lundi 12 décembre 2011

Elle et Lui


photo Eugene Robert Richee

" La façon dont j'ai mené ma vie me remplit d'horreur. Car j'ai échoué dans tout : dans l'orthographe, dans l'arithmétique, l'équitation, la natation, le tennis et le golf ; dans la danse, le chant et la comédie ; dans les rôles d'épouse, de maîtresse, de putain et d'amie. Je n'ai même pas réussi à savoir faire la cuisine. Et je ne peux même pas avoir recours à une échappatoire banale en disant que " je n'ai pas essayé ". J'ai essayé de tout mon coeur. " (1)

Et pourtant, elle aura splendidement réussi à irradier le cinéma, et renverser quelques dandy qui ne cessèrent de l'admirer, elle aura, note-t-il, superbement réussi à le déserter non comme une vaincue, mais comme une gagnante obstinée et lucide, préférant se consacrer à bien d'autres choses, et notamment à la fréquentation régulière de son cher Arthur S., sa lucidité magnifique continue à en troubler plus d'un, et pas des moindres, lui, ne cessait de se plonger dans ce regard, comme dans une méridienne, ou mieux un divan ; les regards ne sont jamais perdus pour tout le monde !

" Ce que le dandy aime dans le cabinet du psychanalyste, c'est le divan. Il goûte la possibilité d'y explorer diverses formes de silence. La théorie l'ennuie, les mots de Freud le divertissent. Il juge d'une propre parole, comme si elle avait non seulement un prix, mais aussi une valeur. En état d'apesanteur, il voyage en terre étrangère. " C'était un rêve, rien qu'un rêve ", murmure-t-il.
Mais le divan n'est plus qu'une vieille relique et les oeuvres du Maître sont soldées au rayon " Santé " des grandes surfaces. Des enfants jouent encore avec des jetons conceptuels qui ont nom Inconscient, Refoulement, Névrose, mais ils ont oublié depuis longtemps les règles du jeu. La parole n'a plus de valeur et le silence personne ne l'entend. Le dandy sait que lui non plus ne survivra pas à ses rêves. Il adresse à Freud un sourire de gratitude : ils ne furent pas si nombreux au XX° siècle à avoir donné à l'humour ses lettres de noblesse. " (2)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Le cimetière de la morale / Roland Jaccard / Puf / Perspectives Critiques / 1995
(2) Un climatiseur en enfer / Roland Jaccard / Éditions Zoé / 2000

2 commentaires:

  1. Merci, Philippe Chauché, de m'avoir mise en si bonne place, dans vos liens électifs.
    Belle journée.

    RépondreSupprimer
  2. Freud m'accompagne du matin au soir.
    Il traîne dans mon bureau des effluves de cigares éteints et mâchouillés.
    Je remets parfois en place un coussin maintes fois froissés.
    Il entre :
    -Des pensées surgissent subitement dont on ne sait d’où elles viennent : on n’est pas capable non plus de les chasser.

    Je le vois regarder sa montre gousset et rajuster son gilet. Il murmure:
    - Faute de pouvoir voir clair, nous voulons, à tout le moins, voir clairement les obscurités.

    Plus de trente ans de vie commune et il me tient toujours en haleine, sacré Sigmund!

    RépondreSupprimer

Laissez un commentaire