions Allia

lundi 7 février 2011

Ainsi va le Temps (61)



" Peu de chose nous console parce que peu de chose nous afflige. "

Blaise Pascal

à suivre

Philippe Chauché

dimanche 6 février 2011

Ainsi va le Temps (60)



" Il faisait très chaud, il y était question d'un livre et de sainfoin et d'arc-en-ciel. J'avais seize ans, j'ai eu seize ans, je n'aurai plus seize ans, moi qui me sens la jeunesse même. Je n'ai pas vieilli en fait, je n'ai renoncé à rien. " (1)

Souvent elle l'interrogeait sur son âge.
Comment pouvait-il encore dire et faire ce qu'il faisait ?
Elle s'en étonnait, comme elle s'étonnait d'ailleurs de ses étonnements lorsqu'elle se glissait nue sous ses draps de soie noire.
Elle ne comprenait pas qu'il préfère le silence aux emportements.
Elle trouvait surprenant aussi qu'il ne sache rien des films de cinéma qui se projetaient en ces Temps.
Elle a fini par se lasser, ce qui est une belle preuve de jeunesse, de style, et de belles manières classiques.


à suivre

Philippe Chauché

(1) Toxique / Françoise Sagan / Illustrations de Bernard Buffet / Le Livre de Poche

samedi 5 février 2011

Ainsi va le Temps (59)



" Il faut que nous soyons honnêtes envers nous-mêmes et que nous nous connaissions fort bien pour pouvoir user envers les autres de cette simulation philantrophique que l'on nomme amour et bonté. " (1)



Sa mauvaise réputation venait de là, se dit-il, il ne pouvait voir une femme sans la savoir nue.

à suivre

Philippe Chauché

(1) Aurore / Friedrich Nieztzsche / traduc. Julien Hervier / Gallimard

vendredi 4 février 2011

Ainsi va le Temps (58)



Maria, son prénom sonnait comme une cantate, elle embrasait Profession Reporter, éclatante, lumineuse, dansante, amoureuse, troublante, finalement Andalouse.
C'était un Temps où le cinéma savait ce que la Beauté voulait dire, et où la moraline n'avait pas totalement posé sur lui ses sales mains sociales.
La dérive nostalgique lui allait à merveille.
On nous dit qu'elle s'en est allé, alors que les anges l'accompagnent !




à suivre.

Philippe Chauché

Ainsi va le Temps (57)



Après Céline, écrit-il, les tenants de la moraline devraient inviter leurs ouailles déplumées et fort mal habillées à se détourner à jamais des livres de Morand, autre écrivain diabolique.
Que les dormeurs funestes se rassurent, la liste est longue, ils ne manqueront pas de travail cette année. Ils trouveront ici de quoi mourir leur échafaud littéraire.

Voici un texte pour la première publié en 1937, et il se dit, que toute ressemblance avec..., etc. :

" Sous le régime trotskyste des Incas, le hasard et ses désordres avaient disparu ; les statistiques supprimaient l'inquiétude. Ayant accepté de ne rien gagner, chaque citoyen se croyant sûr de ne jamais perdre. Cette organisation parfaite de sécurité collective, ce sybaritisme communiste de la mutualité dura des siècles ; il s'écroula en quelques heures lorsque, fuyant le climat étouffant d'une Espagne médiévale, le " risque-tout " Pizarre apparut au sommet des Andes. Rupture d'équilibre entre les eaux étales du moindre effort et le torrent de la conquête. Certes, les Incas avaient supprimé la faim ; chacun recevait sa farine quotidienne ; mais ce régime débilitant les livra sans défense aux grands carnassiers dont le règne durera tant qu'il y aura des hommes pour qui la vie ne la peine d'être vécue que si elle est sans cesse mise et remise en question. " (1)

L'écrivain ne se doute pas, comme Proust, Pound, Freud, Pleynet, Sollers, et quelques rares autres, qu'une ville va l'éblouir et le réjouir.
Une ville : sa Lumière, ses Canaux, ses Églises, ses Palais, ses Peintres, ses Musiciens et ses Femmes.
Question d'époque affirment les carnassiers de la moraline.
Question de rythme, pense-t-il, amusé par tant de surdité :

" Venise, que Proust appelait " haut lieu de la religion de la Beauté ". ( on comprend que le post-guévariste et médiologue de la moraline Régis Debray tremble à cette idée de religion de la Beauté ) Huit ans plus tôt, Proust, dont alors j'ignorais tout ( bien que mon père le rencontrât chez Madeleine Lemaire - je devais l'apprendre de Proust lui-même, dix ans plus tard ) avait vu Venise à travers Ruskin, mais déjà il se rendait compte de ce que cette religion de la Beauté a d'exigeant. " La Beauté ne fut pas conçue par Ruskin comme un objet de jouissance, mais comme une réalité plus importante que la vie... " Si Proust s'en était tenu à Jean Santeuil il n'eût été qu'un hédoniste ; mais il a souffert, il a dépassé la Beauté, il a donné Swann. C'est pourquoi notre sévère époque lui pardonne ses duchesses. Blanbec, je n'imaginais pas qu'on eût des devoirs envers la Beauté ; elle ne m'était qu'un biais pour échapper à la morale ; et Ruskin, un effroyable raseur, comme dit Bloch.
Je m'entends dire et répéter : " Tu nies le passé, tu refuses le présent, tu t'élances vers un avenir que tu ne verras pas. " Je peux en avoir le coeur net ; surmontant mon peu de goût pour moi-même, j'ai donc pris Venise comme confidente ; elle répondra à ma place. A Venise, je pense ma vie, mieux qu'ailleurs ; tant pis si je montre le nez dans un coin du tableau, comme Véronèze dans La Maison de Lévi. " (2)

Il se souvient de Paul Morand évoquant Marcel Proust. C'était un soir d'hiver sur le petit écran : vitesse, renversement du Temps, phrase qui s'élance, s'éloigne, se retourne, nous embrase, phrase inspirée, phrase de l'Alliance, phrase qui déphrase la langue, phrase miroir, miroir des phrases, stupéfaction, joie, musique et religion de la Beauté, rien de moins se dit-il. Le roman social de la moraline peut se rendormir, un prince charmant viendra sûrement un jour le réveiller. Mais en attendant, quelle paix !

à suivre

Philippe Chauché

(1) La paix dans les esprits / Éloge du repos / Paul Morand / Arléa
(2) Venises / Paul Morand / Le Cercle du nouveau livre / Librairie Jules Tallandier / 1971 / Exemplaire N° 13058

jeudi 3 février 2011

Ainsi va le Temps (56)



Jean-Honoré Fragonard 1732-1806

" Toujours un petit doute à calmer, voilà ce qui fait la soif de tous les instants, voilà ce qui fait la vie de l'amour heureux. Comme la crainte ne l'abandonne jamais, ses plaisirs ne peuvent jamais ennuyer. Le caractère de ce bonheur, c'est l'extrême sérieux. " (1)

" Le sérieux est une fantaisie mélancolique.
Seul le rire des cadavres me fait sourire.
Le sérieux est un pied de nez à la moraline.
Seul le sourire de la jouissance m'amuse.
Si vous en doutez frappez ! " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) De l'amour / Stendhal / Édition de V. Del Litto / Gallimard
(2) Épitaphe anonyme / Cimetière du Barroux

mardi 1 février 2011

Ainsi va le Temps (55)



Adresse amusée aux " amis des animaux ".

à suivre

Philippe Chauché