mercredi 15 août 2012

Confessions


" Il faisait très chaud. Vêtue d'une robe de chambre légère, qui laissait le cou libre, je repassais des dentelles dans la salle à manger. Assis en face de moi, mon mari et Staudenheim causaient. Un couple d'hirondelles qui avait fait son nid sur le large cadre d'un tableau, passant et repassant sans cesse par la fenêtre ouverte, voltigeait au-dessus de nos têtes ;  le soleil, plaqué en larges taches sur le plancher, inondait la chambre de lumière.
- Regarde donc ta femme, dit Staudenheim à Léopold, là en plein soleil, dans toute sa gloire ! Combien de femmes se risqueraient à en faire autant ? On dirait qu'elle s'épanouit dans la lumière.
- Très bien ! Fais la cour à ma femme devant moi ! dit Léopold.
- Devant toi, justement ! répliqua Staudenheim avec une menace d'impatience dans le ton. Si elle n'était pas ta femme, ce n'est qu'entre quatre yeux que je lui ferais la cour. Plains-toi ! au lieu de m'être reconnaissant !
- Comment veux-tu que je te prouve ma reconnaissance ?
- En me permettant de l'embrasser... là, derrière l'oreille.
Il s'était levé et montrait la place du doigt. Son geste fut d'une drôlerie irrésistible et nous éclatâmes tous de rire.
- Et bien, tu permets ?
- Vas-y, dit Léopold. Mais je te conseille de lui tenir les mains, sans cela je ne réponds de rien.
Staudenheim s'était approché de moi par-derrière et, sans me laisser le temps de poser mon fer chaud, il m'avait empoigné les bras et m'avait donné un baiser vigoureux, mais honnête
- Là, maintenant vous pouvez continuer à repasser vos dentelles, dit-il. " (1)

à suivre

Philippe Chauché

(1) Confession de ma vie / Wanda de Sacher-Masoch / L'Infini / Gallimard / 1989

1 commentaire:


  1. ( "En me permettant de t'embrasser...là, derrière l'oreille. "
    il faut lire "l'embrasser" et non "t'embrasser" )

    Au plaisir.

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