lundi 9 mars 2015

Bonnard dans La Cause Littéraire



« Violet dans les gris.
Vermillon dans les ombres orangées,
par un jour froid de beau temps ».
 
Pierre Bonnard devient un instant le peintre aux agendas, notations précises et brèves, à chaque fois un ou deux mots pour dire le temps qu’il fait et le temps qu’il voit – la main du peintre. Beau, pluvieux, beau nuageux, mais aussi vent froid, beau frais, beau froid, ou encore couvert, et ces notations inspirées, précises et pertinentes : au-dessus de tout plane le climat de l’œuvre, ou, il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture, et plus loin, que le sentiment intérieur de beauté se rencontre avec la nature, c’est là le point. Pierre Bonnard le peintre aux mille dessins de poche  rassemblés dans ces petits agendas, à chaque jour son observation, son mot, son trait, à chaque jour sa courbe : corps, natures endormies – que l’on continue à nommer natures mortes –, un coin de table, un saladier, un vase, une tête de cheval, la mer, une voile, un chat, rien de plus, rien de moins. Pierre Bonnard maître des observations marines : son œil est ce sextant qui ouvre la voie à la toile.
 
« Beauté du dessin.
Harmonies de lignes pour les directions et proportions des étendues ».

 
 
Pierre Bonnard, le peintre du mouvement permanent de la couleur – foisonnement de la couleur et de son mouvement interne en moins tellurique que chez Cézanne –, pour s’en convaincre, il faut regarder avec la plus grande et la plus légère attention – légèreté de Bonnard, de plus en plus léger face à la complexité inouïe de la nature, la couleur n’ajoute pas un agrément au dessin ; elle le renforce – sa Femme au chapeau bleu, mais aussi, Le bouquet de mimosasL’escalier du jardin. Il faut aussi voir en tête, ses jaunes, ses rouges, ses bleus, ses verts, couleurs et voyelles où tout n’est que lumière. Des lumières qui se croisent et se mêlent, touches et traces, éclats et fusion, tout un mouvement où le motif se fait couleur, où la couleur devient motif, ces carnets d’Observations en sont la matière et la matrice. Des Observations que l’on pourrait dire d’écrivain, un mot, un dessin, et un tableau s’annonce, semées (ici) comme des notes entre les lignes (qui) confirment l’impression de se trouver dans un sanctuaire de la création (Antoine Terrasse).
 
« 14 Mars 1932 Activité et compréhension sous le signe de la réussite.
15 Mars 1932 … sous le signe de l’apathie.
16 Mars 1932 … sous le signe de l’énergie.
17 Mars 1932 … sous le signe de l’acceptation.
18 Mars 1932 … sous le signe de l’incertain.
19 Mars 1932 … sous le signe de la réserve ».
 
Pierre Bonnard, le peintre des signes. La nature en fourmille, les maîtres du haïku le savent – devant l’éclairsublime est celuiqui ne sait rien ! Matsuo Bashõ – les écrivains aussi – certains en tout cas. Bonnard regarde avec autant d’attention les peintres qu’il admire que la méditerranée qui éclaire sa palette. Encore des signes, ces Observations témoignent de la profondeur, de l’étendue et de la permanence inquiète de sa recherche… autant de jalons d’un exercice continu du regard : comment apprendre à mieux voir, à « voir pleinement » (Alain Lévêque), des signes et des couleurs, il faut avoir dans l’œil ses jaunes et ses rouges, signe de l’énergie vitale qui l’anime même dans ses doutes les plus vifs, je commence seulement à comprendre. Il faudrait tout recommencer…
 
« Beauté particulière.
Beauté générale.

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